lundi 3 octobre 2022

Back to Emmaüs !

Petit post acquisitions aujourd'hui pour vous parler de nos belles prises effectuées à notre Emmaüs chéri tout début septembre. La tentation est au rendez-vous une fois de plus et nous n'avons réussi que très partiellement à être raisonnables. Jugez plutôt...

Acquisition sept 2022

De très belles pioches, non ? Comme d'habitude, je vais vous faire le détail des nouveaux arrivants qui vont venir grossir nos PAL respectives. Comme vous allez le voir, c'est très varié une fois de plus avec des trouvailles parfois inespérées et d'autres qui s'apparentent davantage à un coup de poker. On commence avec mes craquages qui comme souvent sont bien plus conséquents que ceux de ma douce !

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(Policiers, thrillers et compagnie)

- Les Mille et une vies de Billy Milligan de Daniel Keyes. Impossible de dire non à l'auteur du cultissime Des Fleurs pour Algernon et je ne connaissais pas du tout ce titre dont la quatrième de couverture est diablement attirante. Daniel Keyes s'essaie ici au thriller avec cette histoire d'un homme aux multiples personnalités dont on va explorer la vie et la psyché. Connaissant la finesse d'écriture de cet auteur et adorant les personnages torturés, je pense que je vais prendre mon pied. 

- Comme un coq en plâtre de Sylvie Granotier. Amateur forcené de la série du Poulpe, j'avais découvert avec plaisir un volume consacré à sa shampooineuse chérie lors d'une lecture en septembre de l'année dernière. Je vais pouvoir récidiver avec cette histoire où l'on nous annonce qu'on va croiser un chien susceptible, un garagiste irascible, des SDF refroidis, des coiffeuses échaudées et un cyclope amoureux. Moi perso, ça me donne très envie !

- Messe noire d'Olivier Barde-Cabuçon. C'est la couverture qui m'a directement scotché, le titre aussi d'ailleurs. Un meurtre a été commis et des indices laissent à penser à une résurgence des messes noires. Détail qui a son importance, nous sommes en 1759 dans un Paris sous tension en plein règne de Louis XV le mal-aimé. Un page turner historique, voila un genre que j'affectionne particulièrement et dont ce titre parait être un bon représentant. Je vais découvrir l'auteur par la même occasion.

- Preuves d'amour de Lisa Gardner. Un livre de l'une de mes auteures chouchou dans le genre thriller. Ce titre m'avait échappé jusque là. Le hasard fait vraiment bien les choses parfois. Lisa Gardner nous plonge une nouvelle fois dans une histoire pleine de suspens avec cette femme officier de police qui abat froidement de trois balles son mari violent. Cependant les apparences pourraient être trompeuses et l'enquêtrice D.D. Warren va devoir démêler le vrai du faux. On peut compter sur le talent de l'auteure pour bien nous mener en bateau.

- Un peu plus loin sur la droite de Fred Vargas. Là encore, c'est un gros coup de pot que cette trouvaille, il s'agit du dernier ouvrage qu'il me restait à lire de l'elle dans son triptyque des évangélistes. Un petit bout d'os humain découvert par inadvertance au milieu d'excréments canins va commencer à obséder le héros de cette histoire qui part en quête d'un cadavre et d'un assassin. J'ai hâte de me replonger dans l'écriture de Fred Vargas qui n'a pas son pareil pour faire surgir l’inattendu du quotidien. Et quel plaisir de retrouver Kehlweiler et les autres !

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(De la SF, en veux-tu ? En voila !)

- Les Masques du temps de Robert Silverberg. Un voyageur du futur, un simple touriste lambda, va mettre le souk dans notre époque de manière bien involontaire. J'aime beaucoup Robert Silverberg, sa plume, sa sensibilité, son sens de la dérision parfois. Je ne me pose donc pas trop de questions quand il croise ma route et comme je ne connaissais pas ce titre et que la quatrième de couverture est alléchante... je n'ai pas pu résister !

- Le Berceau du chat de Kurt Vonnegut Jr. J'avais été enthousiasmé par ma lecture du roman culte Abattoir 5, une ouvre à part, engagée et superbement écrite. L'occasion se présente donc de lire autre chose de Kurt Vonnegut Jr et franchement à la lecture du résumé au dos du livre, c'est bien barré ! Disparition mystérieuse dans le milieu des "pères" de la bombe atomique, une île perdue au milieu des Caraïbes tenue d'une main de fer par un dictateur sadique, un prophète hors-la-loi, une femme fatale qui cache son jeu, un journaliste trop curieux et les enfants du disparu qui détiennent entre leurs mains le secret de la dernière invention de leur papa, une arme effroyable... Sacré cocktail en perspective !

- Killdozer, le viol cosmique de Théodore Sturgeon. Deux longs récits de Théodore Sturgeon réunis en un seul volume avec cet ouvrage mettant en scène deux luttes titanesques avec des créatures venues d'au-delà du néant. J'aime beaucoup cet auteur et cet opus manquait à ma bibliothèque. Le tort est désormais réparé, il ne me reste plus qu'à le lire !

- Dans le torrent des siècles de Clifford D. Simak. Un récit étrange d'homme du futur venu nous prévenir de l'imminence d'un désastre, le retour sur Terre d'un astronaute parti depuis 20 ans et dont on n'a plus de nouvelles. Il reviendrait avec un livre qui faudrait absolument empêcher d'être publié... Simak ne m'a jamais déçu, le pitch est très intrigant, allez hop dans ma PAL !

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(Du contemporain et apparenté...)

- La Stratégie du choc de Naomi Klein. Voila un livre qui avait fait l'effet d'une bombe à sa sortie et que je voulais absolument lire. Le temps a passé et je l'avais oublié. Heureusement, notre excursion à Emmaüs m'a permis de mettre la main dessus. Essai polémique autour de la prise de contrôle de la planète par les tenants d'un ultralibéralisme tout-puissant, Naomi Klein revient sur 60 ans d'Histoire mondiale et l'éclaire à la lumière de données que beaucoup de médias / politiques écartent de leurs analyses. Il me tarde de le lire et de me faire ma propre idée.

