jeudi 22 septembre 2022

"Pax, le chemin du retour" de Sara Pennypacker

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L’histoire : Un an a passé depuis que Peter et son renard Pax se sont séparés. Pax et sa compagne Hérissée ont désormais des renardeaux qu'ils doivent protéger d'un monde dangereux.

Peter, lui, a tout perdu : ses parents, son renard, son foyer... Plus question pour lui de se lier à qui que ce soit, car l'amour mène toujours à la souffrance. De retour dans sa région natale ravagée par la guerre et la pollution, il intègre les Soldats de l'eau et s'efforce avec eux de décontaminer les rivières.

Tandis que chacun tente de se reconstruire, les deux amis vont se croiser à nouveau... et tout faire pour se guérir l'un l'autre du mal qui les empoisonne.

La critique de Mr K : Je vous ai dit tout le bien que je pensais du précédent volume consacré à Pax et à Peter il y a quelques semaines. Sara Pennypacker nous livrait un ouvrage d’une grande sensibilité qui touche en plein cœur, un voyage initiatique où tout s’avérait symbole et sagesse dans une langue merveilleuse qui emportait le lecteur très loin. Ma collègue documentaliste m’avait aussi prêté le second tome et je me suis laissé un bon mois pour me remettre de ma précédente lecture et pouvoir me réserver un morceau de choix pour le mois d’août. Je vais lever le suspens de suite, Pax, le chemin du retour est tout aussi réussi que le premier volume qu’il complète idéalement et prolonge avec bonheur, pour un lecteur toujours sous le charme. Attention, cette chronique comporte quelques spoilers concernant le premier tome.

Les deux amis sont donc définitivement séparés. Pax est désormais rendu à la vie sauvage, a fondé un foyer avec Hérissée la renarde qu’il avait rencontré en fin de tome précédent et son frère Avorton. L’ouvrage débute par la naissance de trois renardeaux : voila Pax devenu chargé de famille. C’est le début de l’apprentissage de la paternité, le poids des responsabilités sur les épaules. Mais c’est son destin, il s’en accommode, et le bonheur de voir sa descendance évoluer est total.

Peter, lui, a tout perdu. Il vit désormais chez Vola. Orphelin déjà de mère depuis ses sept ans, la guerre désormais terminée lui a pris son père. Ne voulant pas vivre chez son grand-père qui n’y tient pas non plus beaucoup, il réside chez Vola, la vieille dame chez qui il avait passé quelques jours blessé un an auparavant. Il broie du noir, ne veut plus s’attacher à qui que ce soit tant il a été déçu, a souffert et souhaite vivre seul et isolé de tous. Le deuil semble impossible et quand l’occasion se présente de partir, d’intégrer une brigade des soldats de l’eau qui cherche à réparer les méfaits de la guerre sur la nature, il n’hésite pas. Sans le savoir, ses pas vont le mener vers Pax, le destin n’en a pas fini avec eux.

On retrouve la même structure que dans le roman précédent. On alterne un chapitre sur deux entre Pax et Peter et l’on suit leurs parcours respectifs. On retrouve tout l’amour que l’auteure porte à ses personnages, l’attachement est de nouveau immédiat et notre cœur fond bien des fois face aux événements qui se succèdent et les épreuves que les deux amis doivent surpasser. Que ce soit pour le renard comme pour l’humain, la caractérisation est d’une finesse extraordinaire. L’écriture simple, naturaliste se révèle fascinante, réaliste et profondément touchante. Les pages se tournent toutes seules et l’on se plaît à se promener dans les bois, à chercher notre nourriture ou simplement un peu d’eau avec Pax et sa filoute de fille (trop trognonne la pépette), on partage les angoisses et les atermoiements de chacun. Peter ainsi est à la croisée de son existence et chaque choix, pensée exposée, permettent au lecteur de se rendre compte de sa situation ô combien délicate. Pas de pathos ici, pas d’exagération mais la vie et les questions qu’elle apporte forcément dans ce qu’elle a de brut et de révélateur bien souvent.

