"Qui a tué Cloves ?" d'Axel Sénéquier
L’histoire : Sur sa dernière vidéo, Océane, sourit à l’objectif :"Docteur, je veux que tu montres ce film dans tes congrès !" La petite fille sautille sur place. Un an auparavant, elle se déplaçait en fauteuil roulant et vivait avec une sonde vésicale : elle souffre du syndrome de Cloves. Aujourd’hui, elle se rend à l’école à pied et court partout.
Mon frère, Guillaume Canaud, est néphrologue. Au sein de l’hôpital Necker-Enfants malades, en suivant une simple intuition, il a découvert le traitement contre le syndrome de Cloves, une maladie génétique rare qui provoque des excroissances sur tout le corps et entraîne souvent la mort des patients avant l’âge adulte.
Ce livre est le récit de cette découverte inespérée : on y lit les doutes et les espoirs des chercheurs et des familles, les portraits bouleversants des jeunes patients et les coulisses d’une première médicale qui peut sauver la vie à des milliers d’enfants à travers le monde. Une histoire hors norme, presque trop belle pour être vraie, et pourtant...
La critique de Mr K : Compte rendu de lecture un peu différent aujourd’hui avec cette chronique d’un livre se situant à la confluence du documentaire et du témoignage. Qui a tué Cloves ? d’Axel Sénéquier raconte les différentes étapes d’une découverte incroyable qui a sauvé la vie des personnes atteintes d’une maladie orpheline qui donne son nom au livre. C’est le propre frère de l’auteur qui est le découvreur du remède qui ressemble à un miracle, il est donc bien placé pour pouvoir raconter cette histoire qui par bien des aspects se révèle extraordinaire.
Après une préface de Line Renaud que je ne trouve pas d’un grand intérêt car courte, convenue et surtout étrange quand on connaît son inclinaison de vote pour un Président en marche qui a une vilaine tendance à déshabiller les hôpitaux publics, le récit commence et très vite on se rend compte qu’Axel Sénéquier va suivre deux voies. Il va nous raconter son frère, son parcours et les étapes de ses expérimentations et entre temps, il intercalera des portraits de malades et de leurs familles. Cela dynamise le récit et propose une lecture toute en nuances et en émotions.
Axel Sénéquier est issu d’une famille de médecin, il est d’ailleurs le seul membre de la famille à n’avoir pas fait médecine. À priori, ses proches ne lui en veulent pas, c’est déjà cela - sic - ! Son frère Guillaume a en tout point un parcours exemplaire et, comme leur père, est un bourreau de travail. Très engagé dans la recherche mais aussi auprès de ses patients, il va découvrir qu’un traitement est possible pour guérir du syndrome de Cloves, une maladie orpheline terrible qui déforme les corps et provoque bien souvent la mort avant la majorité du patient. Douloureuse, éprouvante, détruisant le lien social bien souvent (les gens sont cons...), elle fait souffrir les patients et leurs familles. Dans certains chapitres du début, l’auteur revient donc sur cette maladie, son origine, ses symptômes et ses effets à long terme. Effet garanti je vous l’assure, c’est affreux surtout qu’on a l’impression que rien n’est fait pour leur venir en aide entre incompréhension et parfois même indifférence.
Guillaume qui est pourtant néphrologue (spécialiste des reins) trouve donc une nouvelle application à une molécule qui permet au patient de se sentir mieux très rapidement et à la maladie de reculer (pour l’instant on ne peut pas encore parler de guérison complète, la découverte a été faite il y tout juste trois / quatre ans). Les grosseurs disparaissent, le poids fond et les patients peuvent de nouveau avoir une vie sociale, faire du sport et essayer de vivre normalement. Tout cela est remarquablement expliqué dans une langue simple qui ne désamorce aucun aspect de la question de la maladie, du médicament, des recherches mises en œuvre. C’est passionnant de bout en bout et l’on ressort profondément admiratif du travail effectué par un homme qui de plus a su rester simple et abordable. Ainsi, il reçoit encore et toujours des patients, leur répond par SMS alors que bien des pontes se contentent de rester dans leur tour d’ivoire.
Ce qui toucha aussi énormément et même plus, ce sont les échanges qu’Axel Sénéquier a eu avec les familles et malades. Les destins ici livrés sont très souvent bouleversants et nous émeuvent jusqu’aux larmes parfois. Mais quel courage ! Quelle abnégation de certains de ces enfants à qui la vie n’a vraiment pas fait de cadeau mais qui nous étonnent et forcent l’admiration par leur énergie et leur mentalité optimiste. Tout n’est pas rose, des cas sont autrement plus difficiles notamment des patients plus âgés mais ces portraits sont d’une solarité incroyable parfois. J’ai déjà décidé d’en étudier deux / trois avec une classe de cette année qui se caractérise par sa morgue et son apathie. Je pense que la petite Zoé réussira à percer leur carapace d’adolescents repliés derrière leur écran.
Vous n’êtes pas sans savoir pour la plupart d’entre vous que Nelfe et moi sommes les heureux parent d’une Little K pétillante et pleine de vie depuis maintenant deux ans. C’est un bonheur journalier, une extension formidable d’une vie déjà bien remplie. Nous avons cette chance incroyable qu’elle soit en bonne santé et que son développement physique et mental se déroule parfaitement pour le moment. Ce livre m’a évidemment beaucoup touché car le parcours du combattant de certains parents touche en plein cœur, agace et parfois provoque une colère légitime. La France, grande puissance mondiale, berceau des Droits (vous savez ces choses essentielles qu’on a tendance à restreindre voire supprimer depuis cinq ans) est bien souvent aveugle et sourde à la détresse de ses citoyens. Certaines situations décrites dans ce livre sont ubuesques et ne devraient pas exister.
