mercredi 14 mars 2018

"Emma dans la nuit" de Wendy Walker

EmmaL'histoire : Les sœurs Tanner, Emma, 17 ans, et Cass, 15 ans, sont devenues tragiquement célèbres depuis leur inexplicable disparition de la communauté calme et aisée où elles ont grandi. Trois ans après les faits, Cass frappe à la porte de chez ses parents. Interrogée par le FBI, elle raconte l’enlèvement dont sa sœur et elle ont été victimes et décrit une mystérieuse île où elles auraient été retenues captives. Emma y serait toujours. Mais la psychiatre qui suit cette affaire, le Dr Abigail Winter, doute de sa version des faits. En étudiant sa personnalité, elle découvre, sous le vernis des apparences, une famille dysfonctionnelle. Que s’est-il réellement passé trois ans auparavant ? Cass dit-elle toute la vérité ?

La critique Nelfesque : Wendy Walker est une auteure qui ne nous est pas inconnue au Capharnaüm éclairé. Mr K avait lu "Tout n'est pas perdu" à sa sortie en 2016 chez Sonatine et avait été particulièrement marqué par l'ouvrage. Cette fois ci c'est à mon tour d'être séduite. Wendy Walker nous propose ici un thriller psychologique diabolique et rondement bien mené.

Emma et sa soeur ont disparu il y a 3 ans. L'enquête pour les retrouver n'a rien donné, le mystère plane encore sur leur disparition. Etait-ce un enlèvement ? Une fugue ? Sont-elles encore en vie ? Certaines questions vont trouver leurs réponses un matin lorsque Cass frappe à la porte de sa mère. Seule, elle rentre à la maison. Seule, elle détient la clé du mystère. Seule, elle peut aider le FBI à retrouver sa soeur Emma.

Levant peu à peu le voile sur ce qui s'est réellement passé ce soir là mais surtout sur les schémas fonctionnels en place dans sa famille, Cass va aider les enquêteurs à comprendre ce qu'ils n'ont pas vu il y a 3 ans. Nous suivons alors tour à tour le récit de Cassandra et le point de vue d'Abigail et Leo, psy médico-légale et agent spécial au sein du FBI. A travers son récit, nous apprenons à connaître sa soeur et ceux qui les entouraient et les aimaient, souvent mal, leurs parents, leur frère, le nouveau compagnon de leur mère et son fils.

Entre ce qu'une famille laisse percevoir de leur façon de vivre et ce qui se passe vraiment entre les murs d'une maison et dans les cerveaux de chacun il y a un monde. Famille dysfonctionnelle, souffrances et non-dits sont les ingrédients de ce roman aux personnages criant de réalisme. L'auteure fouille la psychologie de chacun avec justesse et tisse une toile dont le lecteur se retrouve prisonnier aux dernières pages.

Cass veut retrouver sa soeur mais ce qu'elle va mettre au jour est bien plus violent et pervers qu'il n'y parait. Manipuler pour découvrir la vérité, déjouer les pièges d'une personnalité néfaste, détourner l'attention pour mieux pointer du doigts les dysfonctionnements d'une famille entière, Cassandra va devoir être forte et s'en tenir au plan qu'elle a mis en place pour faire la lumière sur cette affaire. Elle a eu du temps pour cela, 3 ans qu'elle y pense. Une histoire prenante, un rythme soutenu laissant la place à des moments plus calmes permettant d'innoculer la bonne dose de tension et de background indispensable au bon déroulement du récit, Wendy Walker peint un tableau qui prend forme peu à peu sous nos yeux. Par petites touches, un petit point bleu par ci, un petit point vert par là, elle place les pièces d'un gigantesque puzzle qui nous laisse littéralement sur le cul en fin d'ouvrage.

"Emma dans la nuit" est un excellent thriller psychologique qui ne fait pas dans la facilité et les rouages convenus du genre. Densité et émotions sont au rendez-vous pour une lecture haletante qui donne envie de connaître le fin mot de l'histoire tout en voulant continuer de côtoyer ses personnages. D'une construction parfaite entre précision chirurgicale et sensibilité indéniable, l'écriture de Wendy Walker est une drogue dont, une fois découverte, on souhaite abuser encore longtemps.

Posté par Nelfe à 15:41 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
Tags : , , , ,

vendredi 3 juin 2016

"Tout n'est pas perdu" de Wendy Walker

ob_136fe6_couverture-roman-walker-tout-pas-perdu

L'histoire : Alan Forrester est thérapeute dans la petite ville cossue de Fairview, Connecticut. Il reçoit en consultation une jeune fille, Jenny Kramer, quinze ans, qui présente des troubles inquiétants. Celle-ci a reçu un traitement post-traumatique afin d'effacer le souvenir d'une abominable agression dont elle a été victime quelques mois plus tôt. Mais si son esprit l'a oubliée, sa mémoire émotionnelle est bel et bien marquée. Bientôt tous les acteurs de ce drame se succèdent dans le cabinet d'Alan, et lui confient leurs pensées les plus intimes, laissant tomber leur masque pour faire apparaître les fissures et les secrets de cette petite ville aux apparences si tranquilles. Ce thriller, d'une puissance rare, plonge sans ménagement dans les méandres de la psyché humaine et laisse son lecteur pantelant. Entre une jeune fille qui n'a plus pour seul recours que ses émotions et une famille qui se déchire, tiraillée entre obsession de la justice et besoin de se reconstruire, cette intrigue à tiroirs qui fascine par sa profondeur explore le poids de la mémoire et les mécanismes de la manipulation psychologique.

