"De Bons présages" de Terry Pratchett et Neil Gaiman
L’histoire : L'Apocalypse est pour demain. Avec ses trompettes, ses flammes de l'Enfer, son courroux du ciel et tout le tremblement. L'éternel lutte entre les forces du Bien et celles du Mal arrive enfin à son terme. On va pouvoir savoir qui est l'heureux gagnant.
Sauf que certains ont pris goût à l'humanité et s'imaginent qu'on pourrait éventuellement essayer de penser les choses avec un peu plus de subtilité. N'en déplaise à leurs maîtres respectifs, l'ange Aziraphale (bouquiniste à temps partiel) et le démon Rampa (qui aimerait bien écouter autre chose que Queen sur l'autoradio de sa Bentley) se sont mis d'accord pour repousser l'apocalypse d'une éternité ou deux.
Encore faudrait-il pour ça mettre la main sur l'Antéchrist. Mais allez trouver un garnement pareil dans un bled paumé de l'Angleterre. Et puis, gare ! il est flanqué d'un terrible molosse des enfers dont le nom même fait frémir : Toutou.
La critique de Mr K : Je ne me suis jamais vraiment remis du décès de Terry Pratchett, un auteur talentueux à l’écriture magique et à l’humour qui dériderait un mort. Dans mon malheur, un espoir ; l’homme fut prolixe en œuvres et pas seulement dans ses ouvrages se déroulant dans l’univers déjanté du Disque-monde. Ainsi, j’ai beaucoup apprécié sa tétralogie SF (il me reste le quatrième tome à lire d'ailleurs) écrite déjà en collaboration avec Stephen Baxter (La Longue Terre, La Longue Guerre et La Longue Mars). Lors d’une rencontre avec l’auteur Guillaume Chérel pour une sortie chez Mirobole éditions à la librairie L’Archipel des mots à Vannes, je tombai inopinément sur De Bons présages, mis en avant par une libraire transie d’amour envers Pratchett (une note ne tarissant pas d’éloge étaient glissée sur la couverture de l’objet du délit !). La quatrième de couverture acheva de me convaincre avec un mix improbable mais diablement séduisant (sic) d’apocalypse, d'Antéchrist, de buddy guy movie entre un ange et un démon sous le sceau du délirant Pratchett et l’écriture ensorcelante de Neil Gaiman, autre auteur que j’aime beaucoup. Ce n’est pas exagéré que de dire que ce livre était fait pour moi...
L’Apocalypse aura donc lieu en fin de semaine (après le thé) et rien ne semble se passer comme prévu, le pire étant qu’à la manière du merveilleux film La Vie est un long fleuve tranquille, deux bébés ont été échangés à la naissance dont le futur Antéchrist, fils du Diable en personne qui doit mener les opérations et réduire l’humanité en esclavage. Avouez que c’est ballot de s’en rendre compte à moins d’une semaine de l’ultime guerre céleste opposant le Bien et le Mal. Ce recueil relate les putatifs derniers jours de notre monde avec une foule de personnages totalement branques et moult références eschatologiques, bibliques et plus encore. C’est dense, fouillis, tordu et terriblement drôle. Passez votre chemin si vous aimez les narrations à sens unique, vous reposer sur vos lauriers quand vous lisez car ici tout est diablerie stylistique, rebondissements abracadabrantesques et référencés tout azimut, chaque page (chaque phrase même) réservant des surprises et des vannes totalement ubuesques dans la pure lignée des œuvres précitées de Pratchett.
On croise quand même un sacré beau monde durant les 430 pages de ce livre à nul autre pareil. À commencer par un duo fort disparate composé d’un ange et d’un démon qui se connaissent depuis des millénaires et sont censés être opposés. Le temps ne fait rien à l’affaire et des rapprochements se sont opérés, des idées ont émergé dont celle saugrenue s’il en est que l’homme mériterait peut-être d’être sauvé malgré ses errances répétées et ses coups de canifs dans le contrat signé avec Dieu. Pour autant, ce n’est pas gagné pour eux, difficile en effet de désobéir sans conséquences fâcheuses quand son patron est Dieu ou le Diable. Cela donne lieu à nombre de réflexions de hautes volées teintées d’humour totalement anglais, no-sense à la Monty Python dont je suis adepte, des situations cocasses alternant avec des rencontres peu communes avec notamment une descendante d’une Nostradamus femme, un corps d’inquisiteurs que la tentation de la chair guette de très près, un Antéchrist de onze ans (et sa bande de gentils garnements) qui hésite à passer du côté obscur (ils sont sympas les gens quand même !), un chien infernal qui se complaît dans son rôle de meilleur ami de l’homme ou encore les quatre cavaliers de l’Apocalypse amateurs de grosses bécanes chevauchant vers leur destinée suivis par des motards décérébrés... On nage en plein délire, les références et les digressions s’accumulent mais on en redemande.
