lundi 16 janvier 2023

"Walking dead" intégrale de Kirkman, Adlard, Gaudiano et Rathburn

Walking dead

L’histoire : Rick est policier et sort du coma pour découvrir avec horreur un monde où les morts ne meurent plus.

Mais ils errent à la recherche des derniers humains pour s'en repaître. Il n'a alors plus qu'une idée en tête : retrouver sa femme et son fils, en espérant qu'ils soient rescapés de ce monde devenu fou. Un monde où plus rien ne sera jamais comme avant, et où une seule règle prévaut : survivre à tout prix.

La critique de Mr K : Lire une intégrale de 33 volumes c’est quelque chose ! Ça faisait un bail que je souhaitais découvrir cette saga comics de Kirkman, moi qui avait été déçu par le tournant pris par la série et qui l’avait arrêté en fin de saison 8. Heureusement l’ami Frank est toujours là pour les bons plans BD et il m’a prêté l’ensemble il y a trois mois. Ne voulant pas tomber dans la folie, la mono-manie, j’ai divisé ma lecture en quatre étapes et c’est la veille de mon anniversaire que je terminais cette saga vraiment géniale.

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L’apocalypse zombie est là. Rick, un policier lambda se réveille d’un coma suite à une intervention musclée et découvre que le monde qu’il connaissait a définitivement disparu. Il retrouve en fin de premier tome sa femme et son fils. Avec un groupe de personnes rencontrées au fil du hasard, ils tentent par tous les moyens de survivre et de rester humains... mais comme ils vont l’apprendre très vite, les zombies ne sont peut-être pas la menace la plus dangereuse...

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Niveau scénario, on est dans du classique du genre, les situations évoquées vous rappellerons sans doute à chaque fois des livres ou des films déjà lus et vus. Mais finalement peu importe, l’essentiel ici réside dans les personnages et les trajectoires qu’ils prennent. Ne vous attachez pas trop à eux, ça défouraille sévère, ça part régulièrement en vrille et en cela le comics est très réaliste car dans un apocalypse zombie on ne peut pas vraiment rester vivant (comme on l’entend au sens classique) très longtemps !

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Tous les personnages sont donc très creusés. Rien ne nous est caché de leur passé - même si des fois il faut attendre pas mal de temps avant d’avoir LA révélation qui fracasse tout -, de leurs pensées les plus intimes et de leurs actes. Les frontières du bien et du mal sont régulièrement franchies sans vergogne et l’on ne sait vraiment pas sur quel pied danser avec les protagonistes qui tour à tour étonnent, surprennent, dégoûtent, rendent admiratifs. C’est très souvent thrash, beaucoup plus que dans la série d’ailleurs. On est dans du jusqu’au-boutiste, des choses sont traitées bien plus frontalement, ils se passent des événements impossibles à mettre en images dans une série télé US. Pour autant, on n'est pas dans la surenchère gratuite, tout s’inscrit dans la durée, la métamorphose d’êtres banals en de véritables machines à survivre qui doivent avancer bon gré mal gré, les coups du sort se multipliant, devant cependant tenir debouts.

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La dimension psychologique est remarquablement mise en mots et en images. C’est très verbeux diront certains (qu’est-ce qu’ils peuvent se parler les américains, mêmes quand ils se connaissent très peu) mais franchement on ne s’en lasse pas. Cela donne une vraie profondeur aux protagonistes qui sont tout de même confrontés à de sacré horreurs entre zombies amateurs de chair fraîche et humains tarés, obsédés par le pouvoir et le contrôle. On nage dans la noirceur la plus totale et lorsque l’on se dit qu’on a vu / lu le pire, il se passe toujours quelque chose d’autre qui calme encore plus. Le background est très bien ficelé aussi et l’on s’y croirait vraiment.

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Scénario et caractérisation des personnages sont bétons. Se rajoutent sur cela de superbes planches qui nous en mettent plein les mirettes entre scènes d’action effrénées, grandes planches descriptives qui scotchent et des personnages très charismatiques. Malgré son caractère complètement barré, ma préférence va vraiment vers Negan, un perso effrayant et attirant à la fois qui dans le comics me paraît encore mieux traité que dans la série (même si je suis fan de l’acteur). J’aime beaucoup Rick aussi, bien plus borderline que dans la série. Mais en fait, il y en a tout plein qu’on apprécie et de manière globale je les ai trouvé crédibles et vraiment très bien caractérisés. Ça fait tout drôle de devoir les quitter après le tome 32 (le tome 33 est purement anecdotique à mes yeux, son intérêt est vraiment mince).

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Bon vous l’avez compris, cette intégrale est incroyable, prenante comme jamais et les amateurs du genre doivent foncer le lire. Dans le genre, on trouve vraiment difficilement mieux et une fois qu’on a mis le nez dedans, c’est impossible de décrocher. À bon entendeur !


samedi 23 juillet 2022

"J'ai tué le Soleil" de Winshluss

J00365L‘histoire : Avec pour unique bagage un sac à dos et un fusil à la main, un homme marche en quête de nourriture. Il tente de survivre jour après jour dans une nature belle mais sauvage. Et il s'en sort plutôt bien, quand il n'est pas surpris par un ours ou par une meute de chiens errants. Calme, il paraît pourtant seul au monde. Qui est-il ? Pourquoi son regard vrille-t-il d'un coup lorsqu'il découvre une empreinte de chaussure dans la neige ?