La critique de Mr K : C'est à mon tour aujourd'hui de vous présenter un ouvrage de chez Sonatine, maison d'édition fortement appréciée de ma douce Nelfe, qui vous le savez a un goût certain pour les thrillers et les psychopathes en tout genre! Je dois avouer que j'aime aussi parfois me laisser tenter par le côté sombre de la littérature et le moins que je puisse dire c'est que j'ai été servi avec cet ouvrage glaçant et complexe qui fait la part belle à la psychologie familiale et aux mécanismes de défense des victimes et des bourreaux. Préparez-vous à un voyage pénétrant dans l'esprit humain et ses méandres!

Dans Tout n'est pas perdu, l'histoire est racontée par Alan Forrester, un psychiatre chargé entre autre de suivre Jenny, une jeune fille violemment agressée et sa famille. Durant les 340 pages, il va nous relater les séances qu'il tient avec elle et ses proches mais aussi d'autres patients plus ou moins liés à l'histoire générale. Il apporte au passage son éclairage sur les vies de chacun, son ressenti et va même jusqu'à nous livrer des éléments de sa propre existence. Curieux mélange donc, surtout que le récit au commencement presque clinique finit par s'affranchir des normes médicales pour entrer à la confluence de la notion de transfert, de ressenti et de vengeance. Le malaise va grandissant vers une vérité qui vient tout salir en fin d'ouvrage.

J'ai trouvé cet ouvrage marquant du début à la fin. Rien que le premier chapitre qui relate le viol de Jenny est éprouvant et fait basculer le lecteur dans l'horreur. La réalité de l'abjection est froide, sans fioriture et marque au fer rouge. On a mal au bide et on se demande bien ce qui va suivre. L'horreur va continuer à travers le ressenti de Jenny qui suite à un traitement quasi expérimental a oublié cette nuit mais n'arrive pas à s'en remettre (merci les parents au passage...). C'est l'occasion pour l'auteur d'expliquer en détail le processus de reconstruction des victimes, la nécessité notamment d'affronter la réalité et les peurs enfouies. Très intéressant aussi de voir les réactions des proches avec notamment un père possédé par le désir de vengeance, drapé dans sa douleur, aveuglé par elle et une mère distante, auto-centrée sur elle-même qui cache un lourd secret. Wendy Walker est vraiment diabolique à sa manière, dynamitant les dynamiques familiales, explorant les fêlures, les non-dits et exhumant les parts d'ombre les plus inavouables.

Et puis, le rythme change à la moitié du récit. Après le temps de l'exposition des cas, des différents membres de la famille, un événement change la donne et va nécessiter de la part du narrateur une implication bien plus importante que ne lui permet normalement sa fonction de thérapeute. Les lignes sont bousculées, les réactions s’intensifient, se densifient et se précipitent. Chaque nouveau chapitre est propice à des révélations et des conséquences durables. Jenny va-t-elle finir par s'en sortir et retrouver le goût de vivre? Le couple de parents va-t-il se retrouver? Qui est le coupable? Autant de questions qui finiront par trouver leur réponse non sans mal, circonvolutions et fausses pistes. Petit bémol tout de même sur la révélation finale que j'ai trouvé un peu abrupte comparée au reste du développement. Wendy Walker aurait pu rajouter 20 pages pour asseoir cette vérité, pour la rendre encore plus effroyable et crédible. Mais je vous rassure, ce léger défaut n'entame pas le charisme de ce roman vraiment puissant par moment.

Avocat de profession, l'auteur raconte cette histoire de manière étonnante, parfois éloignée de la manière romanesque classique. Les détails fourmillent, prennent même à la gorge le lecteur. Certains peuvent être rebutés; pour ma part, j'ai trouvé cela novateur et franchement efficace. Surtout que cette avalanche de psychologie se fait toujours au nom du respect de la trame et des personnages qui pour le coup sont vraiment bichonnés et réalistes, donnant une profondeur et une crédibilité rare à l'ouvrage. L'écriture est très digeste bien qu'exigeante, on en apprend beaucoup sur la psyché humaine et son fonctionnement. Il y a aussi une prégnance des émotions avec de belles pages sur l'amour parents / enfants, le désir de vengeance, la notion d'éthique médicale et les pulsions humaines... Vraiment, on explore l'Homme plus qu'on suit une véritable enquête. On ressort de cette lecture enrichi et bluffé par le talent déployé.

Sans doute un incontournable dans le domaine du thriller psychologique même si je ne suis pas un spécialiste: du suspens, de l'émotion, des personnages ciselés comme jamais et en sous-texte l'être humain dans sa remarquable et redoutable complexité. À lire!

Posté par Mr K à 17:57 - - Commentaires [4] - Permalien [#]
Tags : , , , ,