"Les Artefacts du pouvoir" de Maggie Furey
L’histoire : À neuf ans, Aurian vit seule avec sa mère. L'arrivée inopinée de Forral, un vieil ami de son père, va bouleverser leur quotidien tranquille et déclencher une série d'événements qui conduiront la jeune fille à intégrer l'académie magique de Nexis, où elle devra apprendre à maîtriser les pouvoirs qu'elle ne possède encore qu'à l'état brut.
Quelques années plus tard, Aurian est devenue une Mage accomplie, mais son audace lui attire le courroux de l'Archimage Miathan. Pour lui échapper, elle doit redécouvrir l'histoire des Artefacts, ces quatre armes légendaires dont seuls quelques élus connaissaient jadis le secret. Débute alors pour Aurian un formidable périple, où elle ne pourra compter que sur elle-même et sur Forral, le protecteur de toujours...
La critique de Mr K : Un très bon cycle de fantasy aujourd'hui, une acquisition faite à notre cher Emmaüs il y a déjà quelques mois et que je m’étais réservé pour cet été, période propice par excellence pour la lecture de bons gros pavés emplis d’aventures ! La tétralogie des Artefacts du pouvoir de Maggie Furey est donc un très bon crû proposant une trame haletante, des personnages attachants, le tout dans un univers bien caractérisé, avec une once d’humour bienvenue et une plume aiguisée et maligne.
Les débuts sont classiques avec une jeune orpheline de père qui vit isolée dans la forêt avec sa mage de mère qui depuis la disparition de son aimé s’est repliée sur elle-même et se consacre entièrement à ses recherches magiques. La jeune Aurian au caractère bien trempé s’occupe comme elle peut et s’exerce à des rudiments de magie sans filet et clairement ne progresse pas (c’est le moins que l’on puisse dire). Un jour, un vieil ami de la famille, le combattant d’élite Forral débarque à l’improviste et de fil en aiguille va convaincre la mère d’Aurian de la placer à l’académie magique de Nexis pour qu’elle apprenne à maîtriser son potentiel qui semble très important.
Une ellipse temporelle plus tard, on la retrouve jeune adulte, mage en devenir et escrimeuse hors pair. Préférant la compagnie des mortels à celle des mages dont elle est pourtant issue, elle s’attire vite la désapprobation puis la disgrâce de certains membres éminents du conseil des sages. Tout va déraper un soir où un mystérieux artefact découvert par Miathan l’archimage va déchaîner les enfers sur Nexis et forcer Aurian à fuir avec certains compagnons qu’elle s’est faite entre temps. C’est le début d’une fuite éperdue, le commencement d’une quête de trois artefacts qui pourraient retourner la situation et empêcher Miathan d’arriver à ses fins que vous imaginez funestes à raison.
Avec plus de 2500 pages en tout, cette saga se pose là et pourtant on ne sent pas le temps passer et l’on ne compte pas les pages tant on est pris dans le flot narratif que nous livre une auteure douée pour planter des décors et avancer ses pions avec minutie. Comme souvent, on retrouve la figure de l’exilé qui va devoir faire ses preuves en traversant moult épreuves et voyageant énormément entre mers déchaînées, déserts arides, montagnes enneigées impénétrables et fausses campagnes riantes. C’est classique, presque balisé mais on joue le jeu avec un plaisir non dissimulé avec des scènes particulièrement bien écrites, des descriptions incroyables et des scènes d’action parfois épiques.
La compagnie s’élargit au fil des volumes et l’on s’attache beaucoup à ces personnages en rupture de bans, venus d’horizons très divers mais qui vont apprendre à se connaître, à vivre ensemble et à assembler leurs forces dans un but commun. Attention cependant à ne pas tomber dans la routine, certains s’avéreront retors et certaines surprises font vraiment mal au cœur et m’ont diablement surpris. Un point en plus pour cette saga qui réserve donc de nombreux méandres scénaristiques ce qui est toujours une gageure de qualité dans un genre trop souvent codifié. À noter, la présence régulière d’humour, de réflexions décalées qui empêchent de se coltiner des personnages ampoulés et sans âmes. On partage vraiment le quotidien et ses tracasseries tout en menant une quête épique. Top !
Bastons endiablées, magie ésotérique en action, créatures étranges, des méchants absolument démoniaques, destins contrariés, romance cucul et massacres innommables, scènes d’auberge hautes en couleurs (un incontournable !), phases initiatiques tripantes, spiritualité et mythologie évocatrice... bref, le dépaysement est garanti et l’amateur de fantasy est vraiment servi. De plus, je découvrais cette auteure et je peux vous dire qu’elle n’a rien à envier à des écrivains majeurs du genre en terme de langue, de rythme et de cohérence. C’est foisonnant, dense et terriblement addictif avec en supplément d’âme la gente féminine mise à l’honneur et aux premières places en terme de protagonistes, ce qui est suffisamment rare pour être mentionné.
Vous l’avez compris voila un cycle de fantasy totalement réussi au charme envoûtant et au rythme qui ne se dément jamais. À lire absolument si on est amateur du genre !
"Les Lumières de septembre" de Carlos Ruiz Zafon
L’histoire : 1937, Normandie. Simone Sauvelle, embauchée par un riche et excentrique créateur de jouets, rejoint la côte normande avec ses enfants Irène et Dorian.
Toute la famille tombe sous le charme de la majestueuse demeure dans laquelle les accueille l’inventeur de génie : Cravenmoore. Mais à la nuit tombée, les automates qui peuplent la maison et le bois alentour semblent plus vivants que jamais. Et qu’en est-il des lumières au large qui se rallument à chaque fin d’été ? On dit que les âmes noyées cherchent toujours à regagner la rive... Irène, accompagnée du jeune marin qu’elle vient de rencontrer, va découvrir ce que la solitude fait aux hommes.
La critique de Mr K : Toutes les bonnes choses ont malheureusement une fin, avec Les Lumières de septembre, Carlos Ruiz Zafon termine avec panache sa trilogie de la brume, œuvre de jeunesse au charme envoûtant. Ce dernier volume a été dévoré comme les précédents avec un plaisir de tous les instants, une addiction terrible et au moment de refermer le volume un sentiment de joie et de satisfaction à nul autre pareil.
