dimanche 29 décembre 2019

"Abattoir 5" de Kurt Vonnegut

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L’histoire : Abattoir 5 retrace l’histoire de Billy Pélerin, né à Ilium en 1922. Appelé sous les drapeaux pendant la seconde guerre mondiale, il est capturé par les allemands et fait prisonnier dans un camp à Dresde. Démobilisé en 1945, il devient opticien, passe une petite dépression nerveuse dans un hôpital militaire, puis se marie, a bientôt deux enfants et fait fortune. De retour d’un congrès d’opticien il est victime d’un accident d’avion, tous les passagers périssent sauf lui. Pendant qu’il est à la clinique, sa femme meurt. Il ne reprend pas son activité en sortant de l’hôpital mais va tout droit à New York. Là, il participe à une émission de radio où il révèle avoir été enlevé par une soucoupe volante en 1967 et amené de force sur la planète Tralfamadore. Objet de spectacle, montré nu dans un zoo, les trafalmadoriens le feront s’accoupler avec une terrienne, ancienne actrice de cinéma, elle-même kidnapée, avant de le relâcher. De retour sur terre, il comprend que les années qu’il a passé sur Trafalmadore n’ont été chez lui que quelques secondes. Bien sûr, Billy ayant atteint l’âge de quatre-vingt six ans, tout le monde est persuadé qu’il a définitivement perdu le sens des réalités et que la sénilité avance à grands pas. Mais Billy insiste pour remonter dans le passé et raconter son histoire, notamment sa vie de soldat et, ce faisant, il ne va plus cesser alors d’effectuer des sauts dans le temps, évoluant et vieillissant, ou régressant vers son enfance.

La critique de Mr K : Cela faisait un petit bout de temps qu’Abattoir 5 de Kurt Vonnegut prenait son mal en patience dans ma PAL. Trouvé par hasard lors d’une expédition chinage de plus, j’avais été ravi de le dégoter en seconde main car ce livre a une aura particulière chez de nombreux amis internautes. Il est même considéré comme un classique bien que quasiment inclassable dans son contenu, l’ouvrage se situant à la confluence du récit de guerre et de la SF. C’est lors de ma réorganisation de PAL de cet été que ce dernier s’est rappelé à moi et j’ai franchi le pas quelques semaines plus tard. À la fois désarçonnant et touchant, je n’ai vraiment pas été déçu !

À travers une narration destructurée, l’auteur nous invite à suivre la vie plus que mouvementée de Billy Pélerin, son double fictif. En effet, ce dernier a de nombreux points communs avec l’auteur à commencer par un emprisonnement durant la seconde guerre mondiale et l'expérience traumatisante qui l’accompagne : la captivité puis la destruction injustifiable de la ville de Dresde par les alliés. Survivant de cet événement tragique, devenu simple opticien, enlevé par des extra-terrestres, rescapé d’un crash aérien, il est capable de voyager dans le temps. Le futur de Billy fait déjà partie de son passé et il lui reste à vivre des événements dont il garde déjà le souvenir...

Le lecteur navigue à vue avec d’abord un choix de narration original qui fait mouche. Il ne faut pas longtemps pour se mettre au diapason je vous rassure et l’on passe allégrement par toutes les époques qu’a pu ou va vivre Billy. Les études avortées par l’envoi au front, la captivité, le retour à la vie normale, l’expérience du rapt intersidéral ou encore ses témoignages radiophoniques sont autant de tranches de vies qui ont été comme mixées et réorganisées à la manière du Pulp Fiction de Quentin Tarantino. Il faut cependant un petit temps pour que le stratagème employé prenne tout son sens mais la révélation est vraiment éclatante et la curiosité ne se dément pas tout au long de la lecture pour savoir où tel ou tel paragraphe va nous mener. Très didactique, jamais obscur, l’ouvrage propose vraiment une autre façon de lire sans jamais provoquer l’ennui ou le désintéressement.

Abattoir 5 est aussi pour moi un grand cri contre la connerie humaine et plus particulièrement la guerre et les crimes qui l’accompagnent. Les souvenirs liés à la captivité composent bien la moitié de l’ouvrage et proposent une plongée sans concession sur l’atmosphère et les conditions de vie des prisonniers. C’est très réaliste, volontiers ironique à l’occasion, très intimiste parfois avec des passages d’une puissance évocatrice qui prend à la gorge. Cet amoncellement de souvenirs a été calqué sur les témoignages des survivants qui se révélaient bien souvent parcellaires et discontinus. L’effet est vraiment saisissant et propose un voyage aux confins de l’absurdité pour une guerre sans véritables héros, des sociétés perdues et au final un constat implacable sur l’Homme.

En terme d’écriture, on ne fait pas ici dans la fioriture. Chaque mot et phrase est pesé, sans atermoiements inutiles, on va à l’essentiel et cette apparente naïveté stylistique ne fait que renforcer la force de ce pamphlet antimilitariste à la fois juste et mesuré. Un roman culte qui mérite amplement ce qualificatif, une expérience de lecture différente et vraiment indispensable. À bon entendeur...

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jeudi 20 juin 2019

"Jack Barron et l'éternité" de Norman Spinrad

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L’histoire : Vous avez un problème ? Alors appelez Jack Barron !
Au 212.969.6969, en PCV !
Et retentissent des dizaines de milliers d'appels. Et cent millions d'Américains de l'an 1995 attendent chaque mercredi soir sur leur petit écran... le séduisant, le fascinant, le provocant Jack Barron. Ce redresseur de torts qui ne craint ni le gouvernement, ni les banques, ni la C.I.A. Rien ! Jusqu'au jour où Jack Barron affronte le tout puissant, l'immonde et immensément riche Benedict Howards. Qui détient le secret des secrets : celui de l'Immortalité humaine !
Alors, sur l'écran, de semaine en semaine va faire rage un combat toujours plus sauvage et impitoyable – combat de deux hommes qui se haïssent, mais surtout combat, entre deux pouvoirs terrifiants : l'information et l'argent.
L'enjeu ? L'Immortalité humaine. Mais conquise à quel prix ?

La critique de Mr K : Lire Norman Spinrad, c’est toujours une expérience à part. Auteur culte, insoumis et toujours en verve, il propose à la fois évasion et réflexion à chacun de ses ouvrages. Jack Barron et l’éternité est une de ses pièces maîtresse dans sa bibliographie et il m’avait échappé jusque là. Suite aux élections européennes et mon désarroi face aux résultats avec deux partis de droite en tête, je me suis dit qu’il fallait que je me lise un ouvrage subversif et bien engagé dans le sens de mes convictions. Je ne me suis pas trompé et je peux déjà vous dire que cet ouvrage rentre directement dans le cercle très fermé de mes classiques en SF. Voici pourquoi...

