"Vongozero" de Yana Vagner
L’histoire : Anna vit avec son mari et son fils dans une belle maison près de Moscou. Un virus inconnu a commencé à décimer la population. Dans la capitale en quarantaine, la plupart des habitants sont morts et les survivants – porteurs de la maladie ou pillards – risquent de déferler à tout instant. Anna et les siens décident de s’enfuir vers le nord, pour atteindre un refuge de chasse sur un lac à la frontière finlandaise : Vongozero. Bientôt vont s’agréger à leur petit groupe des voisins, un couple d’amis, l’ex-femme de Sergueï, un médecin... Le voyage sera long, le froid glacial, chaque village traversé source d’angoisse, l’approvisionnement en carburant une préoccupation constante.
La critique de Mr K : Cet ouvrage m’avait échappé lorsqu’il était paru aux éditions Miroboles en 2014. Et pourtant, Vongozero de Yana Vagner avait tout pour me plaire et il a fallu que je retombe dessus à la faveur d’une critique élogieuse sur un blogami pour que je repense à lui et que je me décide enfin à l’acquérir mais dans le format poche pour le coup. Oh que j’ai bien fait ! Voilà un ouvrage qui m’a bien scotché avec son ambiance post apocalyptique crépusculaire hyper réaliste et son traitement psychologique d’orfèvre. Accrochez vous, ça va chauffer au pays du grand froid !
Une épidémie sévit dans le monde entier, les morts se comptent en millions. Le virus (qui à certains égards rappelle le COVID19) s’étend inexorablement et les villes dont celle de Moscou sont mises en quarantaine. Anna vit en proche banlieue et voit un jour son beau père arriver à l’improviste pour prévenir son fils qu’il faut partir au plus vite, les gens paniquent et les pillards ne sont plus loin. La seule solution ? Fuir ailleurs, loin, très loin des hordes qui risquent de déferler. Avec son mari, son enfant, les voisins puis l’ex-femme et le premier enfant de son mari, les voila partis sur les routes vers un refuge possible, une cabane au bord du lac Vongozero situé dans la région nord du pays à la limite de la frontière finlandaise. On se doute bien que la folle équipée ne sera pas de tout repos...
Dans ce récit de survie qui décrit une fin du monde basée sur une crise sanitaire sans précédent, l’auteure prend son temps. Ne vous attendez donc pas à un rythme trépidant, à une accumulation de scènes chocs ou d’exploits individuels phénoménaux. C’est plus la description du voyage et des rapports psychologiques qui s’instaurent entre les protagonistes qui sont au centre de ce récit. Tous les personnages sont fouillés à commencer par Anna qui raconte l’histoire de son point de vue et n’hésite pas à nous faire partager ses pensées les plus profondes. Loin d’être lisse, cette héroïne doit accuser le coup : perdre du jour au lendemain sa maison, partager son intimité avec des étrangers et même l’ex de son mari. Les tensions apparaissent très vite, les caractères s’affirment, l’atmosphère devient lourde accentuée par les tiraillements de la faim, les dangers qui peuvent surgir à n’importe quel moment et la quête constante de carburant pour pouvoir avancer toujours plus loin et peut-être atteindre leur but.
On suit avec appréhension ce périple en voiture long de plusieurs centaines de kilomètres dans des conditions climatiques très difficiles (c’est l’hiver en Russie, il fait très froid vous imaginez !), les paysages semblent désertés, des villages et des villes sont livrées à elles-mêmes et au pillage. On se méfie de tout et de chacun, la contamination est toujours possible faisant monter d’autant plus un sentiment de crainte voire de paranoïa. Les obstacles sont nombreux et l’on s’y croirait, la narratrice racontant le moindre détail de ce voyage éprouvant, du quotidien de ses infortunés compagnons de voyage, quasiment aucune ellipse n’est employée ici, on suit donc l’action et le temps qui passe sans jamais rien rater. Certains trouveront cette lecture monotone, ennuyante (je l’ai aussi lu sur le net), j’ai trouvé cela hypnotique, assez novateur et proche dans l’esprit d’un La Route de McCarthy (un ton en dessous tout de même).
Vongozero se lit très facilement, j’ai aimé la souplesse et l’accessibilité de cette écriture très incisive et immersive comme jamais. Les 540 pages se parcourent à vitesse grand V et on en redemande. Ça tombe bien, il y a une suite, Le lac, qui s’annonce comme un huis clos sous haute pression. Je n’attendrai pas aussi longtemps que pour celui-ci pour le lire !