- Barberousse de José Lenzini. Il s'agit d'un récit biographique qui part sur les traces de Barberousse, un héros de la Méditerranée que certains considèrent comme le premier fondateur de l'unité algérienne. Pirate, puis chef de flottille imposante et roi, il eut une vie riche et tumultueuse qui m'avait fasciné lorsqu'on l'avait abordé en fac d'Histoire. L'occasion m'est donnée de creuser un peu plus le sujet. Hâte d'y être !

- Le Valet de Sade de Nikolaj Frobenius. La vie et la mort du serviteur du marquis de Sade depuis sa naissance non désirée, la rencontre qui va changer sa vie et les actes dont il va se rendre complice quand il prendra son service. Une très belle couverture, un résumé plus que séduisant et l'atmosphère de souffre et de stupre autour de la figure de Sade m'ont convaincu d'adopter cet ouvrage. Qui lira, verra !

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(Et enfin, la sélection de Nelfe !)

- Sankhara de Frédérique Deghelt. Une femme, jeune mère, avec un besoin viscéral de silence et de retraite pour se retrouver loin du tumulte d'un monde qui devient fou. On est en plein dans la problématique de maternité sur laquelle j'aime me pencher depuis quelques années maintenant. Je ne doute pas que l'écriture de Frédérique Deghelt fera mouche ici.

- Plateau de Franck Bouysse. Un roman aux accents de roman du terroir, en plein plateau de Millevaches, qui m'a surtout attiré par son auteur, Franck Bouysse, au talent immense. Hâte de découvrir celui-ci dont je n'avais jamais entendu parler auparavant.

- Damnés de Chuck Palahniuk. On attend forcément de Chuck Palahniuk une œuvre qui dépote ! Nous voici entre thriller et fantastique dans le voyage en enfer (au sens propre) d'une jeune fille de 13 ans à la recherche des raisons de sa propre mort. De quoi vivre de bonnes heures de lecture "endiablée" !

Si ça ce n'est pas une sélection riche en promesses, je ne m'y connais pas. Vous pouvez évidemment compter sur nous pour en reparler ici même au fil de nos lectures dans les semaines, mois et mêmes années à venir vu l'aspect gargantuesque de nos PAL respectives. Mais que voulez-vous ? Quand on aime on ne compte pas...


mercredi 15 décembre 2021

"Le Dernier des mocassins" de Charles Plymell

plymell(1)L’histoire : Né en 1935 au Kansas, Charles Plymell a passé sa jeunesse sur la Route 66. Il a travaillé sur des pipelines, chevauché des taureaux sauvages dans des rodéos, été dynamiteur de montagne, cueilleur de houblon. Entre autres. Ce fut aussi l’un des premiers hipsters du Middle West, abusant de toutes les drogues en vogue à l’époque, du jazz au peyotl.

Le Dernier des mocassins raconte dans un style incomparable cette vie haute en couleur. Charles Plymell le dédie à tous les junkies, psychopathes, freaks, arnaqueurs, criminels, artistes, poètes, homos, flics, cow-boys, camionneurs, ainsi qu’à toutes les petites vieilles qui ont fait le voyage avec lui sur l’autoroute de la Benzédrine.

La critique de Mr K : Quelle lecture mes amis, quelle lecture ! Sonatine finit en beauté son année éditoriale avec un livre totalement fou, un témoignage bien barré de la vie de l’auteur, cadre éminent de la Beat Generation qui a vraiment (mais alors vraiment) fait les quatre cents coups voire plus. Le Dernier des mocassins est un retour d’expérience, celui d’une existence pour le moins bien remplie. L’ensemble est d’une fraîcheur incroyable et se révèle totalement débridé mais toujours prenant. J’ai adoré !

De chapitre en chapitre, Charles Plymell revient donc sur un parcours de vie chaotique mais totalement assumé et choisi. Fils de fermier, très tôt il se destine à une vie de nomade où il collectionne les boulots d’un temps (et il en fera beaucoup et de toutes sortes), allant de ville en ville et d’État en État au gré de ses envies et du vent qui tourne. L’esprit léger habité par une soif de liberté et d’expériences en tout genre, c’est un touche à tout, un "bouge bouge" curieux de tout, adepte de l’écriture, des femmes et des paradis artificiels.

Il partage donc ici nombre de ses expériences bien souvent borderline. Les esprits puritains risquent d’être pour le moins choqués s’ils s’aventurent dans ce récit échevelé, reflet d’une époque sur laquelle soufflait un vent libertaire et jouisseur. On ne s’ennuie pas une seconde avec des passages rocambolesques mettant en scène un Charles Plymell complètement perché, se livrant à des expériences "psychotropiques" dantesques entre introspection et délire total mais aussi en vivant des aventures érotiques qu’il raconte avec une crudité et en même temps un détachement confondants. On rit donc beaucoup, on réfléchit aussi pas mal avec des moments bien inspirés où il nous parle du sens de l’existence dans un phrasé inimitable. Car finalement au-delà de l’aspect tripant, l’ouvrage livre un portrait très sensible d’une vie, les méandres qu’elle peut emprunter et les purs moments rock and roll qu’elle peut nous réserver parfois.

Il y a aussi des moments plus tendres, plus tristes même. Quand il évoque la mort de sa sœur, un sacré personnage elle aussi. Il y a aussi des flashback touchants sur son enfance, l’évocation des parents mais aussi de quelques échecs qu’il a pu connaître. Moins directs mais parfois évocateurs au gré d’une digression, des passages donnent à voir une personnalité complexe et profondément attachante. L’auteur vit sa vie à fond, sans trop se poser de question, au gré des aléas et de ses envies, on est bel et bien plongé dans la Beat Generation.

L’ouvrage se lit tout seul. Le joyeux foutoir de son existence est décrit avec verve, humour et un don de l’harmonie des mots rare. C’est dense mais ça passe tout seul avec un plaisir qui ne se dément jamais. Considéré comme culte et jamais traduit en français auparavant, Le Dernier des mocassins est un livre à lire absolument si l’époque et le mouvement Beat vous plaisent et vous attirent. Dans le genre, on ne peut guère faire mieux !

