samedi 9 octobre 2021

"Dîner de têtes" de Kââ

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L’histoire : Au milieu de la cave carrelée de blanc, se dressaient les bois d'une guillotine à l'énorme couperet brillant. Le vieux dément aux yeux jaunes avait allongé la jeune femme sur l'atroce machine et Renaud vit, dans un cauchemar, le couperet tomber.

La critique de Mr K : C’est une lecture à la saveur toute particulière que je vous présente aujourd’hui avec Dîner de têtes de Kââ. Il faut dire que je connais assez bien l’auteur, l’ayant eu comme professeur de philosophie lors de mon année de terminale littéraire. C’était un grand érudit doublé d’un libertaire grande gueule et sur lequel les avis étaient très tranchés. Soit on adorait, soit on détestait ses cours. Pour ma part, je fais partie de ceux qui l’appréciait et il m’a apporté un éclairage neuf sur le monde et un certain pessimisme sur l’humanité qui ne m’a jamais quitté. Personnellement, je préfère être lucide que de vivre dans l’illusion mais passons...

Revenons à ce thriller angoissant qui me rabiboche avec l’écrivain suite à ma déception après la lecture de Mental. Un serial killer amateur de guillotine frappe en toute impunité dans la rase campagne française. On ne retrouve jamais les corps mais l’assassin s’amuse à distribuer les têtes à tout va, notamment aux représentants de l’État qu’il aime par dessus tout provoquer. Rien ne permet pour l’instant de le confondre, il est doué le bougre et ne laisse pas beaucoup d’indices. L’affaire passionne vite la France entière mettant une pression supplémentaire sur les épaules des forces de police locale et du juge d’instruction suivant l’affaire. Il ne reste plus qu’à attendre un faux pas du tueur pour espérer lui mettre la main dessus...

Le livre se révèle très fun et totalement délirant. Lire du Kââ est assurément une expérience, proche en soi d’une soirée bien arrosée au bar du coin. C’est totalement farfelu, linguistiquement étrange et précaire avec des personnages totalement en roue libre. On alterne les points de vue et l’on croise les trajectoires de chacun avec un plaisir régressif non feint. Le tueur est un vieil aristocrate complètement halluciné qui cherche à rompre sa solitude et se révèle bien souvent déçu d’où sa manie d’étêter le tout venant. Amateur de bonne chaire, de bons vignobles aussi, de vieilles voitures et d’armes à feu, il y a du Kââ en lui ! N’essayez pas de chercher de raison précise à ses agissements, on est ici dans la maladie mentale, le pulsionnel et cela donne un personnage retors à souhait et imprévisible.

En parallèle, on suit différents personnages qui vont se confronter à lui plus ou moins directement dont le jeune Khader, un paumé qui va se greffer au vieux fou et perdre la raison. Le personnage de Renaud, le fameux juge susnommé, est assez sympathique aussi et notamment le marivaudage avec sa charmante greffière qu’il n’arrive jamais à séduire totalement, l’actualité du tueur le rattrapant à chaque fois. Tout ce petit monde aime picoler, manger et les bonne punchlines bien borderline ce qui donne à l’ensemble un aspect branque et parfois désopilant. Pour autant, loin de se contenter d’être un défouloir, ce roman aiguise parfois ses lames et propose des réflexions bien senties sur le genre humain et la marche du monde, ce qui lui rajoute un petit supplément d’âme bienvenue.

Alors certes, on voit la fin venir et le style parfois vraiment space peut déconnecter le lecteur mais dans le genre thriller récréatif, on a ici une pièce intéressante qui ravira les amateurs de série B horrifique littéraire. À tenter si le cœur vous en dit !

Posté par Mr K à 17:52 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
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dimanche 4 juillet 2021

Petites acquisitions d'été

Voila... il fallait bien que ça arrive ! Nous sommes retournés à notre Emmaüs et nous avons craqué ! Cela faisait pratiquement deux ans que nous n'y avions pas mis les pieds : l'arrivée de Little K, la COVID, la Raison pour ma part sont autant d'éléments qui nous ont tenu éloignés de ce lieu de perdition toujours aussi bien achalandé en terme de livres.