L’initiation n’est donc pas terminée et le récit se fait fort d’illustrer les affres et les joies de l’existence. Des rencontres, des expériences nouvelles mais aussi des choix terribles vont devoir être opérés et la fin m’a laissé totalement sur les genoux. On aurait voulu que cela continue mais peut-être l’auteure réfléchit-elle déjà à un autre tome ? Pour ma part, j’en reprendrai bien une louche tant ce diptyque m’a totalement conquis et séduit. Vous pouvez y aller les yeux fermés, c’est du tout bon, parole de Mr K !

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vendredi 19 août 2022

"Fille" de Camille Laurens

filleL'histoire :

FILLE, nom féminin
1. Personne de sexe féminin considérée par rapport à son père, à sa mère.
2. Enfant de sexe féminin.
3. (Vieilli.) Femme non mariée.
4. Prostituée.

Laurence Barraqué grandit avec sa sœur dans les années 1960 à Rouen. "Vous avez des enfants ? demande-t-on à son père. – Non, j’ai deux filles", répond-il. Naître garçon aurait sans doute facilité les choses. Un garçon, c’est toujours mieux qu’une garce. Puis Laurence devient mère dans les années 1990. Être une fille, avoir une fille : comment faire ? Que transmettre ?

La critique Nelfesque : J'ai une fille. Depuis 2 ans et demi, j'ai une fille. La place de la femme dans la société et la représentation de ce qu'est d'être une fille tous les jours, depuis l'enfance, sont des questions sur lesquelles j'ai toujours été sensible. Malgré les moeurs qui changent, les mentalités qui évoluent, les lignes qui bougent, ce sujet est toujours central... C'est pour cette raison que j'ai eu très envie de découvrir "Fille" de Camille Laurens.

Fin des années 50, très tôt Laurence comprends, à travers le langage et l'éducation de ses parents que la position des filles est inférieure à celle des garçons. Cette expérience se prolonge à l'école, au cours de danse, à la bibliothèque, partout où le langage impose la dominante du genre masculin.

Camille Laurens nous raconte ici toutes les femmes, des "filles" qui comme Laurence sont rabaissées à le rester par le poids des mots, le choix des tournures de phrase, les habitudes de langage. Ces femmes qui désirent ardemment se relever, dresser la tête et avancer fièrement malgré la société patriarcale, les convenances, les règles érigées par les hommes et les religions. Des vies réduites à peau de chagrin, aux miettes qu'on veut bien leur laisser et encore si elles se montrent reconnaissantes, arborent un joli sourire, "mouche ton nez, dis merci au monsieur". Il y a beaucoup de finesse dans ces pages mais aussi beaucoup de violence. Suivre cette femme de son enfance à son parcours de mère, avec ses claques en pleine figure, ses difficultés, ses réussites, ses soubresauts, ses tâtonnements, c'est un peu voir coucher sur papier nos propres vies de filles, de femmes. Avec toute la souffrance que cela implique. Laurence est notre mère, notre grand-mère, notre tante, notre sœur, nous-même. Nous sommes toutes la fille de quelqu'un, quelque soit notre histoire, quelque soit notre parcours. Il y a un bout de nous toutes dans ce roman.

Le jour où Laurence devient mère à son tour, elle espère un garçon. Pour éviter à un autre être qu'elle-même d'endurer tout ce cirque. C'est pourtant à une fille qu'elle va donner naissance, Alice. Un garçon "manqué" (encore une vilaine expression) que Laurence tente de canaliser, de dresser en "fille". Elle veut lui mettre des robes, faire pousser ses cheveux, lui offrir des poupées. Alice préfère les pantalons, n'aime ni les cheveux longs ni les poupées. Ressembler à un garçon, voilà ce qu'elle veut. Pouvoir être elle-même surtout. Laurence va apprendre avec elle à déconstruire son éducation, à enterrer son père misogyne et dévastateur, à se questionner sur ce qui est essentiel dans la vie. Quand la mère apprend de son enfant sur sa propre identité de femme, cela donne des passages d'une force incroyable.

Voici la vie d'une femme, confrontée à la mutation de la société française de ces 40 dernières années. Ni plus ni moins et pourtant tout. Un superbe roman servi par une écriture incroyable. Chaque jour qui passe façonne l'adulte que sera notre enfant demain. "Fille" met cela en lumière, nous fait sauter au visage l'importance et le poids de cette tâche. On ressort totalement chamboulé de cette lecture. Le genre de lecture qu'il faut prêter, transmettre, offrir. Pour que le message circule, que les mentalités évoluent, que le combat continue d'être mené. Inlassablement.