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vendredi 3 septembre 2021

"1794" de Niklas Natt och Dag

couv57477246L'histoire : Stockholm, 1794. Une nouvelle année commence sous le régime autoritaire du baron Reuterholm, conseiller du roi. À l'hôpital de Danviken, un jeune noble se morfond, tourmenté par le crime horrible dont on l'accuse. Dans une métairie de l'intérieur du pays, une mère pleure sa fille, assassinée lors de sa nuit de noces. L'affaire ne suscitant que peu d'intérêt, elle décide de faire appel à Jean Michael Cardell, un invalide de guerre qui, traumatisé par sa dernière enquête, n'a plus guère de raisons de vivre. Alors que ses investigations le mènent vers un mystérieux orphelinat, Cardell va bientôt se retrouver aux prises avec une étrange société secrète, les Euménides.

La critique de Mr K : Je vais vous présenter un excellent thriller historique aujourd’hui avec 1794 de Niklas Natt och Dag, un auteur suédois fort remarqué avec son précédent roman 1793 qui m’avait déjà fait forte impression. On est ici dans une suite de celui-ci. L’intrigue reprend beaucoup de personnages du premier volume en rajoutant une trame en fil rouge qui va permettre à l’auteur de révéler nombre d’aspects sombres de la société suédoise de l’époque avec cette peur pour le régime d’un destin à la française, la Révolution ayant marqué toutes les monarchies d’Europe et leur faisant craindre le pire. J’ai trouvé 1794 encore mieux que le précédent avec des trames qui se rejoignent parfaitement, des personnages très attachants et une propension à l’immersion inouïe à la limite parfois du ragoûtant. Chronique d’une lecture plus que réjouissante !

Le roman est divisé en quatre grandes parties qui s’étalent sur l’année qui donne son nom à l’ouvrage. On retrouve Jean Michael Cordell au fond du trou depuis son enquête précédente qui a laissé des traces avec notamment le décès de son partenaire Winge. On lui confie une affaire qui n’intéresse pas la police, l’assassinat sauvage d’une jeune mariée pendant sa nuit de noce, une affaire dont tout le monde semble se foutre sauf la mère de la victime qui veut comprendre. Faisant équipe avec le frère de son ami décédé, voila nos deux personnages bien borderline sur la piste d’un ou de plusieurs criminels sadiques dans une ambiance de fin de règne apocalyptique en Suède, pays livré à la pauvreté et où la colère gronde.

Impossible de relâcher cet ouvrage avant la fin tant on est happé par le climax. Les âmes sensibles feront bien de prendre leurs précautions car l’auteur n’épargne pas ses personnages et ses lecteurs. On visite les bas fonds de Stockholm avec un réalisme confondant, choquant bien souvent entre les bordels survoltés, les tavernes interlopes, les palais bourgeois où se jouent des intrigues sanglantes, les ruelles sombres et tortueuses où l’on peut se faire alpaguer au moindre croisement. Ces pages transpirent le froid, la faim, la soif, la sueur, le sperme, la violence larvée qui font leur nid au sein des injustices et de la misère ambiantes.

Les différents personnages que l’on suit passent vraiment par tous les états. Globalement ne vous attendez pas à beaucoup d’espoir et d’issue. Les fans de feel good reading passeront donc leur chemin car on côtoie ici ce qui peut se faire de pire, à commencer par le grand bad guy qui se révèle pernicieux à souhait, ambigu et d’une froideur sans pareil. Moi qui adore les figures machiavéliques, j’ai été servi et le tout avec subtilité dans une langue d’une précision et d’une puissance évocatrice rare. Franchement, j’ai rarement été "attrapé" à ce niveau là, et malgré les horreurs et souffrances données à lire, on ne peut que s’accrocher et continuer une lecture qui ne déçoit jamais avec de surcroît une fin bien "mad" comme je les aime.

Je ne pourrais pas énumérer tous les passages que j’ai adoré qui m’ont tour à tour surpris, émerveillé (la vie dans les bois par une sauvageonne féministe avant l’heure) voire horrifié. Je retiendrai notamment les descriptions d’un asile d’aliénés et d’un orphelinat, lieux mouroir où l’on côtoie des êtres fragiles livrés à l’incurie des hommes. Le quotidien de Cardell glaçant, la folie galopante d’Emil Winge, le parcours de vie épouvantable d’Alina... autant de personnages que l’on se prend à aimer et pour qui on frémit bien souvent.

Quelle lecture vraiment pour un auteur à la maestria narrative et stylistique qui prend à la gorge et propose un plaisir de lecture incroyable. 1794 compte plus de 500 pages et pourtant, on en aurait bien repris le double. Dans le genre thriller historique, voila une pièce maîtresse que tous les amateurs doivent absolument découvrir. Un must read !

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samedi 26 juin 2021

"Parasites" de Ben H. Winters

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L’histoire : A Brooklyn Heights, Susan et Alex Wendt ont enfin trouvé l'appartement de leurs rêves! Un nouveau départ s'annonce pour le jeune couple...
Sauf que. Un redoutable fléau s’immisce dans leur quotidien. Des punaises de lit. Invisibles, assoiffées de sang et apparemment indestructibles... A-t-on affaire à une véritable invasion? Ou bien Susan perd-elle la raison ?

La critique de Mr K : Je vais vous parler d’un très bon thriller aujourd’hui avec Parasites de Ben H. Winters, un auteur que j’avais découvert et apprécié lors de ma lecture de Underground airline. On a affaire ici à un ouvrage plutôt de facture classique qui mêle habilement chronique familiale et terreur pure avec une héroïne qui semble sombrer peu à peu dans la folie... Mais l’est-elle vraiment finalement ? L’auteur s’amuse avec nos nerfs et le moins que l’on puisse dire c’est que c’est efficace !