N’allez pas croire pour autant qu’il ne se passe rien. Certes l’action est lente mais peu à peu, la fin menace et tout se précipite. D’étranges événements se déroulent un peu partout (on croise à l’occasion quelques victimes de l’Apocalypse pas piqués des vers dont une télé-agente qui n’a vraiment pas de bol !), l’orage gronde et inexorablement tous les principaux protagoniste se retrouvent concentrés dans un coin paumé d’Angleterre où se jouera le sort de toute vie sur Terre. Je vous laisse découvrir le génial artifice final qui réglera la situation.
Bien que chargé et fleurissant en concepts désopilants, De Bons présages se lit très facilement si on s’en donne les moyens. Loin d’être indigeste, l’ensemble pourrait être qualifié de livre-somme entre récit alternatif de l’Apocalypse, saillies drolatiques à la Groland pour une bonne critique de notre monde / du genre humain et jeu constant avec nos marqueurs sociétaux et religieux. C’est grandiloquent et irrévérencieux, drôle et ironique, en deux mots : jubilatoire et génial ! Si le cœur vous en dit, foncez ! Vous ne le regretterez pas, ça ne ressemble à rien d’autre.
"La Longue Mars" de Terry Pratchett et Stephen Baxter
L'histoire: La Primeterre est dévastée. L'éruption du Yellowstone a noyé les États-Unis sous la cendre et rendu inhabitable une grande partie de la planète. Des flots de réfugiés se massent dans les terres parallèles adjacentes, bientôt surpeuplées. Il faut s'adapter pour survivre. Dans ce contexte post-apocalyptique, l'énigmatique Lobsang décèle l'émergence dans l'humanité de jeunes surdoués à l'intelligence incomparable. Est-ce une chance ou une menace? Il invite Josué Valienté, lui-même marginal dans son enfance, à enquêter auprès de la jeunesse atypique de Belle-Escale. Une jeunesse à laquelle Maggie Kauffman, commandant du dirigeable Armstrong II, aura affaire dans les circonstances les plus calamiteuses… De son côté, Sally Linsay reçoit un message de son père, avec qui elle n'a plus de contact depuis le jour du Passage. Le génial inventeur nourrit le projet de se rendre sur Mars afin d'en explorer les profondeurs parallèles, convaincu d'y faire une fabuleuse découverte. Laquelle? Et surtout à quel prix?
La critique de Mr K: Cette lecture a un goût tout particulier. C'est le troisième volet d'une saga qui pour l'instant m'a charmé et envoûté comme rarement et on sait en commençant La Longue Mars qu'après il faudra attendre un certain temps pour lire le tome 4 seulement disponible en anglais pour l'instant. Et puis… il y a la disparition récente et encore douloureuse de Terry Pratchett parti trop tôt. Le tome 5 prévu sera-t-il finalement écrit par Baxter en solo ? Pour autant, je n'allais pas bouder mon plaisir à replonger dans cette histoire de mondes parallèles qui s'avère toujours aussi passionnante et bien écrite.
La Primeterre (notre planète) est en piteux état. Suite à une éruption volcanique géante, elle est devenue inhabitable. Commence alors la plus grande vague migratoire de l'Histoire de l'humanité. Cela ne va pas sans poser des soucis de place, de logistique mais aussi de géopolitique. La concurrence reste rude entre les puissances: les USA et la Russie sont à terre, les chinois veulent tirer leur épingle du jeu. L'exploration des mondes parallèles continue donc avec comme objectif pour Maggie Kauffman (commandant de vaisseau US) d'atteindre le 250 000 000 ème monde parallèle, limite jamais franchie et synonyme de gloire pour le pays qui l'atteindra en premier. L'expédition ne sera pas de tout repos avec passager clandestin, mondes hostiles et confrontation dramatique face à des mutinés d'un vaisseau considéré comme perdu depuis des années.
