dimanche 21 mai 2023

"La Cité des nuages et des oiseaux" d'Anthony Doerr

La_cite_des_nuages_et_des_oiseauxL'histoire : Un manuscrit ancien traverse le temps, unissant le passé, le présent et l'avenir de l'humanité.
Et si seule la littérature pouvait nous sauver ?

La critique Nelfesque : Quel roman ! "La Cité des nuages et des oiseaux" a été une excellente surprise et un ouvrage que je ne cesserai dorénavant de conseiller autour de moi. Après le coup de coeur que fut "Toute la lumière que nous ne pouvons voir" sorti et lu en 2015, c'est 8 ans après que je décidais de découvrir le dernier né, vierge de tout le concernant. J'ai intentionnellement évité de lire toutes les critiques, j'ai fermé les yeux sur la 4ème de couverture et j'ai même attendu un an avant de le sortir de ma PAL. Comme j'ai bien fait ! Anthony Doerr m'a une nouvelle fois cueillie, émue, marquée.

"La Cité des nuages et des oiseaux" est un livre somme, un hommage à la littérature, à l'amour sous toutes ses formes, à la vie. A la fois roman historique, conte et légende, roman contemporain et ouvrage de science-fiction, entre ses pages, le lecteur voyage de la Constantinople du XVe siècle à un futur lointain au sein de l'Argos, un vaisseau où la survie de l'humanité se joue dans le vide spatial, en passant par l'Amérique des années 50 et de nos jours. Nous suivons Anna et Omeir de part et d'autre du mur en pleine prise de Constantinople, Zeno de la Corée jusqu'à aujourd'hui, Seymour de son arrivée tout jeune dans l'Idaho avec sa mère et sa solitude à son face à face avec Zeno, Konstance à 42.399 années-lumière de la Terre à bord de l'Argos lancé en direction d'une exoplanète à 7.774.958 km/h. Leurs histoires se croisent, difficile au début de les relier entre elles et c'est même assez déconcertant de changer de genre littéraire à chaque chapitre. Puis en acceptant de se laisser balader, d'être charmé par chacun d'eux, on ne peut plus lâcher l'ouvrage. 700 pages plus tard, on est changé !

Au milieu de tout ça, un livre, un codex : "La Cité des nuages et des oiseaux" d'Antoine Diogène. Une curiosité, un espoir, un guide, un compagnon, une lumière dans la vie des personnages. A différentes époques, dans différentes conditions, sous différentes formes, il voyage avec eux. Récit lui-même d'un voyage aux confins des mers, du ciel et du monde, il est porteur d'un message, d'une philosophie, d'une vision. Anna, Omeir, Zeno, Seymour, Konstance s'inscrivent dans les pas du jeune Aethon.

Anthony Doerr réalise ici un coup de maître. Je le savais déjà talentueux, je le découvre ici multiforme, crédible dans tous les styles littéraires, nous alpaguant tout autant dans ses récits oniriques que dans ses projections futuristes. Il n'y a absolument rien à jeter dans cet ouvrage et on se plaît même à apprécier ici des genres qui nous sont d'ordinaire abscons et des histoires vers lesquelles on ne serait pas allé intentionnellement. "La Cité des nuages et des oiseaux" c'est un tout, un ouvrage qui ne souffre pas de superflu, où chaque élément a sa place et son importance jusque dans les détails anodins. Avec une facilité déconcertante, une écriture simple, Anthony Doerr nous livre une histoire pourtant complexe, celle de la vie qui nous traverse tous, qui forme un tout et nous relie les uns aux autres quelle que soit la temporalité. Un grand bravo Mr Doerr et respect !


mercredi 19 avril 2023

"Deep me" de Marc-Antoine Mathieu

couv deep

L’histoire : Adam ! La première information qui lui soit donnée lorsqu'il reprend conscience est un prénom. Son prénom ? Il tente de s'exprimer mais personne ne l'entend. Et qui sont ces gens ? Des médecins, des policiers, son épouse ? Dans ce noir intense, son esprit s'endort et se réveille à intervalle... régulier ? Une image floue se forme à l'évocation d'un mot : l'Eclipse. Il faut qu'elle se précise encore...

La critique de Mr K : Je vais vous parler d’un cadeau atypique aujourd’hui, celui que l’ami Franck m’a offert pour mon anniversaire et que j’ai dévoré en un soir entre curiosité, fascination et finalement stupéfaction. Le parti pris adopté par Marc-Antoine Mathieu dans Deep me est particulièrement osé, minimaliste au départ mais il va révéler au fil du déroulé une profondeur certaine et au final nous livrera une révélation inoubliable.

Des cases noires, monochromes au départ puis avec des onomatopées, quelques mots, un esprit qui s’éveille, il s’appelle Adam. Les indices sont minces et l’on pense en premier à quelqu’un de plongé dans le coma ou dans un rêve sans fin qui entend les conversations alentours, réfléchit à son état et à ses sensations diffuses. Puis apparaissent quelques images diffuses, des apparitions pas très nettes, des abstractions mentales... L’esprit semble perdu, cherche à comprendre ce qu’il perçoit mais la mémoire lui fait défaut.