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vendredi 5 août 2022

"Pax et le petit soldat" de Sara Pennypacker

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L’histoire : La guerre est imminente. Lorsque le père de Peter s'engage dans l'armée, il oblige son fils à abandonner Pax, le renard qu'il a élevé depuis le plus jeune âge et envoie le garçon vivre chez son grand-père à cinq cent kilomètres de là. Mais Peter s'enfuit à la recherche de son renard.

Pendant ce temps, Pax affronte seul les dangers d'une nature sauvage et se trouve confronté à ceux de son espèce.

La critique de Mr K : Très très belle lecture que cet ouvrage qui m’a été prêté (ainsi que sa suite) par la professeur documentaliste de l’établissement. Pax et le petit soldat de Sara Pennypacker est un petit bijou, une pépite à mettre entre toutes les mains, une ode à l’amour, la fraternité et la compréhension entre les espèces. Et tout cela avec une écriture ensorcelante et un ton jamais lénifiant. Le tour de force est impressionnant et le roman rentre directement à mes yeux dans les classiques de sa catégorie.

Pax et Peter sont inséparables et s’aiment profondément. Pax le renard a été sauvé par Peter dès son plus jeune âge. Devenu un animal apprivoisé, il prend au sérieux son rôle de compagnon et de protecteur. Peter a grandi et est désormais aux portes de l’adolescence, le lien indéfectible avec Pax semble incassable mais le sort va être cruel. Une guerre éclate et le paternel de Peter va s’engager dans l’armée. Il doit confier son fils à son grand-père et il l’oblige à abandonner Pax dans la forêt. L’ouvrage démarre sur cet instant déchirant et va s’attacher ensuite, en alternant les deux points de vue des deux protagonistes principaux, à suivre leur parcours respectifs avec comme objectif de se retrouver. Les embûches vont être nombreuses et les deux amis vont évoluer et mûrir chacun de leur côté. Plus rien ne sera jamais comme avant...

Peter se retrouve donc chez un grand-père renfrogné et avec qui il n’a pas de véritables atomes crochus. Il décide très vite de partir sans prévenir et de rejoindre Pax là où il l’a laissé. Il ne peut se passer de son ami. Au cours de son périple, il va rencontrer Vela, une vieille dame vivant seule et isolée de tous dans la forêt. Suite à un accident, il va devoir rester chez elle un peu plus longtemps que prévu. Ce sera l’occasion pour lui de découvrir beaucoup de choses sur lui et le monde. Pax en parallèle se retrouve plongé dans la nature sauvage, il va se confronter à sa dure réalité, il n’est plus dans un milieu qu’il connaît et il doit tout apprendre. Il fera des rencontres déterminantes, vivra des expériences parfois très difficiles. Ces deux-là à distance vont donc expérimenter la vie et apprendre à se connaître pour aborder leur vie future.

Ce récit initiatique est très bien ficelé et d’une force évocatrice rare. En fait chaque chapitre, paragraphe peut être vu comme un événement ou une réflexion qui forge l’individu. Très métaphysique tout en restant en permanence accessible, c’est l’histoire de la vie qui nous est contée ici avec une simplicité, une clarté et une beauté de tous les instants. Que ce soit pour Peter ou Pax, leur parcours intérieur est très bien rendu, leur évolution est décrite avec justesse et tendresse. Connaître ses limites, savoir se transcender pour révéler sa vraie nature, écouter, comprendre et surtout progresser autant d’incontournables d’une existence que les jeunes lecteurs découvriront avec plaisir avec le style fluide et poétique d’une auteure vraiment douée qui sait s’adresser aux plus jeunes (et aux autres aussi !) sans les prendre pour des imbéciles. C’est louable et très réussi.

En filigrane, le contexte est terrible avec une guerre menaçante qui n’épargne personne. La tension est bien rendue, les peurs, l’inconnu mais aussi les destructions émaillent une histoire qui tourne parfois au tragique mais où émerge malgré tout de l’espoir et de l’optimisme avec nos deux héros qui ne baissent jamais les bras malgré l’adversité. Plaidoyer anti-guerre fin, une histoire pleine de sens et de subtilité, un portrait émouvant d’un lien enfant / animal, des illustrations magiques qui illustrent à merveille le livre font de Pax et le petit soldat une œuvre unique et essentielle qu’il vous faut découvrir au plus vite.