On retrouve aussi Lobsang et Josué aux prises avec nos successeurs, de jeunes gens aux capacités cérébrales étendues (des protohumains diront les spécialistes) arrogants et menacés par la realpolitik en œuvre autour de leurs personnes. Faut-il les étudier? Les supprimer? Les laisser vivre à leur guise? Autant de questionnement autour de l'évolution de notre espèce tant au niveau de ses capacités que de ses dérives. La thématique est passionnante et remarquablement servie par les vulgarisations scientifiques d'un Baxter toujours aussi talentueux dans le domaine. On frôle entre deux rencontres et péripéties, le récit philosophique voir métaphysique, on réfléchit beaucoup entre prospective et vision éclairée du présent. C'est assez bluffant et addictif à souhait.
Sally quant à elle accompagne son père avec qui les rapports sont tendus. Plutôt mauvais dans son rôle de géniteur (le grand absent), c'est lui qui avait livré gratuitement à l'humanité les plans des passeurs, machines permettant à tout à chacun de traverser les multivers en toute liberté. Le voila lancé maintenant sur la piste d'un mystérieux artefact qui serait présent sur l'une des nombreuses Mars. On alterne ici récit intimiste (parfois très touchant) d'une relation père/fille complexe et la course vers les étoiles et un secret bien caché. Là encore, le lecteur se verra guidé par des explications précises et assez jubilatoires sur le fonctionnement de l'univers et des astres qui le compose.
Toutes ces intrigues se croisent, se rejoignent et se séparent pour un ensemble finalement très homogène et d'une rare richesse. On retrouve le souffle de l'aventure avec un grand A, des personnages très attachants (j'adore Sally et Josué notamment), l'humour distillé par petites touches marqué du sceau de Pratchett, l'immersion dans un multivers foisonnant, un humanisme mesuré ne tombant jamais dans la facilité et des enjeux passionnants. On termine sur les genoux, heureux et pantelants d'avoir entrepris un voyage à nul autre pareil. À ne pas louper pour tous les adeptes de SF!
Chroniques des deux premiers tomes de la trilogie:
-La Longue Terre
-La Longue Guerre
Bye Bye Mister Pratchett...
C'est un grand monsieur qui nous a quitté hier en la personne de Terry Pratchett. Avec son look de professeur de Poudlard, il était un auteur que j'affectionne particulièrement avec ses volumes drôlatiques et merveilleux se déroulant dans le Disque-Monde où personnages ubuesques se croisaient et devaient faire face aux situations les plus délirantes. Qu'est-ce que j'ai pu rire et m'évader au travers des aventures débridées du mage Rincevent ou de la sorcière Mémé Ciredutemps entre autres... J'ai aussi découvert plus récemment l'étendue du talent de cet auteur hors-norme avec les plus classiques mais tout aussi réussis volumes de La Longue Terre et La Longue Guerre (La Longue Mars devrait bientôt se retrouver dans ma PAL) où il livrait avec son camarade Baxter des romans SF à la fois divertissants et réflectifs.
66 ans, c'est vraiment trop jeune pour mourir, il rejoint La Mort personnage récurrent de ses oeuvres avec lequel il marchera et ne manquera pas de philosopher. Il nous laisse un grand vide dans le petit monde merveilleux de la littérature de genre. Reste son oeuvre universelle et conséquente qui n'attend plus que d'être découverte par de néo-lecteurs. Soyez sûr que nous serons à l'avant garde de ceux qui partageront et inspireront (nous l'espérons) de nouveaux lecteurs qui découvriront à leur tour un univers d'une richesse et d'un humanisme rare.
Chapeau bas l'artiste, vous nous manquez déjà...
"La Longue Guerre" de Terry Pratchett et Stephen Baxter
L'histoire: Dix ans ont passé depuis que Josué Valienté est revenu des profondeurs de la Longue Terre. Il mène désormais une existence paisible dans une jeune colonie à plus d'un million de mondes de sa Terre d'origine et n'aspire plus qu'à vivre en famille sans se mêler des problèmes du multivers.
C'est alors que surgit sa vieille amie Sally Linsay, porteuse de graves nouvelles. Les trolls, nos cousins pacifiques, sont de plus en plus souvent victimes de la maltraitance des hommes. Josué restera-t-il longtemps les bars croisés?
