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Le Capharnaüm Éclairé
13 mai 2024

"La Stratégie du lézard" de Valerio Varesi

L’histoire : Dans la ville crépusculaire de Parme, recouverte d’un épais manteau de neige, la pourriture semble se cacher partout : la corruption sévit, la criminalité échappe à tout contrôle et la révolte grandit.
Le commissaire Soneri tente difficilement de réprimer sa colère devant ce désordre incontrôlable. Il doit composer avec trois axes d’investigation, trois faits étranges dont le lien semble impossible à faire. Le premier vient d’Angela, sa compagne, qui rapporte des sons étranges provenant de la rive du fleuve. Se glissant dans l’herbe gelée, Soneri trouve un téléphone portable – sans carte mémoire – et de mystérieuses traces de chiens qui ne vont nulle part. La seconde débute dans un hospice, avec la disparition mystérieuse d’un vieil homme amnésique, et qui semble n’avoir laissé aucune trace. Enfin, la troisième piste d’enquête conduit Soneri vers les pistes de ski sur lesquelles le maire de la ville s’est évaporé : tout le monde savait
qu’il serait là en vacances, personne ne se souvient de l’y avoir vu.
S’il y a bien une chose dont est certain Soneri, c’est que tous ces cas dissimulent une même stratégie : celle du lézard.

 

La critique de Mr K : Retour à Parme aujourd’hui avec une nouvelle enquête du commissaire Soneri sortie il y a peu chez Agullo qui en est à son neuvième opus consacré à cet enquêteur attachant et peu ordinaire qui aime par dessus tout râler et déguster de bons petits plats. Au bout d’un chapitre, on retrouve ses aises directement porté par l’écriture subtile de Valerio Varesi, des personnages charismatiques au possible et un sous-texte sans ambiguïté sur les accointances de gauche de l’auteur. Autant vous dire que je suis sorti ravi de cette lecture.

 

Dans La Stratégie du Lézard, on retrouve Soneri avec pas moins de trois enquêtes sur le dos. Des petits dossiers à priori, du moins pour les deux premiers. Un téléphone portable dont la sonnerie retentit dans la nuit qui le met sur la piste d’une filière de passeurs de drogue usant de méthodes terribles, un vieil homme disparu puis retrouvé mort dans l’escalier de service de son hospice. Presque de la routine, les investigations se mettent en place. Tout se complique, avec une troisième affaire et non des moindres… Le maire de Parme semble avoir disparu alors qu'il effectuait un séjour de sport d’hiver avec de jeunes déshérités, histoire de soigner sa campagne électorale. L’affaire agite les bureaux de la questure et l’ambiance devient lourde dans la ville soumise à diverses pressions tant en coulisse que dans la rue.

 

Soneri, Soneri, Soneri… J’adore ce personnage. Désenchanté mais lucide, il fait bien souvent cavalier seul. Il se heurte ici aux limites de la démocratie et de la justice, ces dernières ne pouvant lutter contre le système capitaliste, les élites déconnectées et totalement ravagées par la gangrène de la corruption et l’omniprésence voire l’omnipotence de la mafia. Politique spectacle, recherche du profit par tous les moyens, manipulation des médias et morale élémentaire bafouée écœurent notre héros qui lutte malgré tout, malgré l’évidence qu’il est bien seul face à ce monde auquel il ne semble plus appartenir. Certains coups de fils sont bien révélateurs durant l’enquête, comment faire pour pouvoir faire progresser sa quête de vérité quand les portes se ferment ou que les individus refusent de vous aider y compris dans les sphères de la police et de la justice.

 

Et il râle, Soneri, il râle. Il peste, il engueule, il remue autour de lui. Il peut compter sur son Second, Juvara, plus jeune mais fidèle et porteur des mêmes valeurs que lui, investi comme d’une mission de travailler avec cet homme qu’il admire. Il y a aussi Angela son avocate d’amoureuse qui sait lui inspirer les meilleures déductions mais se retrouve du coup souvent en plan (elle a du courage tout de même de rester avec lui). Soneri avance pas à pas, à son rythme, sans se presser mais implacable dans son genre entre deux bonnes dégustations qui donnent l’eau à la bouche même si l’on doit se contenter d’encre et de papier. Je l’aime ce commissaire désabusé qui pour autant ne lâche rien et résiste à sa manière au monde et à sa connerie.

 

Lire du Valerio Varesi, c’est donc se plonger dans une ambiance unique entre langueur et renoncement. La mélancolie de Soneri imprègne ces pages et ses réflexions nous accompagnent tout autant que le récit. D’ailleurs les enquêtes en elles-même ne sont qu’un prétexte (et même si cet aspect est très bien troussé), je retiendrai davantage les considérations et pensées du personnage principal, la langue si fluide et évocatrice de l’auteur et l’addiction qui s’empare de nous dès les premières pages sans jamais relâcher ses griffes. Un très bon crû donc. Une fois de plus j'ai envie de dire.

 

Déjà lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- Or, encens et poussière
- La Maison du commandant
- Nouvelles de Noël
- Ce n'est qu'un début, commissaire Soneri

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