1

Vous l’avez compris, l’auteur prend un malin plaisir à nous balader, à semer le doute comme si nous étions nous même à la place du narrateur. Volontiers métaphysique, les deux premiers tiers de l’ouvrage interrogent énormément sur la nature humaine, ce qui fait notre identité et notre destin. À travers des tableaux noirs, des dégradés de gris, des tâches puis des débuts d’apparitions, on navigue vraiment à vue dans un mouvement de va-et-vient constant entre hypothèses, certitudes et déstructuration. Quand la lumière se fera, on vire alors dans autre chose, dans le conceptuel, le philosophique. Il faut alors avoir l’esprit bien accroché et se laisser porter pour apprécier toute la subtilité du processus et toutes ses implications. Je n’en dirai pas plus pour ne pas lever le voile sur cette fin énigmatique qui mérite vraiment qu’on la découvre lors de sa première lecture qui en entraînera d’ailleurs une autre pour apprécier au mieux l’ensemble de cette œuvre ésotérique et puissante.

2

L’ensemble est vraiment fascinant, j’ai rarement eu affaire à ce genre d’objet. C’est beau et simple à la fois mais jamais simpliste. C’est même exigeant car on sort vraiment des stéréotypes narratifs, des procédés habituels dont on se sert pour accrocher le lecteur de BD lambda. On n’est donc pas dans du easy-reading, du consommable jetable, cette lecture est métaphysique, pose des questions profondes qui nous font réfléchir sur nous et notre humanité. Ce qui s’apparente à un exercice de style se transforme en quelque chose de dense, de surprenant et au final d’assez obsédant. On y repense beaucoup après sa lecture.

3

L’expérience vaut vraiment le coup d’être tentée même si c’est certain, elle ne conviendra pas à tout le monde tant elle rabat les cartes du genre et propose un voyage à nul autre pareil. Personnellement j’ai adoré, je ne peux que vous la conseiller si vous aimez le genre et l’étrangeté.

Posté par Mr K à 18:29 - - Commentaires [4] - Permalien [#]
Tags : , , , , , ,
mardi 11 avril 2023

"Lendemains qui hantent" de Gabriel Berteaud

lendemainsquihantent

Le contenu : Neuf nouvelles haletantes, grinçantes, animées d'un souffle libertaire et rebelle qu'aucun des cauchemars dystopiques qui nous guettent ne parvient à éteindre tout à fait...

La critique de Mr K : Quelle belle découverte que ce recueil de nouvelles SF ! Dans Lendemains qui hantent, Gabriel Berteaud que je découvrais par la même occasion, nous propose neuf voyages en terres dystopiques, neuf voyages dérangeants, flippants voire tout bonnement abominables. Ces visions du futur aussi fugaces qu’incisives resteront pour certaines longtemps gravées dans ma mémoire, il y en a même une qui fera office d’œuvre intégrale pour mes cours de l’année prochaine.

Neuf nouvelles pour neuf visions assez effroyables dans leur genre de ce qui nous attend dans les décennies ou siècles à venir. Apocalypse nucléaire, IA aliénante au cœur de nos vies, le virtuel comme seul échappatoire, le contrôle des masses dans des systèmes autoritaires, le black-out énergétique et ses conséquences inattendues (une des rares nouvelles où un espoir apparaît), la parcellisation de nos sociétés par classes et potentiel de pouvoir d’achat, l’automatisation des hommes par le système... Des postulats plus ou moins classiques qui proposent donc des dystopies bien souvent glaçantes et révoltantes.

L’humanité s’efface... du moins dans ce qu’elle a de plus beau. Peu ou pas de place pour la générosité, l’écoute, l’empathie, les mondes présentés ici sont froids et sans âmes. Bien souvent dominés, les hommes sont asservis par les outils technologiques, l’individualisme et la quête de richesse se dispute avec l’avilissement et le fatalisme. Ici ou là, il y a bien une tentative de résistance, de réaction ou d’évasion dans une illusion virtuelle ou chimique mais bien souvent la réalité, quand elle ressurgit, tombe comme le couperet de la guillotine.

Ces histoires très courtes, bien ficelées, emballantes comme jamais malgré leur aspect noir sont aussi un beau prétexte pour critiquer vertement l’orientation que prend notre monde dans l’enfer ultra-libéral qui lui semble promis. La charge n’a certes rien d’original mais franchement elle fait du bien et l’accessibilité stylistique des textes en font de belles bases pour lancer des chantiers de réflexions avec de jeunes lecteurs, des citoyens en devenir.

Franchement, une très bonne expérience que ce recueil de nouvelles SF sur lesquelles souffle un vent de révolte libertaire qui fait du bien en ces temps bien sombres. Ne passez pas à côté si vous êtes amateurs.

Posté par Mr K à 18:00 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
Tags : , , , ,
vendredi 24 mars 2023

"Tous les hommes..." d'Emmanuel Brault

couv60812000

L’histoire : ... naissent et demeurent libres et égaux en droit.

À bord de leurs cargos aux soutes pleines d’hydrogène, les ulysses traversent les couloirs de navigation de l’espace connu pour le compte de la Fédération des quatre-vingt-quatre planètes sous l’égide de la France et de son patrimoine des Lumières.

Dans l’un d’eux, un capitaine, son apprenti et un chef mécanicien sillonnent l’ombre, visitant planètes arides, cités des plaisirs ou souks hauts en couleur, quand leur vie va être bouleversée par trois idées simples : Liberté, Égalité, Fraternité.

À travers le carnet de l’aspirant navigateur, vont se dessiner alors les amours et ambitions de chacun face à un pouvoir fédéral hypocrite.

La critique de Mr K : Nouvelle très belle lecture chez avec Tous les hommes... d’Emmanuel Brault, un auteur qui m’avait déjà beaucoup séduit avec Walter Kurtz était à pied, une dystopie cinglante et très bien menée. Changement de genre ici avec un livre de SF lorgnant vers le space opéra dans lequel on retrouve la verve engagée et critique d’un auteur décidément plus que doué !