D'autant que la tension monte entre les mondes lointains et la Primeterre, où l'inquiétant Brian Cowley, le nouveau président des États-Unis, ne cesse de durcir sa politique à l'égard des colonies. Exaspérés par les spoliations et les abus dont ils font l'objet, les pionniers déclarent leur indépendance. Il n'en fallait pas plus pour décider l'administration Cowley à lancer une expédition punitive censée ramener les brebis égarées dans le droit chemin.
La critique de Mr K: J'avais adoré La Longue Terre lors de ma lecture, une œuvre fleuve, sensible et drôle. Assez unique en son genre! Quand j'avais appris qu'il s'agirait d'une trilogie, ma première réaction ne fut pas tendre, il faut dire qu'aujourd'hui la mode est aux sagas, à la multiplication des volumes dans un ensemble qui souvent ressemble à un délayage informe, sans saveur et finalement uniquement commercial. Mais bon... quand on connaît sieur Pratchett, on ne peut décemment l'accuser de telles fourberies, c'est donc plutôt confiant que j'entamais le présent volume. Quel bonheur encore une fois!
Il s'en est passé du temps depuis le premier roman. Les héros d'hier ne sont plus les mêmes, Josué vit désormais en père de famille comblé, l'agent Jansson est en retraite et atteinte d'une maladie, Sally Linsay reste elle totalement imprévisible quant à Lobsang je vous laisse le découvrir par vous-même! L'exploration des multivers continue, on cherche désormais à dépasser les 2.000.000 de planètes parallèles à la notre et la colonisation progresse avec son lot d'incertitudes et de défis. La tension monte entre les colonies florissantes et la Primeterre qui voit d'un bien mauvais œil la diaspora humaine se développer dans ces mondes parallèles sans pouvoir la contrôler. On s'oriente donc vers un conflit. C'est à travers le prisme de multiples personnages, très différents les uns des autres que les auteurs nous proposent un voyage à nul autre pareil entre exploration, realpolitik et échanges entre populations et espèces.
On retrouve toutes les qualités du premier volume dans celui-ci. Tout d'abord un monde foisonnant, neuf dans sa représentation qui tranche pas mal dans l'univers SF traditionnel. Certes le thème des mondes parallèle a été et reste traité régulièrement mais il y a ici une ambiance bien particulière partagée entre le côté scientifique de cette expérience littéraire (des explications forts pointues mais bien menées ponctuent certains chapitres) et une écriture décontractée, marque de fabrique de Terry Pratchett qui ici n'abuse point de l'humour mais le dispatche avec finesse et efficacité. Ce n'est pas la grande gaudriole comme pouvaient se révéler l'être les aventures se passant dans le Disque-monde. L'écriture souple, accessible et parfois enchanteresse accompagne à merveille le lecteur pris immédiatement en otage par deux auteurs au sommet de leur forme.
On voyage énormément entre petites colonies de quelques âmes, grandes cités de la Primeterre et tout un ensemble de mondes plus étranges les uns que les autres malgré leur ressemblance avec notre bonne vieille terre pour paraphraser le capitaine Haddock. Des passages entiers sont consacrés aux nouvelles organisations nées de ces installations dites "sauvages" par le gouvernement central. Cela donne de belles pages évoquant l'aventure avec un grand A, celle notamment des premiers explorateurs du XVIème siècle avec des problèmes à régler propres à une primo-installation (l'accès à l'eau, l'électricité, les lois, la justice...). C'est aussi la rencontre avec l'Autre. On retrouve avec grand plaisir les trolls, grands humanoïdes proches de nous, pacifiques et avides de connaissances qui malheureusement doivent se heurter à la nature égoïste et agressive de l'être humain. Plus étonnant, drôles et inquiétantes en même temps, une race d'hommes-chiens que l'on rencontre vers la fin de ce volume et qui va s'avérer être au centre de la trame principale. Les descriptions des créatures, des paysages, la gestion des différents personnages de chapitre en chapitre sont d'une rare qualité et clarté, ce qui ne peut que faire avancer la cause de la SF!
Ici c'est le plaisir immédiat et l'impression de rentrer dans un univers différent qui prédominent, les deux auteurs ont bien eu raison de prolonger l'aventure car il y a de quoi faire. Surtout qu'au détour des méandres de l'histoire, on se surprend à s'interroger sur soi-même et l'évolution du monde actuel. Pas de catastrophisme pour autant (ce n'est pas le genre de Pratchett) mais quelques piqûres de rappel bien placées pour ne pas ressortir de cette lecture sans bagage réflectif. Intelligent et drôle, je vous l'avais dit!
