"Papi Mariole" de Benoît Philippon
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L’histoire : "Bon sang de bonsoir, mais qu'est-ce que je fous là ?"
À l'entrée du périph, un vieux monsieur, peignoir en velours et chaussons en peluche effilochés, se répète inlassablement cette question. Échappé de son Ehpad, Mariole, tueur à gages, ne se souvient plus de rien, sauf d'une chose : il lui reste une mission à accomplir. Seul problème, il ne sait plus laquelle.
Mathilde, elle, se bourre d'anxiolytiques pour oublier. Victime de revenge porn, jetée en pâture sur les réseaux sociaux, elle se dit que le plus simple est peut-être d'en finir... à moins de faire équipe avec le vieil amnésique venu à sa rescousse : en l'aidant à retrouver la mémoire, Mathilde pourrait se payer une revanche en or.
La critique de Mr K : Belle découverte que ce roman trépidant lu très rapidement et avec grand plaisir. Je ne connaissais pas la prose de Benoît Philippon avant de lire cet ouvrage mais m’est avis que j’y reviendrai. Papi Mariole, derrière ce titre flirtant avec l’œuvre légère et délirante, l'auteur propose un récit enlevé, des personnages marquants et quelques coups bien sentis dans la bien-pensance et la beauferie.
Une histoire à deux personnages principaux aux trajectoires divergentes qui vont finir par se rejoindre et s’épouser pour un feu d’artifice narratif mémorable. À ma gauche, Mariole, un tueur à gage gouailleur et à la langue bien pendue que le temps a rattrapé, il est atteint par la maladie d’Alzheimer et doit accomplir un ultime contrat dont il a oublié la nature. À ma droite, Mathilde, une femme brisée par l’incurie des hommes et la connerie de ses proches. Pas loin du suicide, sa route va croiser celle de Mariole et voila une sacrée équipe qui se forme, s’épaule et part sur les routes en freestyle avec en compagnon improbable une truie au grand cœur. Et oui, Madame Chonchon est une truie ! Dans sa fuite, Mariole a récupéré deux ou trois choses, dont son cochon domestique, sa veille voiture, un dossier contenant des indices pour sa mission et une mallette contenant quelques armes qui pourraient se révéler utiles...
Le ton est donné dès le début avec une langue virevoltante, changeante et des punchlines comme s’il en pleuvait. Le monde est rude, les personnages en prennent plein la tronche mais ce n’est pas pour autant qu’il faut renoncer à rigoler. On passe donc par tous les états et la prise de connaissance avec Mathilde est terrible. Elle enchaîne les malheurs entre trop grande naïveté et spirale de l’addiction médicamenteuse. C’est thrash, direct et en même temps profondément humain. L’expression "la loi des séries" s’applique parfaitement à ce personnage bancal qui va se relever grâce à la rencontre avec Mariole.
Ce dernier rajoute une touche drolatique à une trame sombre. Adepte du verve haut et suranné (il y a du Audiard chez lui), silhouette à la Rochefort, il perd totalement la boule du fait de sa maladie. Il note tout et doit régulièrement reprendre contact avec la réalité, sa mystérieuse mission l’accapare et l’on voit apparaître à l’occasion l’assassin implacable et professionnel qu’il a été. Cette dichotomie lui donne un charme fou, il nous touche par sa fragilité et nous impressionne par son sang froid quand il doit passer à l’action.
Ce duo (trio, si on compte Chonchon) fortement improbable fonctionne très bien, on s’attache aux personnages immédiatement et la rencontre fait très vite des étincelles. L’évolution logique voit Mathilde se reconstruire et Mariole décliner inexorablement. Ils résoudront chacun leur existence problématique dans un dernier tiers de roman haletant bien que pour ma part prévisible contrairement aux débuts qui m’ont littéralement cueilli. Les coups pleuvent aussi sur le machisme ambiant, l’évolution individualiste et malsaine de notre société comme le consumérisme notamment en terme de pornographie, la perte de sens et la superficialité de certains rapports humains notamment avec nos proches.
Lecture éclair servie par une écriture addictive à souhait, malicieuse et emplie de tendresse envers ses personnages, on passe un très bon moment. Sans doute pas le livre du siècle mais un ouvrage qui fait du bien et dépote à l’occasion. À découvrir si le cœur vous en dit.