Au cœur de l’intrigue, trois personnages cohabitent dans un vaisseau dont la principale mission est de livrer de l’hydrogène, principale source d’énergie du futur. Le capitaine Vangelis est un homme introverti, à la sagesse profonde et à la froideur de façade. Son jeune apprenti Astide découvre la vie et se forme à devenir un ulysse, une caste dont la fonction est de s’occuper des échanges commerciaux. Et il y a enfin Alfred, le mécano, différent par sa nature même (c’est un centaure), il rêve d’un monde plus juste où lui et ses congénères seraient traités comme des êtres humains.

Ces trois individus ont des liens puissants qui les unissent, vivant ensemble dans un espace réduit. Multipliant les missions, les voyages, ils se rapprochent forcément et cela accentue leurs ressentis, leur symbolique même. L’amour impossible entre le capitaine et son mécano, l’amitié pure et unique entre l’apprenti et le mécano, le lien unique entre le maître et son disciple. Cela donne à lire de magnifiques pages sur le rapport à l’autre, les émotions qui nous émeuvent, nous transportent mais aussi nous font souffrir. On passe par tous les états durant cette lecture. Emmanuel Brault nous offre des personnages complexes, profondément humains et mus par des motivations parfois antagonistes qui provoquent des situations dramatiques et vont les appeler à se déchirer malgré toute l’affection qu’ils ont les uns pour les autres.

En filigrane, ce roman est une dénonciation sans fard des injustices, de l’exploitation et surtout de l’hypocrisie de nos sociétés qui n’hésitent pas à arborer des valeurs sur les frontons de leurs édifices officiels qu’ils ne respectent même pas. La France dans ce roman est un empire fédéral composé de 84 planètes, elle a conservée sa fameuse devise mais à travers le sort réservé aux centaures, considérés comme des animaux, des êtres que l’on peut asservir sans complexe moral, elle trahit ses idéaux et se révèle être une puissance colonisatrice aliénante et sans éthique. On ne peut s’empêcher durant cette lecture de penser à notre Histoire récente comme le statut des algériens ou encore des kanaks qui n’étaient que des citoyens de seconde zone, aux droits limités au sein de l'Empire français. Alfred dans ce roman sonne la révolte, la possibilité d’une révolution, d’une libération. Ce personnage haut en couleur va peu à peu s’humaniser, prendre conscience de la nécessité de la lutte à commencer par la possibilité de représenter les centaures dans les instances politiques. Il brise par là même un certain conditionnement mental qui l’empêchait jusque là de voir les possibilités qui s’offrent à lui.

Tous le personnages vont donc évoluer chacun à leur manière mais chez Alfred c’est plus prégnant. Pour Vangelis, c’est plus intime, plus discret. Quant à Astide, c’est plus classique, c’est la maturité, la prise de conscience de la dualité des hommes et des révélations parfois dures à avaler. Le récit prend donc une dimension initiatique, universelle même car tout ici est transposable dans des choses vues ou constatées dans nos vies respectives. L’ensemble respire l’intelligence, la finesse et l’humanité.

Le background SF est aussi très bien rendu avec de très belles inspirations et des clins d’œils nombreux aux mythes grecs et romains, à la culture littéraire française (le nom des rues, des planètes, les dénominations des différentes castes...). L’ensemble est gouleyant servi par une langue inventive, virevoltante qui procure un plaisir de lecture total. Une super expérience entre aventure humaine, réflexion et philosophie qui se lit facilement et se révèle addictif dès le départ.

Posté par Mr K à 17:12 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
Tags : , , ,
lundi 20 mars 2023

"Paradox Hotel" de Rob Hart

paradoxhotelrobhart

L’histoire : 2072. Imaginez pouvoir vous extraire de la réalité, côtoyer Mozart, Cléopâtre ou des dinosaures du Jurassique pendant quelques heures. Grâce au Paradox Hotel, voyager dans le passé est possible. Mais, faute de rentabilité, le lieu est menacé. L’annonce d’enchères privées sème le trouble. Car beaucoup discernent dans ce rachat une menace bien plus grande : et si un milliardaire décidait de changer le cours de l’Histoire ?

Responsable de la sécurité de l’hôtel, January Cole sait que se balader dans le temps a un coût qui n’est pas que financier. À chaque passage, le cerveau se dégrade ; elle en a elle-même fait les frais. Et surtout, January est désormais capable de dériver vers l’avenir. Elle seule peut empêcher un crime de se produire...

Au Paradox Hotel, les dimensions temporelles s’entrechoquent pour le plaisir de touristes fortunés. Ici, le temps vaut beaucoup d’argent, et certains sont prêts à tout pour se l’approprier...

La critique de Mr K : Chronique placée sous le sceau de la SF aujourd’hui avec Paradox Hotel de Rob Hart, deuxième ouvrage d’un auteur qui a fait parler de lui avec MotherCloud son précédent roman que je n’ai pour l’instant pas lu. M’est avis que ça va changer vu la claque que j’ai reçue en lisant celui-ci. Accro dès le premier chapitre, j’ai lu l’ouvrage quasiment d’une traite avec un plaisir sans borne.

Dans un futur pas si lointain, on peut désormais organiser des voyages dans le temps, proposer des excursions touristiques d’un nouveau genre, totalement immersives et réservées à une élite très friquée. Le Paradox Hotel les accueille et les loge en amont et après l’expérience. Tout y est luxe, calme et confort, le service d’étage est impeccable et l’on vous entoure d’égards. Des bruits courent cependant que l’hôtel est hanté par des images, des spectres errants dans les couloirs. Les affaires marchent moins bien, l’État veut se dégager de l’entreprise et va bientôt la vendre au plus offrant. On attend dans quelques jours l’arrivée de quatre à cinq acheteurs potentiels, tous plus riches et puissants les uns que les autres et aux aspirations bien différentes.