Il est fortement conseillé d'avoir lu le premier volume pour s'attaquer à celui-là mais croyez moi ça vaut le détour! Il y a une vraie fin à La Longue Guerre même si on imagine aisément vers où les auteurs veulent nous mener pour le troisième et ultime volume. Gageons qu'il soit aussi réussi que ses deux prédécesseurs!
"La Longue Terre" de Terry Pratchett et Stephen Baxter
L'histoire: Dans les vestiges calcinés du domicile d’un scientifique discret, l’agent Monica Jansson découvre un curieux gadget : un boîtier abritant du fil de cuivre, un commutateur et... une pomme de terre. Ce "Passeur" est la porte d’entrée universelle que tout un chacun peut fabriquer pour accéder à une infinité de Terres parallèles sans présence humaine : il suffit d’un pas, un seul pas, vers l’est ou vers l’ouest.
La découverte de cette "Longue Terre" sans limites va bouleverser à jamais l’humanité. Si une ère nouvelle s’ouvre aux pionniers, les gouvernements sont moins enthousiastes à la perspective de tous ces mondes incontrôlables. Et que de questions sans réponse !
Auxquelles certains vont s’atteler. La plus improbable des missions d’exploration se prépare. À bord d’un dirigeable prennent place Josué Valienté, un jeune homme doué du talent de passer d’un monde à l’autre sans assistance mécanique, et Lobsang, une intelligence artificielle extravagante qui fut un réparateur de motocyclettes tibétain dans une vie antérieure. Un voyage aux confins de la Longue Terre les attend...
La critique de Mr K: Aujourd'hui, je vous propose une immersion hors du commun issue de la rencontre de deux grands noms de la littérature de genre: Terry Pratchett et Stephen Baxter. Personnellement, je suis un inconditionnel du premier et de son univers fantasy ubuesque et drôlatique au possible (voir ici). J'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion d'en parler au Capharnaüm Éclairé. Ici, Pratchett s'attaque à la science fiction en compagnie d'un spécialiste de la hard science-fiction basée sur des découvertes technologiques et scientifiques attestées. Cette collaboration et le mélange qui en découle sont détonants et la lecture de cet ouvrage m'a procuré un plaisir à la fois rare et durable.
Tout commence quand un scientifique trouve le moyen de "passer" d'une Terre à une autre. Ce que les humains ne savaient pas jusque là c'est qu'à côté du monde tel que nous le connaissons, il existe une multitude de terres parallèles qui ne demandent qu'à être explorées. Ces mondes sont très proches de celui que nous connaissons même si l'évolution s'est effectuée légèrement différemment. Très vite, à côté des humains qui utilisent un mystérieux boitier pour traverser les mondes, on se rend compte que certains le font naturellement sans appareillage. C'est l'un d'entre eux, Josué, que nous suivons durant la majeure partie de l'ouvrage, accompagné d'une IA (Intelligence Artificielle) dénommée Lobsang, dans la découverte de ces nouvelles terres. Ils vont tout de même en traverser plus de deux millions! Le but de cette exploration lui est étranger car Lobsang lui cache les véritables objectifs de ce voyage quasi initiatique. Que recherche vraiment la black-corporation, initiatrice de ce périple hors du commun? Qu'y-a-t il au bout de cette boucle qui paraît sans fin? Quel est ce mystérieux péril qui semble menacer tous ces mondes? La réponse ne viendra qu'à la toute fin de l'ouvrage.
Les auteurs intercalent des chapitres qui nous présentent d'autres personnages qui s'avèreront peu à peu très importants pour la quête principale et épaissiront un background déjà particulièrement fourni. On fait ainsi connaissance avec Monica Jannson, un agent des forces de l'ordre qui se trouve être à l'origine de la découverte du fameux passeur qui permet d'aller et venir entre les mondes. On suit aussi la famille Green dont les différents membres ont un rôle à jouer dans la trame principale et ils témoignent que des choix et problèmes familiaux peuvent avoir de grandes conséquences dans l'histoire de l'humanité. On croise aussi de nouvelles communautés installées depuis peu sur les territoires de la longue terre et qui essaient de fonder de nouveaux mondes avec leurs propres règles. Cela, bien évidemment, a des répercussions sur la primeterre (notre Terre d'origine) et ne plait pas aux fous de Dieu et aux États qui voient leurs pouvoirs régaliens mis à mal (notion de territoire qui devient floue, le souci de l'aide aux nouveaux pionniers, les risques terroristes...). Autant de sujets sérieux qui sont remarquablement traités dans cet ouvrage vraiment pas comme les autres.