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, Simone Sauvelle, une veuve ruinée change de vie et part s’installer en Normandie avec ses enfants. Elle a décroché une place chez un créateur de jouets au génie incroyable, à elle de gérer les affaires courantes d’un homme lui aussi esseulé, sa femme souffrant d’une mystérieuse maladie qui la cloître au lit depuis des décennies. Le premier contact est prometteur, l’entente est immédiate et beaucoup de points communs les relient. Les enfants de Simone quant à eux vont apprendre à découvrir les lieux et les environs avec son lot d’endroits atypiques et de légendes tenaces. Très vite l’enchantement va céder à la place au questionnement puis à l’effroi. Une ombre mystérieuse plane, des événements curieux se produisent et la mort finit par frapper. Tout finit par s’accélérer et mène à la résolution d’une malédiction mêlant chagrin et ressentiment.
C’est incroyable comme cet auteur était doué pour planter un décor, une histoire, des personnages charismatique. Ainsi on se prend immédiatement d’affection pour Simone et ses enfants que la vie n’a pas gâtés. La mort subite du mari les laisse sur la paille, à la merci de la pauvreté. La déchéance sociale est terrible, remarquablement décrite en une économie de mots efficace et très évocatrice. Le contraste est donc fort avec les premiers jours à Cravenmoore, un immense domaine s’apparentant à une demeure gothique, peuplée d’automates aussi étranges que fascinants. Je dois avouer qu’il ne m’aurait pas déplu d’y aller moi-même dans la vraie vie, aimant ce style de demeures marquées par le sceau du passé et des légendes (même si je me serai sauvé bien avant que se déchaînent les événements de fin de récit -sic-). Les descriptions sont de toute beauté, aériennes, jamais pesantes et ne ralentissent pas le récit. Bien au contraire, que ce soit le domaine, la forêt, le phare ou une grotte qui aura son importance plus tard, ces lieux sont quasiment des personnages à part entière avec leur apparence et leurs secrets.
Les personnages après un début de récit d’exposition naviguent à vue. La mère se rapproche peu à peu du maître des lieux et s’interroge sur les liens qui les unissent. L’évolution est décrite avec une grande sensibilité, ces deux âmes ont souffert, souffrent encore mais l’évidence ne va pas forcément de soi et des obstacles invisibles / psychiques font que cette relation s’avère bien plus complexe qu’elle n’y paraît de prime abord. Dorian, est émerveillé quant à lui face aux créations de l’inventeur, quasiment hypnotisé par ses êtres mécaniques qui semblent pourtant mus d’une vie propre. Il ne tardera pas à devoir faire face à ses plus grandes peurs. Irène vit sa vie de jeune fille, tombant amoureuse du jeune marin ombrageux Ismaël. Elle s’est révélée au final être mon personnage préféré avec Simone. Irène est l’aînée de la tribu, elle a des responsabilités qui jusque là semblaient l’étouffer quelque peu. Ismaël c’est un monde qui s’ouvre, un moment de respiration avec la découverte de la navigation, des légendes locales et du désir. Les pages la mettant en scène sont parmi les plus belles, les plus touchantes.
Le récit gagne peu à peu en intensité, le suspens monte crescendo et l’addiction vous l’avez compris est totale. On oscille constamment pendant cette lecture entre fascination et inquiétude, les émotions nous submergent et les rouages de l’histoire sont implacables. Zafon par sa langue merveilleuse, ses talents de conteur et sa sensibilité offre ici une conclusion magistrale à sa trilogie de la brume. Je ne remercierai jamais assez ma chère Nelfe pour ce cadeau d’anniversaire enchanteur. À découvrir absolument si ce n’est déjà fait.
Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- L'Ombre du vent
- Le Jeu de l'ange
- Marina
- Le Prisonnier du ciel
- Le Prince de la brume
- Le Palais de minuit
"Le Palais de minuit" de Carlos Ruiz Zafon
L’histoire : Calcutta, 1932.
Ben et sa soeur jumelle Sheere, séparés depuis leur naissance seize ans plus tôt, se retrouvent enfin. Mais à peine réunis, les voilà traqués par un mystérieux assassin. Aidé par la Chowbar Society, un club secret créé avec six copains de l'orphelinat, Ben devra faire face à Jawahal, un démon maléfique, une âme damnée qui doit tuer l'un de ses enfants pour trouver le salut... Commence alors une course-poursuite, entre palais abandonnés et trains fantômes.
L'odyssée indienne de deux enfants qui vont tout faire pour échapper au spectre de la terreur et mettre un terme à la malédiction...
La critique de Mr K : Aujourd’hui, chronique du deuxième tome de la Trilogie du Cycle de la brume de Carlos Ruiz Zafon, triptyque jeunesse de l’auteur que Nelfe m’a offert pour mon anniversaire. Le Prince de la brume m’avait beaucoup séduit et je dois avouer que Le Palais de minuit m’a enchanté lui-aussi, peut-être même un peu plus que le précédent. Aventure, mystère, magie et focus sensible sur l’enfance et l’isolement sont au rendez-vous d’un court roman qui se lit tout seul et provoque une addiction immédiate.
Tout débute sur un fleuve au milieu de la brume, un homme pourchassé cherche à cacher ses deux jumeaux qui viennent de naître et dont la mère est morte. Avant d’être rattrapé par les assassins lâchés à ses trousses, il confie les bambins à sa belle-mère qui devra se séparer de Ben (le garçon) qui va se retrouver placé dans un orphelinat tandis que sa sœur Sheere restera avec sa grand-mère car la menace est bel et bien là. Elle ne lâchera jamais ces deux enfants. À peine nés, déjà séparés, vous parlez d’un destin...
16 ans plus tard, Ben et ses six compagnons qui ont formé un club très sélect (la Chowbar Society) constituant la famille des sept orphelins vont être confrontés au passé de Ben. Les événements se précipitent la veille du départ de chacun de l’orphelinat (à 16 ans révolus, les enfants sont relâchés dans le monde et doivent apprendre à vivre seuls), les jumeaux se retrouvent, un homme mystérieux vient réclamer son dû auprès du directeur qui paie cash sa discrétion, les esprits se déchaînent, une malédiction semble à l’œuvre et les révélations vont pleuvoir mettant à mal les enfants mais aussi le lecteur qui ne sait plus vraiment à quel saint se vouer tant la trame se révèle bien plus complexe qu’elle n’y paraît de prime abord.