Ce roman décrit un combat titanesque entre Jack Barron, un présentateur vedette bouffi d’orgueil qui est suivi par plus de 100 millions d’américains et l’homme d’affaire le plus influent de son époque qui fait commerce de l’hibernation cryogénisée et bientôt peut-être la vie éternelle. Deux puissances s’affrontent : celle des médias et leur influence face aux puissances financières, les lobbys et de la rapacité d’un homme, Benedict Howards. Joutes oratoires en direct à la télévision, rencontres impromptues et secrètes entre décideurs, pacte faustien, expériences subliminales et charnelles, course à l'élection présidentielle, révélations terrifiantes sont au programme d’un livre coup de poing dont on ne peut sortir avant le mot fin.

Quelle lecture ! On peut dire que Spinrad est particulièrement en forme ici avec un style toujours aussi direct et incisif. Ne ménageant pas son lecteur, on avance en eaux troubles avec pour commencer un héros au départ plutôt désagréable, à la limite du repoussoir. Vivant dans sa tour d’ivoire, Jack Barron, malgré un passé gauchiste, est rentré dans le moule et profite sans vergogne du système ultra-libéral. Son opposition au magnat de la vie éternelle va mettre à mal ses convictions profondes et son assurance. Surtout qu’il retrouve au passage Sara, son amour perdu qui renaît de ses cendres. Cette passion le consume, l’emporte vers un bonheur qu’il croyait perdu et donne de superbes pages sur l’amour que l’on peut porter à l’autre quand on a trouvé la bonne personne et que rien d’autre ne compte. C’est touchant, extrême même parfois et essentiel au déroulement de l’histoire.

Écrit en 1969, ce roman s’interroge beaucoup sur des thématiques qui étaient centrales dans les USA de l’époque. Il y a d’abord les tensions raciales entre blancs et noirs qui trouvent ici de très beaux représentants entre une ligue cherchant à promouvoir l’émancipation des afro-américains, les suprémacistes blancs qui détiennent le pouvoir et l’argent et qui pensent que cet ordre des choses est naturel et ne changera jamais. En parallèle, on retrouve comme souvent chez Spinrad une critique vive du système capitaliste ultra-libéral qui nie les individus et leurs droits au profit d’une oligarchie qui ne dit pas son nom et se cache derrières les oripeaux de la démocratie pour mener sa barque et s’enrichir encore plus. Sans fioriture ni concession, l’ouvrage est une charge puissante, intelligente et tout en finesse que l’on prend plaisir à lire en ces temps de macronisme aiguë et de lepénisme larvé.

L’histoire avance lentement mais sûrement. Proposant un parcours vers la rédemption à son personnage principal, qui se rapproche de ses anciennes connaissances et va tout faire pour lever le voile sur les secrets de Benedict Howards, on sent bien que chacun ici va y laisser des plumes. On ne sait pas vraiment d’où les coups vont partir et les révélations finissent par se succéder plus effrayantes les unes que les autres. Plongeant dans les âmes de chacun, explorant les psychés parfois plus que tourmentées de certains personnages (c’est vraiment perché par moment), on finit littéralement sur les rotules avec un dernier acte vraiment éprouvant. Ouvrage volontiers métaphysique et philosophique par moment au détour des aléas de l’histoire, on se prend à réfléchir à la mort, sa signification, le rêve de l’immortalité, les conditions pour y accéder ou encore les choix qui influencent une vie et le rapport à l’autorité et à la notion de désobéissance civique.

Très bien construit, ce roman est écrit de manière virevoltante, profonde et avec un souci d’immédiateté qui ne se dément jamais. Cette lecture procure des émotions diverses qui ébranlent le lecteur et lui donnent à réfléchir. Bien que daté par moment, finalement rien n’a vraiment changé et l’on retrouve des éléments totalement applicables au monde d’aujourd’hui. Un grand roman de science fiction que tout amateur du genre doit avoir lu !

Lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- Les Solariens
- Chaos final
- Rêves de fer

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mercredi 22 mai 2019

"Dans l'or du temps" de Claudie Gallay

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L’histoire : Un été, en Normandie. Pris dans les filets d'une vie de famille, le narrateur rencontre une vieille dame singulière, Alice. Entre cet homme taciturne et cette femme trop longtemps silencieuse se noue une relation puissante, au fil des récits que fait Alice de sa jeunesse, dans le sillage des surréalistes et dans la mémoire de la tribu indienne Hopi. La vie du narrateur sera bouleversée devant "la misère, la beauté, tout cela intimement lié".

La critique de Mr K : Claudie Gallay est une auteure que j’adore, j’avais été épaté par mes deux premières lectures d’elle : Les Déferlantes et Les Années cerises. C’est donc avec une joie non feinte que je choisissais de terminer mes lectures de vacances de Pâques avec Dans l’or du temps, un roman plus ancien où deux personnages n’ayant à priori rien en commun vont se rencontrer et se livrer. Pas de mystère, c’est bien du Gallay avec une poésie à fleur de mot, un phrasé unique et une histoire universelle qui touche une fois de plus en plein cœur.

Le narrateur est en vacances et comme d’habitude en période estivale, il part avec sa petite famille dans leur maison secondaire en bord de mer dans la Seine Maritime. Lui et Anna (sa femme) sont professeurs et peuvent donc passer du temps avec leurs deux jumelles et se ressourcer. Ce lieu est idéal pour profiter de la mer et des cités balnéaires alentours. Mais voila, quelque chose cloche, le narrateur taiseux dans son genre semble s’éloigner de sa famille peu à peu. Il adore ses filles, il aime sa femme mais il ne lui dit plus rien et peu à peu un espace de plus en plus grand semble les séparer, imperceptiblement d’abord puis un gouffre insurmontable.

Lors d’un banal tour en voiture pour faire quelques courses, le narrateur va rencontrer Alice, une vieille femme qu’il va aider à porter un panier rempli de poires. C’est le début d’une relation toute particulière qui va s’affiner au fil des chapitres entre méfiance mutuelle, silences qui en disent long et révélations sur le passé d’Alice qui jusque là gardait tout pour elle. Bien évidemment, cela va faire écho chez le narrateur et va changer sa vie, le forçant à regarder les choses en face et à prendre certaines décisions.

