"Voici l'homme" de Michaël Moorcock
L’histoire : Il s'appelait Karl Glogauer.
Il avait remonté le temps, du milieu du XXe siècle jusqu'en l'an 28, pour chercher le Christ et assister à sa crucifixion. Maintenant qu'il se trouvait sur la Terre Promise, il venait de rencontrer Jean-Baptiste, le prophète, et déjà il lui parlait de celui qu'il désirait voir et dont l'image le hantait depuis toujours bien qu'il fût incroyant.
Mais Jean le Baptiste le regardait, un rien stupéfait. Comme si l'on avait à l'instant prononcé le nom de Jésus de Nazareth pour la première fois devant lui...
La critique de Mr K : Que j’aime cet auteur ! Qu’il touche à la science-fiction ou à la fantasy c’est toujours carton plein. Une imagination débordante, un style qui dépote, un ton décalé qui fait mouche et surtout aucun filtre, une dimension de son talent qui prend tout son sens ici. Dans Voici l’homme, Michaël Moorcock propose une variation autour du voyage temporel et s’attaque à la figure de Jésus-Christ ni plus ni moins. C’est brillant, source d’un grand plaisir de lecture et l’on ressort à nouveau ébloui par cet auteur décidément très talentueux.
Karl débarque en plein premier siècle de notre ère avec une idée fixe : assister à la crucifixion de Jésus. Ce psychologue de formation, à la vie mouvementée, part rencontrer Jean le Baptiste et quand il lui pose des questions sur Jésus, celui-ci lui demande de qui il peut bien parler ! Quel choc pour notre héros ! C’est le début d’un autre voyage, un voyage initiatique sur les traces du Sauveur mais aussi une quête de soi qui va mener vers un dénouement absolument génial !
Cet ouvrage livre tout d’abord un portrait très poussé de notre voyageur temporel. Via la technique répétée du flashback, Moorcock revient sur l’enfance, l’adolescence, les premières expériences, son métier de psychologue, ses rencontres. Cela occupe quasiment la moitié du livre. C’est bienvenue car ces passages mettent en perspective le récit, éclaire le lecteur sur les motivations profondes de Karl et proposent des réflexions métaphysiques. Son parcours tortueux est très parlant, on sort clairement de l’archétype de l’explorateur solide et déterminé, à l’épreuve de tout et surtout de lui-même. Perfectible, dans le doute voire dans des états seconds, Karl par son humanité relance tout un mythe et va quelque peu bouleverser les choses -sic-.
Un peu à la manière d’un Scorsese dans son film La dernière tentation du Christ (très bon film) ou encore le génial L’Agneau de Christopher Moore, cet ouvrage heurtera les fondamentalistes et les tenants de la doctrine officielle de l’Église. La nature du Christ, la personnalité de ses parents "terrestres", la crudité de certains propos tranchent et apportent une tonalité toute particulière à l’ouvrage. Cet aspect uchronique avec en plus des références à l’effet papillon brouillent les pistes, désacralisent un mythe tout en le rendant humain, plus proche de nous, plus palpable.
Le voyage dans le temps bien que présent est finalement assez secondaire, la trame se concentrant essentiellement sur le parcours du héros dont le voyage ne se passe pas vraiment comme prévu, la petite histoire rencontre la grande à bien des occasions. Chancelant très vite, se posant nombre de questions existentielles, les certitudes de Karl sont vraiment mises à mal et l’on devine au 2/3 de l’ouvrage ce qu’il va advenir de lui. C’est brillamment construit, très progressif et la fin nous laisse sur les genoux (dans le bon sens du terme).
Dès les premiers chapitres, l’auteur nous met le grappin dessus avec son sens de la mise en scène, de la caractérisation rapide. L’ouvrage ne s’embarrasse pas de longues descriptions, Moorcock va ici à l’essentiel. Il plante sa situation, présente ses protagonistes avec concision et un sens de l’économie de mots qui permet à la trame de décoller assez vite. La variation des époques, les liens entre passé / présent / futur rajoutent à l’ensemble une haute teneur et offrent un récit vraiment addictif, titillant la curiosité du lecteur qui construit ses hypothèses comme il peut (et avec délectation).
