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Le Capharnaüm Éclairé
2 avril 2024

"Somnambule" de Dan Chaon

 

L’histoire : Au volant de son camping-car, accompagné de Flip, son fidèle pitbull, Will Bear sillonne les routes d’une Amérique ravagée par les coupures de courant et envahie de drones géants. En tant que mercenaire itinérant, il accomplit sous de multiples identités diverses missions, parfois au péril de sa vie : assassinats, pose d’explosifs, transport de prisonniers… Mais sa bonhommie naturelle et ses microdoses quotidiennes de LSD l’aident à garder le sourire.

Jusqu’à ce qu’une jeune femme l’appelle sur l’un de ses téléphones, pourtant intraçables. Elle prétend être sa fille biologique et se dit en grand danger. Est-ce la vérité ou un piège mortel ? Faut-il se débarrasser d’elle ou au contraire saisir cette opportunité pour enfin changer de vie ?

 

La critique de Mr K : Aaaaahhhhh ! Terres d’Amérique, une collection d’exception qui une fois de plus frappe juste. Après son génial Une douce lueur de malveillance, Dan Chaon revient en ce début 2024 avec Somnambule, un ouvrage noir de chez noir teinté de dystopie, avec un personnage principal inoubliable et un sous-texte impressionnant mêlant anticipation et analyse fine des États-Unis d’aujourd’hui avec son lot de fractures. C’est brillant et diablement addictif !

 

Will vit sur la route dans son vieux camping-car en compagnie de Flip, un pitbull qu’il a sauvé lors d’une de ses missions le mettant aux prises avec des gens peu recommandables. Employé par un mystérieux groupe dont il ne sait pas vraiment grand-chose, il est comme il dit une sorte de "larbin". En fait, c’est plutôt un homme de main aux multiples identités qui au gré des besoins de ses chefs va fournir de grands et petits services en dehors de la légalité : nettoyer une scène de crime, transporter des marchandises à haut risque, escorter des personnes voire en assassiner d’autres. C’est un vieux de la vieille qui a tout vu ou presque, arpentant les États-Unis de part et d’autre, dans un monde subissant de plein fouet le réchauffement climatique et où la technologie est sophistiquée. La violence règne partout ou presque, la civilisation étant au bord de l’implosion.

 

Au cours d’une mission de routine, il reçoit un coup de fil sur un de ses réseaux sécurisés. Personne ne sait qu’il est joignable et pourtant, une jeune femme lui annonce qu’elle connaît beaucoup de choses sur lui, sur sa vie et qu’elle est sa fille ! Révélation ou intox, Will ne s’en laisse pas compter au départ. Cela sent l’arnaque à plein nez, on voudrait le débusquer, le démasquer, lui nuire ? Les questions se bousculent dans sa tête mais le doute s’insinue… Et si c’était vrai ? La raison s’y oppose mais son cœur y aspire. Il a bel et bien vendu quantité de semence plus jeune pour pouvoir vivre… malgré les alertes de son amie et associée Experanza, il ne peut s’empêcher de croire que cette Cammie est réellement sa descendance et la machine bien huilée commence à se gripper entraînant des conséquences qui pourraient bien être funestes…

 

Dan Chaon prend son temps pour planter le décor, l’ambiance, son personnage principal. Je dois avouer que je suis tombé sous son charme quasi immédiatement. On sent bien que derrière la figure tutélaire de gros dur qui se débrouille très bien tout seul se cache une âme torturée qui ne peut s’apaiser et se calmer que sous l’influence de la camisole chimique qu'il ingurgite quotidiennement. Le monde part en vrille, plus rien ne sera comme avant et Will lui avance, ne court après rien, si ce n’est la réalisation de missions dangereuses et la route, toujours la route, seule perspective qui donne un sens à son existence entre distance et infinies possibilités. Son duo avec Flip est touchant, ces deux là s’adorent, se complètent et l’on partage avec eux de bons moments.

 

Autour de Will navigue nombre de personnages étranges, fruit d’une époque troublée où les autorités semblent dépassées par l’évolution du monde, la violence qui explose ici ou là, la nécessité de confiner régulièrement face aux épidémies ou aux risques naturels. Cela laisse de nombreuses zones à l’abandon, livrées à la loi de celui qui impose la sienne. Sans tomber dans une vision apocalyptique à la Mad Max, Somnambule livre un monde brut de décoffrage où les limites du Bien et du Mal sont ténues et où l’avenir est bien incertain. Will peut compter sur Experanza avec qui il partage un long passé, elle la symbolique grande sœur qui semble toujours être là quand il faut ou encore le grand manitou qui s’adresse à lui comme à un fils prodigue pour lui donner ses missions… mais tout peut devenir obsolète assez vite dans cette histoire et au fil des flash-back malicieusement disséminés ici et là, de la quête de sens du héros et le rapprochement avec Cammie, tout se fissure et va livrer un dernier acte haut en couleur et en révélations. On enchaîne donc road-trip, scènes d’action, révélations venues de nulle part et constat peu amène sur l’évolution du monde. Tout se répond, se complète, c’est parfait de bout en bout.

 

L’écriture est à nouveau magistrale, exigeante et tellement immersive. On rentre avec une facilité déconcertante dans ce récit, ce parcours halluciné qui se construit et se déconstruit au fil de la trame, c'est un livre décalé et parfois foutraque comme son personnage principal. L’addiction est totale et irrémédiable. On referme ce livre heureux et convaincu d’avoir lu un chef d’œuvre. Vous savez ce qu’il vous reste à faire.

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Commentaires
L
Il faut vraiment que je le tente !
Répondre
M
Un pur bonheur de lecture, cet auteur est vraiment à part. ;)
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