Susan Wendt a largué son travail pour se consacrer à la peinture, sa grande passion. Son mari Alex la soutient à 100% et pour marquer le coup, ils ont décidé de changer d’appartement et semblent avoir trouvé la perle rare qui conjugue bel emplacement et loyer modéré. Il ne reste plus qu’à trouver la bonne école maternelle pour la petite Emma et tout roulera. Mais voila, le destin est parfois facétieux et un grain de sable va dérégler le tableau idyllique. Découverte d’événements troublants s’étant déroulés dans le quartier et même dans l’appartement, une propriétaire affable mais intrusive, un travail accaparant pour Alex et des bébêtes rampantes du genre envahissantes que seule semble voir Susan vont faire basculer les choses dans la paranoïa et l’irrationnel. Personne n’en sortira indemne, je vous le dis... À commencer par le lecteur !

C’est bien simple, une fois débutée, cette lecture devient très vite addictive. La faute à un suspens maîtrisé et dosé à la perfection. Les débuts sont plutôt paisibles, l’auteur prenant son temps pour planter le décor de l’appartement (quasiment un personnage à lui tout seul) et caractériser le trio formant le noyau familial. Sans en faire trop mais avec un sens de la nuance très prononcé, on en apprend beaucoup sur le fonctionnement des Wendt, leurs relations intimes, leur histoire passée mais aussi leurs rêves et leurs désillusions. Il faut attendre la cinquantième page pour que les premières fêlures fassent leur apparition et l’on se rend compte que le prélude et les éléments avancés commencent à prendre sens et surtout à interagir entre eux.

On se concentre énormément sur le personnage de Susan durant l’ouvrage chez qui s’opèrent des changements profonds avec une psyché de plus en plus torturée. C’est rudement bien fait, la descente aux enfers est subtile puis complètement ahurissante. Ça en est flippant tant on assiste à sa déchéance et que l’on prend peur pour l’équilibre familial et ses proches. Obsessions, hallucinations, syndrome de Cassandre ? C’est un peu de tout ça à la fois. On multiplie les hypothèses qui bien souvent se révèlent fausses ou inexactes. La résolution pour le moins surprenante partagera sans doute les lecteurs par son aspect bien branque. Pour ma part elle m’a convenu même si j’aurais aimé avoir davantage d’explications sur le phénomène. La lecture en tout cas réserve son lot de tension et de moments glaçants avec une héroïne totalement en roue libre qui m’a bien des fois émue par sa fragilité mais aussi sa volonté de comprendre, quitte à adopter un comportement décalé voire franchement inquiétant. Mais face à un home invasion entomologique beaucoup de personnes je pense réagiraient plus ou moins de cette manière.

Le rythme d’abord lent s’accélère donc avec une maestria qui ne se dément jamais. L’écriture de Ben H. Winters y est pour beaucoup avec sa plume légère et vire-voltante qui vous capte immédiatement et ne relâche jamais son étreinte. On passe donc un excellent moment et l’on referme Parasites heureux et comblé par un thriller fort recommandable qui ravira les amateurs du genre.

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samedi 12 juin 2021

"Grand calme" de Giles Blunt

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L’histoire : Base dérivante Arcosaur, Arctique. Depuis des mois, une équipe de scientifiques affronte les conditions de vie les plus extrêmes pour mener à bien ses recherches. Mais dans la solitude polaire, les nerfs sont à vif et le moindre incident peut entraîner des conséquences désastreuses. Jusqu'à l'irréparable.

Ontario, Canada. Alors que l'hiver s'annonce particulièrement rude à Algonquin Bay, le corps d'un homme est retrouvé dans un motel de la région. Sa maîtresse, dernière personne à l'avoir vu vivant, a disparu. Bientôt, c'est le corps d'une autre femme qui est retrouvé dans un hôtel désaffecté. Dépêchés sur les lieux, les inspecteurs John Cardinal et Lise Delorme sont loin d'imaginer l'ampleur des ramifications qui sous-tendent leur enquête.

La critique de Mr K : Belle expérience de lecture à laquelle je vous convie aujourd’hui avec un des derniers nés des éditions Sonatine : Grand calme de Giles Blunt, un auteur canadien que je découvrais avec ce titre. Au fil des chapitres, on suit deux histoires que rien ne semble relier de prime abord. Comme souvent dans le genre thriller, le stratagème va fonctionner, les trames se rencontrer et proposer une vérité assez glaçante sans mauvais jeu de mot.

Un chapitre sur deux, l’auteur nous propose de feuilleter les pages d’un mystérieux cahier bleu qui relate les faits se déroulant sur une base Arctique où finit par débarquer une jeune chercheuse, Rebecca Fenn. Cette arrivée va bouleverser l’ordre établi sur ce lieu perdu au milieu de nulle part dans un désert blanc impitoyable qui use les corps et les esprits. La tension va monter très progressivement, le huis clos devient étouffant révélant des vérités et des tensions qui finiront par éclater au grand jour à la faveur de l’accélération des événements.

En parallèle, nous suivons Lise et John, deux inspecteurs chargés d’enquêter sur la mort d’une femme selon un rituel déroutant. Visite des lieux du crime, des maisons et appartements des victimes, interrogatoires, fausses pistes et vrais indices s’enchaînent comme dans tout bon roman policier classique sur fond d’hiver rude dans le Canada anglophone. Quête de la vérité, obstacles administratifs, compétitions entre collègues n’épargnent pas ces deux héros que des questions plus intimes taraudent aussi, donnant une densité forte à l’intrigue qui va prendre un tour surprenant aux deux tiers et finalement se relier aux événements se déroulant dans le grand Nord.

Je dois bien avouer que j’ai trouvé les débuts assez lents, notamment concernant la partie se passant en Arctique. Très parcellaire dans la caractérisation, il ne se passe pas grand-chose dans le récit, les passages incriminés son courts et plutôt nébuleux. Peu ou pas d’intérêt pour le narrateur ou les personnages secondaires qu’il croise dans la base et finalement un grand plat en terme d’attrait même s’il y a du potentiel et que certaines relations laissent entrevoir un futur chaos diablement séduisant.