January Cole, l’héroïne, est la responsable de la sécurité de l’hôtel. Auparavant, elle voyageait énormément dans le temps pour vérifier que les visiteurs n’agissent pas sur le passé, changeant par là même l’avenir. Mais ces voyages ont fini par altérer le cerveau et elle est "décollée" (sa conscience est capable de dériver dans le passé et l’avenir). Elle doit désormais, à cause de cette tare dégénérative, se cantonner à exercer au Paradox Hotel, sa maison et deuxième famille. Dur dur pour cette solitaire au caractère bien trempé et parfois très garce envers ses collègues, notamment le drone à l’IA très développée qui l’accompagne partout.

L’histoire débute avec un crime impossible qui fait penser à un mystère à la Conan Doyle. January est la seule à pouvoir voir un cadavre dans une chambre. En parallèle, la vente de l’hôtel approche, les voyages sont annulés pour de mystérieuses causes, on observe des chutes de tension électrique et le temps ne semble plus suivre son rythme naturel... L’héroïne va tenter de résoudre cette enquête malgré les nombreux obstacles qui vont se dresser devant sa route : son esprit qui déraille de plus en plus et ses visions qui se multiplient, son chagrin insurmontable d’avoir perdu la seule personne qu’elle ait vraiment aimé, l’incurie des puissants et son caractère bien pourri qui ne l’aide pas. L’intrigue est très créative et réserve nombre de surprises à January et au lecteur.

Personnellement, j’ai été totalement emporté par le récit qui se révèle être un parfait huis clos. Ici on ne voyage pas dans le temps, on essaie avant tout de résoudre un crime dans une écriture page turner. On est face à un véritable thriller d’anticipation avec son lot de rebondissements, de personnages bien tordus et des scènes d’action bien tendues (le lâché de dinosaures est un modèle du genre!). Le background SF rajoute une densité folle à l’histoire, donnant à voir des implications nombreuses et un sous-texte passionnant et bien engagé. À l’image de l’héroïne, le cynisme est de mise dans l’écriture avec quelques punchlines bien senties à l’endroit des milliardaires et autres personnages s’écoutant beaucoup parler, ne suivant que leurs intérêts au détriment des autres, à commencer par les employés de l’hôtel. C’est assez jubilatoire, mordant et ça flatte les causes qui me sont chères à commencer par ma détestation du capitalisme ultralibéral qui ici en prend un coup (il semblerait que la charge est encore plus importante dans MotherCloud qu’il faut décidément que je lise au plus vite).

J’ai beaucoup aimé January et son caractère difficile. Elle est relou, traite tout le monde n’importe comment mais on sent bien que cela cache une grande souffrance. On aborde avec elle des thèmes douloureux comme le deuil, la mémoire, la difficile reconstruction de soi après un événement traumatique. Les choses sont en plus rendues impossibles par ses défaillances corticales, la prise de plus en plus importante de médocs qui n’arrangent rien et une pression de plus en plus forte de ses supérieurs. La trajectoire de January ressemble à ces comètes en flammes qui traversent le ciel et semblent vouées à disparaître. Là encore, le récit nous réserve des surprises... Tous les personnages qui gravitent autour d’elle sont réussis, bien croqués et apportent leur pierre à l’édifice. L’intérêt est que malgré une apparence parfois caricaturale, ils se révéleront tous surprenants à un moment ou un autre. L’auteur ne nous prend vraiment pas pour des buses.

Que dire de plus ? Ce roman est un bijou, une expérience de lecture tripante qui ne sacrifie jamais le plaisir de lire en proposant une trame riche, une écriture subtile et rythmée, et un message politique puissant. Tout ici est parfait, enveloppant et totalement enthousiasmant. À lire au plus vite !

Posté par Mr K à 17:29 - - Commentaires [6] - Permalien [#]
Tags : , , , ,

jeudi 19 janvier 2023

"L'Antre" de Brian Evenson

couv3937166

L’histoire : L'antre, un lieu sous terre où il se réveille. Dehors, l'air est irrespirable. Pourtant, il va devoir sortir. Sa survie semble être à ce prix. Mais qui est-il ? Est-il aussi seul qu'il le pense ? Et d'où lui viennent les souvenirs qui le hantent ? Le terminal qu'il interroge possède peut-être quelques-unes des réponses aux questions qu'il se pose. Mais le terminal a aussi une question à lui poser : qu'entend-il par ce mot de personne ?

La critique de Mr K : Bien étrange et plaisante lecture que celle que je vais vous présenter aujourd’hui... Avec L’Antre de Brian Evenson, on se retrouve face à un véritable OLNI (Objet Livresque Non Identifié). Prenant la forme d’une novella SF de 110 pages, le récit est tour à tour énigmatique, hypnotique et métaphysique. Une expérience hors norme qui se mérite, interroge et finit par éblouir.

Un être solitaire vit terré dans l’Antre, un refuge souterrain qui le protège de l’extérieur, un environnement dont on lui a dit qu’il lui serait mortel s’il osait mettre le nez dehors de manière prolongée. Il n’a pour seule compagnie qu’un terminal sensé répondre à la moindre de ses interrogations et le temps passe inexorablement. À la faveur d’une question anodine, toutes les certitudes vont être bouleversées. Qui est-il vraiment? Humain, IA, alien ou même entité éthérée?