On retrouve dans ce roman tout le talent de Claudie Gallay pour proposer des personnages forts et charismatiques malgré une certaine banalité. Rien d’extraordinaire en effet au départ pour le narrateur et Alice dont on découvre les vies où les jours se ressemblent et apportent leur lot de petites joies et de petits chagrins. L’une vit seule avec sa sœur entre jardinage, poterie et longues périodes de réflexions, l’autre s’occupe de ses filles et mène une vie de famille plan-plan. C’est la rencontre de ces deux êtres qui va magnifier leur figure, donnant à voir au lecteur des personnes torturées dans leur chair et leur esprit par des non-dits, des sentiments profondément enfouis et au final un certain mal de vivre qui semble les condamner à contempler leur vie plutôt que la vivre pleinement (surtout pour le narrateur d’ailleurs). Une grande mélancolie se dégage donc de ces lignes malgré quelques éclats humoristiques liés souvent à la personnalité d’Alice, vieille femme au caractère bien trempé qui aime entretenir le mystère autour de son passé.

Les jours s’alignent, les rencontrent se multiplient. Le narrateur passe davantage de temps avec Alice, laissant sa famille seule alors que lui explore le passé de la vieille dame qui a vécu un temps dans le cercle des surréalistes et a découvert la tribu des Hopi, des amérindiens qu’elle a pu côtoyer avec son père disparu dans des circonstances tragiques. C’est l’occasion dans certain chapitres d‘en apprendre plus sur André Breton et son mouvement artistique, sur les tribus indiennes que l’on a forcé à s’acclimater aux colons blancs et à leur culture. C’est aussi une belle leçon sur la découverte de soi et des autres. Ces révélations vont avoir un impact sur le narrateur, ce sera lent, très lent même mais une acceptation va naître de cela et amener le lecteur vers une fin logique.

Rythme lancinant, phrases courtes, destructuration de la syntaxe proposent une expérience d’une immersion totale, engouffrant le lecteur au cœur des intimités sans espoir de retour. Comme à chaque fois avec Claudie Gallay, c’est profond, bouleversant et l’on ressort ébranlé et heureux de sa lecture. Une excellent moment que je ne peux que vous conseiller d'entreprendre à votre tour.

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mercredi 17 avril 2019

"Ortog et les ténèbres" de Kurt Steiner

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L'histoire : Après une héroïque mission dans l'espace, Ortog, le jeune Chevalier-Naute, est revenu sur la Terre. Mais soudain sa victoire, son triomphe lui apparaissent dérisoires: Kalla Karella, sa fiancée, est morte en son absence.
Désormais il n'a plus qu'un but : retrouver sa bien-aimée dans l'au-delà, l'en arracher peut-être, ou la rejoindre dans la mort.
Or, en ce XXXe siècle, les hommes ont construit une nécronef capable, croit-on, de braver le Temps et l'Espace. Ortog en sera le premier navigateur.
Dédoublé, à la fois vivant et inanimé, il va s'enfoncer dans le royaume des morts, traversant les cercles infernaux du feu, du poison, de la démence, pour atteindre enfin un labyrinthe à quatre dimensions.
Nouvel Orphée que rien n'arrête, Ortog y pénètre...

La critique de Mr K : Derrière le pseudo de Kurt Steiner se cache un auteur français (André Ruellan) que j'ai déjà côtoyé avec les lectures de Tunnel et Mémo, deux ouvrages de SF lorgnant vers la série B, aussi distrayants qu'addictifs à leur manière. C'est donc avec un certain plaisir que j'entamai Ortog et les ténèbres dont la quatrième de couverture annonçait une variation SF autour du mythe d'Orphée. Je dois bien avouer que mon sentiment est mitigé au moment d'en faire le bilan...

Ortog est un héros revenu sur Terre après une mission particulièrement délicate (décrite dans un ouvrage écrit auparavant et que je n'ai pas lu, cela n'a aucune incidence). Malheureusement pour lui, sa fiancée est morte entre temps, le voilà inconsolable, au bord du suicide même... Alors qu'il s'apprête à commettre l'irréparable, un inconnu l'aborde. Un mystérieux moine lui fait entrevoir la possibilité de retrouver sa bien-aimée et peut-être de la ramener avec lui dans le monde des vivants. D'abord septique, il décide finalement de se lancer dans cette exploration de l'au-delà. Vous imaginez que les risques sont grands à laisser son corps inerte sur Terre alors que votre double astral (pour schématiser) explore le Royaume des morts qui très vite s'apparente à un monde parallèle régit par ses propres règles.

Les débuts de la lecture s'avèrent difficile, Kurt Steiner se livrant à des explications absconses dont je défie quiconque de comprendre le sens profond. Ça part dans tous les sens et honnêtement ça ralentit le récit. Ces trente pages m'ont ennuyé au plus haut point et je n'étais pas très loin d'abandonner ma lecture (chose que je ne fais que rarement). De plus le héros est plutôt stéréotypé et le style ampoulé n'arrange rien, je pense notamment aux dialogues qui se révèlent vraiment nanardesques par moment. Bref, j'ai pris peur mais je laissais tout de même une chance à l'histoire de décoller.

C'est au bout de trente pages que la mayonnaise commence à prendre. Une fois l'expédition lancée, un autre roman semble commencer. Le style devient plus aérien voire psychédélique ce qui n'est pas pour me déplaire. En effet, bien étrange est l'univers que l'on découvre incrédule en compagnie d'Ortog et de son comparse (ils sont deux à entreprendre ce voyage). Ils traversent de multiples couches, croisent d'étranges personnages / créatures, la violence est omniprésente et les règles physiques semblent absentes. Très vite, nous comprenons qu'un conflit a lieu entre deux camps irréconciliables et nos deux héros se retrouvent plongés dans cette lutte quasi fratricide. Pour autant, ils n'oublient pas leur quête principale et le final bien que plutôt convenu fait son petit effet.

Mal dosé et inégal, Ortog et les ténèbres ne m'a pas vraiment plu alors que je suis passionné de mythologie antique depuis tout petit et que je trouvais intéressante l'idée de mêler les deux (le cycle Ilium de Dan Simmons est un modèle du genre - critiques tome 1 et tome 2 -). Un coup dans l'eau donc ici même si je garderai tout de même en mémoire de bons passages bien perchés. À réserver vraiment aux fans de l'auteur, les autres passeront leur chemin sans regrets...