On passe donc un excellent moment avec cette lecture à la fois fraîche (malgré une parution déjà ancienne, 1977), éprouvante parfois (le parcours intime du héros) et source de nombreuses réflexions. Moorcock frappe encore et conjugue toujours écriture limpide et fabuleuse imagination. Un voyage à nul autre pareil que je vous invite fortement à entreprendre à votre tour.
Acquisitions printanières SF et fantasy
Au fil du printemps, Nelfe et moi avons récoltés quelques nouveaux livres prometteurs lors de passages à Emmaüs ou dans des boîtes à livres de la région. Tellement de titres nous ont tenté pendant cette période que je vais être obligé de rédiger deux postes différents les concernant. J'ai décidé de vous présenter aujourd'hui les ouvrages orientés SF et fantasy, des romans prometteurs et qui vont rejoindre ma PAL. Voyez plutôt.
Ils ne sont pas beaux ? Certains répondent à des attentes que je nourrissais depuis déjà pas mal d'années, d'autres sont de pures découvertes. Je suis assez compulsif comme lecteur, je lis de tout mais je dois avouer que ces genres de l'imaginaire me procurent un plaisir bien particulier et certains titres vont frapper fort je pense. La revue en détail commence maintenant !
- Les Artefacts du pouvoir de Maggie Furey. Cette tétralogie de fantasy sera une de mes lectures de l'été, période idéale pour se plonger dans un cycle de ce type. Je ne connaissais pas du tout l'auteure avant de tomber inopinément sur ce lot complet et les premiers avis que j'ai pu compulser sur le net m'ont convaincu de m'en porter acquéreur. Une jeune orpheline de père va voir sa vie bouleversée à l'annonce de pouvoirs qu'elle ne maîtrise pas encore. Elle va intégrer une académie de magie et devenir une puissante magicienne qui partira à la quête de quatre artefacts légendaires. Le pitch plutôt classique cache à priori un récit dense et enlevé. Tout ce que j'aime !
- Le Nez de Cléopâtre de Robert Silverberg. Un auteur qu'on ne présente plus et auquel je ne peux jamais résister quand je croise un ouvrage de lui que je n'ai pas lu. Six nouvelles ici font la part belle au détournement de l'Histoire, des uchronies compilées dans ce volume avec des idées de base bien tripantes : l'Empire romain qui se maintient et s'élargit face aux invasions barbares, Socrate rencontrant Pizarre dans un monde parallèle, la Peste noire de 1348 qui emporte les 3/4 de l'Europe occidentale... Avec Robert Silverberg, je suis sûr de n'être jamais déçu, hâte de lire cet ouvrage !
- La Brigade de l’œil de Guillaume Guéraud. 2037, la Loi Bradbury interdit toutes les images depuis 20 ans sur le territoire américain car elles sont considérées comme nocives et peuvent rendre fou selon la propagande qui matraque la population. Une brigade spécialisée (donnant son nom au livre) traque les terroristes opposés à cette dictature. Un résumé qui fait froid dans le dos pour un roman plébiscité par beaucoup et que je vais pouvoir enfin lire après en avoir beaucoup entendu parlé, notamment lors de diverses conférences aux Utopiales.
- Chiens de guerre d'Adrian Tchaikovsky. Rex est un bon chien. C'est un biomorphe, un animal génétiquement modifié, lourdement armé et doté d'une voix synthétique créée pour distiller la peur. Rex obéit aux ordres du maître qui lui désigne les ennemis. Mais qui sont-ils réellement ? Se pourrait-il que le maître outrepasse ses droits ? Et si le maître n'était plus là ? Ça fleure bon le récit hardboiled révélateur des dérives du pouvoir et de la disparition de toute éthique dans les recherches en biotechnologie. Typiquement le genre d'ouvrage qui propose un récit prennant et source de réflexion. Miam miam !