Comme dit un peu plus haut, ce roman se lit tout seul. La langue de Zafon fait une fois de plus merveille. Délicate, ciselée et très poétique par moments, elle excelle à nous faire découvrir les affres de l’enfance abîmée. Volontiers sombre et mélancolique dans le ton, l’ouvrage met en lumière la solitude et la peine qui habitent des orphelins privés de leurs géniteurs et qui ensemble vont se révéler plus forts, plus résistants face au destin. Chacun a ses qualités et ses défauts, les interactions sont souvent décalées, drôles mais aussi parfois plus intimes et tristes. L’univers de l’enfance est donc très bien rendu, se mêlant très bien avec le contenu fantastique qui rajoute une dimension supplémentaire à l’ouvrage.
Il s’en passe des vertes et des pas mûres par la suite. Il va falloir que les jeunes explorent le passé de la ville, des parents de Ben et Sheere et explorer les ruines de la gare de Jheeter, lieu d’un drame ancien qui pourrait expliquer la présence de cette ombre maléfique que rien ne semble pourvoir arrêter. On se plaît donc à enquêter avec ces jeunes gens qui n’ont pas froid aux yeux et qui se révèlent débrouillards et fidèles à leur serment d’amitié. Longue sera leur quête et le dénouement n’épargnera personne, Zafon n’est pas réputé pour faire dans le consensuel et le happy-end . Comme dans l’opus précédent, on ressort heureux avec un arrière goût amer en bouche de cette lecture.
Un roman à découvrir donc, à lire, à déguster comme un conte noir redoutable et distrayant à la fois. Un bonheur de lecture en plus au tableau de Zafon. Quel regret qu’il nous ait quitté si tôt !
Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- L'Ombre du vent
- Le Jeu de l'ange
- Marina
- Le Prisonnier du ciel
- Le Prince de la brume
"Le Prince de la brume" de Carlos Ruiz Zafon
L’histoire : 1943, Angleterre. Pour fuir la guerre, la famille Carver s'installe dans un village perdu sur la côte. Mais, à peine franchie la porte de la maison, des événements étranges se produisent...
Avec leur nouvel ami Roland, Alicia et Max Carver vont peu à peu percer les secrets de la vieille demeure et apprendre l'existence d'un certain Caïn, surnommé le Prince de la Brume. Un personnage diabolique revenu s'acquitter d'une dette très ancienne...
Voilà les trois enfants lancés à la découverte d'épaves mystérieuses, de statuettes enchantées, de gamins ensorcelés... Une aventure extraordinaire qui changera leur vie à jamais.
La critique de Mr K : Chronique d’un beau cadeau d’anniversaire offert par ma douce aujourd’hui avec le premier tome de la trilogie jeunesse écrite par Carlos Ruiz Zafon, un de mes auteurs favoris. Le Prince de la brume est un beau conte noir qui oscille entre policier, fantastique et récit initiatique. Il ne m’a fallu guère plus qu’une journée pour le dévorer et l’apprécier.
L’action se déroule durant la seconde Guerre mondiale. La famille Carver, sous l’impulsion du père, déménage de la ville pour s’installer dans une cité de bord de mer pour échapper au conflit, les villes étant des cibles privilégiées. Du jour au lendemain, les voila partis. Ils emménagent dans une vieille maison donnant sur la mer, le père a déjà des pistes pour poursuivre son activité d’horloger. Les enfants découvrent les lieux. Très vite, un mystère semble planer sur cette maison dont l’Histoire a été marquée par un drame : la mort tragique par noyade du fils unique de la famille qui habitait précédemment là.
Max découvre ainsi à proximité un étrange jardin funéraire peuplé de statues de pierres qui changent de position au fil du temps qui passe. Un chat énigmatique s’attache dès leur arrivée à sa jeune sœur Alicia et Irina (l’aînée) traverse ce qui ressemble à une crise d’adolescence larvée. Ils font vite la connaissance de Roland, le petit-fils du gardien de phare de la localité qui cache un lourd secret qui serait lié à l’épave reposant dans la baie et qu’ils vont explorer lors de plongées dans les premiers après-midi qui suivent leur installation. Les choses vont s’accélérer suite à un accident plongeant Alicia dans le coma. Les parents restent à son chevet et les événements vont se précipiter.
Ce roman jeunesse s’attarde beaucoup sur les enfants et leur ressenti. On suit plus particulièrement Max, plutôt effacé et rêveur, il aime lire et observer. On s’attache très vite à lui et à sa petite famille. Il y a de la bienveillance et de la douceur dans ce foyer qui ne sera par épargné par les épreuves. Tous vont être confrontés à quelque chose qui les dépasse, quelque chose de terrifiant lié à une malédiction que le temps n’a pas fait disparaître. La tension monte vite, les esprits s’échauffent parfois, doivent se confronter à l’inconnu. Les liens vont se raffermir et l’enquête nécessaire va prendre de l’ampleur. Les révélations vont bientôt pleuvoir et mettre en lumière un pacte délétère dont les conséquences se font encore sentir.
La finesse psychologique donne lieu à une métaphore filée sur l’enfance, l’adolescence, la parentalité. La famille est au cœur d’un récit qui nous procure des émotions fortes, on est bien souvent touché en plein cœur et le roman remue bien les tripes. Zafon connaît son métier et une fois de plus distille une ambiance bien particulière, diffuse entre poésie et ambiance gothique qui marque le lecteur en profondeur. Les descriptions de la brume, des tempêtes successives qui s’abattent sur le village créent un climat idéal pour l’apparition du fantastique.
Cet aspect est très bien emmené d’ailleurs, plutôt diffus au départ, il explose à partir de la deuxième partie de l’histoire qui prend une toute autre dimension. Une fois le danger identifié, il se déchaîne et ne laissera personne indemne. Remarquablement écrit comme d’habitude avec cet auteur, l’histoire regorge de références, de zones d’ombres et favorise l’imagination du lecteur prisonnier de ces pages. On ressort heureux et comblé avec l’envie irrépressible de lire les deux tomes suivants dont je vous parlerai un peu plus tard... car Nelfe a bien fait les choses et les deux autres volumes faisaient aussi partie du cadeau !
Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé:
- L'Ombre du vent
- Le Jeu de l'ange
- Marina
- Le Prisonnier du ciel
"La Trilogie des périls" de David Eddings
L’histoire : Je le savais, j'étais rentré à Cimmura avec le sentiment du devoir accompli, heureux d'avoir sauvé la vie d'Ehlana et tout remis en place : le Bhelliom au fond de la plus profonde fosse de l'Océan, Dolmant à la tête de l'Eglise d'Elénie. Azash, Annais et même Otha, le roi-limace, étaient morts. Mais, foi d'Emouchet, j'avais un mauvais pressentiment. Les nouvelles que m'apportaient Ulath, Tynian et Bévier n'étaient pas bonnes. Il n'était question que de disettes, d'épidémies, de troubles. Mes pires craintes se confirment : dans tous les Etats du continent, des héros de l'antiquité soulèvent le peuple. De prétendus justiciers incitent les nobles à se révolter contre l'Empire de Tamoulie. Et il y a pire : les Trolls ont quitté leur foyer natal et envahi le nord de la Dalésie. Des guerriers reviennent d'entre les morts. Un nécromancien - homme ou Dieu - ramène des armées du plus lointain passé, fouille dans le folklore et donne vie à des monstres redoutables : des vampires, des goules, des hommes de l'aube et même ceux-qui-brillent. Je savais qu'il nous faudrait subir un interminable hiver jusqu'au retour des Dieux. Je n'avais pas prévu que nous devrions affronter un nouvel ennemi auprès de qui les Dieux des Trolls étaient de joyeux drilles.
La critique de Mr K : Très bon voyage en fantasy avec cette lecture fleuve qui m’a transporté bien loin des réalités terrestres lors des dernières vacances de la Toussaint. J’adore David Eddings. Même s’il se situe un cran en dessous à mes yeux que des auteurs classiques du genre comme Tolkien, Martin ou encore Howard et Moorcock, il apporte une fraîcheur et un vent de folie dans un genre parfois un peu ampoulé. Après la très réussie Trilogie des joyaux, c’est avec une joie non feinte que je retrouvais Emouchet et ses joyeux compagnons pour cette Trilogie des périls qui promettait beaucoup après avoir lu la quatrième de couverture du premier volume. Plus de 1500 pages en prévision et même pas peur ! Au final, ce fut un grand bonheur de lecture, une addiction de tous les moments et un voyage vraiment mouvementé !
Émouchet pensait avoir fait le plus dur en se débarrassant du Bhelliom et en sauvant la vie d’Ehlanna, on pouvait d’ailleurs décemment penser qu’ils pourraient tranquillement couler des jours heureux et profiter pleinement de leur vie maritale. Six ans ont passé depuis les derniers événements, une petite fille est née de leur union. Mais voila, une certaine agitation secoue l’Éosie et le continent voisin, des héros et personnalités du passé semblent ressurgir d’on ne sait où et fomenter une révolte contre l’ordre central. Rajoutez à cela de mystérieuses troupes semant le chaos qui semblent venir d’époques elles aussi révolues et la menace devient clairement inquiétante. La trilogie débute avec la nécessaire enquête de notre héros et de sa cohorte d’amis hauts en couleur sur ses mystérieux agissements qui mettent à mal l’unité des royaumes.
Comme souvent dans les sagas de David Eddings, le récit fait la part belle au voyage. Il s’amuse gaiement à fait traverser les cartes présentes dans les livres par ses héros du Nord au Sud, de l’Ouest à l’Est. Dépaysement garanti avec de longues traversées de déserts, de montagnes, de forêts impénétrables, de flots impétueux et autres lieux propices à l’aventure. De palais en tavernes, en passant par des souterrains ténébreux, on en voit des vertes et des pas mûres. On retrouve aussi le goût de l’auteur pour l’intrigue politique avec des complots ourdis de longues dates, des actes lourds de sens et des lignes de forces qui s’étiolent et se renforcent au gré des alliances et des révélations. Question scénario on en a pour son argent, c’est dense et l’on ne s’ennuie pas une seconde.
Les personnages sont toujours aussi savoureux avec cet humour omniprésent caractéristique de l’auteur de La Belgariade et de La Mallorée. Les dialogues sont parfois à se pisser dessus, on lorgne clairement vers Kaamelott avec des personnages de hautes extractions qui n’hésitent pas à se dire leurs quatre vérités et qui possèdent un sens de la répartie parfois cinglant. C’est frais, c’est fun et ça dépoussière la fantasy tout en gardant parfois un ton épique de bon aloi. Car ici les dieux agissent, parlent et suivent leur propres intérêts. Ils n’ont pas la langue dans leur poche eux non plus, ce qui donne un ton léger avec tout de même son lot de scènes dantesques et de la magie en veux-tu en voila.
On peut reprocher à l’ensemble de manquer d’originalité dans le développement de l’intrigue principale (je n’ai jamais vraiment été surpris) et certains passages sont redondants car tel personnage répète ce qu’il a appris au chapitre précédent à un autre personnage. Rien de bien méchant pour autant avec ces trois ouvrages qui se lisent d’une traite et avec grand plaisir quand on veut s’échapper et plonger dans un monde de fantasy. Avis aux amateurs !
Lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm Éclairé :
- La Belgariade
- La Mallorée
- La Trilogie des joyaux
"Un poison nommé Rwanda" de Catherine Fradier
L’histoire : Juste avant la fermeture, Chéryl voit un Rwandais surgir dans son salon de coiffure. Mais il n'a pas besoin d'une coupe de cheveux, il est à la recherche d'un refuge. Chéryl, effrayée par l'homme, n'a d'autre choix que d'accepter ce qu'il demande, et va l'aider à se cacher. Quelques minutes après son entrée, le Rwandais remercie Chéryl, et s'en va. La jeune femme rentre alors chez elle, et, quelques instants après, l'homme est abattu dans la rue juste en dessous. Le lendemain, elle va retrouver, dans son salon, des photos compromettant les militaires français dans le génocide rwandais. À partir de ce moment-là, Chéryl va être impliquée dans cette affaire de crime malgré elle. Dans cette aventure, elle sera aidée du Poulpe et de son amie Véra.