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dimanche 31 mars 2019

"Druide" d'Oliver Peru

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L'histoire : 1123 après le Pacte. Au Nord vivent les hommes du froid et de l'acier, au Sud errent les tribus nomades et au centre du monde règnent les druides. Leur immense forêt millénaire est un royaume d'ombres et de mystères. Nul ne le pénètre et tous le respectent au nom du Pacte ancien. Les druides, seigneurs de la forêt, aident et conseillent les hommes avec sagesse depuis la nuit des temps. Mais un crime impensable va bouleverser cet équilibre : dans la plus imprenable citadelle du Nord, quarante-neuf soldats sont sauvagement assassinés sans que personne ne les entende seulement crier. Certains voient là l'ouvre monstrueuse d'un mal ancien, d'autres usent du drame comme d'un prétexte pour relancer le conflit qui oppose les deux principales familles régnantes. Un druide, Obrigan, a pour mission de retrouver les assassins avant qu'une nouvelle guerre n'éclate. Mais pour la première fois, Obrigan se sent impuissant face à l'énigme sanglante qu'il doit élucider. Chaque nouvel indice soulève des questions auxquelles même les druides n'ont pas de réponses. Une seule chose lui apparaît certaine : la mort de ces quarante-neuf innocents est liée aux secrets les plus noirs de la forêt.

La critique de Mr K : J'ai profité des dernières vacances scolaires pour lire cet ouvrage de fantasy, genre que j'affectionne beaucoup lorsque je suis de repos. L'évasion et le dépaysement sont garantis, ça relâche les neurones et l'on réveille la part d'enfance que l'on conserve précieusement au fond de soi. J'ai dégoté Druide d'Oliver Peru lors d'un après-midi chinage à notre Emmaüs préféré et certains d'entre vous sur IG ou sur l'article acquisition qui avait suivi m'avait encouragé à ne pas trop le laisser traîner dans ma PAL vu le plaisir de lecture qu'il avait pu leur apporter. C'est désormais chose faite et je suis plutôt bien content de l'avoir lu même s'il n'est pas exempt de défauts...

Au cœur du récit, on retrouve deux royaumes humains à l'antagonisme antédiluvien. Une paix chaude a été instaurée depuis des dizaines d'années mais les braises des conflits précédents sont encore actives et il suffirait d'un rien pour que la guerre soit à nouveau déclarée. À leur frontière méridionale, se situe une gigantesque forêt où règnent et vivent les druides, en harmonie avec la nature et dont le rôle est de veiller au bon ordre du monde, notamment en conseillant les hommes et en observant la nature. Un pacte ancien les unit aux royaumes du nord et nul n'est sensé le transgresser. Bien évidemment, il faut que ce fragile équilibre chancelle pour que le récit débute et il prendra la forme d'un massacre innommable commis au sein même d'une forteresse humaine par de mystérieux agresseurs qui semblent invisibles et intouchables. Les victimes de ce carnage accusent le royaume adverse et promettent de venger leur mort. Obrigan, druide de l'ordre des loups n'a que quelques jours pour découvrir la vérité sur cet acte inqualifiable et éviter un conflit qui embraserait à nouveau le continent, aidé de ses deux apprentis et de quelques alliés improbables. Il se livre à une véritable enquête qui va remettre en cause nombre de ses certitudes et pourrait bien faire définitivement basculer le monde connu dans le chaos...

Le roman démarre bien avec une carte des lieux. Je dois sans doute me répéter pour celles et ceux qui nous suivent depuis longtemps mais j'adore les cartes dans les récits de fantasy ! Ensuite, l'auteur ne prend pas de gants, l'exposition est courte, les événements s'enclenchent quasi directement et dès la cinquantième page le compte à rebours est lancé (le livre compte tout de même 600 pages !). Je peux vous dire que ça n'arrête plus après, avec un enchaînement de révélations, de passages d'exploration pure, de bastons homériques et d'introspections douloureuses. Le monde court à sa perte et la tension monte crescendo. La première partie du roman est un petit bijou dans ce domaine, on ne sent pas passer les pages, les éléments s'additionnent se complètent, les pistes se multiplient fourvoyant le lecteur pour mieux le remettre sur le droit de chemin. Rien à dire, c'est bien mené.

Ça se gâte un peu par la suite avec un long passage central que j'ai trouvé lent, lourd et finalement pas très utile. Comme si l'auteur avait besoin d'arriver à un certain nombre de pages et qu'il faisait du remplissage, on se retrouve à suivre sur plus de 70 pages les états d'âmes de personnes pris au piège dans un siège à priori sans espoir de survie. Heureusement que l'écriture de Peru est agréable, la pilule passe mieux mais franchement, j'ai vraiment cru que j'allais le perdre surtout que durant tout l'ouvrage il n'y a aucune scène se déroulant dans une taverne (Blasphème !!!). Heureusement, il reprend le dessus juste après avec des révélations fracassantes que je n'avais pas vu venir et un dernier acte épique. Trop peut-être d'ailleurs avec des personnages aux discours trop guindés à la limite du ridicule, mais bon... ne boudons pas notre plaisir pour autant.

En effet, ce one-shot (suffisamment rare dans le genre pour être précisé) est d'une grande densité en terme de background, l'auteur nous proposant une belle immersion dans un monde qui, à défaut d'être réellement original, se tient et provoque une évasion immédiate. J'ai particulièrement aimé les passages traitant des druides avec les descriptions de leur habitat, de la forêt mais aussi l’organisation de leurs ordres, leurs techniques d’apprentissage ou encore leur philosophie de vie. À ce propos, oubliez tout ce que vous avez comme à priori sur eux, on est loin de Panoramix ou de Merlin, la fin de l’ouvrage livrant au passage des vérités qui en surprendront plus d'un ! Bien caractérisé aussi est le monde des hommes avec leurs incessantes rivalités, les rapports de force en jeu et les manœuvres opérées pour garder le pouvoir. Et puis, il y a l'Est, les territoires désertés et livrés aux forces de l'ombre que l'on apprend à connaître au fil de la lecture et qui flirtent à l’occasion avec un certain Mordor... Les personnages à défauts d'être originaux font le service avec quelques uns d'entre eux très attachants comme le héros mais aussi Arkantia une druidesse intrépide qui va tenter une expérience éprouvante pour sauver tout le monde. Ce personnage est celui qui m'a le plus surpris et qui du coup restera mon préféré.

On passe donc globalement un bon moment, on est dans du classique, les repères sont là (mais pas les tavernes, nom de Dieu !) et tout se lit bien et sans difficultés. Druide est typiquement le genre de lecture détente pour les amateurs du genre. On ne regrette pas un moment de l'avoir lu même si on est tout de même un bon cran en dessous des auteurs classiques comme Tolkien et Martin, ou plus proche de nous Adrien Tomas qui m'avait soufflé avec La Geste du VIème royaume. L'ouvrage d'Oliver Peru reste donc bon un petit plaisir, à réserver aux fans du genre.