- L’holocauste de James Gunn. Dans une société imaginaire, les savants sont condamnés à mort car trop longtemps les peuples ont été soumis au pouvoir de la science. Ils exigent désormais leur liberté même au prix de la barbarie. Le héros était jadis un scientifique admiré, il est désormais un fugitif. Un road movie qui s'annonce sous les meilleurs hospices pour un auteur que je vais découvrir avec cet ouvrage lourd de promesses. Wait and read.
- Voici l'homme de Michael Moorcock. Là encore au auteur que j'adule et un ouvrage qui m'avait jusque là échappé. Un homme du XXème siècle remonte le temps jusqu'en l'an 28 pour chercher le Christ et assister à sa crucifixion. Il finit par rencontrer Jean-Baptiste qui semble entendre le nom de Jésus-Christ pour la première fois ! Le postulat est terrible et je pense qu'on peut compter sur Moorcock pour nous livrer un récit hors norme.
- Tous les pièges de la terre de Clifford Simak. Encore un auteur que j'affectionne pour un recueil de nouvelles alternant SF, suspens policier et contes fantastiques que je vais découvrir. Des nounous qui élèvent leurs jeunes pousses en s'appropriant leur jeunesse comme salaire, l'alcool des extraterrestres qui révèle le malheur des autres et conduit à l'ivresse, un robot piégé par la sensibilité humaine, la publicité comme tranquillisant parfait d'une guerre inter-planétaire... autant de présentations qui m'ont fait craquer pour un livre qui lui aussi promet beaucoup. Simak va encore frapper je crois.
- Thin Air de Richard Morgan. Un one-shot de l'auteur de la trilogie littéraire Altered Carbon (dont j'ai lu le premier tome qui s'est révélé enthousiasmant). Véritable machine à tuer bourrée d'implants en tout genre, Hakan Veil est un agent de sécurité haut de gamme qui se voit confier une mission, à priori anodine, de protection. Tout va basculer avec des révélations mettant à jour un nid d'intrigues et de meurtres. Action, thriller et cyberpunk sont au menu d'un roman prometteur comme jamais, vu la patte de cet écrivain, je vais passer un bon moment.
De bien belles acquisitions qui vont alourdir encore un peu plus les rayonnages de ma PAL et qui vont faire mon bonheur dans les semaines et mois à venir. RDV ici même pour les futures chroniques qui les concerneront. Haut les cœurs lecteurs !
"Souvenirs de la troisième guerre mondiale" de Michaël Moorcock
Le contenu : Michael Moorcock est né à Londres en 1939. Écrivain autodidacte, il acquiert sa notoriété avec le personnage d'Elric le Nécromancien, auquel il consacre une suite romanesque prenant à contre-pied les poncifs de l'heroic-fantasy. Les trois nouvelles de Souvenirs de la troisième guerre mondiale, rassemblées ici pour la première fois en volume, sont, pour deux d'entre elles, inédites en français.
La critique de Mr K : C’est un tout petit ouvrage de 95 pages que je vous invite à découvrir aujourd’hui avec Souvenirs de la troisième guerre mondiale de Michael Moorecock, un auteur qu’on ne présente plus aux fans de fantasy. Figurez-vous qu’ici, il change de crèmerie en offrant trois courtes nouvelles aux confins de l’anticipation et de la dystopie en imaginant une terre livrée à un nouveau conflit planétaire.
Ces trois nouvelles ont pour même protagoniste principal Tim Dubrowski, espion du KGB dans trois phases de sa vie professionnelle plutôt mouvementée. Sous fond de tensions internationales qui vont se dégradant de récit en récit, on le suit tour à tour comme espion / taupe, puis comme agent et finalement combattant de terrain. Froid et efficace, on le sent parfois fébrile et pas forcément en adéquation avec les ordres qu’il peut recevoir. Tueur de sang froid, on le découvre aussi amoureux dans une seconde nouvelle plus intimiste sous fond de guerre qui se généralise.
