"Mind MGMT" de Matt Kindt
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L’histoire : Et s’il existait des individus capables de manipuler la mémoire des autres ? Et si quelqu’un, visualisant le moindre défaut dans chaque chose, bâtiment, arme ou homme, s’en servait pour la détruire ? Et si toutes ces personnes aux pouvoirs terrifiants étaient réunies au sein d’une agence gouvernementale agissant dans l’ombre ? Entrez dans l’univers fascinant et paranoïaque du MIND MANAGEMENT, préparez-vous à douter de tout, à vous battre contre des ennemis immortels, à remonter les méandres du MIND MANAGEMENT aux quatre coins du globe pour répondre à cette simple question : qui êtes-vous en vérité ?
La critique de Mr K : Nouvelle claque que cette lecture BD initiée une fois de plus par l’ami Franck. Dans le genre bien barré, Mind MGMT de Matt Kindt se pose là avec un récit multi-forme, aux degrés de lecture divers et ses planches hallucinées où il y a à lire dans les marges et même au-delà. L’objet en plus d’être sublime dans sa forme propose une expérience de lecture à part où il faut bien s’accrocher pour saisir les tenants et tous les aboutissants. Mais une fois le troisième tome refermé, on se dit qu’on a lu quelque chose qui fera date dans nos souvenirs de lecteur.
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Il est très difficile de proposer un réel pitch de départ à cette œuvre foisonnante qui croise les destins et les temporalités sans pour autant qu’on soit sûr qu’on soit dans le réel et que tout ne soit pas bousculé par une révélation qui rebattrait toutes les cartes. La vraie question c’est : qu’est-ce qui est réel ? Certains individus que l’on croise dans l’histoire sont capables d’oblitérer une mémoire, de la transformer, de modifier nos perceptions et de nous faire vivre dans le mensonge ou l’oubli. Au milieu de tout cela, on retrouve une certaine Meru, une écrivaine sur la paille qui n’arrive pas à écrire son deuxième livre après un premier qui avait fait forte impression et s’était bien vendu. De mystérieuses personnes semblent graviter autour d’elle, l’influencer sans qu’elle ne s’en rende compte et elle-même semble attirée par une vérité cachée, qu’elle pressent sans vraiment réussir à mettre le doigt ou des mots dessus. Au fil des tomes, le voile va se lever très progressivement et livrer des vérités inavouables et des réalités qu’on ne soupçonnait pas au départ.
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Vous l’avez compris c’est typiquement le genre de lecture où il faut accepter de ne pas tout comprendre d’emblée. Il faut vraiment se laisser porter par les planches, les relire parfois, les remettre en perspective entre elles. L’auteur ne nous tient pas la main, le chemin n’est pas balisé, on se perd souvent mais on finit toujours par retrouver son chemin si l’envie est là. Moi, elle ne m’a pas quitté car la qualité littéraire est impressionnante à commencer par des personnages très fouillés psychologiquement, auxquels on s’attache, même les plus effrayants. Les méandres du récit sont tortueux, bizarres, les liens parfois ténus mais la matière prenant forme, on se rend compte qu’on a affaire à une gigantesque toile d’araignée où chaque fil, chaque détail compte et prendra son importance dans les déroulés qui suivent.
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Qu’est-ce vraiment que le Mind Management ? Cette entité de l’État américain regroupant des agents pour le moins spéciaux qui possèdent des capacités uniques. Pourquoi a-t-il été fermé ? Pourquoi certains souhaitent le reconstituer et d‘autres au contraire veulent faire avorter ce projet ? Comment se fait-il que tous les passagers d’un vol aérien ont tous perdu la mémoire sauf un ? Qui sont ces immortels qui pourchassent inlassablement un ancien agent dont Meru suit les traces ? Deux camps que tout oppose se constituent et la lutte prend quasiment des aspects métaphysiques prennant tout leur sens en fin de trilogie. C’est grandiose dans la gestion du scénario, assez imparable et surtout hyper original. J’ai été vraiment bluffé par cette densité et cette exigence que je trouve trop rare dans le milieu de la BD et des comics. Ici on est servi.
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Et puis les ouvrages sont magnifiques, à la croisée des styles. Selon le point de vue, les personnages en jeu ou la temporalité / dimension, le style change énormément. On peut passer de la bichromie noir et blanc à des planches très colorées, du fouillé aux dessins simples, presque à peine ébauchés. C’est rythmé (parfois épique même), bien aéré et les références pleuvent durant la lecture (j’ai particulièrement apprécié les clins d’œil à Twin Peaks, ma série préféré). Rajoutez là-dessus, des histoires dans l’histoire qui sont narrées sous forme de phrases imprimées dans les marges et que l’on lit en parallèle permettant d’enrichir le récit principal et vous obtenez une trilogie somme, un Objet Littéraire Non Identifié mémorable et furieusement excitant. À lire absolument pour tous les amateurs de curiosité et d’intelligence avec un grand I.