La critique de Mr K : Un bonne bande-dessinée post apocalyptique au programme de la chronique du jour au Capharnaüm éclairé avec J’ai tué le soleil de Winshluss, un auteur que l’on apprécie à la maison notamment avec le très punk In god we trust, une revisite hilarante de la Bible ni plus ni moins !

Le démarrage est très classique. On suit un homme seul, barbu dans un monde où il n’y a plus personne. Le danger est cependant partout notamment des hordes de chiens errants affamés. Errant au gré de ses besoins, il visite maisons abandonnées et autres petites villages pour y trouver de quoi subvenir à ses besoins. C’est le règne du silence, l’humanité résumé à sa plus simple expression face à une nature désormais libérée de l’empreinte de nos civilisations et qui commence à reprendre ses droits. La "rencontre" avec l’ours à ce propos est assez savoureuse ! Volontiers contemplative, cette première partie s’attache à suivre Karl dans son quotidien survivaliste et il y a peu à lire sauf les jurons du héros face aux difficultés et un méga flippe face à une meute de chiens.

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Puis, on vire dans une autre ambiance. Il finit par croiser des humains patibulaires qui veulent exécuter un homme, l’altercation est furieuse et notre héros sauve le membre d’une communauté qui vit en marge. Cet accès de fureur, ces réflexes guerriers interrogent le lecteur, les réponses vont venir durant le séjour qui débute pour Karl avec des flashback qui éclairent son passé et donne à voir un tout autre visage à cet homme qui semblait simplement bourru jusque là. Les révélations pleuvent et notre antihéros surprend et effraie à la fois...

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Deux parties, deux climax traités avec finesse avec le trait si particulier d’un dessinateur qui semble s’être s'éclater dans sa proposition. Noir et blanc cendré, longues planches descriptives et irruption momentanée et fulgurante d’actions souvent bien thrash, le monde d’après fait peur et l’immersion est totale. L’avenir est ici très noir, l’espoir bien mince et l’on explore les instincts primaires de l’homme comme jamais même si par moment une pause apparaît, une lueur dans la nuit mais pas pour longtemps.

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L’ouvrage se lit tout seul, malheureusement trop rapidement (seulement 20 minutes pour moi), presque un goût de trop peu alors que l’ouvrage se compose tout de même de 148 pages. Plus qu’une BD post-apocalyptique de plus, J’ai tué le soleil présente une étude de personnage fouillée et complexe, un pur bonheur qui montre bien qu’on peut aborder un genre très codifié tout en respectant ses lecteurs, en leur proposant une vraie réflexion sur notre espèce. Du caviar à consommer sans modération !

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samedi 25 juin 2022

"La Terre des vampires" trilogie de David Munoz et Javi Montes

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L’histoire : Un cataclysme a recouvert l’atmosphère de la terre d’une couche de poussières qui filtre les rayons UV : résultat, les vampires qui se cachaient le jour règnent à présent en maîtres et font de la planète leur terrain de chasse... La survie de l’espèce humaine est menacée. Seuls et dissimulés au milieu des décombres d’une ville ravagée, deux adultes et une poignée d’enfants tentent de s’en sortir. Affamés, ils n’ont pas d’autre issue qu’affronter les dangers de l’extérieur. Sous l’influence d’un mystérieux sauveur qui se joint à eux, ils font le pari désespéré de traverser l’Europe, à la recherche d’un refuge où les derniers hommes se seraient regroupés...

La critique de Mr K : C’est une fois de plus l’ami Franck qui m’a prêté ce triptyque qui fait la part belle aux vampires dans une version dépoussiérée et disons-le tout de go "à la mode". Dans La Terre des vampires, David Munoz et Javi Montes croisent le récit fantastique avec du post-apocalyptique bien senti. L’ensemble se lit tout seul avec un certain plaisir même s’il faut bien avouer qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil (-sic-)...

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Quatre enfants et deux adultes se retrouvent sur les routes en quête d’un abri. Le monde a bien changé et il n’est pas sûr de se balader dehors dans cette nuit perpétuelle qui permet à certains chasseurs nocturnes amateurs de sang frais de se faire les crocs sur quelques gorges frémissantes. Transformés en proies, les humains ne sont plus au sommet de la chaîne alimentaire et chacun tente de survivre comme il peut. La petite expédition démarre très mal avec des pertes lourdes et lors d’une attaque, un mystérieux inconnu va venir à leur secours. Mais est-il vraiment ce qu’il prétend être ? Le refuge existe-t-il ? Il n’y aura pas trop de trois volumes pour régler ses questions et en ouvrir d’autres...

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On est ici dans l’ultra-classique, le balisé. Il y a donc très peu de surprises dans le développement psychologique des personnages qui se rapprochent d’archétypes lus et vus de nombreuses fois. Cela ne les rend pas forcément inintéressants, il y a de bons passages qui mettent l’adrénaline en ébullition mais on est toujours dans le prévisible même si certains protagonistes importants vont disparaître (mon côté sadique a été comblé). Les épreuves vont faire évoluer les rapports de force, dénouer des nœuds psychologiques et révéler des secrets parfois bien sombres. On se laisse prendre au jeu malgré un manque d’originalité flagrant.