Heureusement, à côté il y a l’enquête, les atermoiements de John et Lise, deux personnages très charismatiques pour qui on se prend très vite d’affection. Pas gâtés par la vie, à un moment clef de leur existence en terme de développement personnel (l’âge, le célibat, le veuvage, l’amitié et ses bornes), ils se raccrochent au boulot, du moins à ce qu’ils peuvent. Lise est en position de faiblesse, mise à l’écart et son ami John essaie de la garder dans le coup envers et contre tous. Leur relation complexe est très bien mise en lumière et évolue grandement au fil de ce volume, se révélant un miroir fin et juste de nos hésitations, de nos rapports changeants et de nos aspirations secrètes. Leurs psychologies respectives s’avèrent très fouillées, décrites avec tact, délicatesse et goût, donnant à voir deux individus que l’on se plaît à contempler, scruter et connaître en profondeur. Pas de pathos ou d’effets de manche inutile ici, la vie seulement, notre vie dans ce qu’elle a de plus banale mais aussi parfois de plus réjouissante ou traumatisante.

Quand l’ensemble s’emballe au fil des découvertes et des événements, le roman prend une très belle ampleur. Des choses insoupçonnées surgissent de façon impromptue, des personnages révèlent leur vrai visage et le lecteur emprunte alors des chemins addictifs d’une rare force. On finit la lecture tambour battant avec toutes les pièces du puzzle qui se rassemblent parfaitement et offrent une histoire de vengeance à la fois mélancolique et terrifiante. Bien que prévisible par moments (j’ai deviné une ou deux choses du scénario), on passe vraiment un bon moment avec un auteur à la plume alerte et prenante qui ne relâche jamais ses effets à partir de la deuxième moitié du roman.

Grand calme est un bon thriller qui plaira à tous les amateurs du genre !

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mercredi 12 mai 2021

"Je ne suis pas encore morte" de Lacy M. Johnson

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L’histoire : Un cri de douleur. De révolte et de rage. Un uppercut. Comment décrire l'inconcevable ? Kidnappée, violée et menacée de mort, Lacy M. Johnson nous raconte comment elle a échappé à son bourreau. Qui n'est autre que son ex-compagnon, un homme violent et manipulateur, dont l'emprise, comme un étau, s'est peu à peu refermée sur sa vie.

La critique de Mr K : C’est une lecture à la fois éprouvante et magistrale que je vais vous présenter aujourd’hui avec Je ne suis pas encore morte de Lacy M. Johnson. Ce récit témoignage prend à la gorge par son sujet et sa forme mais pas seulement... C’est aussi un remarquable travail sur soi qui est présenté, une exploration sans fard sur le traumatisme qui dure des années après une expérience terrible qui va changer à jamais l’auteure. C’est bouleversant, révoltant parfois mais aussi très éclairant sur notre nature et le fonctionnement de notre psyché.

Lacy M. Johnson a vécu l’horreur. Son ancien compagnon, un chargé de cours d’espagnol sous l’ascendant duquel elle est restée prisonnière durant un petit bout de temps n’a jamais accepté leur rupture. Profitant d’une occasion, il kidnappe la jeune femme, la séquestre dans un appartement vide dans une pièce insonorisée, la viole et la menace de mort. Elle réussit à s’enfuir et l’homme quitte le territoire américain avant d’avoir pu être arrêté et se réfugie au Vénézuela grâce à sa double nationalité. Ces faits ne représentent même pas un vingtième du livre, l’auteure revient surtout sur sa relation avec cet homme, mais aussi sur sa jeunesse, ses parents, ses conneries d’adolescentes mais aussi sur la période d’après, l’immédiat lendemain, les semaines, mois et années qui suivent avec une psyché brisée qui a des répercussions sur sa vie quotidienne et qui fausse son jugement et sa vie sociale.

Il n’y a pas d’organisation chronologique des faits et réflexions livrées au lecteur. Tout se croise, se chevauche, se complète. La construction est un modèle du genre. D’apparence chaotique, par bribes et évocations variées, l’auteure se livre à nue, sans limite ni tabou avec une finesse, une justesse et une pudeur surprenante. Des passages sont horribles dans ce qu’ils relatent des faits subis mais finalement je retiendrai surtout les effets délétères sur l’esprit de l’auteure, femme sous emprise qui n’arrive pas à se détacher du trauma originel. Son rapport aux hommes, son déficit de confiance en elle, ses réactions parfois démesurées face à certains stimulis (les passages avec ses enfants aux deux-tiers de l'ouvrage sont très révélateurs de son mal-être et effrayants dans leur genre) sont autant de blessures à vifs qu’elle n’arrive pas à colmater, à maîtriser et finalement à guérir. Malgré de nombreuses heures de thérapie, le mal est toujours là et joue bien des tours à une femme au tempérament haut en couleur pourtant.

La jeune fille fêtarde, fort en gueule, rebelle issue d’une famille plutôt plan plan et croyante, la fan de littérature et surtout d’écriture (elle est désormais prof en écriture dans une fac américaine), pleine de vie est aussi décrite à travers des pages drôles et rafraîchissantes. Qu’est-ce qu’on est inconséquent quand on n’a pas 20 ans mais on vit sa vie, on brûle la chandelle par les deux bouts et dans une certaine insouciance. Quand elle rencontre son futur tortionnaire, elle tombe sous son charme et va vivre une relation intense avec lui, très charnelle, exclusive et enrichissante à sa manière (notamment beaucoup de voyages). Mais voila, cette homme (qui ne sera jamais nommé, la procédure est toujours en cours ) se révèle être un pervers narcissique de la pire espèce, qui l’avilit et se révèle toxique. La relation vire au cauchemar et malgré une tentative pour s’en séparer, elle se fera rattraper.

Ce récit intime est un véritable tour de force en soi, récit coup de poing, récit d’une introspection douloureuse, récit d’une reconstruction nécessaire mais semée d’embûches et sans doute pas encore aboutie. On prend claque sur claque dans un style direct, sans concession mais avec beaucoup de lucidité, d’acuité et de poésie à l’occasion de certains passages qui touchent en plein cœur et remuent les tripes. Je ne suis pas encore morte se lit vraiment d’une traite, hypnotisé par une personnalité, une plume hors du commun au service d’une cause qui devrait nous habiter toutes et tous : la cause des femmes. Brillant et vibrant, voila un livre que je n’oublierai pas de sitôt et que je vous invite à découvrir au plus vite.