Rédigé sous la forme d’un rapport, l’ouvrage est vraiment nébuleux. Il faut se laisser porter et ne pas chercher à avoir toute les réponses dès le départ. D’ailleurs, même à la toute fin, certains aspects restent en suspens, à chacun de compléter les vides selon son ressenti. Rien de frustrant pour autant car ce roman s’apparente à une quête d’identité, une recherche de ce que l’on est vraiment, comment on se définit comme être humain.

Difficile d'en dire plus sans vraiment dévoiler le contenu. On passe la plupart du temps dans cette fameuse antre puis, à un moment, il y a une sortie durant laquelle le narrateur va faire une rencontre changeant sa perspective. Il va se confronter à autrui alors que lui-même semble avoir presque toujours vécu seul. Il fait référence à une mystérieuse lignée qui se transmet un flambeau, une mission dont on ne discerne pas vraiment les contours. Tout ce qu’il sait c’est que la moindre sortie pourrait lui être fatale...

Cet autre survivant va l’amener à réfléchir différemment et surtout à se considérer lui-même sous un autre angle. L’échange final dans ce domaine est assez stupéfiante (même drôle à un moment, vous comprendrez quand vous y serez), posant les bases d’une nouvelle logique, d’un changement de paradigme qu’on ne voyait pas forcément venir.

Il y a très peu de descriptions au final, notamment sur l’apocalypse et ses conséquences. Brian Evenson ne plante pas vraiment le décor, l’essentiel résidant dans les observations et questionnements intérieurs de son protagoniste principal. La dramaturgie est ici avant tout intime ce qui la rend quasi métaphysique et amène le lecteur à se poser beaucoup de questions. Le procédé est je l’avoue désarçonnant et risque d’ailleurs de se heurter à l’incompréhension de certains.

Me concernant, j’ai vraiment beaucoup aimé ce récit atypique, cette langue épurée d’une portée incroyable et cette couverture sublime. Un étrange livre au charme inouï que j’invite les plus curieux d’entre vous à se procurer et à lire. Il y a je pense ensuite matière à échanger et à s'interroger ensemble.

mardi 10 janvier 2023

"Dans la forêt" de Jean Hegland

Dans-la-foret

L’histoire : Rien n’est plus comme avant : le monde tel qu’on le connaît semble avoir vacillé, plus d’électricité ni d’essence, les trains et les avions ne circulent plus. Des rumeurs courent, les gens fuient. Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au cœur de la forêt. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, elles demeurent seules, bien décidées à survivre. Il leur reste, toujours vivantes, leurs passions de la danse et de la lecture, mais face à l’inconnu, il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, emplie d’inépuisables richesses.

La critique de Mr K : Sacrée claque que cette lecture de fin d’année 2022 ! Je ne remercierai jamais assez la documentaliste de mon établissement de m’avoir mis cet ouvrage entre les mains pour les vacances de Noël. Dans la forêt de Jean Hegland, on est dans de l’anticipation à échelle humaine, proche de la nature, initiatique et profondément bouleversante. Je vais mettre du temps à m’en remettre.

Nell et Eva vivent donc isolées au milieu de la forêt. Dans la maison familiale, elles ne sont plus que deux, leur mère est décédée d’un cancer depuis déjà un petit bout de temps et le père a succombé à un tragique accident. Entre ces deux funestes événements, le monde s’est effondré. Tout a commencé par des petites coupures d’électricité puis elles se sont généralisées, l’essence s’est raréfiée, la désorganisation s’est installée, les épidémies sont apparues, les morts se sont accumulés... Le récit débute à Noël, Eva a offert un cahier à sa sœur. Nell entreprend alors d’écrire un journal qu’elle partage avec nous, revenant sur les événements marquants d’avant mais aussi le rude quotidien qu’elle partage avec sa sœur, les rumeurs qui courent, les espoirs qu’elles nourrissent.

Ce roman est tout d’abord un magnifique portrait de deux sœurs. Grâce au point de vue adopté du journal, on pénètre vraiment dans leur intimité et leur relation unique. L’une continue de s’entraîner dur pour intégrer peut-être un jour une école de danse classique très réputée (Eva), l’autre lit tout ce qu’elle peut ingurgiter, travaille d’arrache-pied car elle est promise à de brillantes études secondaires à Harvard (Nell). Elles s’accrochent bon gré mal gré à leurs rêves d’avant la catastrophe. Nous ne sommes pas dupes, c’est un pis-aller et le récit peu à peu va fortement éprouver ces espérances.

Le deuil des parents, de leur enfance en quelque sorte, va mettre à mal leur lien pourtant fort, chacune réagissant comme elle peut. Toutes les deux très différentes, elles n’abordent pas le quotidien de la même manière. L’une est plutôt fourmi, l’autre cigale, cela donne des échanges parfois tendus parfois drôles malgré la tragédie qui se joue. Formées à la vie campagnarde, une fois le paternel disparu elles vont devoir entretenir le jardin, faire les bocaux pour l’hiver, s’occuper de la volaille, il en va de leur survie. Mais tout cela ne suffit pas et c’est à la forêt qu’elles vont s’intéresser de près avec une découverte émouvante (et parfois effrayante) du microcosme environnant.

