"Dans l'écho lointain de nos voix" de Brandon Hobson
L’histoire : Il y a quinze ans, victime d'une bavure, un adolescent amérindien mourait sous les tirs d'un policier.
Submergée par le chagrin, sa famille se délite. Maria, sa mère, est confrontée à la maladie d'Alzheimer dont est atteint son mari. Sonja, sa sœur, mène une vie solitaire, ponctuée de périodes d'obsessions romantiques. Quant à Edgar, le cadet, il s'est perdu dans la drogue pour atténuer son mal-être.
Alors que l'anniversaire de la mort de Ray-Ray approche, Maria se voit confier par les services sociaux la garde d'un jeune Cherokee. Wyatt, véritable tourbillon de vie et de joie, adore raconter des histoires.
La critique de Mr K : Aujourd’hui, je vais vous parler d’un très bon roman mêlant tragédie familiale et voix du passé dans le milieu amérindien contemporain. Sorti dans la collection Terres d’Amérique chez Albin Michel récemment, Dans l’écho de nos voix de Brandon Hobson est un roman envoûtant qui colle au plus près de ses personnages, membres d’une famille dévastée par un drame survenu 15 ans auparavant. C’est beau et profond à la fois.
Ray-Ray, ado amérindien de 15 ans est abattu dans un centre commercial par un policier. C’est une bavure, le coupable s’en tire grâce à une justice expéditive et complaisante. Les autres membres de sa famille ne s’en remettront pas. 15 ans plus tard, le père est atteint d’Alzheimer et sombre de plus en plus, sa femme ex assistance sociale s’occupe de lui et rumine son chagrin et sa colère. Edgar le petit frère a sombré dans la drogue et fait un peu n’importe quoi, il est parti et a rompu avec les autres membres de la famille sauf à l’occasion de rares coups de fil à sa sœur Sonja qui vivote et passe d’aventure en aventure sans vraiment se fixer.
Un jour, les parents se voient confier Wyatt un jeune cherokee qu’ils vont accueillir quelques jours en attendant un jugement qui devrait le confier à ses grands parents. Il va bouleverser les habitudes du vieux couple avec son caractère solaire, son charisme incroyable et sa joie de vivre communicative. Très vite, le mari voit son état s’améliorer, c’en est presque miraculeux et par petites touches chacun va se voir remué, transformé au contact direct ou indirect de ce drôle d’enfant qui sème les belles histoires et les sagesses simples qui font la saveur de la vie.
L’ouvrage se déroule sur quelques jours seulement et on alterne entre les différents points de vue. Chacun mène sa barque donc et on apprend à connaître ces êtres cabossés par le drame initial. Les ressorts sont denses, les plaies anciennes et l’auteur a un don pour exposer tout cela avec simplicité, sans déluge d’effets de manche ou de pathos. C’est donc la vie dans ce qu’elle peut être de plus cruelle qui est livrée ici avec la difficulté de faire son deuil, le poids des années qui se fait sentir, l’addiction dans son aspect dévorant, l’autodestruction et ses mirages trompeurs, la peine et la colère mêlés qui s’enracinent parfois avec le temps qui passe.
En parallèle, une voix singulière s’exprime et revient sur un moment tragique de l’histoire indienne avec la piste des larmes, moment où des tribus amérindiennes ont été humiliées et chassées par les blancs qui les ont bannis de leurs territoires. Petites histoires, légendes et paroles emplies de sagesses font écho aux personnages que l’on se prend à aimer de plus en plus fort. Passé et présent se rejoignent donnant une forme et une force nouvelle au récit qui s’envole vers des horizons insoupçonnés. Au fil des pages, un espoir semble renaître, des moments de joie et d’espoirs s’égrainent, la beauté s’installe, celle des esprits, d’une culture, de l’amour que l’on se porte les uns aux autres. On a le cœur au bord des lèvres quand on referme définitivement cet ouvrage qui touche en plein cœur.
Magnifiquement conduit, construit et écrit, d’une finesse extrême et poétique à l’occasion, voila un roman superbe qui procure un plaisir de lecture simple et puissant à la fois. À lire absolument pour tous les amateurs du genre.