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Le background est bien ficelé. On en apprend un peu plus au fil des volumes, par petites touches. Les origines du mal, l’état de dévastation du monde, le projet mis en place par les vampires sont autant d’éléments qui se complètent et donnent à voir un futur particulièrement funeste et inquiétant. Je dois avouer que certains aspects auraient mérité d’être davantage traités, des questions restent sans réponses mais dans l’ensemble là encore ça fonctionne.

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L’aspect esthétique est soigné, certaines scènes d’exposition sont bluffantes et l’action bien décrite par des cases percutantes qui arrivent parfois à marquer les rétines durablement. À l’image de tout le reste, les auteurs font le job sans vraiment de génie ou de nouveauté. Bref une lecture sympa mais pas mémorable, le genre de petit plaisir coupable dont on ne retient pas grand chose mais qui sur le coups se révèle fort divertissant.

mercredi 27 avril 2022

"Gung Ho" de Benjamin Von Eckartsberg et Thomas Von Kummant

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L’histoire : Dans un futur proche, la "plaie blanche" a presque complètement décimé l’humanité, et la civilisation n’est plus qu’un doux souvenir. L’Europe toute entière est devenue une zone de danger, où la survie n’est plus possible qu’à l’intérieur de villes ou de villages fortifiés. Les règles sont importantes dans la zone de danger. Même un enfant sait cela. Jusqu’à ce qu’il devienne adolescent...

La critique de Mr K : Chronique d’une pentalogie d’anticipation aujourd’hui avec ce prêt de l’ami Franck. Pour le coup, la série de Benjamin Von Eckartsberg et Thomas Von Kummant ne m’a pas totalement convaincu. Certes, ça se lit tout seul mais le scénario est ultra-convenu et je n’ai pas adhéré au parti pris esthétique pour la représentation graphique des personnages. Je vous en dis un peu plus.

Zack et Archer, deux orphelins remuants débarquent à Fort Apache, un village retranché au bord d’un lac. Le temps est à la guerre, un conflit contre une menace sourde et insidieuse : la plaie blanche. Elle a décimé l’humanité, fait chuter le monde civilisé et les groupes humains se sont réfugiés dans des cités / villages forteresses où ils se terrent et survivent. Tout au niveau de l’organisation est bien huilé et organisé, les relations hiérarchiques bien installées et tout semble bien fonctionner dans la mesure où l’on est dans un univers post-apocalyptique. Le ver est cependant dans le fruit même avant l’arrivée des deux adolescents. Des tensions existent, des profiteurs agissent dans l’ombre, la menace du fléau est contenue mais à quel prix ! Comme des chiens dans un jeu de quilles, les deux ados rebelles vont faire exploser le fragile équilibre qui régnait sur Fort Apache et provoquer une mini-révolution.

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Pendant les deux premiers tomes, on en apprend peu sur le mystérieux fléau (ne cherchez pas, je n’en dirai pas plus -sic-), les auteurs s’attardent beaucoup sur les personnages principaux et notamment les plus jeunes. Car ne vous y trompez pas, cette saga se concentre surtout sur les adolescents et leur soif de liberté emprisonnée par les adultes au nom de la sacro-sainte sécurité. Plutôt bien menée au départ, j’ai trouvé que l’entreprise se révélait au final pas très fine, colportant des clichés superficiels notamment en matière d’obsession et de sexe (je précise que je suis loin d’être prude). J’ai aussi été beaucoup dérangé par la caractérisation des personnages féminins. Soit elles aguichent, soit ce sont des victimes, soit ce sont de formidables guerrières... Et puis, elles sont toutes super bien foutues, hypersexualisées par moments... Mouais, c’est sans doute une BD destinée aux ados décérébrés justement... Pour le coup, je ne me suis donc pas vraiment attaché à eux (sauf un peu à Zack), je trouvais qu’on avait affaire vraiment à des archétypes sans saveur, la chair est triste parfois. Je pense que nos jeunes méritent mieux que cela, qu’on leur propose davantage de finesse psychologique. Dans le genre en version littérature, Sa majesté des mouches de William Golding est décidément intouchable.

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L’aspect Walking dead / survival est bien rendu par contre. Certes on navigue là encore dans du déjà lu et vu, je n’ai jamais été surpris (sauf la forme de la fameuse menace) mais on se prend au jeu avec plaisir. Technique de survie, rondes, rationnement, réunions et affrontements, la tension est bien là avec suffisamment de mystères sur la personnalité des adultes responsables (la cheffe, le formateur de combat, l’épicier etc.). C’est assez jubilatoire de voir qu’un malheureux grain de sable peut tout faire exploser, les failles deviennent béantes et le final est bien ficelé malgré là encore un manque d’originalité. Les scènes des passages obligés impriment leur marque durablement, on frémit pas mal à certains moments et les pages se tournent toutes seules. N’attendez pas par contre toutes les réponses, les auteurs restent assez nébuleux sur le background, le pourquoi et le comment.

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Mais finalement ce n’est pas le manque d’originalité et les images d’Epinal qui m’ont le plus gêné dans cette lecture, il y a un choix esthétique qui ne m’a pas du tout plu. Autant les dessins sont globalement novateurs, colorés et proposent des décors et des scènes d’action parfois à couper le souffle, autant la représentation des personnages est catastrophique. On sent le travail par ordinateur, tout cela manque d’humanité, c’est lisse, creux et certaines cases donnent à voir des humanoïdes non expressifs. Plutôt gênant quand on traite de la révolte, de la guerre des générations et des sentiments ambivalents de l’adolescence entre Eros et Thanatos.