À part dans la troisième nouvelle, l’auteur axe donc énormément ses courtes histoires sur le personnage en lui-même ce qui permet d’offrir de belles pages sur l’humanité dans toute sa complexité. Concis et économe en mots, on gagne en puissance et en évocation notamment à propos d’une certaine vacuité de l’âme. Intéressant et surprenant. L’engagement pour une cause que l’on remet en question à l’occasion, les femmes et l’amour au travers de portraits incisifs de filles de joie rencontrées dans la cadre du travail, les atermoiements des supérieurs et toute une palanquée de situations basiques donnent à lire une critique acerbe du genre humain et de sa bêtise.
Le troisième récit est moins intimiste. On est plongé en plein conflit en compagnie du héros envoyé au Cambodge dans une compagnie de cosaques. On a l’impression d’être plongé dans un film sur le Vietnam avec une opération ratée et une fuite en avant qui ne peut que mener nulle part. La guerre est évoquée frontalement, sans fioriture avec un luxe de descriptions aussi courtes que judicieuses. On ressent une tension permanente et forte, de celle qui paralyse le jeune appelé qui va au front pour la première fois. Quoi de mieux pour mieux dénoncer la guerre et son cortège d’atrocité dans une ambiance plus que pesante où la menace peut venir de n’importe où ? Dans un style différent des deux premiers récits, celui-ci fait lui aussi mouche mais dans un autre registre.
Vous l’avez compris ce petit opus est une belle réussite qui donne envie de découvrir encore plus cette façade plus branchée SF prospective d’un l’auteur dont je n’avais lu jusque là que la partie fantasy. Je vais creuser cette facette de l’œuvre de Moorcock dans les mois et années à venir !
Lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- Le Cycle d'Elric
- La Légende de Hawkmoon
"Le Cycle d'Elric" de Michael Moorcock
L'histoire: Un temps vint où il y eut de grandes transformations sur la face de la Terre et dans les Cieux, où la destinée de l'Homme et des Dieux fut martelée dans la forge de la Fatalité, où des guerres monstrueuses et des actions d'éclat se préparèrent dans l'ombre. Et en ce temps-là des héros se dressèrent. Le plus grand de ces héros était un aventurier au funeste destin, armé d'une épée runique gémissante qu'il haïssait. Son nom était Elric de Melniboné, Prince des Ruines, seigneur d'une race éparpillée sur un monde qu'elle avait jadis dominé. Elric, sorcier et homme d'épée, homme de guerre et de magie, souillé du sang de sa race, destructeur de sa patrie, albinos au blanc visage et dernier de sa lignée.
La critique de Mr K: Suite à une première lecture enthousiasmante de l'intégrale Hawkmoon du même auteur, j'avais annoncé en fin de post que j'essaierais de me dégoter Le Cycle d'Elric considéré comme son chef d'oeuvre. Un vide-grenier assez récent m'a permis de réaliser la transaction et je décidai de lire tout le cycle durant notre séjour auvergnat. 7 volumes à mon actif donc, 2 de moins que la version ultime récemment ressortie mais tout de même une sacrée expérience littéraire et des moments d'évasion rares.
Ce coffret Presse Pocket comprend les titres suivants:
- Elric des dragons
- La Forteresse de la perle
- Le Navigateur sur les mers du destin
- Elric le nécromancien
- La Sorcière dormante
- L'Epée noire
- Stormbringer
Ce cycle se constitue en fait de longues nouvelles mises bout à bout pour former une vaste saga mettant en scène Elric de Melniboné, prince souffreteux de son peuple, qui a besoin de la magie pour maintenir sa santé. Albinos de naissance, il a fort à faire au départ avec son cousin ambitieux qui souhaite plus que tout l'évincer du trône. Au fil des histoires, notre héros partira en exil et mènera maintes quêtes et guerres à travers un monde imaginaire vaste et dangereux. Grand fan du genre Sword and sorcery, Moorcock s'éloigne donc du type d'univers proposé par Martin ou Tolkien, on se rapproche plus ici de Sapowski ou encore Howard (l'auteur de la saga des Conan le Cimmérien). Pour autant, il y a ce petit truc en plus, cette grande finesse qui fait que l'on passe de la bonne expérience à celle dont on se souviendra longtemps.