La critique de Mr K : Ça faisait un bail que je n’avais pas lu un ouvrage du Poulpe, le temps file vraiment à toute allure et je me suis rendu compte que cela faisait deux ans que je n’en avait pas lu et pourtant, deux titres de la série attendaient tranquillement dans ma PAL que je vienne les cueillir. Je jetais mon dévolu sur Un Poison nommé Rwanda de Catherine Fradier, ouvrage atypique de la série car Gabriel Lecouvreur (aka le Poulpe) est quasiment absent de cet opus qui met en lumière Chéryl, son amante de coiffeuse qui se retrouve embarquée dans une affaire qui la dépasse totalement. D’une lecture fun et tendue, cet ouvrage s’est révélé plus que réjouissant !
À l’heure de la fermeture de son salon de coiffure, Chéryl et sa délurée apprentie doivent s’occuper d’un dernier client, un grand black qui semble poursuivi et qui s’est réfugié dans l’échoppe la plus connue en littérature de la rue Popincourt. Une fois le travail effectué, il repart aussi vite qu’il est arrivé dans une ambiance de mystère et de tension. Quelques minutes plus tard, le voila dessoudé sous les fenêtres de Chéryl. De quoi être traumatisé ! Un peu plus tard, elle va faire la connaissance du frère du client décédé qui lui révèle leur origine rwandaise et des détails sordides (et top secrets !) sur le génocide qu’a connu leur pays dans le milieu des années 90. Seraient impliqués des ressortissants français membres de notre chère armée... Cette révélation sonne le glas de la tranquillité de Chéryl...
Quelle plaisir de retrouver cette coiffeuse gouailleuse au grand cœur, quelque peu naïve par moment, toujours fidèle à ses principes et attachante au possible ! Son personnage est encore plus creusé que d’habitude et l’on aime l’accompagner durant les 150 pages de cet ouvrage où elle est confrontée à de sérieux dangers. Libre dans sa tête (avec Le Poulpe, les barrières morales traditionnelles n’existent pas), elle tombe sous le charme de ce frère en deuil qui souhaite faire éclater une vérité qui pourrait mettre à mal des personnes importantes. Malgré le péril, elle reste fidèle à elle-même avec une légèreté, un bon sens de tous les instants qui détone dans l’intrigue de polar pur et dur où la mort vous attend à chaque faux pas.
La trame se complexifie assez vite avec des tenants et aboutissants qui se révèlent au compte goutte entre deux course poursuites, des interrogatoires à la Audiard et quelques scènes plus intimistes remarquablement troussées. On ne s’ennuie pas une seconde et l’on regretterait presque que la close inhérente pour écrire un Poulpe (un certain nombre de page notamment) soit si ferme, les pages se lisent toutes seules et franchement c’est l’affaire de deux / trois heures d’immersion totale tant on est pris dans l’histoire.
Même si Gabriel n’est pas là, on est encore dans un roman engagé avec en toile de fond, la raison d’État et les mensonges qui l’accompagne, l’incurie des hommes avec un mix effroyable d’intérêts économiques et de racisme systématisé. Les bad guy sont particulièrement odieux ce qui rend leur juste châtiment d’autant plus délectable avec une fin pour le coup plutôt optimiste pour un livre de la série sans pour autant tomber dans le pathos ou le politiquement correct. Un bon crû du Poulpe sans vraiment le Poulpe ? Oui, c’est tout à fait ça et cet ouvrage est à découvrir absolument si comme moi vous adorez Chéryl qui ici trouve une histoire qui la met bien en valeur. Une super lecture.
Autres Poulpe chroniqués au Capharnaüm Éclairé :
- Nazis dans le métro
- J'irai faire Kafka sur vos tombes
- Du hachis à Parmentier
- Vomi soit qui malle y pense
- La petit fille aux oubliettes
- La bête au bois dormant
- Arrêtez le carrelage
- Légitime défonce
- La Cerise sur le gâteux
- L'Amour tarde à Dijon
- Chicagone
- Les Damnés de l'artère
- Allah recherche l'autan perdu
- Touche pas à mes deux seins
"Les Chroniques de Durdane" l'intégrale de Jack Vance
L’histoire : Sur la planète Durdane existe un ensemble de communautés disparates, le Shant, sur lequel règne l'Anome, aussi surnommé l'Homme sans Visage. Dans cette région, chaque femme, chaque homme se voit équipé à la fin de l'adolescence d'un torque explosif que l'Anome peut faire détoner à tout moment. La terreur qu'inspire ce juge et bourreau a maintenu une paix relative pendant des décennies.
Mais voilà que débarquent d'on ne sait où les Rogushkoïs, de féroces créatures humanoïdes qui massacrent les hommes et s'accouplent avec les femmes. Et contre lesquelles l'Anome ne prend aucune mesure particulière.
Parce que les Rogushkoïs ont tué sa mère, le jeune Etzwane se jure de découvrir l'identité de l'Homme sans Visage et de mettre un terme à son règne. Bientôt tous les secrets de Durdane tomberont aux pieds du jeune homme, brisés comme des jouets trop fragiles. Et il sera bien obligé de comprendre que le prix de la responsabilité est parfois exorbitant.
La critique de Mr K : Confinement et mauvais temps se conjuguaient de manière morose quand je jetai mon dévolu sur Les Chroniques de Durdane de Jack Vance qui trônait dans ma PAL depuis trop longtemps. J’avais besoin d’aventure, de dépaysement, de plonger dans un gros pavé qui propose une immersion dans un monde neuf et dangereux loin de la grisaille du quotidien. Je prenais pas trop de risque car chaque lecture de Vance s’est toujours révélée passionnante. Pas de suspens donc, ce fut encore une fois une lecture foisonnante et fascinante proposant une lecture addictive et un plaisir constant. Suivez le guide !
L’action se déroule sur la planète Durdane, un astre accueillant où les humains ont essaimé il y a déjà 9000 ans. Sur l’archipel de Shant, divisé en plus de 90 cantons, règne l’Homme sans visage, un despote qui fait régner l’ordre par la terreur qu’inspire un collier que chacun porte à partir d’un certain âge. À la manière de celui porté par les élèves du film culte Battle Royal, il peut exploser à n’importe quel moment lorsque vous avez transgressé une règle et que le dictateur décide de vous faire passer de vie à trépas. Le système fonctionne car un calme durable s’est installé sur le Shant, chaque communauté peut appliquer ses lois et règles, l’ordre du monde progresse dans un rythme lent et sans rupture.