Acquisitions juillet 2021

Voila le butin ! De belles prises au milieu d'un océan de tentations. De mon côté, j'ai évité les bacs de littérature dite contemporaine pour me concentrer sur la SF et le policier, deux genres sous représentés dans ma PAL. Nelfe est quant à elle tombée sur des ouvrages qu'elle avait repéré au fil du temps sur les réseaux et les sites d'actualité littéraire.

Et c'est parti pour une présentation en bonne et due forme de tous les petits nouveaux.

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(mes trouvailles !)

- Histoires écologiques, collectif. Un recueil de nouvelles de science-fiction consacré à l'écologie, thème majeur du genre et sujet ô combien central dans l'évolution de notre monde actuel. Il est bon de revenir vers des auteurs classiques pour nourrir sa réflexion : Poul Anderson, Brian Aldiss, Philip Jose Farmer entre autres se penchent sur les désastres mais aussi les solutions possibles dans cette anthologie qui promet beaucoup et qui appartient à une collection qui m'a toujours donné beaucoup de plaisir de lecture.

- Le Miroir de Satan de Graham Masterton. Un auteur chouchou dont je n'avais pas encore lu ce titre, variation horrifique très librement inspirée de Lewis Carroll et de son oeuvre culte. Graham Masterton avait déjà fait le coup avec le très bon Le Portrait du Mal en s'inspirant d'Oscar Wilde. Le héros acquiert un miroir ayant appartenu à un enfant-star d'Hollywood assassiné dans de mystérieuses circonstances en 1939. Il va s'avérer très vite qu'il s'agit d'une porte vers l'Enfer et que son ancien propriétaire décédé ne l'est pas tout à fait complètement... Cet ouvrage ne passera pas l'été, c'est typiquement le genre de lecture détente que j'aime pratiquer en vacances.

- Les Quatre vents du désir d'Ursula Le Guin. Un autre recueil de nouvelles avec 20 récits à la confluence des genres SF et fantastique d'une auteure atypique et géniale à la fois : Ursula Le Guin. Son écriture est accessible, précise, poétique et très addictive. Il me tarde de me plonger à nouveau dans un de ses ouvrages. Celui-ci, je voulais l'acheter depuis un certain temps, c'est donc un très bon cas de hasard heureux que cette trouvaille. Yes !

- Yeruldelgger d'Ian Manook. Belle pioche aussi avec cet ouvrage d'Ian Manook dont j'ai aimé mes deux précédentes lectures qui se déroulaient en Islande. Ce titre est le plus connu de lui et il m'avait échappé jusque là. L'action se déroule en Mongolie et met le héros éponyme aux prises avec des crimes particulièrement épouvantables. Vu les avis lus ici ou là, ça promet. Vive le chinage !

- 2084 de Boualem Sansal. Un roman dystopique qui a fait beaucoup parler de lui à sa sortie et qui a divisé ses lecteurs, beaucoup l'ayant comparé au 1984 de George Orwell soit en positif soit en négatif. N'ayant que peu lu les critiques ou alors de manière superficielle, j'aborderai cette lecture de manière neutre. Un homme va se révolter contre un système fondé sur l’amnésie et la soumission au Dieu unique où la moindre pensée personnelle est proscrite et où la surveillance est généralisée. Perso, ça me donne envie !

- Dîner de têtes de Kââ. Un ouvrage au charme particulier car écrit par mon ex professeur de philosophie de Terminale littéraire aujourd'hui disparu, l'inénarrable Kââ à la prose plus que particulière... Un serial killer de la France profonde, de jeunes femmes victimes innocentes dans un thriller bien sanglant sont promis sur la quatrième de couverture. Wait and read !

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(Les trouvailles de Nelfe !)

- Kinderzimmer de Valentine Goby. En 1944, le camp de concentration de Ravensbrück compte plus de quarante mille femmes. Sur ce lieu de destruction se trouve comme une anomalie, une impossibilité : la Kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de lumière dans les ténèbres. Un ouvrage fait pour Nelfe qui est passionnée par la seconde guerre mondiale et va découvrir par la même occasion l'écriture limpide et hautement séduisante de Valentine Goby qui m'avait bien plu lors de mes trois lectures de romans jeunesse sur l'immigration.

- Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu. Autre thématique appréciée par ma douce, l'adolescence et ses affres. Ici, l'auteur nous raconte l'histoire d'Anthony 14 ans qui le temps de quatre étés va expérimenter la vie dans un monde qui se meurt avec notamment un premier amour qui se révélera douloureux comme bien souvent. Un roman qui a beaucoup plu et dont on a beaucoup parlé à sa sortie. Au tour de Nelfe de se faire son propre avis...