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samedi 16 mars 2019

"L'Œuf de dragon" de George R. R. Martin

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L'histoire : Quatre-vingt-dix ans avant les péripéties du "Trône de Fer", Aegon, de la lignée royale, surnommé l'Œuf, court les routes incognito comme écuyer d'un chevalier errant, Dunk. Au hasard des chemins, le duo se voit convié par le fringant Jehan le Ménétrier à participer à un tournoi richement doté qui sera le clou des noces de lord Beurpuits. Au champion ira le grand prix, un inestimable œuf de dragon. Mais il apparaît bientôt que les noces et le tournoi sont un nid d'intrigues et d'ambitions, petites et grandes, et qu'une prophétie annonce de grands événements.

La critique de Mr K : Ferveur et ressentiment m'habitent quand il s'agit d'aborder le cas de George R. R. Martin. Admiration tout d'abord face au talent déployé dans sa saga du Trône de fer que je trouve brillante et menée de main de maître. Colère face au retard qu'il a accumulé pour conclure le cycle dans sa version littéraire, n'étant que moyennement conquis par la série qui s'en est inspiré et qui même s'il elle s'avère spectaculaire, gâte certains personnages et évolue vers une fin plus que prévisible. Pour me faire patienter et avec un grand coup de pot, je suis tombé à Emmaüs sur L'Œuf de dragon, une sorte de préquelle se déroulant toujours à Westeros mais sur une échelle bien plus petite (en terme de localisation géographique et de nombre de pages). Au final, ce fut une lecture très rapide, plaisante et qui m'a permis d'émousser quelque peu mon impatience...

Se déroulant quasiment un siècle avant les événements narrés dans la saga du Trône de fer, ce court récit de 181 pages nous propose de suivre le chevalier errant Duncan et son jeune écuyer à la très noble ascendance. Voyageant de régions en régions, ils vont croiser une troupe lors d'un passage en forêt et se retrouver malgré eux mêlés à un mariage qui sous ses dehors de félicité cache de lourds secrets. Ripailles, joutes et plaisanteries douteuses sont au rendez-vous ainsi que tractations secrètes et complots ourdis pour prendre le pouvoir. Rajoutez là dessus un œuf de dragon très convoité et pas de doute, vous y êtes ! C'est bien du George R. R. Martin !

L'addiction ne met vraiment pas longtemps à faire son apparition, en quelques pages seulement, on se prend immédiatement d'affection pour ce chevalier bourru et son jeune assistant de 11 ans. Leurs rapports prêtent à sourire et à l'admiration, entre un chevalier revenu de tout qui gagne maigrement sa subsistance et en impose avec son physique hors norme (c'est un géant) et le jeune Aegon qui découvre la vie d'aventurier en explorant peu à peu ses capacités et qualités. On passe un bon moment entre réparties bien senties, échanges initiatiques et moments de tensions mémorables. Ces deux là s'apprécient, se jaugent, se prennent la tête mais une douceur et une lueur de tendresse éclairent cette relation unique.

On retrouve tout autour de ce duo, la force des récits fantasy du maître. Un monde dangereux où la rapacité se dispute à la férocité des rapports humains. Il ne fait pas bon être noble et humble dans un univers gouverné par la peur, la force et des alliances toujours mouvantes. On croise en la matière de sacrés personnages qui même s'ils n'égalent pas les principaux protagonistes de la saga originelle, tiennent la dragée haute en terme de vilenie et de perfidie. Et puis, il y a cette alternance constante du regard posé par les personnages principaux sur leur environnement immédiat avec des descriptions prenantes et des scènes d'action rudement menées avec notamment une journée de joute aussi tendue que saisissante de réalisme. On se prend vraiment au jeu et l'on retrouve des sensations depuis longtemps éprouvées lorsque je découvrais le Trône de fer.

Bien que concis, le récit est bien mené, le suspens est relativement présent (même si j'ai deviné bien des choses en avance) et l'on ne s'ennuie pas une seconde. Resserrée, la trame au détour de certaines circonvolutions fait référence à la saga à venir et donne des informations pas dénuées d'intérêt sur les Targaryens, famille de Daenyris. Bon, en la matière, ça reste maigre, mais si on est fan du Trône de fer ce serait dommage de se priver de ce petit plaisir qui même s'il n'est pas définitif apporte de bons moments de lecture et permet de retrouver un univers aussi foisonnant que passionnant. Laissez vous tenter !

Lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
Chanson pour Lya
Le trône de fer, intégrale 1
Le trône de fer, intégrale 2
Le trône de fer, intégrale 3
Le trône de fer, intégrale 4
Le trône de fer, Le bûcher d'un roi, volume 13
Le trône de fer, Les dragons de Meereen, volume 14
Le trône de fer, Une Danse avec les dragons, volume 15
- Dragon de glace

- L'Agonie de la lumière

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dimanche 20 janvier 2019

Premiers craquages de 2019 !

Et oui ! 2019 a débuté depuis peu et nous avons déjà craqué en matière d'ouvrages d'occasion. Bon en fait, surtout moi, mais cela ne vous surprendra pas, Nelfe a toujours su être plus raisonnable que moi en la matière. Mais bon, on ne se refait pas et comme je ne crois pas aux résolutions de début d'année, je n'avais rien promis... Vous retrouverez dans ce post des articles dégotés à prix vraiment très bas dans notre recyclerie locale et dans notre très achalandé Emmaüs, deux hauts lieux de chinage qui décidément nous déçoivent rarement ! Regardez-moi ça !

Ensemble janv 19

De belles prises, non ? Pour éviter de définitivement plomber ma PAL qui dépasse allégrement les 200 ouvrages dormants, j'essaie désormais d'aller vers des auteurs et des ouvrages que je souhaite absolument lire. Ça réduit un peu le degré de tentation même si ça ne permet pas d'éviter tous les écueils. Le butin est en tout cas bien alléchant et je m'en vais vous le présenter en détail !

Contemporain janv 19
(Ouvrages contemporains en pagaille)

- Les Vivants et les morts et La Brigade du rire de Gérard Mordillat. Un auteur que j'adore et sur lequel je fais coup double ! Je suis justement en train de lire son dernier (Ces femmes-là) qui dépote. J'aime la langue simple et truculente de l'auteur, son engagement à gauche et sa façon d'aborder les problèmes sans fioriture. Typiquement le genre de littérature qui me parle, fait réfléchir et donne du baume au coeur dans un monde devenu fou à mes yeux. Ils ne resteront pas longtemps dans ma PAL même si je vais essayer d'espacer mes lectures pour éviter l'overdose.

- Dans l'or du temps de Claudie Gallay. Une autre auteure que j'affectionne tout particulièrement. Depuis ma lecture enthousiaste des Déferlantes, dès que je vois un Claudie Gallay trainer dans un bac, je ne peux pas résister ! Elle nous raconte ici la rencontre improbable entre un homme père de famille et une vieille dame singulière qui va finir par se confier sur sa vie passée haute en couleur. On peut compter sur l'auteure pour nous dévoiler des personnages attachants et profonds, raconter les fêlures intimes voir l'indicible au détour d'un récit enlevé. Hâte d'y être !