Etzwane, un jeune homme que rien ne distingue de la masse est né dans le Shant, dans une communauté très religieuse fondée sur des règles strictes mais lui aspire à autre chose. Fils d’un musicien errant, il a une énergie créatrice et une nature versatile qui l’empêchent de s’intégrer et de se sentir en accord avec les préceptes qu’on lui impose. Dans une première partie, on le découvre lui et sa mère, personnes à part aux caractères bien trempés. Sa génitrice est endettée jusqu’au cou pour racheter son indenture, elle n’est pas libre de quitter le canton et de changer de vie. Son fils a encore le choix lui et il finira par partir à l’aventure et construire son destin, on le suit durant une dizaine d’années dans son parcours chaotique entre travail et coups tordus.
Tout bascule quand le Shant est mystérieusement attaqué à divers endroits par les cruels et sauvages Rogushkois, des êtres sauvages qui pillent, violent et massacrent les communautés isolées. Le temps passe et l’Anome (titre officiel de l’Homme sans visage) ne réagit pas à ses actes innommables et lorsqu’en revenant dans son canton revoir sa mère, Etzwane la retrouve morte suite à une attaque des Rogushkois, il prend la décision de changer les choses et en premier lieu d’aller questionner directement l’Homme sans visage. Ce n’est que le début d’un voyage initiatique durant lequel notre héros va en apprendre beaucoup sur son monde et sa manière de fonctionner, sur les étranges créatures qui les attaquent et cachent un secret très lourd qui va changer à jamais sa vision des choses. Les révélations sont nombreuses, vont crescendo et proposent un voyage assez fabuleux dans son genre.
J’ai adoré les personnages. Comme toujours chez Jack Vance, on est loin des archétypes et des caricatures. Tout ici est nuance, construction savante et circonvolutions complexes. Le héros par exemple est loin d’être lisse, ses décisions et ses motivations portent même à confusion parfois, lorgnant avec les limites entre le bien et le mal. On flirte donc souvent avec Machiavel entre raison d’État et velléités plus personnelles. On croise nombre d’autres personnages tout aussi réussis mais dont la liste est trop longue pour ne pas tomber immédiatement dans l’itération assommante. J’ai particulièrement apprécié le chef de troupe de musiciens et son allant irrépressible, Ifness un historien venu de la terre pour étudier Durdane et qui est sensé ne pas intervenir dans le cours des choses ou encore un allié improbable qui finira par faire sédition entre deux volumes bien virevoltants. Très riche en développement personnel, cette trilogie est un régal pour les amateurs de destinées tortueuses et les psychés dérangées.
Véritable récit-monde, le contexte est d’une richesse incroyable avec une densité descriptive impressionnante mais jamais étouffante. On en apprend énormément sur Durdane en pénétrant dans les arcanes du pouvoir, l’organisation des différents cantons, les croyances et pratiques diverses qui ont cours dans le Shant. Dans la troisième partie, Etzwane élargit ses horizons, en parcourant un continent à demi sauvage le Caraz et partira même dans l’espace pour une quête désespérée. Lieux, ethnies et espèces sont donc passées au crible avec une légèreté de style louable et de tous le instants. Le dépaysement est total, l’immersion aussi. Durant plus de 600 pages, on est vraiment ailleurs entre réalisme crû, fantasy et SF avec une écriture qui fait merveille, que le temps n’affecte pas et qui au final procure un bonheur de lecture assez indescriptible.
Jack Vance frappe encore avec une édition vraiment superbe (manque juste une carte que j’ai par ailleurs trouvé sur le net) et une trilogie qui dépote et ravira les amateurs du genre. Courez-y si ce n’est déjà fait !
"La Caste des Méta-Barons" de Juan Gimenez et Alexandro Jodorowsky
L’histoire: Il est le Méta-Baron ! La simple évocation de son nom suffit à terrifier des armées entières. Depuis des générations, le Méta-Baron est le plus puissant combattant de l'univers. On a connu le dernier de cette dynastie au cours des aventures du pauvre John Difool et de ses démêlés avec l'Incal. On découvre à présent l'extraordinaire histoire de ses ancêtres, qui commence avec Othon, ancien pirate, qui, par amour et loyauté, devint le premier Méta-Baron. On assiste au terrible rite de passage qui régit cette famille impitoyable, où le fils est mutilé par son père, puis doit le vaincre en un combat singulier d'où il ne reste qu'un seul survivant. Il en est ainsi à chaque génération de la caste des Méta-Barons !
La critique de Mr K: Un bon et grand classique de la SF au programme de ma critique du jour. À l’occasion des grandes vacances, je m’étais entre autre pris les huit tomes de La Caste des Méta-Barons de Juan Gimenez et Alexandro Jodorowsky, deux auteurs qu’on ne présente plus et que j’aime par dessus tout. Cette grande saga de space-opera nous raconte génération après génération la destinée d’une dynastie de guerriers entre grandeur et décadence. Œuvre culte s’il en est, je ne l’avais pour le moment jamais lu, le tort est désormais réparé et c’est rien de dire que c’est un chef d’œuvre qui m’a littéralement soufflé!
Dans un futur très éloigné, dans un univers gouverné par un empereur aux pouvoirs sans limite, le chaos n’est pas loin. Le pouvoir est souvent contesté par des factions et races diverses qui mettent à mal l’ordre établi. Tout débute sur la planète Marmola où depuis des siècles la famille des Castaka exploite le marbre et le manipule comme s’il ne pesait rien grâce à une huile antigravitationnelle miraculeuse: l’épiphyte. Le secret était bien gardé jusque là mais il finit par s’éventer attisant la convoitise de tous les vautours de la galaxie. L’histoire des méta-barons commencent donc dans le sang et la fureur, marquant à jamais la dynastie du sceau du malheur et de l’errance.
Huit volumes pour huit personnalités qui permettent donc d’explorer l’arbre généalogique d’une famille plus que tourmentée où les mâles sont considérés comme les guerriers les plus puissants de l’univers. À chaque génération, la légende veut que le fils ait vocation à devenir plus puissant que son père et pour prouver ce fait, il doit triompher de son géniteur jusqu’à ce que mort s’ensuive! Autre rituel initiatique de cette sympathique famille, la mutilation et la résistance à la douleur font partie intégrante de la «formation» du futur méta-baron: l’un sera castré, d’autres auront pas de pieds, de tête, de main ou d’oreille. Heureusement pour eux à cette époque tout est possible et chaque méta-baron se voit attribué des membres et parties du corps grâce aux techniques avancées de cybernétique.