Malgré un univers dominé par l'Ordre et le Chaos, on ne tombe jamais ici dans le manichéisme simpliste. En témoigne, un héros torturé au charisme impressionnant. Bien que serviteur de Dieux dits mauvais, sa conscience le différencie de ses congénères et nous porte à croire qu'il suit une certaine forme de chemin de rédemption. Au moment où l'on pense que c'est en bonne voie, l'auteur se plaît à redistribuer les cartes de façon inopinée et cruelle. Elric est vraiment un personnage à part dans le domaine de la fantasy, un être qui se joue des codes et des attentes qu'il suscite. J'ai été surpris plus d'une fois par ce personnage auquel je me suis attaché dès le premier volume et qui se débat avec un destin omnipotent et un monde au bord du gouffre.
Il faut dire qu'il n'est pas aidé! Son albinisme l'affaiblit beaucoup ce qui est plus que préoccupant dans un monde où prévaut la force et l'aptitude au commandement. Il devient vite maître de la lame du chaos Stormbringer (super jeu de rôle papier auquel j'ai joué au début des années 90'!) qui non content de tailler en pièce ses adversaires, absorbe leur âme et transfert l'énergie vitale du défunt à son propriétaire! Bien pratique me direz-vous, mais attention, tout a un prix et l'on sent bien qu'il sera élevé! Heureusement, il peut compter sur des amitiés et des relations pour l'aider face à l'adversité. Et même s'il ne fait pas bon être l'ami d'Elric (leurs rangs ont tendance à diminuer au fil des lectures!), il peut compter notamment sur un mystérieux archer rouge, Tristelune un guerrier fidèle qui s’avérera devenir son seul et unique ami et quelques conquêtes féminines qui lui permettront d'essayer de changer de vie et de s'éloigner d'un destin mortifère. Du moins le croit-il!
On voyage beaucoup tout au long de ces sept volumes: forêts impénétrables peuplées de créatures ragoûtantes, déserts arides où se cachent de mystérieux édifices, cités portuaires animées, océans sans fin et sans limite de dimension, montagnes reculées, rêves aussi réels que la réalité et bien d'autres lieux que je vous laisserai découvrir. On croise rois et empereurs, sorciers et manants, armées en déroute et moultes créatures fantastiques. Moments intimistes, batailles rangées, invocations d'élémentaires et de divinités, magie de bas étage, Elric c'est un peu tout ça à la fois. Un savant mélange qui procure une évasion totale. Le background sans être pesant est complet et peu à peu donne une dimension grandiose à l'ensemble de la saga. Bien que porté vers l'action, Moorcock ne lésine pas sur les descriptions qui sont immersives à souhait et provoquent un plaisir de lecture immédiat.
Au fil de ces aventures, Elric va changer ainsi que le monde qui l'abrite. Le personnage évolue sans que l'on puisse vraiment deviner à l'avance ce qui va lui arriver et même au début de l'ultime volume, on ne sait pas le sort qui lui est vraiment réservé. Mes attentes ont été comblé sans longueurs ni passages inutiles. Du plaisir pur du début à la fin! L'écriture est encore plus subtile que dans la saga Hawkmoon et je confirme qu'Elric lui est supérieur car moins stéréotypé et une attirance non feinte pour les ténèbres de l'auteur fait que la fantasy se fait ici sombre et sans espoir. Un must dans le genre qui vous transportera vers des sphères inconnues au plaisir des lectures envoûtantes et exceptionnelles.
Satané vide-grenier !