- Hors d'atteinte d'Emmanuel Carrère. Encore un auteur que je pratique régulièrement et qui ne m'a jusque là jamais déçu. Il nous propose dans ce roman de suivre Frédérique, une prof de collège qui va tomber dans l'addiction au jeu et remettre sa vie au main du hasard par pur défi. On peut compter sur Emmanuel Carrère pour nous proposer un récit vertigineux à partir d'un point de départ basique. Je pense que ce sera encore une lecture plaisante.

- Comment j'ai raté mes vacances de Geoff Nicholson. Voici ma prochaine lecture, j'ai enfin réussi à trouver un ouvrage fun et décalé. J'enchaine les lectures sombres et pessimistes, il est bon aussi de bien rigoler parfois un livre à la main ! Croisement entre Tom Sharpe et les Marx Brother, l'auteur nous invite à passer des vacances en compagnie d'Éric et sa famille. À priori, rien ne se passe comme prévu et l'on croise un nombre impressionnant de personnages plus branques les uns que les autres. M'est avis que ça devrait me plaire ! Je vous en reparle très bientôt sur IG!

Imaginaire janv 19
(Pour quelques livres de genre en plus...)

- L'Oeuf du dragon de George R. R. Martin. En attendant que le maître incontesté de la lenteur d'écriture nous offre ENFIN la conclusion de sa saga, je suis tombé sur ce petit volume se déroulant avant Le Trône de fer. Ça me fera patienter et je suis impatient de passer quelques temps en compagnie du chevalier sans terre et surtout de son écuyer, un certain Aegon Targaryen ! Conspiration, baston et voyages en terres lointaines sont au programme. Ce volume ne restera certainement pas bien longtemps dans ma PAL, Westeros me manque trop !

- Druide d'Oliver Peru. Voici un volume qui m'avait fait de l'oeil plusieurs fois lors de nos séjours successifs aux Utopiales. Le hasard fait donc bien les choses, j'ai hâte là aussi de me plonger dans la lecture de cet ouvrage de fantasy mettant en lumières le culte druidique, protecteur du monde. Un crime va remettre tout en cause provoquant le chaos et le désordre. Précédé d'une excellente réputation, cet ouvrage promet beaucoup. Qui lira, verra!

- L'Univers en folie de Fredric Brown. Petit détour par la science fiction avec un auteur qui n'est plus à présenter et qu'il fait bon fréquenter régulièrement quand on est fan du genre. Suite à un accident lors d'un lancement de fusée, un journaliste renait dans un monde parallèle où il va devoir se confronter puis conjuguer avec son double. L'expérience promet d'être fascinante et complètement décalée.

- Le Djinn de Graham Masterton. Un petit ouvrage de terreur enfin avec un Graham Masterton auquel je ne peux pas résister non plus ! Un objet ancien venu de l'autre bout du monde, un esprit malveillant qui ne demande qu'à être libéré, une obsession dangereuse, un auteur aimant la démesure et à l'écriture addictive... Ce sont les ingrédients idéaux pour fournir un bon récit fantastique et gore. Le genre de lecture-récréation qui ne se refuse pas !

Thriller janv 19
(LA trouvaille de Nelfe !)

- Les Morsures de l'ombre de Karine Giébel. Une auteure que ma douce a découvert sur le tard mais qu'elle a beaucoup apprécié sur sa première lecturede Toutes blessent la dernière tue (chronique à venir quand elle le voudra bien...). Nelfe est une grande amatrice de thriller devant l'éternel, nul doute que cette histoire d'homme mis en cage suite à un RDV amoureux va lui plaire. On nous parle en quatrième de couverture de frontières floues entre bourreaux et victimes, de hasard inexistant et de psychologie torturée... Purée ça promet !

Au final, on n'est pas peu fiers de nos achats. Malgré une grille de sélection plus resserrée, on a vraiment de très bons dealers de livres de seconde main dans notre secteur et cela promet encore de très bonnes heures de lecture. La PAL ne s'en porte pas mieux mais que voulez-vous, quand on aime, on ne compte plus! Suite au prochain numéro, lors des chroniques à venir dans les jours, semaines, mois et années à venir !

samedi 1 décembre 2018

"La Machine à explorer l'espace" de Christopher Priest

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L'histoire : 1893. Victoria règne sur un empire aux dimensions du monde. Le savant Percival Lowell clame l'existence de canaux artificiels à la surface de Mars. Expédiés sur la planète rouge par une machine à explorer le temps passablement rétive, Edward et la charmante Amelia, citoyens de Sa Majesté, y découvrent stupéfaits les préparatifs d'une invasion de grande ampleur visant la Terre. La guerre des mondes est imminente... Les deux jeunes gens parviendront-ils à regagner l'Angleterre pour déjouer les plans des sinistres envahisseurs ? Sauront-ils découvrir le point faible des tripodes, les terribles machines de guerre martiennes ? Edward pourra-t-il enfin avouer ses nobles sentiments à l'élue de son cœur ? Et que fait donc H. G. Wells himself, terré dans la végétation rouge des bords de la Tamise ?

La critique de Mr K : Chronique d'une lecture bien "vintage" aujourd'hui avec La Machine à explorer l'espace de Christopher Priest, un ouvrage qui prenait la poussière depuis trop longtemps dans ma PAL et qui s'est rappelé à mon bon souvenir durant notre séjour si plaisant aux Utopiales. En effet, j'ai pu assister au festival cette année à une interview radio de Christopher Priest pour France Culture et se fut l’occasion de mieux connaître le fameux auteur du Prestige notamment et d'apprendre entre autres qu'il est tombé dans la marmite de la SF grâce à H.G. Wells. L'oeuvre que je vous présente aujourd'hui est un ouvrage de jeunesse qui diffère donc sensiblement du reste de la bibliographie du maître car il y rend hommage à Wells sous forme d'un roman rétro-SF mâtiné d'humour qui m'a tenu en haleine de bout en bout. Suivez le guide !

Tout commence dans un hôtel de la campagne anglaise où Walter, un représentant de commerce rencontre la belle Amélia, assistante-secrétaire d'un inventeur de génie. Le jeune homme n'est pas insensible au charme pétillant de cette jeune femme libre qui détone en cette période victorienne puritaine (l'action débute en 1893). De fil en aiguille, il en vient à rendre visite à Amélia sur son lieu de travail et à essayer une curieuse machine sensée permettre le voyage dans le temps. Malheureusement pour eux, une erreur de manipulation va les propulser dans l'espace, très très loin de chez eux, sur la planète rouge ! Et comme cela ne suffisait pas, ils découvrent très vite qu'une invasion martienne se prépare et qu'ils sont peut-être les seuls à pouvoir prévenir le monde qu'une catastrophe se prépare... Aventures et rencontres se télescopent, les deux voyageurs galactiques involontaires vont de découverte en découverte et finiront peut-être par sauver le monde...