L’une et l’autre vont beaucoup évoluer, parfois dans le même sens parfois en prenant des décisions difficiles, subissant sinon des choses épouvantables. C’est le grand manège des émotions que ce roman qui prend littéralement au tripes. Roman initiatique d’une force incroyable, on suit médusé cette odyssée intime qui va voir Nell et Eva changer irrémédiablement, devenir femme dans un monde en pleine déréliction. La fin lourde de sens est un modèle du genre, une conclusion logique, ouverte et métaphorique qui appelle à la réflexion et à la discussion. À l’heure, où j’écris ces mots, j’y pense encore, c’est dire ! Rarement, en tout cas, j’ai ressenti autant de compassion, d’attachement pour deux personnages au cœur d’une intrigue. On est dans le vrai, le crédible, le touchant, le bouleversant. On a souvent le cœur au bord des lèvres durant cette lecture qui nous laisse bien souvent pantelant et admiratif à la fois.

Dans la forêt propose aussi une très bonne réflexion sur le genre humain, sur son manque d’humilité face à la nature qui se révèle toujours plus forte. Chaque chute de civilisation cependant n’est qu’un prétexte pour l’homme pour rebondir, un fait que l’on vérifie en partie avec la destinée commune de Nell et Eva. Malgré donc un background dramatique, des évocations parfois terrifiantes du monde d’après (le dernier passage en ville, les rumeurs en cours, la réaction des gens, les rôdeurs...), ce roman est plutôt porteur d’espoir avec l’idée notamment d’un retour à la nature, de retrouver l’essentiel, de suivre ses besoins et non les sirènes de nos désirs. Toutes ces questions clefs en cette période trouble sont brillamment emmenées, sans pathos, ni caricature. Chaque récupération d’ancien objet, chaque coup de pioche, coup de scie, réparation de fortune prend une saveur toute particulière dans cet ouvrage qui baigne dans un naturalisme frappant et inspirant. Il y a un côté Robinson Crusoé qui m’a aussi fortement marqué (un de mes livres préférés) et j’ai retrouvé pendant cette lecture des sensations depuis longtemps oubliées.

L’ensemble est servi dans un écrin langagier de toute beauté. Ici, on prend le temps, on contemple, on observe, on décortique le quotidien, les réactions des uns et des autres. La moindre rencontre a son importance et apporte sa pierre à un édifice magnifiquement ciselé. C’est beau, puissant, très sensuel, au plus proche des âmes qui se débattent dans ces pages ensorcelantes, qui captivent et rendent totalement addict le lecteur dès les premières pages. Vous l’avez compris, il s'agit d'une petite merveille, une pièce de choix. Un livre unique, un véritable chef-d’œuvre de beauté et de réflexion.

Posté par Mr K à 16:48 - - Commentaires [4] - Permalien [#]
Tags : , , , ,
lundi 2 janvier 2023

"La Brigade de l'Oeil" de Guillaume Guéraud

couv5699433

L’histoire : Rush Island, 2037. La loi Bradbury interdit toutes les images depuis vingt ans sur l'ensemble du territoire. La propagande matraque : Les photographies sont nocives. Le cinéma rend fou. La télévision est l'opium du peuple.
Les agents de la Brigade de l’Oeil, les yeux armés du gouvernement, traquent les terroristes opposés à cette dictature. Brûlent les images encore en circulation et les pupilles de ceux qui en possèdent. Parce qu'un bon citoyen est un citoyen aveugle.

La critique de Mr K : Voilà un ouvrage dont j’avais beaucoup entendu parler et que je voulais lire depuis un sacré bail. En effet, La Brigade de l’Oeil de Guillaume Guéraud était souvent cité lors de diverses conférences auxquelles j’ai pu assister aux Utopiales et j’avais lu des critiques élogieuses à son sujet sur divers blogs amis. C’est une fois de plus le hasard qui a mis cet ouvrage sur mon chemin lors d’un chinage de plus. Le moins que je puisse dire c’est que cette lecture fut top, une dystopie glaçante pour une écriture novatrice et très séduisante à la fois.

Cela fait vingt ans maintenant qu’à Rush Island, toutes les images sont interdites sur le territoire. La loi Bradbury (sic) interdit à quiconque d’en voir, d’en posséder, d’en conserver, d’en produire, d’en importer et d’en diffuser. Toute personne qui enfreindrait l’une de ces interdictions est immédiatement condamnée à perdre la vue, la sentence étant appliquée sur le champ par la Brigade de l’Oeil, un corps de Police dépendant directement du ministère de la sécurité qui possède toute latitude pour faire respecter et appliquer la loi.

Dans cette ouvrage, on alterne entre deux personnages principaux qui se partagent successivement les chapitres qui s’égrainent. Il y a Falk, un membre haut placé de la fameuse brigade dont on suite les interventions et les pensées. Il vit avec un passé douloureux, il a perdu sa femme et ne s’en remet pas vraiment. Ex de la criminelle, il est rentré dans cette nouvelle brigade suite à la Révolution qui a mis en place l’impératrice Harmony qui possède tous les pouvoirs. Pur produit du pouvoir mais aussi être humain tourmenté, le lecteur suit entre peur et curiosité les actions de ce personnage qui réserve son lot de surprises. Kao, est quant à lui un jeune lycéen qui deale à l’occasion des images et qui n’accepte pas tous ces interdits. Son propre grand-père a fait partie des premiers sacrifiés au cours des purges qui ont suivi l’installation du pouvoir, il était projectionniste de cinéma. Peu à peu, Kao va davantage s’impliquer dans la lutte menée par la Résistance contre ce pouvoir dictatorial qui efface progressivement toute forme de pensées et de souvenirs.