Le week-end dernier, Nelfe et moi nous sommes rendus au vide-grenier de notre quartier comme chaque année. Galettes-saucisses (miam miam!) et grillades côtoient des personnes venues céder à des prix imbattables tout ce qu'ils ne veulent plus chez eux. C'est l'occasion d'observer la grande capacité des êtres humains à conserver un nombre incroyable de bibelots ringards et autres objets farfelus! On est tous pareils et ça m'a rassuré quand je pense aux caisses qui encombrent encore le grenier depuis notre aménagement, il y a plus de deux ans!
Là où la problématique se corse c'est que ses personnes vendent aussi des livres... Vous connaissez ma faible propension à résister à la tentation en matière d'occaz livresque! En plus, cette année une dame vendait un grand nombre des livres de SF de son fils parti habiter en Amérique. Gasp! C'était un combat perdu d'avance... Jugez-plutôt!
- Le Cycle d'Elric de Michael Moorcock. J'avais adoré l'intégrale Hawkmoon et je recherchais depuis un certain temps cette intégrale qui m'a tendu ses petits bras et surtout ses sept volumes impeccablement conservés. Wahou! Ca c'est de l'occaz! Je prends et je pense lire le tout pendant notre séjour à la montagne cet été.
- Les Solariens de Norman Spinrad. Un des papes de la SF avec en plus ce roman qui s'avère être son tout premier, le récit d'une guerre future de l'humanité disséminée dans l'espace devant faire face à une menace terrifiante venue d'ailleurs. Je suis bien curieux de lire cela! Là encore, un livre qui ne traînera pas dans ma PAL.
- Intrusion de Richard Matheson. Il s'agit du volume 2 de l'intégrale de ses nouvelles rééditées chez Flammarion en 1999. On ne peut pas dire non à cet auteur surtout en matière de nouvelles de SF. J'en connais déjà certaines mais d'autres vont me permettre de poursuivre mon exploration de l'univers de ce grand auteur, classique des classiques en matière d'anticipation.
- Le Chat passe-muraille de Robert A. Heinlein. Rencontre improbable entre la SF et un multivers farfelu constellé de personnages délirants, j'attends beaucoup de ce livre qui semble sortir des sentiers balisés de ce grand nom de la SF. Wait and see!
- L'Âge des étoiles de Robert A. Heinlein. Livre cadeau de la vendeuse (ben oui, on inspire la gentillesse, nous!), il est question de voyage interstellaire et d'une drôle de créature tour à tour séduisante et inquiétante. Une drôle d'histoire que j'attends de découvrir avec impatience.
- Contes de la rose pourpre de Michel Faber. Il s'agit de l'auteur de Under the skin, livre que je n'ai toujours pas lu et qui est dans ma PAL depuis trop longtemps. J'avais adoré le film qui en avait été tiré, un de mes gros coups de coeur cinéma de 2014. La réputation de cet auteur est flatteuse et ce portrait de l'Angleterre victorienne a tout pour me séduire vu les avis lus sur la blogosphère. Je le lirai après le sus-cité que je pratiquerai durant l'été.
- Chiens sales de François Barcelo. Coup de poker que cette acquisition où il est question de ripoux et de bavures au Québec. J'aime beaucoup la collection Série Noire de Gallimard. Nous verrons ce que cela donne.
- 35 kg d'espoir d'Anna Gavalda. Il s'agit de la seule acquisition de Nelfe cette fois ci et encore c'est parce qu'elle l'a vu avant moi! Je le lirai aussi, un extrait de ce roman parlant du passage à l'adolescence a été utilisé il y a quelques années pour l'épreuve de français du DNB professionnel et ce sujet m'avait beaucoup plu. Ce sera sans doute une lecture plaisante et rapide.
Le craquage fut tout de même limité comme vous pouvez le constater. Ma PAL a pris un petit coup cette fois ci, heureusement que mon rythme de lecture est assez soutenu.
Il ne reste plus qu'à lire tout cela, chroniques à suivre dans les mois à venir.