Vous l'avez compris, le ton est très vite donné. On a affaire ici à une SF plutôt récréative et destinée aux amoureux de Wells et autres anciens de la SF. Volontiers désuet dans sa manière d'écrire, Christopher Priest se cale sur les deux classiques dont il s'inspire, La Machine à voyager dans le temps et La Guerre des mondes, pour mieux rendre hommage à son maître d'écriture. Cela lui a valu les foudres de nombres de critiques lors de la sortie du texte, on l'accusait alors de plagiat (dixit Priest lui-même lors de l'interview sus-cité). Il n'en est rien, je peux vous le confirmer car certes des éléments sont empruntés mais tout est transformé à la sauce Priest qui excelle dans la distanciation, l'humour et même une jolie amourette drolatique comme j'aime en lire à l’occasion.

Ainsi, les personnages plutôt engoncés au départ vont se libérer progressivement au fil de leurs pérégrinations. Autant les hommes et femmes dans l'Angleterre du XIXème siècle devaient être dans une réserve de tous les instants lorsqu'ils se fréquentaient alors qu'ils n'étaient pas mariés, autant quand on se retrouve du jour au lendemain sur Mars, on imagine que les choses peuvent changer ! Volontiers féministe par moment grâce au personnage d'Amélia, le roman est un petit bijou de filouterie dans les rapports entretenus entre les protagonistes principaux qui chauffent tour à tour le chaud et le froid sur leur relation, donnant du piquant au récit et faisant bien sourire le lecteur face aux rebondissements de leur relation.

Il faut dire aussi qu'ils sont mis à rude épreuve. Au delà de leur première rencontre impromptue qui se termine en eau de boudin, ils vont vivre des expériences hors du commun dont plusieurs voyages spatiaux, la découverte d'un monde totalement étranger et nouveau, lancer une révolution de classe sur Mars (du moins essayer), se retrouver séparés pour mieux se rejoindre par la suite, rencontrer un certain H.G. Wells qui va les aider à lutter lors de l'invasion martienne... de quoi raffermir des rapports à travers l'adversité, vous en conviendrez ! D'ailleurs, ils traversent tout cela un peu à la manière d'un Candide, ils sont loin d'être des scientifiques ou des explorateurs accomplis, ce qui donne un aspect très touchant et parfois très drôle à leurs aventures car ils ne comprennent pas vraiment tout ce qui se passe, nageant dans une ignorance parfois déconcertante. Loin d'être dans les poncifs des vieux romans de SF avec des héros accomplis, on sent ici des faiblesses et des fêlures qui enrobent cette aventure invraisemblable d’une humanité et d'une mélancolie touchante.

La lecture a été addictive à souhait, difficile en effet de ne pas continuer sa lecture tant on est séduit par l'histoire et les personnages, une langue qui fait mouche, très abordable et un petit peu surannée. Mais vous savez ce qu'on dit, c'est dans les vieux pots que l'on fait les meilleures soupes, et l'adage se vérifie parfaitement ici. Très différent de ce que j'ai pu lire de Priest auparavant, La Machine à explorer l'espace est une fenêtre sur ses amours de jeunesse en littérature et donne un supplément d'âme à un auteur que j'aimais déjà beaucoup auparavant. Vivement ma prochaine lecture !

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samedi 13 octobre 2018

"Le Monde de la mort" de Harry Harrison

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L'histoire : Joueur professionnel, Jason ne se sent vivre que dans le défi. Alors, quand on lui offre de gagner aux dés trois mille millions d'unités galactiques, il ne résiste pas. Qu'importe si la partie achevée - qu'elle soit gagnée ou perdue - sa vie doit être en danger...

Il gagne et relève aussitôt un nouveau défi : affronter la planète Pyrrus, appelée aussi le Monde de la Mort.

Tout sur Pyrrus est hostile à l'homme : la plus délicate des fleurs est poison, les cailloux sont meurtriers, chaque insecte est mortel. Et dès l'âge de six ans les enfants sont adultes, prêts au combat. Les autres ont été éliminés.

Pour Jason, c'est la plus formidable partie de sa carrière : il joue sa vie contre le sort de toute une planète.

La critique de Mr K : Avant cette lecture, je n'avais jamais pratiqué Harry Harrison, un des pionniers de la SF des sixties à qui l'on doit le roman originel qui donne le cultissime film Soleil Vert. Réparation est faite aujourd'hui avec ma découverte du jour : Le Monde de la mort. Ne vous fiez pas à la couverture qui verse plutôt dans la fantasy cheap, on est ici dans un roman de SF pur jus, dans la tradition pulp de l'époque de son écriture : aventure, suspens et tensions sont au programme d'un bouquin qui à défaut de révolutionner le genre a le mérite de tenir son lecteur en haleine.

Jason dinAlt navigue dans les traces d'un Han Solo: gentil vaurien et joueur professionnel, il gagne sa vie au dépend des autres et s'éloigne vite et loin du théâtre de ses opérations frauduleuses. La roue tourne quand il est chargé par un représentant de la planète Pyrrus de gagner une importante somme au jeu. Vainqueur, il se retrouve embarqué sur le vaisseau de son commanditaire et va se retrouver sur Pyrrus (aka Le monde de la mort), sur une planète plus qu'inhospitalière où deux factions rivales se tirent la bourre et où toutes les espèces végétales et animales peuvent se révéler mortelles pour l'homme. Jouant plus d'une fois avec sa vie, notre héros va aller de découvertes en révélations et finir par laisser de côté son intérêt particulier pour une cause plus vaste et plus noble.

Comme évoqué précédemment, pas de grosses surprises dans ce livre. Ainsi les personnages sont plutôt stéréotypés avec notamment un héros bien décalé comme on les aime à qui rien ne semble pouvoir arriver. Malin, obstiné mais aussi parfois pris de doute, on aime à suivre ses aventures et il va en connaître un certain nombre ici, de celles qui remettent parfois en cause une vie entière. Très vite isolé sur un monde hostile, il va devoir composer avec les mœurs étrange de ce monde perdu au milieu de nulle part où seule la notion de survie compte. Le déroulé de la trame principale est vraiment classique (pas de grosse révélation incroyable et bluffante) mais le cahier des charges est rempli avec des péripéties nombreuses et des twists pas dénués d'intérêt. Certains personnages secondaires (dont Kerk et Méta) relèvent l'ensemble grâce à des trajectoires individuelles bien différentes de ce que l'on pressentait pour eux, leurs caractères affirmés, leur antagonisme avec le héros (puis les éventuels rapprochements) donnent une saveur particulière à certains passages qui en deviennent délectables à souhait.