L’hommage à Bradbury et son fameux Fahrenheit 451 est évident, la filiation totale et la réussite exemplaire. Certes les vieux briscards de la SF dystopique seront rarement surpris en terme de péripéties mais c’est mené de main de maître avec pour commencer un background fouillé et flippant sans pour autant surcharger le récit. On apprend au fur et à mesure les origines des cette loi inique avec la volonté au départ de sauver les gens des images pernicieuses (le net, le cinéma, les dessins, l’art). L’utopie devient vite dystopie avec une société totalement encadrée et contrôlée par un pouvoir dictatorial strict et injuste. On se concentre beaucoup ici sur la fameuse brigade, ses méthodes musclées (les passages sur les exécutions de sentence sont terribles) puis vers le milieu du volume, on fait connaissance de plus près avec la cheffe suprême et l’idéologie qu’elle prône. Mais c’est résistant un homme et très vite en suivant Kao, sa relation suivie avec le vieil aveugle du cimetière et bientôt la Résistance, on rentre dans l’envers du décor avec son lot d’abominations subies et ses espoirs bien vivaces de tout renverser.

Les personnages sont très bien caractérisés. Là encore, on est dans du classique. Les archétypes fonctionnent pourtant à plein, on est dans le confortable, le plaisant, on se laisse totalement guider et embarquer. Les zones d’ombre se dévoilant au fil de l’intrigue, on se plaît à partager les affres du doute de chacun, leurs atermoiements et hésitations, leur folie parfois (il y a des passages vraiment bien barrés). D’ailleurs, tous les protagonistes sont logés à la même enseigne, les seconds couteaux se révèlent bien souvent savoureux même si la tonalité globale de l’ouvrage est dramatique et la fin sans concession. Elle m’a laissé totalement KO, il y a de l’audace à proposer un dénouement pareil par les temps qui courent où l’on distille du faux optimisme à tout va pour nous faire oublier la triste réalité des choses.

Au delà d’un roman d’aventure anticipation saisissant, l’ouvrage aborde aussi de vraies questions existentielles pour ne pas dire métaphysiques. Il est question ici de notre rapport à l’image évidemment, aux souvenirs et à la mémoire mais aussi à la réalité telle qu’on nous la représente. Certaines situations ou échanges entre protagonistes fournissent des réflexions intéressantes sur nos liens intimes avec le passé, la construction de soi et le besoin intrinsèque de notre espèce à se sentir libre. Grâce à son écriture brute de décoffrage, hachée, coupée où les idées ricochent entre elles, parfois violentes (la fin est vraiment apocalyptique), on est vraiment pris aux tripes et l’addiction est immédiate.

Un très bon roman donc, classé en jeunesse pour certains, que je ne peux que vous conseiller tant il résonne tout particulièrement à notre époque et son accessibilité conviendra à tous. Gare à la chute : ce voyage est terrifiant mais tellement salvateur ! Un beau coup de cœur pour ma part.

Posté par Mr K à 15:03 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
Tags : , , , ,
jeudi 24 novembre 2022

"La Schismatrice +" de Bruce Sterling

couv33565338

L’histoire : Dans une humanité déracinée, peuplant le système so­laire de gigantesques stations orbitales, écartelée entre les tenants de l'évolution par la technologie et ceux de la manipulation génétique, Abélard Lindsay, jeune diplo­mate issu de la République corporative circumlunaire de Mare Serenitatis, tente de trouver son chemin. Fils d'aristocrate, il doit apprendre à survivre, à choisir son camp. Mais au moment où l'homme évolue, cesse d'exister en tant que tel pour se scinder en espèces nou­velles, il croit enfin comprendre son destin : réconcilier Mécas et Morphos autour d'un projet grandiose, la terraformation des mondes...

La critique de Mr K : Grosse déception que cette lecture d’un ouvrage pourtant culte réédité cet été à l’occasion de la rentrée littéraire. Pour beaucoup, La Schismatrice de Bruce Sterling est un livre incontournable, un ouvrage fondateur du cyberpunk en littérature. Agrémenté ici de nouvelles se déroulant dans le même univers, j’ai été perdu assez vite et ce malgré d’indéniables qualités d’écriture. Sans doute ce genre annexe de la SF n’est pas fait pour moi...

Dans un futur éloigné, les hommes ont essaimé l’univers et l’espèce en elle-même a drôlement évolué. Certains membres se sont améliorés technologiquement parlant, d’autres sont le fruit de manipulations génétiques. Deux courants que tout semble opposer et qui créent régulièrement des tensions voire des conflits de grande importance. On a donc affaire aux post-humains en deux déclinaisons bien différentes donnant le tournis dans les implications et applications qui sont données à lire ici.

Au cœur de l’intrigue, on retrouve Abélard, un jeune diplomate déchu que l’on envoie sur une colonie isolée suite à un incident le mettant en cause. Éloigné de tout ce qu’il connaît, fuyant sans cesse d’un point à un autre, voulant innover pour briser les règles, il sera amené à vivre nombre d’aventures qui le place au centre de l’échiquier global. Ses actes pourraient même avoir une incidence sur l’ordre des choses et même changer le visage de l’humanité... rien que cela !

Sur le papier, ce roman était fait pour moi avec une dimension space opéra qui me parle puisque je suis amateur du genre. Mais voila, trop d'ellipses entre les différentes parties ont fait que j’ai eu du mal à saisir les différents tenants et aboutissants. Je me suis raccroché à ce que j’ai pu, j’ai essayé de faire les liens qui s’imposent mais globalement en fin de lecture, j’avais l’impression d’être totalement passé à côté.  Beaucoup de frustration donc, surtout que les questions soulevées ici ou là étaient porteuses de sens, on est dans la métaphysique pure et c’est le genre de questionnements qui nous assaillent déjà quand on s’intéresse à la recherche actuelle en matière de sciences appliquées à l'homme et autre. Du coup je suis sorti agacé de cette lecture...