La PAL grandit !
Petites PAL deviendront grandes. Et puis si elles le sont déjà, et bien elles le seront encore plus ! On va pas s'embêter avec ça quand même. Comme dirait mémé : "Quand y a de la gêne, y a pas de plaisir". Voilà un problème de moins ^^
Hier après-midi, nous nous sommes dirigés vers notre Emmaüs chéri. Nous savions que c'était mauvais signe pour nos PAL. Nous n'y allions pas pour cela à la base mais allez résister à une telle tentation !
PAL +2 pour moi. + 11 pour Mr K (ah ah aucune volonté !)
En détail pour moi :
- "Au commencement était la vie" de Joyce Carol Oates : parce que j'ai vraiment beaucoup aimé Délicieuses pourritures du même auteur.
- "Disgrâce" de J.M. Coetzee : parce que j'ai craqué sur la couverture (et puis c'est un Prix Nobel de littérature).
Et pour Mr K :
- "L'arrière-monde" de Pierre Gripari : un livre qui m'intrigue beaucoup pour un auteur que j'adorais étant enfant avec ses recueils de contes (Ah, l'inénarrable sorcière du placard à balai !). Ici, on change du tout au tout avec des nouvelles qui ont l'air bien barrées... wait and see !
- "Le pêcheur" de Clifford D. Simak : un livre d'un de mes auteurs préférés de SF ça ne se refuse pas ! Il est question dans ce volume d'exploration mentale de l'espace et de possession par un esprit alien... Tout un programme !
- "Apparition" et "Le trône de satan" de Graham Masterton : histoire de conjurer la mauvaise impression que cet auteur m'avait laissé lors de ma dernière lecture, je tombais deux fois dans le piège de quatrième de couvertures séduisantes où il est question de diable et de maison hantée. À moi, les nuits agitées !
- "L'aube incertaine" de Roland C. Wagner : disparu trop tôt, ce fer de lance de la SF française méritait bien que j'adopte ce petit volume qui m'a l'air des plus sympathiques entre roman policier, SF et saillies humoristiques.
- "Pour adultes seulement" de Philip Le Roy : l'occasion fait le larron et j'avais adoré "Le Dernier testament" du même auteur. Ici il est question de flics ripoux et le roman semble prendre la forme d'un road movie déjanté. Ça promet !
- "Séquestrée" de Chevy Stevens : une victime d'un serial killer s'échappe après 12 ans de séquestration pour autant elle n'en a pas fini avec lui. Recommandé par Lisa Gardner que j'affectionne, je me suis laissé tenter. Il s'agit d'un coup de poker.
- "Le murmure des loups" de Serge Brussolo : parce qu'un Brussolo ça ne se refuse pas et qu'en plus, je n'en avais plus dans ma PAL !
- "Bande originale" de Rob Sheffield : une histoire d'amour vu à travers le prisme du rock and roll. Très alléchant comme pitch, je ne pouvais pas passer à côté !
- "Le racisme expliqué à ma fille" de Tahar Ben Jelloun : je n'en avais lu que des extrait jusqu'alors, il était temps de réparer ce tort. Surtout que cela semble plus que nécessaire par les temps qui courent...
- "L'autre monde" de Michal Ajvaz : une grosse curiosité m'a poussé à acquérir ce livre qui apparaît comme un ovni. Le narrateur fait de constants aller retour entre le présent et un passé fantasmé. Ce sera un saut dans l'inconnu que cette lecture !
- "Pas nette la planète !" de Plantu : un recueil de plus dans ma collection, celui-ci est beaucoup plus vieux que mes précédents achats, il date de 1984 ! Cela promet un beau voyage dans le temps !
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Et bien je crois qu'il va falloir qu'on s'y mette maintenant ! Bonnes lectures à tous !
