"La Maison aux pattes de poulet" de GennaRose Nethercott
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L’histoire : Séparés depuis l’enfance, Bellatine et Isaac Yaga pensaient ne jamais se revoir. Mais lorsque tous deux apprennent qu’ils vont hériter de leur grand-mère ukrainienne, frère et sœur acceptent de se rencontrer. Ils découvrent alors que leur legs n’est ni une propriété ni de l’argent, mais quelque chose de bien étrange : une maison intelligente juchée sur des pattes de poulet.
Arrivée de Kyiv, foyer ancestral de la famille Yaga, l’isba est traquée par une entité maléfique : Ombrelongue, qui ne reculera devant aucun acte de violence pour détruire l’héritage de Baba Yaga.
La critique de Mr K : Chronique d’un ouvrage original et magique aujourd’hui avec La Maison aux pattes de poulet de GennaRose Nethercott, un ouvrage à la confluence des genres entre conte, fantastique, drame familial et devoir de mémoire ! Personnages complexes et attachants, thèmes universels, ambiance unique et langue évocatrice comme jamais font de cette lecture une expérience mémorable et de premier choix.
USA, 2019, Bellatine et Isaac Yaga, deux jeune gens, sœur et frère, ne se sont pas vus depuis des années. Bellatine a le don d’insuffler la vie par ses mains, Isaac peut se "transformer" en n’importe qui. Elle contient et endigue ce pouvoir qui lui fait peur, lui au contraire l’utilise constamment pour mener à bien ses arnaques au point de s’y perdre... Ces deux là se retrouvent à l’occasion d’un héritage. Leur arrière grand-mère, la célèbre Baba-Yaga, leur lègue sa maison intelligente montée sur des pattes de poulet ! Malheureusement, cette dernière est aussi convoitée par un être maléfique, Ombrelongue, qui ne recule devant rien et malheur à celles et ceux qui se mettraient en travers de la route.
On se prend assez vite d’affection pour Isaac et Bellantine. Isaac est l’archétype du hobo, c’est à dire le travailleur sans domicile fixe se déplaçant d’un lieu à un autre, vivant de travaux manuels saisonniers et d’expédients pas toujours très clairs. Très vite, on comprend qu’il vit dans un certain déni, qu’il a fui une réalité familiale, quelque chose qui lui fait peur et il se cache derrière les masques qu’il emprunte aux autres. Quand on s’intéresse à l'arrière de la façade désagréable qu’il présente pour se forger une carapace, on est touché par cet être un peu perdu et que la réunion avec sa sœur va changer et faire évoluer fortement. Bellantine n’est pas ne reste, vivant isolée, manuelle pour ne pas se laisser dépasser par ses capacités. Elle vit loin du monde et de ses tumultes, préférant la compagnie de quelques personnes de confiance.
La rencontre des deux va faire des étincelles. Bellantine tombe instantanément sous le charme de la vieille demeure de son aïeule et son frère, par un habile chantage, la persuade de partir dans une tournée improbable à travers les États-Unis en faisant revivre le théâtre de marionnettes itinérant de leurs parents. De quoi filer des sueurs froide à Bellantine qui depuis un tragique incident lors d’un spectacle a découvert l’étendue de ses pouvoirs et leur potentiel de nuisance. Le rapport avec son frère et son évolution est au cœur de l’intrigue, dirige la narration et les révélations se font de manière diluée avec un sens de l’agencement peu commun. Psychologie ciselée, drames nombreux qui ne préviennent pas mais implacables et logiques, confusion du réel et de l’irréel, de ce qui est de l’ordre du pensé, du ressenti, du vécu… On nage dans le brouillard avec délice et quand il se lève, on n’est vraiment pas loin de l’émerveillement total.
Voyage au cœur de leurs origines avec son lot de scènes marquantes, il y a aussi la menace insidieuse puis très rapprochée d’Ombrelongue qui mène le lecteur très loin dans un univers imaginaire foisonnant et profond. GennaRose Nethercott a une imagination débordante, se rapprochant d’un Neil Gaiman même si les deux auteurs sont uniques. Ici la langue est érudite, exigeante mais aussi très poétique. La lecture se fait belle, reflet d’une sensibilité et d’une puissance parfois incroyable. On se fait littéralement emporter et une fois pris, il est tout bonnement impossible de faire machine arrière. Tout est fluide, fantastique dans tous les sens du terme avec en cœur de ce conte terrible l’idée que la mémoire et l’identité sont liés et que l’oubli mène au chaos. C’est brillamment emmené et engagé à sa manière.
Un petit bijou qui se mérite, une langue inventive et foisonnante, des personnages très attachants et une ambiance gothique unique, cet ouvrage est franchement top et différent de ce qu'on a l'habitude de lire. Vivement le prochain ouvrage de l’auteure !