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lundi 3 mai 2021

"Blackwood" de Michael Farris Smith

BlackwoodL'histoire : 1975. Red Bluff, petite ville du Mississippi, se meurt en silence, étouffée par le kudzu, une plante grimpante qui envahie tout.
Après des années d'absence, Colburn est de retour sur les lieux de son enfance. Mais sa présence semble échauffer les esprits. Lorsque deux enfants disparaissent, la vallée s'embrase...

La critique Nelfesque : Pow pow pow pow pow ! Voici ma réaction en terminant ce roman et en postant à chaud quelques impressions sur les réseaux sociaux. Il fallait absolument que j'en parle immédiatement, c'était une véritable nécessité tant cet ouvrage m'a transportée, sans trop rentrer dans les détails puisqu'il n'était pas encore sorti en librairie. C'est maintenant chose faite depuis le 29/04 et je ne tarde pas à publier cette chronique où je peux cette fois-ci expliciter un peu plus mon ressenti (j'avoue, les onomatopées, ça a ses limites !).

"Blackwood" est un roman où l'ambiance tient une très grande place. Nous sommes ici à Red Bluff, petite ville du Mississippi où il ne se passe pas grand chose depuis des années. La vie a petit à petit quitté les lieux, les habitants sont partis et ceux qui sont restés se sont englués dans un quotidien monotone. A l'image de nombreuses villes isolées, les commerces ont fermé et il flotte dans l'air comme un sentiment de fatalité. On ne se plaint pas mais on a conscience de ne pas vivre avec un grand V. Résigné.

Pendant les années où la ville se vidait de sa vie sociale, son énergie vitale, une plante a commencé à prendre de plus en plus d'ampleur, dans l'indifférence générale tout d'abord puis avec une pointe d'amusement et de fascination pour finir dans un fatalisme écrasant. Parce que la vie c'est comme ça et qu'un jour pousse l'autre, le kudzu s'est insidieusement glissée dans les rues, dans les jardins, dans les maisons jusqu'à recouvrir des propriétés entières et prendre peu à peu la place des hommes.

Cette plante est un véritable personnage à part entière, énigmatique, inquiétante et menaçante. Elle se propage, s'engouffre partout, y compris dans les cœurs. Elle change les hommes, se nourrit de leur tristesse, de leur noirceur. À moins que ça ne soit l'inverse... Véritable roman noir où homme et nature ne font plus qu'un dans un monde embourbé dans la misère et le passé, "Blackwood" prend le lecteur aux tripes !

Tout commence avec l'arrivée en ville d'une famille de marginaux, vivant dans leur vieille Cadillac défoncée et errant pour subvenir à leurs besoins. Étranges et étrangers, ils sont à la fois suspects et invisibles aux yeux des habitants. Seul le shérif Myer se soucie de qui ils sont et tente de les aider, lui l'homme qui était sur les lieux lorsque le père du jeune Colburn a été détaché du bout de la corde à laquelle il s'est pendu dans sa grange il y a 20 ans. Hasard du calendrier ou coïncidence du destin, ce même Colburn revient également en ville pour ouvrir son atelier d'art dans une boutique vacante que la mairie de Red Bluff met à disposition gratuitement pour redynamiser le centre-ville. Sans vouloir remuer le passé, le fuyant même, il continue simplement sa route en profitant des opportunités qui lui sont données. Mais le Colburn d'aujourd'hui n'est plus celui d'hier et certains font mine de l'ignorer...

C'est autour de ces personnages que tourne "Blackwood", l'auteur disséquant leur vie, leur passé et nous menant sur les pas de leur destin. Qu'ont-ils décidé vraiment ? Quelle force les mène là où ils vont ? Dans quel but ? Le mystère est omniprésent jusqu'à la fin du roman et un vent métaphorique, mystique et fantastique, flotte sur ces pages. Brillant !

Michael Farris Smith réussit ici le coup de maître de nous tendre un piège que nous ne voyons pas venir. Comme cette plante qu'il dépeint, il prend son lecteur progressivement dans ses filets, jusqu'à ce que nous ressentions littéralement ce sentiment d'enfermement. Cette plante, cette ambiance, envahit non seulement Red Bluff et ses habitants mais elle sort également du roman pour nous accaparer tout entier. Impossible de relâcher ces pages, nous sommes fascinés et piégés. Un excellent auteur qui montre là encore toute l'étendue de son talent avec un roman passionnant.

Également lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- "Nulle part sur la terre"
- "Le Pays des oubliés" (un très beau roman (dont je devrais vous parler aussi plus longuement !) qui met en lumière les oubliés, ceux qui n'ont pas eu de chance dans leur vie, n'ont pas su la saisir et tente de garder la tête hors de l'eau malgré tout. Des trajectoires dures, des destins brisés. En bref, c'est noir, ça sent la sueur et les larmes mais c'est aussi lumineux.)

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jeudi 15 avril 2021

"La Chasse" de Gabriel Bergmoser

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L’histoire : Frank s'occupe d'une petite station-service paumée au milieu de l'immensité sauvage australienne. Un jour, une jeune femme arrive en trombe, blessée. Aidé par un couple de voyageurs, Frank tente de soigner les blessures de l’inconnue lorsque de mystérieux assaillants arrivent sur les lieux. Coupés du monde, les occupants de la station-service vont devoir alors faire face à un véritable siège.

La critique de Mr K : Bienvenue dans une lecture incandescente et ultra-plaisante aujourd’hui avec La Chasse de Gabriel Bergmoser. Très cinématographique dans son écriture, rythmé comme il faut et très sombre, voici un ouvrage qui se lit tout seul et à une vitesse record. La tension ne redescend jamais et l’on se prend pas mal de claques même si l’amateur de films de genre que je suis n’a jamais été vraiment surpris par les méandres empruntés par l’histoire.

