"Rature" de Philippe Claudel et Lucille Clerc
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L’histoire : Le Rature est toujours le premier bateau à quitter le port et le dernier à y rentrer et le père sait qu’il est là à l’exacte place de la Terre où il doit être. Peu de paroles, des gestes surtout, toujours les mêmes, et une manière d’appréhender le monde, de lire le ciel, les nuages, les étoiles, ce langage est le sien. Le jour où il a emmené son fils pour une journée de pêche il s’en souvient comme d’un rêve. Son fils. Qui serait pêcheur comme lui l’était devenu. Après son père.
Et pourtant, le fils est parti. Faut-il espérer son retour ?
La critique de Mr K : Philippe Claudel est un de mes auteurs préférés et qui m’avait littéralement retourné avec le sublime J’abandonne, ouvrage lu et adoré avant la création de ce blog. C’est une fois de plus la professeure documentaliste de mon établissement qui m’a fait découvrir le titre que je chronique aujourd’hui. Dans Rature, le maître des mots s’allie à une jeune illustratrice pour nous proposer un récit envoûtant, immersif et universel à la fois dans ce qu’il véhicule. Un pur bonheur de lecture.
La passion et le courage, deux vertus partagées par les hommes de la mer. L’attirance pour la mer, la célébration de la nature, garantir sa pureté, affronter les éléments, travailler durement et récolter les fruits de son labeur, tel est le credo du père, patron de pêche sur Le Rature, frêle esquif au milieu de l’Océan qui jour après jour part en expédition. Un jour, c’est le baptême de l’eau pour son fils mais l’expérience s’apparente à un gros ratage, le fils finit par partir, sans prévenir. La pêche, ce n’est pas pour lui… Vient l’heure de l’attente et des regrets.
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D’une beauté saisissante, l’ouvrage possède l’allure du drame intimiste mais dépasse les bornes de l'histoire purement familiale pour toucher à l’universel à travers des thématiques fortes comme la filiation, les liens indéfectibles familiaux, l’amour de la nature et des autres, la joie et la peine, la notion de transmission. Philippe Claudel transfigure tout cela avec une poésie de tous les instants, une sensibilité de tous les mots, phrases et paragraphes emportant tout sur leur passage. Le texte en lui-même est court mais sa portée est impressionnante, l’économie de mots est exigeante et particulièrement dense dans l’exploration des psychés humaines.
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Le père est un roc, un passionné de la mer et de son travail, la maman est solide, veille à la solidité familiale et constitue le ciment qui les relie de tous. Le fils se cherche, se mesure au père. Navigue autour d’eux les membres d’équipage du Rature et les hommes restés à terre. Ils forment une famille, une communauté fermée mais à l’écoute les uns des autres. Malgré les coups du sort, les espoirs déçus, on se comprend, on se complète, on se soutient parfois par un simple regard, une attitude. Résumé d’humanité dans ce qu’elle a de plus beau, de plus tragique aussi, ce récit a une dimension initiatique qui renverse le cœur et force l’admiration.
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L’apport de Lucille Clerc est absolument remarquable, elle retranscrit parfaitement toutes les nuances de l’écriture en travaillant sur les couleurs et les techniques usités. Mêlant photo, dessin, aquarelle et diverses techniques artistiques, elle accompagne et transcende les propos pour le plus grand bonheur du lecteur irrémédiablement captif d’une œuvre qui touche fort et juste.
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Cet ouvrage est absolument sublime, la beauté des mots et des illustrations épouse parfaitement la rudesse et la magie du monde marin. Quelle expérience ! Un livre à découvrir absolument et à partager.