L’histoire en elle-même est racontée par Tonto, un robot au service du dernier méta-baron qui semble s’être absenté du méta-bunker, forteresse volante imprenable. En compagnie de Lothar, un robot plus limité intellectuellement (certains diront enfantin), ils attendent le retour de leur maître. Le récit s’attarde donc globalement sur les flashbacks que raconte Tonto avec son lot de coups de théâtre, de destinées perverties, de règlements de compte interspatiaux et des scénettes se déroulant au présent qui prendront toute leur importance lors de l’ultime volume avec une révélation des plus fracassante! Inutile de vous dire qu’on ne s’ennuie pas une seconde lors de cette lecture très dense et de toute beauté.
Cette œuvre est avant tout une plongée concession dans un fatum familial funeste. Au delà des traditions terribles qui régissent les rapports pères-fils, il semble que la lignée soit maudite, que le bonheur leur soit interdit d’une manière comme une autre. Le bonheur est souvent fugace même s’il se révèle très intense sur le moment. Finalement, ces méta-barons sont des êtres de pure passion, romantiques à l’extrême entre pulsions de mort et d’amour. Trahisons, vénalités, cruauté parfois mais aussi apprentissages, pédagogie, amour puissant et parfois inceste (gloups) rythment ces existences hors du commun portée par le poids de la lignée et du devoir. Je trouve qu’il y a une dimension cornélienne chez les Castaka, des individus déchirés entre la raison et les élans du cœur, une complexité qui les rend passionnants et très attachants malgré le caractère imprévisible qui peut les caractériser à l’occasion.
L’aspect space opera est très bien rendu lui aussi avec l’exploration de quantités de mondes et de systèmes tous plus beaux les uns que les autres. On voyage donc beaucoup et l’on ne peut que s’incliner devant le foisonnement d’idées qui fourmillent entre ces pages. On croise aussi nombre de personnages plus barrés les uns que les autres avec une mention tout particulière pour la secte des nonnes-putes! Menaces d’invasion, complot pour renverser l’empereur, vendetta anti Méta-Baron, j’en passe volontairement pour vous laisser la surprise. Le scénario n’est vraiment pas avare en rebondissements et l’on passe de Charybde en Scylla avec un plaisir renouvelé limite sadique! On retrouve aussi certaines thématiques purement jodorowskyenne avec l’aspect mystique très présent, le rapport complexe à la religion et l’exploration intérieure des personnages qui peut parfois virer au psychédélisme. Moi qui suis fan de ces trips, j’ai été aussi gâté à ce niveau là!
Et puis, cette œuvre est vraiment magnifique avec des dessins de toute beauté qui ressemblent parfois à de véritables tableaux. Les couleurs, le trait, le découpage des cases tout concourt à offrir un spectacle incroyable, d’un souffle et d’une puissance qui efface tout sur son passage. C’est grandiose vraiment et l’on lit ces huit volumes d’une traite ou presque (il faut bien dormir!). La Caste des Méta-Barons fait partie je pense de ces œuvres immortelles qui resteront gravées à jamais dans le cœur des fans de SF. Culte de chez culte!
"Les Temps assassins T3 : Parmi les vestiges" de Pierre Léauté
L’histoire : Il n’a qu’un seul nom mais en utilise des centaines.
Il fuit son passé depuis des siècles.
Ses contemporains l’ennuient.
Les immortels le craignent.
Il est l’Empereur des Mondes.
Il est Ehren Mason.
La critique de Mr K : Ultime tome de la trilogie des Temps assassins, Parmi les vestiges de Pierre Léauté nous propose une conclusion assez magistrale à une saga vraiment prenante et à la complexité grandissante au fil des volumes. C’est un nouveau narrateur qui prend place ici, Ehren Mason (aka Le Tricheur) qui va nous raconter le fin mot de l’histoire. Vous pensiez en avoir vu de belles ? Attendez de lire la suite de ma chronique et ceci évidemment sans spoiler les volumes précédents, exercice fort difficile je vous l’accorde.
Jusque là le lecteur n’avait qu’entraperçu Ehren Mason au détour de scènes clefs de l’intrigue. Personnage mystérieux, volontiers roublard et accompagné de tueurs sanguinaires, on se doutait bien qu’il pouvait jouer un rôle important. Le présent tome va lever le voile sur ses origines, son parcours et surtout son devenir hors du commun. Comme pour tout Immortel qui se respecte, tout va se jouer à partir d’un crime ineffaçable qui est à l’origine de leur Don. Comme pour Darwell ou Charlotte des volumes précédents, commence une existence basée sur un remord originel. La différence pour Ehren réside dans le fait qu’il va accéder assez vite (dans une vie d’Immortel s’entend) aux plus hauts pouvoirs et hautes fonctions, se laisser griser avant de tout perdre. Le personnage se laisse facilement gagner par l'hybris inspiré par le pouvoir, l’argent et semble ne jamais en avoir assez. Semant volontiers le chaos et le doute, il va au final trouver sa place et révéler sa vraie nature.
Je pensais après la lecture des deux premiers tomes que l’auteur avait fait déjà le tour de la question et d’ailleurs si on m’avait demandé mon avis, j’aurais même dit que l’on pourrait s’arrêter là malgré quelques zones d’ombre. C’est justement ces espaces qu’explore Pierre Léauté grâce à Ehren, exploration qui va élargir le champ des possibles et amener sur la table de nouveaux éléments bien sombres qui font replonger un certain nombre de personnages. Et oui, on a ainsi le plaisir de revoir Charlotte, Darwen (mon chouchou je l’avoue) et quelques personnages essentiels comme Saint Preux ou encore l’Oracle. Ça paraît logique tant on accompagne Ehren qui en fait est aux premières loges des événements racontés dans les deux premiers volumes. Sans qu’on le sache vraiment, il tirait nombre de ficelles et se cachait derrière certains deus ex machina et autres rebondissements.