Bien que dense, ce volume se lit très aisément. Pas besoin d'être un spécialiste de SF pour lire et apprécier cette Longue Terre. D'ailleurs, on ne peut que souligner le talent de Steven Baxter pour vulgariser sans raccourcis les concepts les plus complexes (remarquable passage sur la différence entre la physique et la physique quantique). La langue est facile d'accès, sans boursoufflures stylistiques. Le rythme est soutenu et l'on s'ennuie jamais tant les auteurs maîtrisent avec maestria leur histoire et tous ses déroulés annexes. On retrouve aussi l'ironie et l'humour de Pratchett même si ici, il se fait plus discret que dans les Annales du disque-monde, et que la comédie est plus un moyen qu'un but en soi. Nous ne sommes donc pas devant une oeuvre parodique mais bel et bien devant un grand et bon livre de SF qui traite de sujets classiques dans ce genre particulier mais avec un esprit neuf et sans limite de ton lénifiant ou moralisant: le développement humain et sa logique (technologie, écologie, modèle de développement...), les mystères de l'âme humaine (l'amour, la jalousie, l'envie et tant d'autres sentiments bien humains), la solitude et sa nécessaire rupture pour la survie, la conscience de soi et des autres...
Au final, cette lecture fut un ravissement de tous les instants. Ce voyage est unique en son genre et tous les amateurs de la SF y trouveront leur compte entre univers riche et foisonnant, space-opéra intimiste et réflexions plus générales sur l'avenir de l'espèce humaine. Le tout est servi sur un ton à la fois épique et humoristique ce qui rend cette expérience inoubliable. Un must donc qu'il serait dommage de rater!
Bientôt remplacée!?
Je détourne le blog de Mr K et de Nelfe pour vous faire part de ma mélancolie naissante et de mon inquiétude profonde. Depuis peu, mon ingrat de maître a commencé la lecture de "La longue terre" de Terry Pratchett et Stephen Baxter. Il y est question de mondes parallèles que le héros va explorer à bord d'un dirigeable bien étrange. Rien de flippant à première vue sauf qu'à un moment, Mr K a arrêté sa lecture sur ce passage:
"Vous avez vu la taille de cette nacelle. Elle regorge de recoins inaccessibles et nous risquons d'être vite envahis de rongeurs. Il ne leur sera pas difficile de grimper le long des haussières quand nous nous poserons. Or il ne faudrait surtout pas qu'un rat se mette à grignoter nos circuits. D'où la présence de Shi-mi. Minou! Viens, mon minou!"
Une chatte entra dans le salon. Elle avait la démarche souple, silencieuse, presque convaincante. Mais une diode brillait au fond de ses yeux verts.
[...]
"Elle peut émettre sur demande un ronronnement apaisant conçu pour être le plus agréable possible à l'oreille humaine. Elle est capable de détecter les souris par infrarouge et son ouïe est excellente. Elle assommera ses proies d'une décharge de faible intensité avant de les avaler entières. Elles se réveilleront dans un estomac spécial où elles trouveront de quoi se nourrir et se désaltérer. Le moment venu, Shi-mi les déposera délicatement dans un vivarium où elles vivront heureuses avant d'être libérées en lieu sûr.
- C'est se donner bien du mal pour des souris...
- C'est conforme aux usages bouddhistes. Ce prototype est propre et hygiénique. Il ne maltraite pas ses proies et fait dans l'ensemble tout ce qu'on attend d'un chat domestique à part se soulager dans votre casque stéréo - un grief fréquent, à ce qu'il paraît. Ah oui! Elle est réglée en usine pour dormir sur votre lit". [...]
Pages 128 et 129
Il y a tout de même de quoi hérisser les poils du dos! Vous humains, vous ne pouvez pas comprendre! Vous imaginez vous faire remplacer par de vulgaires robots??? Et puis... si nous félins avons envie d'uriner dans votre casque, qu'est-ce que ça peut vous faire? Il faut nous prendre comme on est et c'est tout! Et Mr K qui a l'air d'apprécier au plus haut point ce livre... Que vais-je devenir?
Heureux les simples d'esprit...
Dans une dimension lointaine et passablement farfelue, un monde en forme de disque est juché sur le dos de quatre éléphants, eux-même posés sur le dos d'une tortue.