Ce que j'ai vraiment préféré dans ce livre, c'est plus le background, le contexte de cette planète hostile qui semble presque douée d'une conscience. Plutôt avare en descriptions longues (elles n'excèdent jamais les dix lignes), peu à peu, par couches successives, on se fait une idée plus précise de Pyrrus avec ses villes surprotégées, ses jungles impénétrables où vivent d'étranges tribus, ses insectes dont la moindre piqûre est fatale, ses animaux sauvages aussi féroces qu'exotiques. On pénètre vraiment dans un monde nouveau, interlope où toutes les règles sont remises à plat et où le chasseur peut devenir chassé suite à n'importe quel coup du sort. J'ai aimé cette ambiance glauque, de celles qui font naître une certaine paranoïa chez le lecteur / le héros et qui poussent l'imagination vers une sensation de danger imminent. Mission réussie en terme de suspens !

En ce qui concerne l'écriture pure, on ne tombe pas dans le génie. C'est plutôt commun et pas transcendant. Pour autant, l'auteur fait le job, maîtrise la construction de son récit et nous offre même quelques passages de bravoure. On est donc loin d'être face à un chef d’œuvre mais bel et bien devant une authentique série B littéraire qui fera son office pour quelques heures d'évasion fort sympathiques. Avis aux amateurs !

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mercredi 19 septembre 2018

"L'Agonie de la lumière" de George R. R. Martin

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L'histoire : Lorsque Dirk T'Larien reçoit le joyau-qui-murmure, des souvenirs douloureux et profondément enfouis reviennent à la surface, réveillant d'anciennes cicatrices : pourquoi Gwen, son amour perdu, fait-elle appel à lui de cette manière ? Pourquoi si longtemps après leur rupture ?

A l'idée qu'il existe une possibilité de renouer les liens avec celle qu'il a tant aimée, Dirk n'hésite plus et embarque dans le premier vaisseau interstellaire : direction Worlorn ! Worlorn, planète-festival maintenant à l'abandon, cadre baroque et décadent condamné à l'extinction.

Sur cette planète qui se meurt, Dirk tentera de raviver la flamme de Gwen et devra, pour cela, l'arracher aux Kavalars, un peuple violent régi par un code d'honneur chevaleresque... et mortel.

La critique de Mr K : George R. R. Martin est un de mes auteurs préférés en fantasy, son cycle du Trône de fer est fameux quoique encore incomplet à mon plus grand désespoir. Histoire de me faire patienter (le bonhomme est connu pour sa lenteur à écrire), je me rabats à l'occasion sur des œuvres de jeunesse, époque où il œuvrait davantage dans le domaine de la SF. L'Agonie de la lumière faisait partie de ma PAL depuis trop longtemps, le tort est désormais réparé même si je dois avouer que cette lecture m'a laissé un sentiment mitigé...

Dirk T'Larien notre héros voit sa vie basculer lorsqu'il reçoit un objet-message de son ancienne amante, Gwen. Jamais vraiment guéri de cette séparation douloureuse, menant une vie solitaire, il n'hésite pas une seconde à la rejoindre sur la planète Worlorn où elle appartient désormais au clan des Kavalars, un peuple aux coutumes moyenâgeuses où l'honneur prime sur tous le reste et où les rapports entre individus sont réglés de manière stricte voire autoritaire (le personnage de Sheldon Cooper de Big bang theory adorerait !). Débarquant de nulle part, Dirk va se révéler très vite comme un grain de sable fort gênant et va réveiller des sentiments enfouis depuis longtemps chez Gwen. De fil en aiguille, la situation dérape entre désirs, trahisons, découverte d'un monde au bord du gouffre et chasse à l'homme impitoyable.

Il n'y a pas à dire, on reconnaît de suite la patte du maître dans sa manière d'appréhender ses univers, à la fois complexes, vastes, maîtrisés et très bien pensés. Peut-être même trop ici, ce qui pose un sérieux problème de rythme. L'action réelle avec des enjeux puissants ne démarre vraiment qu'à une centaine de pages et encore, par la suite, régulièrement l'auteur pose encore des jalons qui bien qu'éclairants ralentissent le récit et l'embourbent parfois dans des pistes certes intéressantes mais pesantes. Alors oui, le monde Worlorn, monde vagabond au bord de la destruction est saisissant voir vertigineux, on se plaît à en explorer les extérieurs grandioses, les calculs politiques en jeu, les cités abandonnées auto-suffisantes et les mœurs de ses habitants. Mais on a parfois plus l'impression de lire un atlas historique qu'autre chose. Je suis assez amateur de ce genre de lecture mais pas sûr que cela plaise à tout le monde !

Mis à part ce souci, le reste est de bonne teneur avec des personnages nuancés et notamment un héros pas si attachant que ça. Engoncé dans ses certitudes, il ne va pas être au bout de ses surprises avec une Gwen changée et emprisonnée par son nouveau statut, une planète aux mœurs étranges où il a bien du mal à se situer et surtout à se comporter. Finalement, c'est un amour insaisissable qui va lui jouer bien des tours, mettant sa vie clairement en danger. Comme souvent avec cet auteur, mieux vaut ne pas trop s'attacher aux êtres qui peuplent ses pages, on ne navigue pas vraiment dans l'optimisme et les traîtrises-révélations s’enchaînent. Bon, je dois avouer que certaines ficelles sont assez grosses et que j'ai vu venir de loin certaines péripéties mais le plaisir de lire s'est révélé quasiment constant (hormis les problème de rythme cités auparavant).

Au final, un ouvrage un peu en dessous de la production habituelle de George R. R. Martin mais un bon ouvrage tout de même. Bien mené, distrayant et d'une grande profondeur, L'Agonie de la lumière est cependant à réserver aux fans du maître ou de ce genre de SF car certaines lourdeurs pourraient émousser l'enthousiasme des lecteurs novices ou non amateurs du Trône de fer car il faut l'aimer le George pour apprécier cet ouvrage. À bon entendeur !

Lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
Chanson pour Lya
Le trône de fer, intégrale 1
Le trône de fer, intégrale 2
Le trône de fer, intégrale 3
Le trône de fer, intégrale 4
Le trône de fer, Le bûcher d'un roi, volume 13
Le trône de fer, Les dragons de Meereen, volume 14
Le trône de fer, Une Danse avec les dragons, volume 15
- Dragon de glace

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