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Voilà, ce fut une lecture sympa mais sans plus. Sans originalité et sans réelle saveur, l’expérience se révèle décevante mais assez efficace en terme de détente-neurones. Avis aux amateurs.

samedi 2 janvier 2021

"La Chute" épisode 1 de Jared Muralt

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L’histoire : Le virus de la grippe décime la population. Liam vient de perdre son épouse, infirmière. Il doit s'occuper seul de ses deux enfants, dans un contexte de crise globale : l'économie est au plus mal, les politiques ne gèrent plus rien, la situation sociale est explosive et la catastrophe sanitaire est en cours. L'infortuné trio tente de fuir le pire, mais la descente aux enfers les menace.

La critique de Mr K : Nouvelle découverte liée à mon exploration du fond BD de mon CDI. On verse dans l’anticipation flippante ici avec le premier volume de La Chute de Jared Murald paru chez Futuropolis en mars 2020, un ouvrage plus que d’actualité avec un monde en pleine déliquescence dans lequel on suit un père et ses deux enfants qui se retrouvent confrontés à l’inconcevable : la chute de la civilisation face à une pandémie mondiale de grippe ! Cela ne vous rappelle rien ?

Le personnage principal, Liam, perd tout en l’espace de quelques jours : son travail et sa femme infirmière qui meurt du fameux virus qui dévaste la population. Sous fond de crise économique globale, de politiques complètement dépassés par les événements et l’anarchie qui règne dans les rues, les événements se précipitent et des décisions s’imposent au père de famille pour mettre les siens à l’abri.

Je ne vais pas vous mentir, ce n’est pas vraiment la BD feelgood par excellence que je vous présente aujourd’hui. Elle a même un caractère prophétique qui fait froid dans le dos. On retrouve la plupart des éléments constitutifs de la crise sanitaire et sociale que nous connaissons actuellement et le traitement réaliste de l’ensemble est bluffant. L’état de droit a presque disparu, les chaînes infos tournent en boucle débitants approximations et contre-vérités et les gens s’organisent à leur manière. Liam est tout d’abord complètement dépassé et doit se reprendre pour affronter la réalité. Très vite, le manque de nourriture va le pousser dehors où il va prendre la mesure de la déréliction de son quartier, ils sont quasiment seuls. Que s’est-il passé ?

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En parallèle, on suit aussi les deux enfants de Liam, Sophia et Max son jeune frère. Intéressant de voir la perception des deux jeunes avec notamment une adolescente en perte de repères qui cherche les limites et flirte avec le danger. L’équilibre familial est instable, on glisse vers une sorte de chaos intérieur qui pourrait déboucher sur un drame. On est constamment sur le fil du rasoir et la tension est palpable de planche en planche. L’auteur réussit vraiment à nous faire pénétrer dans l’intimité de la cellule familiale, à nous intéresser au quotidien morne et dangereux de personnes lambda que l’incroyable finit par rattraper.

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En soi, cette BD ne verse pas dans l’originalité. Le thème a déjà été beaucoup traité en SF et finalement on est peu surpris par le déroulé du récit. Pour autant la mayonnaise prend, en premier lieu grâce au trait si particulier et pointilleux du scénariste-dessinateur dont le style se rapproche d’un Mathieu Bablet, une sacrée référence. Fourmillant de détails dans une teinte générale sombre, il nous plonge avec talent dans cet univers crépusculaire. Il en va de même avec les personnages qui sont très expressifs et prennent vraiment vie sous nos yeux. L’œuvre est donc de toute beauté comme en témoignent les planches reproduites dans ce post.

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On en prend plein les yeux mais aussi plein la tête car même si ce premier volume s’apparente davantage à une exposition, des thèmes de réflexion forts font déjà leur apparition : le deuil et la manière de le surmonter, le délicat équilibre des forces en présence dans une cellule familiale touchée par un drame absurde mais réel et enfin la nature humaine déjà questionnée par les scènes d’indifférence ou de violence que Liam va croiser au fil de ses pérégrinations en ville pour dégoter de quoi nourrir les siens. C’est frontal mais jamais gratuit dans la dénonciation, c’est très fin et diffus, de quoi agrémenter une montée en puissance prometteuse.

Voilà donc une série qui démarre fort et risque de frapper encore plus les esprits dans les prochains tomes. Vivement leurs parutions !

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mercredi 23 décembre 2020

"Mission M'Other" de Pierre Bordage et Melanym

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L’histoire : Lia, 15 ans, seule survivante de la Mission M’Other, revient sur Terre dans une capsule de détresse. Elle se rend vite compte que toute la population a disparu, laissant derrière elle les vestiges de notre civilisation. Elle va donc entamer un périple à travers la France pour retrouver les hommes, comprendre ce qui s’est passé, étudiant sur sa route les moindres indices qu’elle pourra glaner : messages, photos, plans, carte d’accès... Lui permettront-ils de découvrir à temps le rôle qu’elle a à jouer ? Et vous, saurez vous découvrir ce qui est arrivé à l’humanité ?

La critique de Mr K : Je ne pouvais pas décemment passer l’année 2020 sans avoir lu un Pierre Bordage, un de mes auteurs chouchous. Déjà que cette année n’est pas reluisante, je n’allais pas en rajouter ! J’ai donc passé il y a quelque temps une commande spéciale littérature SF et j’ai invité le Pierrot à la maison avec notamment ce volume (j’en ai pris un deuxième histoire d’avoir de l’avance). Mission M’Other s’adresse clairement à un public de néophytes, les vieux briscards comme moi ne seront pas surpris par le déroulé scénaristique ni le style mais on passe un très bon moment, une douce récréation dont Bordage a le secret mêlant anticipation bien sentie et humanisme distillé par savante petites touches.