A Ankh-Morpork, l'une des villes de ce Disque-Monde, les habitants croyaient avoir tout vu. Et Deuxfleurs avait l'air tellement inoffensif, bonhomme chétif fidèlement escorté par un Bagage de bois magique circulant sur une myriade de petites jambes.
Tellement inoffensif que le Praticien avait chargé le calamiteux sorcier Rincevent de sa sécurité dans la cité quadrillée par la guilde des voleurs et celle des assassins; mission périlleuse et qui va les conduire loin: dans une caverne de dragons et peut-être jusqu'aux rebords du disque.
Car Deuxfleurs appartenait à l'espèce la plus redoutable qui soit: c'était un touriste...
La critique Nelfesque: Voyant Mr K mort de rire à la lecture de Terry Pratchett et ayant acquis un exemplaire de "La Huitième couleur" d'occaz chez Gibert depuis plusieurs années, c'était le moment de faire le grand saut. Et ce n'est pas peu dire quand on sait que "Le Disque-Monde" compte une trentaine de tomes... Vous comprenez mieux maintenant pourquoi j'ai mis du temps à me décider!
Après tant d'hésitation, une décision: je ne lirai pas les 37 tomes (à ce jour)! Pourquoi? Tout simplement parce que je n'ai pas adhéré au style d'écriture de l'auteur: des descriptions farfelues à n'en plus finir, des personnages dont la façon de parler ressemble à celle de ma poissonnière... J'ai tout de même persévéré car l'histoire me plait bien: Deuxfleurs en touriste candide, son coffre sur pattes en chien fidèle, Rincevent en mage raté mais finalement pas tant que ça, un monde à découvrir et des dieux qui tirent les ficelles. C'est très bien mené. Je le conseille donc pour tout ceux qui aime la fantasy, pour les autres il se lit très bien mais je doute que vous alliez vous aussi jusqu'au tome 37...
Je le passe à Mr K qui va le dévorer en moins de 2 ;)
Les sorcières selon Terry Pratchett
L'auteur:
Terry Pratchett est né le 28 avril 1948 dans le Buckinghamshire en Angleterre. Il publia sa première nouvelle à l'âge de treize ans. En 1965 il devint journaliste pour le "Bucks free press" et vit son premier cadavre 3 heures plus tard. Il écrivit aussi des critiques pour un éditeur. Grace à ses contacts dans l'édition il put publier un livre qui eut de bonnes critiques et qui l'encouragèrent à continuer dans cette voie. En 1980 il prit la fonction d'attaché de presse pour un groupe de trois centrales nucléaires. Mais en 1983 il écrit son premier livre sur le disque-monde, The colour of magic, et ceci changea sa vie.
En 1987, après avoir écrit cinq livres sur le disque-monde, il devint évident qu'écrire la série du disque-monde était plus amusant que d'exercer un "vrai" travail. Alors il se consacra à l'écriture à plein-temps, pour le plus grand plaisir de ses nombreux fans. Ses livres ont régulièrement une place dans la liste des bestseller.
De nos jours, Terry Pratchett vit à Wiltshire (toujours en Angleterre) avec sa femme Lyn et sa fille Rhianna. Il consacre, aujourd'hui, ses loisirs à la culture des plantes carnivores (qui sont beaucoup moins intéressantes que les gens ne se l'imaginent) et, selon lui, il n'y a pas assez d'orangs-outans sur terre.
Résumés de la trilogie:
La huitième fille
Sentant venir sa mort prochaine, le mage Tambour Billette organise le legs de ses pouvoirs, de son bourdon, de son fond de commerce. Nous sommes sur le Disque-Monde. (Vous y êtes? Nous y sommes.) La succession s'y opère de huitième fils en huitième fils. Logique. Ainsi procède le mage. Puis il meurt.
Or il apparaît que le huitième fils en cause est... une fille. Stupeur, désarroi, confusion : jamais on n'a vu pareille incongruité.
Trop tard ; la transmission s'est accomplie au profit de la petite Eskarina. Elle entame son apprentissage sous la houlette rétive de la sorcière Mémé Ciredutemps...
Trois soeurcières
"Le vent hurlait. La foudre lardait le pays comme un assassin maladroit...