Ce fut donc une très belle lecture que celle-ci. La plume d’Axel Sénéquier fait une fois de plus merveille (j’avais adoré son recueil Le bruit du rêve contre la vitre paru chez Quadrature en mai 2021). Son regard et son approche sont louables et soulignent l’importance de la science et du soutien indéfectible que les État devraient lui apporter. Sensible, complet, voila un ouvrage à lire et qui malgré un sujet difficile apporte beaucoup à son lecteur et provoque une poussée d’espoir non négligeable en ces temps détestables.
"Le Bruit du rêve contre la vitre" d'Axel Sénéquier
L’histoire : Sandra doit arriver d’une minute à l’autre. Il faut qu’elle se dépêche car derrière la vitre, il y a le soleil bleu, la mer jaune et les étoiles violettes qui s’impatientent, il y a cette vie bourdonnante qui attend qu’on la libère, il y a ces rêves qui frappent au carreau et craignent de mourir emprisonnés. Alors épuisé mais heureux, je désigne la fenêtre. L’infirmière comprend et me sourit. Lorsqu’elle tourne la poignée, le vent impatient s’engouffre dans cette chambre close et renverse les fleurs. Le vase explose sur le sol. Et dans les morceaux épars répandus aux quatre coins de la chambre, la lumière du soir se réfléchit et nous fait plisser les yeux.
Douze nouvelles sur le confinement, le Covid-19 et cette époque trop sûre d’elle-même qu’un virus a balayée.
La critique de Mr K : Joli et émouvant recueil de nouvelles que celui d’Axel Sénéquier paru en avril chez Quadrature, un ouvrage réunissant douze nouvelles se déroulant pendant le premier confinement. Le Bruit du rêve contre la vitre (superbe titre soit dit en passant) propose de suivre des destinées contrariées en pleine pandémie, souvent seules face à elles-même dans un espace réduit. C’est rudement bien mené et efficace avec bien souvent des textes qui touchent fort et juste.
Texte après texte, on replonge dans des thématiques et des types de personnages qui ont marqué à leur manière cette période si particulière. Le confinement a révélé beaucoup de choses sur notre société, notre rapport aux autres mais aussi nous a bien souvent forcé à effectuer notre introspection et la remise en cause de certaines valeurs, de rapports familiaux ou amicaux ou encore à bouleverser nos styles de vie. Avec une finesse assez confondante et en peu de mots (les textes sont vraiment courts et vont à l’essentiel) l’auteur parvient à saisir cette époque hors norme dans laquelle nous continuons à vivre bien malgré nous parfois.
Au fil des textes, on croise une femme battue par son compagnon, un artiste se sentant inutile qui va s’engager pour travailler dans une Ehpad, un père soumis au calvaire de l’école à la maison, des parisiens en fuite vers leur résidence secondaire en province, une nana imbuvable qui découvre les joies du télétravail avec des possibilités de vengeance assez terribles, un homme qui veut changer de vie et retrouve ses racines familiales, un homme dans le coma qui rêve et délire, une SDF ensauvagée qui redécouvre la nature dans le jardin des plantes de Montpellier, un vieux retraité qui devient un poète des banderoles aux fenêtres, une femme qui va prendre un bain pendant que sa famille végète devant la télé ou au lit (nouvelle au retournement de situation le plus poignant), un homosexuel largué juste avant le confinement et qui se met à faire du pain et s’en servira pour se venger (hilarant et touchant à la fois) ou encore un apéro zoom entre amis où l’héroïne va littéralement péter un plomb pour le plus grand bonheur du lecteur. Oui, toutes ces situations vous disent quelque chose, vous parlent, elles représentent la somme des phénomènes sociétaux et comportementaux qu’on a pu découvrir et malheureusement pour certaines, mettre en lumière à la faveur du confinement.
On est finalement constamment sur la corde raide avec ces différentes histoires qui parlent de rupture, de bouleversement intérieur qui remet en cause les choses établies. Qu'elles soient personnelles et intimes, professionnelles ou sociales, ces interrogations nous touchent car c’est une belle métaphore de la vie, des existences qui peuvent être déviées de leur trajectoire et qui se sont retrouvées bouleversées par le phénomène COVID. On éprouve nombre de sentiments, d’émotions diverses avec cette lecture, on rit à l’occasion mais c’est la tonalité grave voire mélancolique qui l’emporte avec des situations qui ébranlent et font réfléchir à la fois. L’amour et ce que l’on peut supporter en son nom, la vieillesse et l’oubli, l’aliénation de sa personnalité, les peurs qui nous habitent ou encore notre place dans la société sont questionnés à tour de rôle ou se mêlent les uns les autres dans des histoires toujours très bien construites où protagonistes et situations sont remarquablement caractérisés dans une langue accessible et nuancée.
"Le Bruit du rêve contre la vitre" d'Axel Sénéquier est un pur bonheur de lecture qui ravira les amateurs de nouvelles contemporaines, de récits qui prennent aux tripes, nous émeuvent et à la fois nous font réfléchir.