Lia est retombée sur Terre au sens propre ! Vivant dans l’espace depuis douze ans, suite à un accident, elle a perdu tous ses proches et s’est vue propulsée dans une capsule de détresse qui la dépose sur notre bonne vieille planète. Comme elle va pouvoir le constater très vite, celle-ci a bien changé. Tout n’est plus que désolation, ruine et dans un premier temps elle erre un peu sans but et sans rencontrer âmes qui vive. Que s’est-il passé ? Entre souvenirs parcellaires, rencontres fortuites puis relation plus poussée, le voile va se lever très progressivement pour aboutir à une vérité finale qui laissera des traces sur l’héroïne et le lecteur lui-même !

Dans le genre post-apocalyptique, ce roman s’avère très sympathique. On connaît le talent de conteur de Bordage, cela se vérifie une fois de plus ici avec un récit rudement bien mené et visant clairement un public plus jeune (à partir de la pré-adolescence). Dans une langue simple et évocatrice en diable, on redécouvre notre planète après la disparition étrange d’une majeure partie des habitants et un retour à la sauvagerie incarnée par un groupuscule mystique constitué de fanatiques sanguinaires persuadés d’être les élus du tout puissant. La nature a repris ses droits sur la civilisation à bien des endroits et le premier tiers du livre voit la jeune fille déboussolée se raccrocher à une idée fixe : rejoindre un lieu surgit de son passé où elle retrouvera peut-être une amie perdue depuis longtemps. Le froid, la faim et la peur sont à tenir à distance dans une nouvelle existence pleine de dangers et d’inconnu.

Tenu comme un journal intime à destination de cette amie disparue, le roman crée une empathie immédiate du lecteur envers la jeune héroïne. Entre ellipses et accélération, on suit Lia dans la redécouverte de la gravité mais aussi de sa condition de mortelle. Livrée à elle-même, loin du vaisseau M’Other et de son équipage qui subvenaient à ses besoins, la voila forcée de se confronter à une réalité redoutable et effrayante. Elle n’est pas au bout de ses surprises avec notamment la découverte d’un curieux phénomène astronomique et des révélations surprenantes sur la nature profonde de l’expédition dont elle faisait partie. Loin d’être épargnée, Lia va grandir durant ce périple pour le moins initiatique, elle n'en sera d’ailleurs plus jamais la même lors de la conclusion haute en couleur de cet ouvrage.

On passe un très agréable moment pendant cette lecture qui propose une anticipation réaliste, un discours humaniste saisissant (comme souvent avec cet auteur) et une aventure qui tient en haleine malgré un côté parfois attendu que pourraient lui reprocher les vieux de la vieille. Un très bon roman pour découvrir l’auteur, un ouvrage à conseiller donc de manière prioritaire aux jeunes lecteurs ou aux fanas du maître dont je fais partie.

Autres ouvrages de Bordage chroniqués au Capharnaüm éclairé :
- InKARMAtion
- Le Jour où la guerre s'arrêta
- Le Feu de Dieu
Atlantis : les fils du rayon d'or

Hier je vous donnerai de mes nouvelles
Chroniques des ombres
Les Dames blanches
Graine d'immortels
Nouvelle vie et autres récits
Dernières nouvelles de la Terre
Griots célestes
L'Evangile du Serpent
Porteurs d'âmes
Ceux qui sauront
Les derniers hommes
Orcheron
Abzalon
Wang

lundi 9 novembre 2020

"Monde mutant" de Jan Strnad et Richard Corben

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L’histoire : Dans un onde ravagé par la guerre nucléaire, les ruines de la civilisation sont le théâtre d'une lutte sans merci pour la survie. Tandis que les mutants primitifs et violents hantent les décombres et commencent à s'organiser, les derniers hommes sombrent dans la barbarie sans perdre l'espoir de parvenir à reconstruire un monde meilleur. Après des années d'attente, voici enfin réédité l'un des grands classiques de la bande dessinée de science-fiction post-apocalyptique, signé Jan Strnad et Richard Corben, Grand Prix d'Angoulême 2018.

La critique de Mr K : Je vais vous parler aujourd’hui du traditionnel cadeau que je m’offre à l’occasion de la rentrée scolaire. Cette année, j’avais opté pour l’intégrale Monde Mutant de Strnad et Corben, récit post-apocalyptique de haute volée paru chez Delirium, un label que j’aime pratiquer régulièrement car il me donne toujours entière satisfaction. D’abord édités sous forme de feuilleton pour un magasine de SF dans les années 70 puis les années 90 pour sa suite, les deux récits ont été réédités et complétés pour la présente édition qui propose de réunir en un seul volume Monde Mutant et Fils du monde mutant. La lecture fut délectable à souhait, seul souci : ça se lit trop vite et l’on en aurait bien repris !