On retrouve pendant une petite moitié de livre la naissance d’un Immortel avec le personnage d’Ehren, on reprend donc les mêmes ficelles que les deux tomes précédents avec ici des focus historiques sur Alexandre le Grand notamment. Et oui, Ehren est bien plus vieux que les deux autres héros, ceci explique son influence plus forte. Ça fonctionne bien, la mayonnaise prend et même si je dois avouer que le personnage n’a pas le charisme des précédents (c’est plus un filou puis un tyran au départ), on se plaît à suivre les méandres de son existence. Véritable serpent faisant sa mue à de multiples reprises, bien malin sera celle ou celui d’entre vous capable de deviner sa destinée. Plusieurs fois dans ce volume, on revit certaines scènes importantes à travers ses yeux, ceci nous révélant des tenants et des aboutissants dont nous étions loin de nous douter. Beaucoup de certitudes s’effondrent et on essaie de comprendre les réactions en chaîne que cela va pouvoir provoquer.
Très vite, ce troisième tome se révèle être un véritable jeu de piste à travers le temps, l’espace et les relations complexes entre les personnages et camps en présence. Certaines vérités font mal et provoquent l’irruption de nouvelles entités ou personnages d’une sacrée trempe qui feraient passer les précédents bad guy pour des petits rats de l’opéra. On ne peut que s’incliner devant l’architecture même de l’œuvre dans son ensemble, c’est brillant et remarquablement amené. Parmi les vestiges ne peut en cela être lu sans avoir parcouru les deux opus précédents. Il les complète de fort belle manière, élève les enjeux à un niveau encore supérieur et fournit une conclusion sans appel. Le rythme reste toujours aussi haletant, pas le temps de s’ennuyer avec des péripéties nombreuses et les surprises qui vont avec.
Que dire de plus sinon que dans le genre cette trilogie est une pièce de choix qui se déguste sans modération ! Un pur bonheur de lecture que je vous invite à entreprendre au plus vite.
Déjà lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm Éclairé :
- Rouge vertical
- Les Uchronautes
- Mort aux grands et Guerre aux grands
"Les Temps assassins T2 : Les Uchronautes" de Pierre Léauté
L’histoire : Immortel. La vie semble plus douce. Pourtant, les démons de nos âmes vivantes continuent de nous hanter. Guerrier, mentor, révolutionnaire, Darwen Longville cherche la paix et n’ignore pas qu’elle a un prix...
L’éternité a ses héros. Elle a aussi ses victimes.
La critique de Mr K : Il s’est déjà passé quatre ans depuis ma lecture du premier tome de la trilogie des Temps assassins de Pierre Léauté, Rouge Vertical. Honte à moi tant j’avais aimé ce premier volume aussi virevoltant que réussi. Heureusement, nous avons croisé l’auteur aux Utopiales de 2019 et il s’est rappelé à mon bon souvenir lors d’une entrevue aussi chaleureuse que sympathique. C’est donc avec une grande envie que je commençais ma lecture du tome 2 : Les Uchronautes. Et là... l’addiction totale et malgré une Little K en forme, je n’ai pu me résoudre à relâcher ce volume encore plus réussi que le précédent !
On change de point de vue avec ce deuxième tome laissant de côté Charlotte Backson (aka Milady de Winter) pour suivre le parcours tortueux et haut de couleur lui aussi de Darwen Longville, l’homme par qui le chaos va survenir chez les Immortels, êtres mystérieux capables de voyager dans le temps et ses différentes fractales. Fils de nobliaux ne s’étant jamais remis de la mort de son jeune frère, il aiguise ses compétences de combattant hors pair à force d’épreuves et d’entraînements, il finit par s’engager dans l’armée de Guillaume le conquérant et participe à la bataille d’Hasting durant laquelle il trouve la mort... Mais ne vous y trompez pas, ceci n’est que le début de son incroyable destin ! Possédant le Don, il devient un Immortel. Il rejoint leur confrérie secrète Analekta et devient un exécuteur chargé de chasser les renégats de l’ordre. Obéissant à la lettre au décalogue, une liste de dix commandement à respecter absolument sous peine de mort (et oui on peut mourir en étant immortel), il commence cependant à douter et un événement va tout faire basculer.
Écrit à la première personne, ce livre est hyper immersif. On suit au plus près le parcours de Darwen un personnage aussi attachant que complexe. La première partie s’attache à sa vie humaine si je puis dire et l’on retrouve tout le talent de l’auteur pour ciseler ses personnages, leur donner vie et les faire évoluer dans des directions parfois désarçonnantes. On ne tombe jamais ici dans la caricature, chose qui malheureusement est souvent le cas dans ce type de littérature. Ici tout être est pétri de contradictions et chaque personnage inspire des sentiments mêlés au lecteur. D’initiatique le roman se transforme vite en récit de vendetta et en rébellion qui met toutes les certitudes entre parenthèses et donne lieu à une multitudes de scènes épiques, de trahisons et révélations qui produisent leur petit effet. On ne s’ennuie pas une seconde avec en plus une science de la narration millimétrée qui réserve son lot de surprises. La fin de l’ouvrage est un vrai déchaînement de fureur qui mène à une conclusion très mélancolique qui m’a personnellement comblé. On n’a pas affaire à un auteur qui propose un bel écrin pour accoucher d’une souris, ici tout est poussé à son paroxysme et on ne tombe pas dans la facilité.
De par leur capacité de se déplacer dans le temps, le récit est vraiment échevelé, surprenant. On peut tout se permettre quand on écrit ce type d’histoire et Pierre Léauté ne s’en laisse pas compter. Il maîtrise la matière historique avec fun, jubilation et panache (il n'est pas prof d'Histoire dans le civil pour rien !) ; les amateurs d’Histoire mais aussi d’uchronie seront aux anges avec une multitude d’époques explorées toujours avec justesse et un souci de clarté appréciable. Et puis, tout le background est passionnant à commencer par cette mystérieuse confrérie qui révèle peu à peu son vrai visage, les factions concurrentes qui ne sont pas des plus claires non plus, pléthore de personnages mystérieux qui cachent bien leur jeu et se révèlent parfois être de véritables fous furieux (même dans le soit disant bon camp)... Les humains ne sont finalement que des pions interchangeables voire jetables lors de certaines séquences pour le moins explosives.
Le tout est emballé de la plus belle des manières avec une langue toujours aussi plaisante à parcourir : accessible, précise, jamais rébarbative et toujours en mouvement. C’est un pur bonheur en mots, phrases et chapitres. C’est bien simple, les pages se tournent toutes seules et il m’a été impossible de lâcher le volume. Une super lecture qui se prolonge avec un troisième tome dont je vous parlerai plus que très prochainement puisque j'en ai déjà terminé la lecture...