Tout d’abord le lieux de l’action : le bush australien avec au cœur du récit une station service perdue au milieu de nulle part tenue par un grand-père au passé tumultueux. Il reçoit depuis quelques jours à la maison sa petite-fille dont la phase remuante d’adolescence dépasse ses parents qui n’y arrivent plus. Ces deux-là en sont toujours au round d’observation quand les événements vont se précipiter. Une jeune femme grièvement blessée échoue dans la station service et tombe dans les vapes. Le temps de la faire rentrer dans le bâtiment et de commencer les premiers secours (quelques clients présents dont un apprenti infirmier vont se retrouver coincés eux aussi dans le grand foutoir à venir) que déjà un individu menaçant se pointe et demande si quelqu’un aurait aperçu une jeune femme en cavale. Renvoyé sur les roses, il ne va tarder à revenir avec ses potes et le siège peut débuter.

Le postulat de départ est simple mais diablement efficace. Après deux chapitres de présentation globale des personnages principaux, l’auteur lâche les chevaux. Il n’y va d’ailleurs pas avec le dos de la cuillère car très vite la tension monte d’un cran avec une opposition forte entre les personnages, des réactions en chaîne qui vont bousculer les certitudes et créer une trame diaboliquement addictive. Punchlines, fusillades, pertes cruelles et remises en question peuplent ces pages d’un noir profond où l’espoir est mince et bien souvent illusoire. Les fans de roman noir sont servis pour le coup.

Bien que classiques dans leur caractérisation, on s’accroche à ces personnages un peu paumés que la vie n’a parfois pas gâtés. Par un savant mélange de flashbacks et de retour à la réalité, on commence à percevoir que derrière cette trame se cachent des ramifications complexes et des destins tortueux à souhait. Comme dit plus haut certaines ficelles sont plutôt grosses et les amateurs de films d’horreur et de série horrifiques (regardez les Wolfcreek - films et séries -, on s’y croirait ici !) retrouveront leurs gammes et références tant dans certaines scènes à la John Carpenter que dans les personnages iconiques à souhait avec notamment des redneck australiens plus vrais que nature et foutrement flippants comme dans Cul de sac de Douglas Kennedy. Certes on manque parfois d’originalité mais l’ensemble est tellement bien troussé qu’on ne peut pas bouder son plaisir. Ce qui est sûr c’est que ça ne donne pas envie d’aller en Australie tant on côtoie pas mal de dégénérés et d’individus interlopes qui semblent vivre en marge de toute morale élémentaire si on se réfère à ce roman.

Gabriel Bergmoser s’y connaît pour mener ses scènes d’action aussi. L’immersion est totale et il est impossible de résister à la tentation d’aller plus loin. Chapitres courts, incisifs et écriture au scalpel à la mode thriller / page-turner plantent une histoire d’un noir profond qui va loin parfois et nous renvoie à notre nature profonde voire primale. Parfois thrash, parfois délicat dans l’évocation du lien grand-père / petite-fille, fun et poignant, La Chasse ravira les amateurs de survivors qui dégomment, d’ambiances pesantes et d’évocations des vicissitudes humaines. Belle lecture enthousiasmante !

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mardi 9 mars 2021

"Les Lamentations du coyote" de Gabino Iglesias

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L’histoire : La Frontera, une zone de non-droit séparant le Mexique des États-Unis. C'est là que sévit le Coyote. Personne ne connaît son nom, mais à quoi bon ? Il est le Coyote, tout simplement. Celui dont la mission divine est de sauver des enfants mexicains en leur faisant passer clandestinement la frontière vers la terre promise. La Virgencita veille sur eux - et sur lui, son guerrier sacré, son exécuteur des basses œuvres. Autour de lui, d'autres habitants de la zone, confrontés eux aussi à la violence, au deuil, au désespoir. Tous résolus à se soulever contre un monde qui fait d'eux des indésirables. Cavales, fusillades, cartels, sacrifices sanglants, fantômes et divinités vengeresses... L'heure de la revanche latina a sonné.

La critique de Mr K : Une lecture qui dépote au programme aujourd’hui avec Les lamentations du coyote de Gabino Iglesias, un écrivain d’origine portoricaine que je découvrais avec ce titre. Précédé d’une réputation flatteuse pour Santa Muerte (que je vais m’empresser de dégoter dans les mois à venir), j’avais vraiment envie de découvrir son univers et son style volcanique. Je n’ai pas été déçu !

Se déroulant à la frontera, zone sous tension entre les États-Unis et le Mexique, on ne peut pas vraiment résumer ce roman tant il s’apparente à un patchwork, un assemblage de destins qui ne sont pas forcément liés mais qui sont unis par la souffrance et la colère. La folie guette bien souvent dans cet univers sombre qui baigne dans une époque contemporaine sombre entre toute. Trump et sa politique nationaliste, la pauvreté, mère de tous les vices, les gangs et la mafia, le trafic d’enfants, la femme objet livrée à des hommes sans scrupules sont au cœur de ce récit endiablé dont personne ne sortira indemne. Les personnages se débattent donc avec leurs pulsions, leurs missions et l’envie de se révéler à eux-même dans une morale somme toute très personnelle.

Dans un style très cinématographique, frontal et enragé, simple mais non dénué de poésie, l’auteur propose un voyage à nul autre pareil au cœur d’une société gangrenée par le mal et le désespoir. J’ai rarement lu un ouvrage aussi noir et des images restent en mémoire longtemps après la lecture : un père tué sous les yeux de son fils, des migrants qui meurent dans le camion qui doit les emmener vers le rêve américain, un spectacle d’art vivant qui vire au massacre engagé, une installation spécialisée dans la disparition de corps humains gênants... Le tout est enrobé de dialogues saignants et de fusillades bien hard-boiled. Pas de doute, on est dans le viscéral, le poignant.