"Mauvaise étoile" de R.J. Ellory
L'histoire: Texas, 1964. Après l'assassinat de leur mère, Elliott et Clarence ont passé le plus clair de leur adolescence dans des maison de correction et autres établissements pénitentiaires pour mineurs. Le jour où Earl Sheridan, un psychopathe de la pire espèce, les prend en otage pour échapper à la prison et à la condamnation à mort, les deux adolescents se retrouvent embarqués dans un périple douloureux et meurtrier. Alors que Sheridan sème la terreur dans les petites villes américaines bien tranquilles qui jalonnent leur route, une sanglante et terrible partie se met en place entre les trois protagonistes. Loin de se douter de la complexité de celle-ci, les policiers, lancés à leurs trousses, et en particulier l'inspecteur Cassidy, ne sont pas au bout de leurs surprises.
La critique Nelfesque: J'ai lu cet Ellory à sa sortie en librairie. Et oui, je crois que je ne peux plus vous le cacher, je suis une fan absolue de cet auteur qui touche pour moi au sublime dans un style très populaire qu'est le thriller. Qui a dit que ce genre littéraire était fait de facilités? Lisez un Ellory et on en reparle!
"Mauvaise étoile" est la dernière traduction française de R.J. Ellory disponible en librairie depuis début octobre. Encore une fois classé en thriller, il relève plus pour moi du roman noir avec ses personnages complexes et à la psychologie fouillée et son road movie, digne des plus grandes traversées d'Amérique, angoissant et saisissant.
Ce n'est donc plus un secret pour personne, Ellory et moi c'est une grande histoire d'amour. Une histoire d'amour qui a commencé avec la découverte de "Seul le silence" et qui n'est pas prête de s'arrêter. On retrouve dans "Mauvaise étoile" tout ce qui fait la force de cet auteur: une plume qui lui est propre, de toute beauté, et cette faculté qu'il a d'emmener ses lecteurs dans une ambiance à part. Plus que lire "Mauvaise étoile", on le vit. Vraiment...
De roman en roman, j'ai l'impression d'avancer toujours les mêmes arguments mais ce n'est pas ma faute après tout si ce grand monsieur est aussi doué dans son Art! Ce serait sans doute plus facile de parler d'une déception et de trouver des défauts à une oeuvre, mais je n'y peux rien, Ellory a su encore me toucher avec ce magnifique roman. Plus encore qu'avec ses précédents qui déjà atteignaient des sommets. C'est dire!
Les personnages principaux sont frères. Des petits gosses qui n'ont pas eu beaucoup de chance dans la vie. Après l'assassinat de leur mère, et la scène poignante qui en découle, Elliott et Clarence vont vivre leur adolescence dans des maisons de correction et établissements pénitentiaires pour mineurs. Dès l'enfance, ils sont frappés du sceau de l'injustice et le jour où ils sortent enfin à l'air libre, ils se trouvent embrigader dans une histoire qui n'est pas la leur. Touchants et naïfs, ils vont alors suivre le chemin de Earl Sheridan, un psychopathe qui sème la terreur et le sang sur son passage.
Face à ces évènements, les deux frères vont vivre les choses complètement différemment. L'un va se méfier de Earl, l'autre va le prendre pour modèle. Ici se scellera la fin de ce qui les unissait jusqu'alors et commence pour le lecteur un tourbillon de sentiments à la lecture du roman. Le parti pris littéraire d'Ellory surprend alors ici avec une écriture skizophrénique qui nous fait parfois perdre le fil de l'histoire mais qui se révèle être d'une complexité et d'une maîtrise sans précédent. Si vous avez lu "Sorry" de Zoran Drvenkar, également édité chez Sonatine, vous avez déjà touché du doigt cette complexité. Ici on ne sait plus qui est qui, tant les personnages vont être mélangés, pris les uns pour les autres, perdus dans leurs têtes...
Je suis ressortie de "Mauvaise étoile" complètement sonnée! Une vraie claque! J'aime particulièrement les romans noirs où il est question de jeunes ado et de leurs difficultés de vivre. Dans ce roman ci, on va bien au delà de la souffrance et des questionnements propres à cet âge ingrat. On entre dans une histoire poignante, horriblement triste (j'ai quand même versé ma larme, ce qui arrive très rarement) et rudement bien mené.
Plus qu'un écrivain, Ellory est pour moi un génie dans son genre! Des romans à couper le souffle, la beauté et la rudesse à chaque coin de page, une expérience à vivre en tant que lecteur. "Mauvaise étoile" peut être encore plus que ses autres romans. Jetez-vous dessus! J'en ai encore des frissons...
Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé:
- "Seul le silence"
- "Les Anonymes"
- "Vendetta"
- "Les Anges de New-York"