Pourtant, l’écriture est plutôt plaisante, ça se lit bien, il y a quelques passages plus difficiles notamment lors d’évocations techniques mais franchement c'est fluide. Certaines descriptions vous transportent littéralement, des dialogues entre personnages font mouche mais il manque ce supplément d’âme aux personnages pour vraiment accrocher le lecteur, notamment Abélard qui m’a finalement laissé de marbre. Plutôt dommage pour un protagoniste qui a son importance...

Non vraiment, sans doute que La Schismatrice n’était pas fait pour moi malgré son aura et cette nouvelle édition somptueuses (la qualité du papier, la couverture sublime, les ajouts de nouvelles). Je détonne sans doute avec cet avis mi-figue mi-raisin et je vous conseille vivement d’aller lire ceux de confrères plus aguerris et amateurs de cyberpunk, ils y ont sans doute vu des choses qui m’ont échappé. Pour ma part, cette lecture aura été ma dernière incursion dans le genre. Un coup dans l’eau.

Posté par Mr K à 14:48 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
Tags : , , , ,
dimanche 20 novembre 2022

"Transperceneige" Intégrale de Lob, Rochette et Legrand

Transperceneige

L’histoire : Un jour, la bombe a fini par éclater. Et toute la Terre s'est brutalement retrouvée plongée dans un éternel hiver gelé, hostile à toute forme de vie. Toute ? Pas tout à fait. Miraculeusement, une toute petite portion d'humanité a trouvé refuge in extremis dans un train révolutionnaire, le Transperceneige, mu par une fantastique machine à mouvement perpétuel que les miraculés de la catastrophe ont vite surnommé Sainte Loco.

Mais à bord du convoi, désormais dépositaire de l'ultime échantillon de l'espèce humaine sur cette planète morte, il a vite fallu apprendre à survivre. Et les hommes, comme de bien entendu, n'ont rien eu de plus pressé que d'y reproduire les bons vieux mécanismes de la stratification sociale, de l'oppression politique et du mensonge religieux...

La critique de Mr K: Chronique d’une œuvre culte de BD de science-fiction aujourd’hui avec Transperceneige de la triplette d’auteurs Lob, Rochette et Legrand. Depuis le temps que je souhaitais la lire, un séjour en médiathèque m’a donné l’occasion de pouvoir enfin découvrir cet ouvrage qui m’a beaucoup plu et qui propose une vision du futur effroyable mais totalement crédible dans les rapports sociaux qu’elle évoque.

Ça a fini par arriver, les hommes ont définitivement détraqué le climat. Après une énième guerre, il règne désormais un froid polaire sur Terre. Vous sortez et vous êtes congelé sur place en quelques minutes ! Très peu d’humains ont survécu et ceux qui l’on pu se sont réfugiés dans le Transperceneige, un train qui semble sans fin et avance inlassablement via une technologie avancée mystérieuse. Dans ce monde clos, les humains ont reproduit la hiérarchie sociale, une organisation injuste qui voit les plus pauvres entassés dans les derniers wagons, survivants comme ils peuvent dans des conditions déplorables et les détenteurs du pouvoir occuper des wagons plus avancés, proche de la Sainte Loco, vivant dans le luxe et la débauche. L’histoire démarre quand Proloff, un homme du peuple miséreux réussit à pénétrer sur le territoire des nantis et commence à remonter les wagons un par un. Tout pourrait bien basculer...

1

On rentre donc dans le vif du sujet très tôt et la révolte gronde. Notre héros a des raisons d’être en colère. Peu à peu, on découvre la réalité qu’il a vécu, les combats perdus et l’iniquité de la société du Transperceneige au fil de son avancée, des rencontres qu’il peut faire. Luttes de pouvoir, manipulation des masses, exploitation, tout est révélé avec parcimonie lors de ce trajet initiatique qui aborde nombre de vicissitudes humaines. Tout est ici accentué, polarisé par l’unité de lieu et donne une force incroyable au récit initial. Proloff est très attachant, entre détermination forte et un certain détachement par moment, dépassé par une réalité qu’il soupçonnait sans vraiment pouvoir se la représenter fidèlement. Quand il va en prendre conscience, cela le mènera vers une fin étrange et logique à la fois.

2

Les deux autres parties forment un diptyque et je dois avouer qu’au départ l’enthousiasme a été douché. J’ai trouvé le tome deux un peu surfait, on reproduisait plus ou moins les mêmes choses que dans le récit original, heureusement sa fin et le troisième tome redécollent, proposant une belle virée paranoïaque dans un train en roue libre où les obsessions et les désirs de chacun en matière de détention de pouvoir foutent un souk pas possible, accélérant le rythme et proposant un récit très prenant. L’ultime planche sombre au possible est un modèle du genre et fait résonner longtemps la vacuité de certains espoirs poursuivis par les protagonistes.

3

L’aspect esthétique est superbe surtout celui du premier tome, les traits du premier dessinateur m’ont davantage séduit même si celui qui reprend les rênes ensuite n’est pas manchot non plus. Le noir et blanc fait remarquablement écho au sujet et renforce l’emprise de la trame sur le cerveau du lecteur. Difficile de lâcher prise dans ces conditions et même si j’ai connu un léger flottement, au final l’expérience fut vraiment très agréable. Je ne peux que vous conseiller de la tenter à votre tour.

Posté par Mr K à 14:52 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
Tags : , , , , ,