Le monde est mort, on ne sait pas vraiment pourquoi mais c’est arrivé. Après la confusion, la mort en masse et la destruction des civilisations, la vie a repris ou du moins ce qui s’en rapproche le plus... Des enfants ont continué à naître mais des êtres dont personne ne veut vraiment... Radiations va de pair avec mutations et les mutants règnent désormais sur le monde ravagé où seule une règle semble de mise : la loi du plus fort. La seule obsession qui guide les êtres qui hantent ces paysages désertés est la faim. Trouver de la nourriture quelle qu’elle soit est l’objectif de chaque journée qui débute et justifie toutes sortes d’exactions où la morale élémentaire n’existe plus. Autant dire qu’à l’enfer originel s’est substitué un enfer durable où chacun fait ce qu’il peut pour survivre sans se préoccuper des autres.

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Dimento est l’un de ces mutants qui survivent bon gré mal gré. C’est un solitaire qui erre sans but réel. Très naïf, c’est même un miracle qu’il ait réussi à tenir jusque là tant il se fait avoir par tous ceux qui le croisent et lui dérobent bien souvent le fruit de ses trouvailles et cueillettes. C’est en voulant tuer son cheval qu’il va rencontrer une jeune fille qui ne va pas le laisser de marbre. C’est peut-être le premier être qui lui témoigne un semblant d’affection même si en fait, elle le manipule un peu aussi (du moins au départ). Il va suivre sa trace et cela va changer sa vie à tout jamais, il va commencer à comprendre certaines choses et mesurer qu’une vie ne peut se contenter d’être subie. Dans le deuxième récit, nous suivons sa descendance (sa fille Dimentia en l’occurrence) en quête d’un Eden, un lieu où elle pourra enfin vivre en paix loin des pillards et assassins qui ont brisé sa famille. Le voyage sera long et éprouvant là aussi...

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Voilà un ouvrage qu’on dévore littéralement. Impossible de relâcher son attention tant on est happé par l’ambiance et les dessins. Comme toujours avec Richard Corben, l’immersion est totale avec ses dessins si particuliers et une colorisation qui explose les rétines. Les amoureux du huitième art ne peuvent que tomber en pâmoison devant ces planches qui s’apparentent pour certaines à de véritables tableaux. Et puis, il y a son art unique pour dessiner ses personnages. En plus de femmes diablement séduisantes aux formes plus que généreuses (comprendre sexy et charpentées), on ne peut que remarquer l’aspect non stéréotypé des protagonistes que l'on rencontre, leurs poses et visages sont originaux et détonent par rapport au genre. C’est très réaliste au final, très humain et force l’admiration.

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Le scénario bien que classique tient toutes ses promesses avec deux héros très attachants plongés dans un univers brisé et déviant où l’on croise nombre de mutants affamés, d’êtres trompeurs, de militaires aux plans secrets et même un intégriste religieux ! Pour autant, on n’est pas dans une œuvre pessimiste car au milieu de cette souffrance et de certains traumatismes, la nature humaine par ses bons côté persiste à exister avec une forme de chaleur, de compassion qui subsiste malgré tout, une tendresse parfois très touchante. Les pages se tournent avec un plaisir croissant, c’en est même frustrant tant on s’approche rapidement de la fin de l’ouvrage, recueil qui ne fait que 150 pages malheureusement. C'est en tous les cas un pur bonheur de lecteur qui ravira les amateurs de BD underground et 100% naturelles, sans filtre ni morale bien-pensante.

jeudi 28 novembre 2019

"La Belle mort" de Mathieu Bablet

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L’histoire : La fin de l'humanité a eu lieu. Les insectes venus de l'espace infini sont maintenant les maîtres de la terre. À quoi bon résister ? Voilà ce que se répètent jour après jour Wayne, Jeremiah et Scham, uniques survivants de l'invasion dévastatrice. Cherchant un but, une destinée justifiant leur futile présence dans un monde en ruine, ils ne se doutent pas qu'ils font partie d'un plan bien plus vaste, quelque chose qui les dépasse complètement et qui implique un autre survivant...

La critique de Mr K : C’est notre séjour aux Utopiales en octobre dernier qui m’a donné envie d’aller farfouiller dans notre bibliothèque BD à la recherche de La Belle mort de Mathieu Bablet, un ouvrage que Nelfe a lu il y a déjà un certain temps et qui d’ailleurs n’en a jamais écrit la chronique (Bouuuuh la vilaine !). Ce jeune dessinateur est l’auteur de l’affiche de l’édition 2019 du festival SF nantais et le personnage est attachant et très doué (superbe expo le concernant cette année). De plus, je ne crache jamais sur de la post-apo surtout si celle-ci est précédée de bonnes critiques. Au final, ce fut une très belle lecture, pas parfaite mais très prenante et surtout très belle.

L’humanité a quasiment disparu suite à la prolifération des insectes et la destruction des villes par des vers géants. Dans ce contexte apocalyptique, l’auteur nous invite à suivre trois survivants qui subsistent comme ils peuvent dans un monde mort et très dangereux. L’essentiel est avant tout de trouver à manger (déjà 5 ans que la catastrophe a eu lieu et les denrées se font de plus en plus rares) et de ne pas tomber malade car sinon c’est la mort assurée. Ces trois gars partagent tout, se soutiennent et s’engueulent, dans une routine devenue désespérante et peut provoquer à l’occasion quelques beaux pétages de plomb.