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samedi 23 juillet 2022

"J'ai tué le Soleil" de Winshluss

J00365L‘histoire : Avec pour unique bagage un sac à dos et un fusil à la main, un homme marche en quête de nourriture. Il tente de survivre jour après jour dans une nature belle mais sauvage. Et il s'en sort plutôt bien, quand il n'est pas surpris par un ours ou par une meute de chiens errants. Calme, il paraît pourtant seul au monde. Qui est-il ? Pourquoi son regard vrille-t-il d'un coup lorsqu'il découvre une empreinte de chaussure dans la neige ?

La critique de Mr K : Un bonne bande-dessinée post apocalyptique au programme de la chronique du jour au Capharnaüm éclairé avec J’ai tué le soleil de Winshluss, un auteur que l’on apprécie à la maison notamment avec le très punk In god we trust, une revisite hilarante de la Bible ni plus ni moins !

Le démarrage est très classique. On suit un homme seul, barbu dans un monde où il n’y a plus personne. Le danger est cependant partout notamment des hordes de chiens errants affamés. Errant au gré de ses besoins, il visite maisons abandonnées et autres petites villages pour y trouver de quoi subvenir à ses besoins. C’est le règne du silence, l’humanité résumé à sa plus simple expression face à une nature désormais libérée de l’empreinte de nos civilisations et qui commence à reprendre ses droits. La "rencontre" avec l’ours à ce propos est assez savoureuse ! Volontiers contemplative, cette première partie s’attache à suivre Karl dans son quotidien survivaliste et il y a peu à lire sauf les jurons du héros face aux difficultés et un méga flippe face à une meute de chiens.

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Puis, on vire dans une autre ambiance. Il finit par croiser des humains patibulaires qui veulent exécuter un homme, l’altercation est furieuse et notre héros sauve le membre d’une communauté qui vit en marge. Cet accès de fureur, ces réflexes guerriers interrogent le lecteur, les réponses vont venir durant le séjour qui débute pour Karl avec des flashback qui éclairent son passé et donne à voir un tout autre visage à cet homme qui semblait simplement bourru jusque là. Les révélations pleuvent et notre antihéros surprend et effraie à la fois...

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Deux parties, deux climax traités avec finesse avec le trait si particulier d’un dessinateur qui semble s’être s'éclater dans sa proposition. Noir et blanc cendré, longues planches descriptives et irruption momentanée et fulgurante d’actions souvent bien thrash, le monde d’après fait peur et l’immersion est totale. L’avenir est ici très noir, l’espoir bien mince et l’on explore les instincts primaires de l’homme comme jamais même si par moment une pause apparaît, une lueur dans la nuit mais pas pour longtemps.

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L’ouvrage se lit tout seul, malheureusement trop rapidement (seulement 20 minutes pour moi), presque un goût de trop peu alors que l’ouvrage se compose tout de même de 148 pages. Plus qu’une BD post-apocalyptique de plus, J’ai tué le soleil présente une étude de personnage fouillée et complexe, un pur bonheur qui montre bien qu’on peut aborder un genre très codifié tout en respectant ses lecteurs, en leur proposant une vraie réflexion sur notre espèce. Du caviar à consommer sans modération !

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vendredi 1 juillet 2022

"Une éclipse" de Raphaël Haroche

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L’histoire : Après Retourner à la mer, Goncourt de la nouvelle en 2017, Raphaël Haroche publie un recueil de douze textes tout aussi éclatants de maîtrise. Avec une grande finesse et un sens de l'absurde comme du tragique, il a l'art d'explorer l'âme humaine dans ses minuscules défauts. Qu'il s'agisse d'un couple qui se défait, d'un enfant à qui on a volé l'insouciance, d'un joueur de tennis ayant abdiqué ses ambitions de jeunesse ou d'une femme invisible aux yeux de la société, tous ses personnages semblent impuissants face aux dégâts du quotidien et du temps qui va.