- My absolute darling de Gabriel Tallent. Adolescence encore et mal de vivre social au programme de ce roman noir qui bascule lors d'une rencontre qui va changer la vie de Turtle, la jeune protagoniste principale asociale de ce roman prometteur. M'est avis que je le piquerai à Nelfe si un jour j'en ai le temps ! Et puis Gallmeister hein...

De bien belles acquisitions une fois de plus et dont nous vous parlerons ici même au fil de nos lectures. Pour le coup, je trouve qu'on a été raisonnables, du moins... jusqu'à la prochaine fois !

vendredi 28 janvier 2011

"Mental" de Kââ

kaaL'histoire: Qui donc joue à quoi avec qui? À la fin, qui veut quoi, pour qui? Ce genre de combines ahurissantes mais enrichissantes dans lesquelles on se retrouve contraint de jouer une partie dont les règles vous échappent, comment s'en dégager?

Évidemment, il y a Karola. Et Karola est un atout. Mais est-ce un atout maître?

Et "Mental", c'est quoi? Un état d'esprit, un zombie ou un fou? Ou encore une jolie zone d'obscurité en de grasses combines, combines bien trop voyantes pour que tout cela dure interminablement.

Mais pendant que ça dure...

La critique de Mr K: Cette critique est toute particulière pour moi car je connaissais l'auteur. Kââ (pseudonyme de Pascal Marignac) était mon professeur de philosophie en Terminale L... était, car ce personnage hors-norme est décédé depuis d'une longue maladie. Grand escogriffe à la rhétorique bien trempée et au charisme propre aux esprits inaccessibles, je savais qu'il avait écrit un certain nombre de polars publiés chez de petites maisons d'édition. C'est mon cher ami Vince qui à l'occaz de mon anniversaire (décidemment, j'ai été gâté!) m'a envoyé ce cadeau par le biais du lutin "Plugu le barbu". Je l'ai lu en deux jours, voici mes impressions...

Mental se lit très vite. Court roman, on suit les aventures abracadabrantesques d'un tueur à gage nommé Cinquante qui est contacté pour exécuter un autre tueur qui aurait fait faux bond à l'organisation qui l'aurait engagé. Derrière tout cela, se cache une sombre histoire de manipulation et un mystérieux convoi qui attise les appétits. On voyage beaucoup entre la Suisse et le Morbihan sud (Belle île, Auray, Quiberon... notre coin quoi!). Le héros lui, enchaîne les verres, les clopes et les bastons... C'est craspec, glauque et souvent truculent à l'image de l'auteur qui clopait à l'occasion dans la salle de classe. On retrouve aussi dans ce livre sa passion pour les armes à feu qu'il décrit ici avec un détail et un amour sans pareil (façon duels à la Sergio Léone, l'arme se révelant être la prolongation d'une pulsion, d'une personnalité). On retrouve aussi son goût pour le gore bien dérangeant et les citations de ses philosophes préférés comme Hegel et Nietzsche.

Cependant, cette lecture ne m'a pas pour autant convaincu. Le langage trivial et direct marche un temps mais finit par lasser, ce qui faisait la virtuosité et le charme d'un maître à penser le fait passer ici pour un vulgaire tâcheron. Il m'est très dur de le juger ainsi mais c'est l'impression générale qui se dégage à la fin de ma lecture. Beaucoup de répétitions de termes comme monstrueux, grotesque que l'on retrouve toutes les trois pages, des incohérences au niveau du scénar (les poursuivants sont vraiment trop cons pour bosser pour une société de cette envergure), des personnages d'origine étrangères qui parlent avec des termes trop pompeux... c'est bancal et finalement, ça atténue et neutralise les qualités suscitées.

Ce livre, il faut le prendre comme une série B (une série Z diraient les esprits chagrins), un petit divertissement sans prétention. Dommage que la forme ne suive pas le fond, que l'écrivain ne rejoigne pas le fabuleux maître à penser qu'il a été pour moi. Reste un regard sans concession sur la nature humaine et des fulgurances à la Lautréamont au détour de quelques pages. A chacun de s'y frotter et de juger!

Posté par Mr K à 18:33 - - Commentaires [7] - Permalien [#]
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