Au détour d’une sempiternelle expédition ravitaillement, ils vont tomber sur un autre survivant, une femme de surcroît ! Cela va rebattre les cartes, redessiner les relations entre les trois hommes et créer de nouveaux rapports de force. Cette mystérieuse inconnue l’est-elle vraiment pour tout le monde ? Que cherche-t-elle réellement ? En effet, ce personnage est étrange, tient des propos parfois inquiétants et parle d’un événement à venir qui achèverait ce qui a déjà été accompli... Le récit de survie laisse place alors à quelque chose de plus initiatique où l’on en apprend plus sur le passé de chacun des protagonistes et la trajectoire finale qu’ils vont devoir emprunter de façon plus ou moins choisie car les rouages du destin sont parfois impénétrables...

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On a ici affaire à un bon récit post-apo. Il faut bien avouer qu’au départ, on est dans quelque chose de très balisé. Il n’y a rien de vraiment original tant dans le déroulé des événements et la caractérisation des personnages. Pour autant, le lecteur est pris par la trame très vite et plonge avec délice dans ce monde en pleine déliquescence où les parcelles d’humanité sont de plus en plus rares dans le peu de rapports humains qui subsistent. L’histoire décolle vraiment lors de la fameuse rencontre avec la survivante, le récit prend une ampleur insoupçonnée quasi métaphysique. J’ai adoré cet aspect à la fois mystique et philosophique. Au delà d’une histoire de fin du monde, l’auteur propose une vraie réflexion sur l’humain, sa place et ses aspirations. Alors oui, c’est totalement barré, limite subliminal par moment mais quel pied, quel jusqu’au-boutisme ! On est bien loin de la production lambda qui rabâche les mêmes éléments prémâchés, ici le lecteur est roi mais n’est pas pour autant pris pour un abruti. Bravo !

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Et quel écrin ! La Belle mort est tout bonnement magnifique? Un seul bémol: le choix opéré au niveau des personnages, très géométriques et manquant parfois d’expressivité ou de clarté dans leurs mouvements. Les décors, les couleurs, l’environnement global est magnifique. Bablet excelle dans l’évocation d’une ville en à l'abandon, détruite. Chaque case, chaque planche fourmille de détails avec un art de la perspective renversant. À l’inverse de certaines BD où l’on parcourt rapidement les pages, on se plaît ici à s’attarder sur chacune des images proposées, à scruter les détails qui en rajoutent en terme de réalisme et nourrissant un imaginaire de toute beauté. On ne sort pas indemne d’une telle expérience et dans son genre, Mathieu Bablet est un des auteurs de BD les plus talentueux de sa génération.

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Tout cela donne vraiment envie de poursuivre ma découverte de cet auteur, j’ai déjà repéré deux autres titres qui pourraient me plaire. En attendant ces bons moments de la lecture à venir, je ne peux que vous conseiller de tenter l’aventure à votre tour avec ce récit dynamique, intelligent et remarquablement réalisé. À bon entendeur...

dimanche 13 octobre 2019

"La Terre des fils" de Gipi

couv35374253L’histoire : Dans un futur incertain, un père et ses deux fils comptent parmi les survivants d'un cataclysme dont on ignore les causes. C'est la fin de la civilisation. Il n'y a plus de société. Chaque rencontre avec les autres est dangereuse. Le père et ses deux fils, comme les quelques autres personnages rencontrés, la Sorcière, Anguillo, les jumeaux Grossetête, les Fidèles, adeptes fous furieux du dieu Trokool, vivent dans un monde néfaste et noir. L'air est saturé de mouches, l'eau empoisonnée. L'existence du père et de ses deux fils est réduite au combat quotidien pour survivre. Le père écrit chaque soir sur un cahier noir. Qu'écrit-il ? Quel est son secret ? Nous l'ignorons, ses fils aussi. Ils aimeraient bien apprendre à lire, ils aimeraient bien savoir comment on vivait "avant". Mais le père, lui, refuse d'en entendre parler...

La critique de Mr K : Superbe découverte que cette BD empruntée au CDI de mon établissement sur un simple coup de tête. En effet, pas de réelle quatrième de couverture pour résumer l’histoire (le texte ci-dessus est tiré du site Livraddict), ce sont seulement les planches et dessins qui m’ont convaincu. C’est arrivé à la maison et en regardant sur le net que je me suis rendu compte que j’ai eu une sacrée intuition : il s’agit d’un récit post-apocalyptique intimiste. Je suis adepte de ce genre depuis ma lecture plus qu’enthousiaste de La Route de Cormac McCarthy. J’entamai l’ouvrage confiant et je n’ai vraiment pas été déçu !

Nous faisons la connaissance de deux jeunes hommes et de leur père qui survivent comme ils peuvent dans une Terre dévastée. La civilisation comme on l’entend aujourd’hui semble avoir disparu et l’on ne saura jamais vraiment pourquoi. Tout ce que l’on devine c’est que des milliards de personnes sont mortes et qu’un mystérieux mal continue de dévaster l’espèce humaine. Collant au plus près des deux jeunes adultes, on sent une tension sourde entre l’aîné et son géniteur. Les non-dits et le besoin de réponses du fils crée un climat de suspicion, de méfiance que n’arrive pas à désamorcer le plus jeune frère, légèrement attardé. Forcément, tout cela va mener à un drame aux conséquences terribles...