Mais ce roman ne peut se résumer à cela. En mêlant réalisme mais aussi ésotérisme et légendes latinos, Gabino Iglesias amène l'ouvrage vers des sommets insoupçonnés avec une ouverture vers l’identité latino, une porte ouverte aussi sur la foi qui soulève les montagnes et justifie parfois les actes les plus innommables, la course à la consommation et les cadavres vivants (ou non) qu’elle laisse sur le bord de la route. Le mal est partout, des deux côtés de la frontière, et il éclabousse le visage du lecteur qui en reste tout étourdi devant ce maelstrom chaotique et sans solution si ce n’est les actes désespérés de quelques uns ou la vengeance froide et brutale, libératrice autant que destructrice.

Bon roman donc auquel il manque cependant je trouve un peu d’épaisseur dans les personnages qui peuvent à l’occasion sonner creux ou se révéler caricaturaux. La puissance déployée est intéressante mais aurait gagné encore en impact en développant davantage les fêlures de chacun, en contextualisant plus dans l’intime, dans les tripes. Les Lamentations du coyote aurait gagné un supplément d’âme et une portée encore plus importante en allongeant un peu la sauce d’une cinquantaine de pages. Le rythme effréné en aurait été affecté c’est sûr mais certains personnages dont le héros éponyme auraient gagné en profondeur et en consistance.

On passe tout de même un excellent moment ! Cet ouvrage se situe dans le haut du panier avec un ton jubilatoire et un récit qui porte littéralement le lecteur. Ça se dévore tout seul, la langue provoque un plaisir de lecture incroyable et il est impossible de passer à côté si le noir est votre couleur préférée.

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lundi 2 novembre 2020

"Les filles mortes ne sont pas aussi jolies" d'Elizabeth Little

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L’histoire : Donnez-moi un film, et je trouverai la vérité.

Au départ, elle n’a rien d’une enquêtrice. Timide, un brin asociale, elle s’efforce d’éviter les ennuis. Marissa Dahl est surtout une étonnante monteuse de films. Engagée sur un long métrage dont le tournage a lieu sur Kickout Island, elle fait la connaissance du metteur en scène Tony Rees, réputé pour son comportement tyrannique. Très vite, elle comprend que quelque chose ne tourne pas rond : une atmosphère de secrets et de paranoïa, des acteurs persécutés... Le film reconstitue une histoire vraie, celle du meurtre non élucidé, vingt ans plus tôt, de Caitlyn Kelly. Pourquoi un tel projet ? Marissa n’en sait pas assez. Elle veut en savoir plus, bientôt elle en saura trop. Alors, il sera trop tard pour revenir en arrière...

La critique de Mr K : Chronique d’une petite perle de suspens aujourd’hui avec Les filles mortes ne sont pas aussi jolies d’Elizabeth Little, un thriller tout juste sorti chez Sonatine qui se révèle addictif à souhait. L’univers du cinéma, un lieu clos et isolé, une héroïne particulièrement perchée sont les ingrédients de cette lecture que j’ai effectuée en un temps record tant j’ai été happé par le contenu et le style.

Dans la première partie de l’ouvrage, on fait connaissance de Marissa, monteuse au cinéma, un personnage que je ne suis pas près d’oublier. Elle est en route vers son nouveau lieu de travail, le tournage du dernier film du réalisateur le plus en vue du moment. Durant une petite centaine de pages, elle se dirige vers cette île perdue dans le Delaware (côte est des USA) et via des flashback bien sentis, on en apprend plus sur elle: un amour déçu, sa relation quasi fusionnelle avec sa meilleure amie (une réalisatrice prometteuse), son départ précipité de chez sa colocataire et surtout quelqu’un qui connaît de gros soucis de sociabilisation depuis son plus jeune âge entre timidité, inadaptation, doute perpétuel sur elle-même et réparties cinglantes. On se prend directement d’affection pour elle et l’on ne voit pas les pages se tourner tant on rit devant ses monologues intérieurs, ses hésitations et son incapacité chronique à nouer toute relation constructive avec qui que ce soit.

Puis après la traversée du bras de mer, la voila arrivée sur l’île où a lieu le fameux tournage. Un tournage maudit car bien des personnes ont déjà été virées (dont son prédécesseur) ou ont donné leur démission. Le réalisateur est connu pour sa dureté, les conditions de travail sont éprouvantes et chacun doit signer une clause de confidentialité longue comme le bras. L’ambiance est donc très tendue, limite paranoïaque, pour un métrage dont le sujet parle d’un fait divers jamais élucidé. L’ombre d’une jeune morte plane donc dans ces lieux, les anciennes blessures ne sont pas forcément refermées pour la population locale et quand une nouveau décès endeuille l’île, l’emballement est de mise et l’on se retrouve dans un ouvrage "Who’s done it ?" assez savoureux dans son genre.

Je suis tombé donc très vite accro de ce roman qui est à la fois rafraîchissant et très bien construit, fournissant un suspens incroyable. Derrière des personnages parfois à priori anodins, des situations cocasses (on rigole énormément des maladresses de Marissa), se cache un récit bien tranché qui ne ménage pas le lecteur en terme de rebondissements et de révélations. Bien malin celui qui découvrira les rouages profonds de cette histoire plutôt basique mais aux ramifications complexes. Pas du tout détective dans l’âme, Marissa va cependant se retrouver à jouer les premiers rôles bien malgré elle en compagnie notamment d'un duo improbable de gamines fans d’enquêtes. Rajoutons par dessus un chauffeur baraque et sensible séduit par une héroïne troublée et désagréable avec lui et vous avez une alchimie délicate et fun qui se crée autour des protagonistes. On passe un très bon moment avec eux et chacun réserve son lot de surprise et d’attachement finalement.

On enchaîne les chapitres avec un plaisir renouvelé. L’ambiance est admirablement rendue, la langue accessible et souple multiplie les effets efficaces. Rajoutez là-dessus des références cinématographiques pointues et jubilatoires, une exploration du fonctionnement d’un tournage entre humeurs des uns et des autres, problèmes techniques, affrontements d’ego et vous obtenez un ouvrage malin, réjouissant et totalement réussi à la manière d’un bon film hichcockien. Les amateurs ne peuvent s’y tromper, Les filles mortes ne sont pas aussi jolies est un thriller à lire assurément.