"La Légende de Hawkmoon" de Michael Moorcock
L'histoire: Voici l'histoire de Dorian Hawkmoon, duc de Köln, qui fit alliance avec le comte d'Airain dans sa lutte contre les hordes cruelles du Ténébreux Empire de Granbretanne et comment il triompha, comment il voyagea dans les dimensions du Multivers pour retrouver les siens et comment il affronta les puissances du Chaos.
Cycle 1: Le Joyau noir, Le Dieu fou, l'Épée de l'Aurore et Le Secret des Runes.
Cycle 2: Le Comte Airain, Le Champion de Garathorn, La Quête de Tanelorn.
La critique de Mr K: J'errais une fois de plus de façon innocente et désintéressée dans le rayon SF / fantasy de mon libraire préféré quand je tombais inopinément sur le présent volume. D'un coup, me sont revenus en tête toute une série de souvenirs de fin de collège lorsque je participais comme joueur à des séances du jeu de rôle papier Hawkmoon tiré de l'oeuvre de Moorcock. 21 ans après, il était plus que temps que je m'y mette!
La présente édition est une compilation des sept romans formant la saga Hawkmoon. Les éditions Omnibus sont les spécialistes de cet exercice avec quatre excellents volumes de nouvelles de K. Dick, une intégrale Silverberg et une autre de Pierre Boulle. J'affectionne tout particulièrement le papier bible et la typographie propre à cette collection qui m'ont à chaque fois apporté un grand plaisir de lecture. On peut séparer les sept romans en deux grandes sagas indépendantes l'une de l'autre malgré des liens parfois ténus. La première partie décrit la résistance du champion éternel (alias Hawkmoon) face aux forces destructrices et totalitaires de l'empire de Granbretanne. La deuxième est déjà beaucoup moins convenue avec sa recherche éperdue des membres de sa famille égarés dans d'autres dimensions où il rencontrera de nombreux avatars de lui-même.
Avec Moorcock c'est un tout autre aspect de la fantasy qui est abordée par rapport à Tolkien et Martin. On se rapproche plus d'un Sapowski ou d'un Howard notamment lors de la première partie évoquée précédemment: beaucoup de baston donc (du sang et de la boyasse par litres), et des rebondissements comme s'il en pleuvait. Pour autant l'auteur ne délaisse pas la psychologie des personnages et même si parfois cette dernière est très limitée voir caricaturale, on se prend au jeu et on s'attache aux personnages. J'ai tout particulièrement apprécié les compagnons de route du duc Hawkmoon avec une tendresse particulière pour l'ex félon d'origine française D'Averc. Certaines descriptions sont aussi très percutantes et immersives, je pense notamment au premier contact qu'a le lecteur avec le château de Kamarg du duc d'Airain.
Tout change dans la seconde partie avec un basculement aussi surprenant que puissant dans des réalités autres, des dimensions parallèles où le monde d'Hawkmoon a évolué différemment. On sort alors de la fantasy classique pour se retrouver plongé dans un mélange improbable (mais néanmoins très réussi) de fantasy et d'éléments SF. Le rythme est alors plus lent, des passages complètement psychés apparaissent et j'ai été pour ma part totalement conquis. Le personnage principal gagne en épaisseur, il n'est plus la simple brute revancharde que l'on a suivi lors de ses divers affrontements avec le sinistre empire, c'est aussi un homme de chair et de sang, séparé des siens et donc un homme diminué avec ses faiblesses et ses espérances secrètes.
950 pages après, sur une lecture qui a duré deux semaines, mon bilan est plus que positif. Le début s'est révélé quelque peu décevant car prévisible mais à partir de la deux centième page, le charme de l'écriture de Moorcoock agit: il allie à la fois richesse et finesse pour les descriptions, et l'immédiateté et la simplicité pour les scènes d'action qui sont ici nombreuses. Beaucoup de fureur donc dans une ambiance épique à souhait même s'il faut bien avouer qu'il n'atteint pas les maîtres précités. Une très belle lecture qui en appelle d'autres notamment celle du Cycle d'Elric, autre avatar du champion éternel. Du bonheur en perspective!