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Le rythme du récit est très lent, il se passe finalement très peu de choses durant les deux tiers de cette bande dessinée. Il y a même des planches entières où aucun mot n’est prononcé ou écrit, où l’on se contente de contempler les personnages, le climax général ou de vivre l’action. Bercé par le noir et blanc de l’œuvre, on rentre immédiatement dans le sujet et il est tout bonnement impossible de relâcher le volume avant le fin mot de l’histoire. Le parti pris graphique est important et j’ai lu ici ou là des avis très divergents. Pour ma part, j’ai adhéré de suite trouvant que la forme était en parfaite adéquation avec le sujet traité, les traits passant allégrement de la simplicité au fouillis improbable. La grisaille environnante correspond bien à l’ambiance que l’histoire dégage, le graphisme rend aussi bien compte des émotions qui émaillent des cases et offre une peinture saisissante des décors angoissants qui constituent désormais le quotidien des hommes.

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L’aspect SF est très bien traité avec un suspens bien entretenu autour de l’Apocalypse qui a mis fin à tout ce que les personnages ont pu connaître (notamment le paternel), les mutations dont sont victimes certains individus, les luttes d’influence entre les survivants et notamment un mystérieux groupe qui s’apparente à une secte (niveau dégénérescence, ils se posent là !). Gipi nous fait rentrer dans les esprits torturés avec une facilité déconcertante. On sent le poids du passé qui n’épargne pas les plus anciens et les aspirations légitimes de jeunes pousses qui n’ont qu’un horizon bouché comme avenir. Cet œuvre nous parle donc de nous, du lien de parentalité et de la peur qui peut parfois l’entourer notamment en période de crise entre membres d’une même famille. C’est très bien dosé, évoqué avec une certaine pudeur, avec une dose de récit initiatique dans la deuxième partie de la BD dont une quête universelle que chacun reconnaîtra lors de sa lecture. On passe par bien des états à la lecture de La Terre des fils, les émotions pullulent et proposent une lecture très contrastée où l’on oscille entre surprise, violence, dégoût et parfois une once de douceur avec le personnage très attachant d’une femme surnommée "La Sorcière". Nuance et introspections sont au RDV pour une lecture marquante.

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Les petites natures passeront leur chemin tant les propos, les rapports humains et certaines idées évoquées sont rudes. En même temps, il s’agit des suites de la fin du monde et on a du mal à imaginer les survivants respectant à la lettre les règles de bienséances qui prévalaient dans l’ancien monde. Ici rien n’est gratuit et contribue à l’édification d’un ouvrage puissant et hypnotique. Une BD mémorable que je vous invite à découvrir au plus vite si le thème vous intéresse, dans le genre on est face à un must !

lundi 5 novembre 2018

"Trois fois la fin du monde" de Sophie Divry

Trois fois la fin du mondeL'histoire : Après un braquage avec son frère qui se termine mal, Joseph Kamal est jeté en prison. Gardes et détenus rivalisent de brutalité, le jeune homme doit courber la tête et s'adapter. Il voudrait que ce cauchemar s'arrête. Une explosion nucléaire lui permet d'échapper à cet enfer. Joseph se cache dans la zone interdite. Poussé par un désir de solitude absolue, il s'installe dans une ferme désertée. Il se construit une nouvelle vie avec un mouton et un chat, au coeur d'une nature qui, dangereusement, le fascine.

La critique Nelfesque : Sophie Divry n'en est pas à son premier roman et pourtant c'est avec "Trois fois la fin du monde" que je la découvre. Contemporain teinté de post-apocalyptique, cet ouvrage scindé en trois parties - Le Prisonnier, La Catastrophe et Le Solitaire - nous plonge dans le quotidien de Joseph, fraîchement incarcéré suite à un braquage soldée par la mort de son frère.

Au plus près du personnage, le lecteur est emporté dans les pensées de Joseph, portées par une écriture saisissante. La prison, expérience traumatisante où il va perdre toute dignité ainsi que sa naïveté, la catastrophe nucléaire qui va tout balayer sur son passage et laisser un monde désolé où seule la survie compte, et l'exil forcé dans une ferme avec un retour aux sources imposé par la force des choses. Trois situations, trois gradations à la fois dans l'horreur et la découverte de soi.

La plume de Sophie Divry est surprenante. Avec de purs moments de poésie, elle nous emporte le coeur et nous touche profondément là où plus loin elle se fait terre à terre et attachée à des banalités de la vie quotidienne, la langue se faisant pour l'occasion oralisante. Comme des fulgurances de beauté et de pensées profondes au milieu d'une vie commune où Joseph se parle à lui-même et s'attache à de petits gestes pour ne pas sombrer.

Trois fois la fin du monde IGIl va faire l'expérience du réapprentissage de la vie au plus près de la nature, de ses besoins, au rythme des saisons, s'émouvoir de la couleur d'une fleur, du vent dans les arbres, de la caresse d'un chat. Joseph qui a d'abord été privé de liberté, se retrouve aujourd'hui avec un monde pour lui seul et l'angoisse qui va avec. Un retour à la nature après la prison qui ne va pas sans heurt.

Avec une écriture tour à tour percutante, poétique, directe, ce roman hybride par son fond et sa forme retourne le cerveau et le cœur. "Trois fois la fin du monde" ne ressemble à rien d'autre. Oubliez tous les romans que vous avez pu lire sur la fin du monde, oubliez ceux sur la prison, oubliez les romans de grands espaces, Sophie Divry casse les codes et nous offre sa propre vision du post apo, de la survie et de l'introspection. Bravo !

 

 

(Je n'ai pas pu m'empêcher de partager en story IG cette page du roman. Je vous la laisse ici pour vous faire une idée de l'écriture de Sophie Divry.)