La nuit était aussi noire que l'intimité d'un chat. Une de ces nuits, peut-être, où les dieux manipulent les hommes comme des pions sur l'échiquier du destin. Au coeur des éléments déchaïnés luisait un feu, telle la folie dans l'œil d'une fouine. Il éclairait trois silhouettes voutées. Tandis que bouillonnait le chaudron, une voix effrayante criailla :
"Quand nous revoyons-nous, toutes les trois ?"
Une autre voix , plus naturelle, répondit :
"Ben, moi, j'peux mardi prochain."
Rois, nains, bandits, démons, héritiers du trône, bouffons, trolls, usurpateurs, fantômes, histrions et tables tournantes : rien ne vous est épargné. Shakespeare n'en aurait pas rêvé tant. Ou peut-être si ?
Avec en exclusivité, le ravitaillement en vol d'un balai de sorcière...
Mécomptes de fées
Une mission de tout repos pour trois sorcières de haut vol (Air Balai) : empêcher les épousailles d'une servante et d'un prince. Pas de quoi impressionner Mémé Ciredutemps, Nounou Ogg et Magrat Goussedail. Oui, mais :
-
- Ça se passe à l'étranger (beurk!), dans la cité lointaine de Genua.
-
- Que faire d'une baguette magique de seconde main qui ne sait que transformer les choses en citrouilles ?
-
- Comment s'opposer au pouvoir irrésistible des contes s'ils sont manipulés par la redoutable " bonne fée " Lilith ? N'est-ce pas le merveilleux destin d'une servante que d'épouser un prince ? Comme celui des mères-grands de se faire dévorer par le loup ?
Tel n'est pourtant pas l'avis de madame Gogol, la sorcière vaudou des marais de Genua.
" Enco an piti zassiette di gombo, ma chè ? "
La critique de Mr K :
Attention lecteur courageux, si tu pénètres dans l'univers fantasico-comique de cet auteur anglais, tu en ressortiras à jamais changé! Amateur de fantasy depuis mon enfance, je trouvais le genre sclérosé et enfermé dans des schémas narratifs récurrents: la froideur et le sérieux étant de mise, je me suis quelques peu détourné du genre. C'est seulement, il y a trois ans en compulsant le site le cafard cosmique que j'appris l'existence du maître Pratchett!
Ces trois opus consacrés aux sorcières et leurs moeurs étranges font partie d'une oeuvre monumentale au sens propre: les chroniques du Disque-monde. Ce monde imaginé par Pratchett est rond et plat, navigue dans l'espace sur le dos de quatre éléphants, eux mêmes juchés sur la carapace d'une tortue stellaire (A'Tuin)!!! Tout un programme et le reste est à l'avenant! Les chroniques sous leur apparente édition anarchique se doivent d'être lus par deux, trois ou quatre selon les personnages principaux qui parfois reviennent pour de nouvelles aventures. Il y a la trilogie de Rincevent, un mage qui ne connait qu'un seul sort mais ignore lequel tant qu'il ne l'aura pas prononcer! La trilogie sur la mort (prénommée Mortimer) travailleur de force et accablé de chagrin depuis la mort de sa fille! J'en oublie bien d'autres... Pour plus d'information, je vous renvoie à ce site où tout cela vous sera exposé plus clairement.
Dans cette trilogie peuplée de sorcières malicieuses vous verrez: des sorcières qui passent le temps à se chamailler (Il y a du Audiard dans les dialogues), à s'ennivrer à la taverne et à faire régler la terreur sur les "bouseux" (grâce à leur chapeau pointu et leur gouaille naturelle). Vous y verrez aussi des âmes damnées dépressives, des bouffons fraichement sortis de leur guilde ayant une crise de foi, des monarques ridiculement cruels, des chèvres savantes commentant les agissements de leur maîtresse, une sorcière vaudou amatrice de rhum-banane, une marraine fée décidée à faire en sorte que le bonheur règle et ceci par tous les moyens, un zombi nommé Baron Saturday (les amateurs de James Bond reconnaîtront la référence!). Pendant ce mois et demi de lecture (avec quelques pauses), j'ai beaucoup ri et surtout je me suis évadé comme jamais depuis Tolkien et Vance. Se situant entre le roman picaresque et la fantasy pure, le tout servi par une langue simple mais non dénuée de subtilité; sous le prisme d'un humour parfois féroce, Pratchett réussit le tour de force à la fois de faire rire mais aussi d'aborder des sujets comme la perte d'un être cher, les relations hommes femmes, le théâtre... A lire donc et ceci de 7 à 77 ans tant les niveaux de lecture sont étendus.