La critique de Mr K : Deuxième ouvrage de l’auteur et deuxième claque, Raphaël Haroche en plus de sa carrière musicale confirme son grand talent de novéliste avec Une éclipse, recueil que Nelfe m’a offert pour la Saint Valentin. On y retrouve la plume sensible de l’auteur du sublime Retourner à la mer et toutes ses qualités pour nous proposer des histoires simples et universelles à la fois. C’est beau, intemporel et extrêmement plaisant à lire.

Ce recueil se compose donc de douze récits pour douze personnages en crise, confrontés aux errances de l’existence et à la difficulté de la condition humaine. Un couple qui se désagrège et une rupture en approche, un jeune adolescent qui va connaître le loup lors d’un voyage en Égypte, deux hommes isolés dans une maison et un étrange rassemblement à leur porte, un voyage en voiture avec chauffeur pour un jeune enfant, les souvenirs d’un jeune espoir du tennis déchu après la mort de son coach, une immersion en dictature où tout se paie, un couple qui subit les lenteurs d’un chantier dans leur salle de bain à cause d’un ami "légèrement" hypocondriaque, une première rencontre entre deux personnes (dont une pour le moins diminuée) suite à des discussions sur un site spécialisé, un couple séparé qui se retrouve un bref moment pour faire piquer leur chien, une femme âgée aux portes de la mort qui revient sur des sensations et expériences de sa vie, un homme qui se souvient de son frère disparu sur un bateau ou encore, l’auteur lui-même qui va à la rencontre de ses lecteurs dans un hôpital et qui doit faire face à des questions plus ou moins débridées.

Qui dit crise ou moment clef, dit souvent souffrance et épreuve. C’est le cas ici avec des thématiques parfois très rudes comme le deuil ou l’absence. Des pertes irréparables, des questionnements profonds qui ébranlent, un avenir bouché ou compromis, c’est à cela que bien souvent Raphaël Haroche nous convie. On a le cœur au bord des lèvres, la gorge nouée face à ces individus lambda que la vie secoue, éprouve et parfois même repousse dans leurs retranchements. La réalité bascule pour beaucoup dans un cauchemar inextricable ou du moins dans une autre dimension avec à la clef une métamorphose intime, un changement de cap ou même une fin prématurée.

Mais cet ouvrage est loin d’être pessimiste et plombant. Au contraire, ces tranches de vie sont une fenêtre ouverte sur la vie, sa fragilité certes mais aussi et surtout sa valeur, le bonheur qu’elle procure et l’importance d’en ressentir le sens. C’est une ode à la tendresse, l’empathie, à la résilience mais aussi à la résistance et à l’estime de soi, du chemin parcouru dans une vie. Cette galerie de personnages est croquée avec grand talent, en parfois en très peu de mots, on capte le protagoniste, son identité, ses espoirs, son vécu. Tous ne sont pas des plus attachants (forcément, on préfère certains à d’autres) mais tous ont en commun une épaisseur intéressante et une densité incroyable dans leur traitement. Différents âges, situations, types de réactions font de ce recueil un beau panel de notre humanité dans ce qui la caractérise le mieux : une incertitude quasi constante et une peur trouble envers un monde incertain.

Vous l’avez compris, dans le genre de la nouvelle contemporaine, l’auteur fait mouche une nouvelle fois grâce à sa plume légère et profonde à la fois. Chaque page tournée est un vrai bonheur de lecture, on s’imprègne des mots, des portraits livrés et l’on ressort très souvent ému et touché. Un ouvrage magnifique que je vous invite à découvrir au plus vite. Merci ma chère Nelfe pour ce très beau cadeau.

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dimanche 4 juillet 2021

Petites acquisitions d'été

Voila... il fallait bien que ça arrive ! Nous sommes retournés à notre Emmaüs et nous avons craqué ! Cela faisait pratiquement deux ans que nous n'y avions pas mis les pieds : l'arrivée de Little K, la COVID, la Raison pour ma part sont autant d'éléments qui nous ont tenu éloignés de ce lieu de perdition toujours aussi bien achalandé en terme de livres.

Acquisitions juillet 2021

Voila le butin ! De belles prises au milieu d'un océan de tentations. De mon côté, j'ai évité les bacs de littérature dite contemporaine pour me concentrer sur la SF et le policier, deux genres sous représentés dans ma PAL. Nelfe est quant à elle tombée sur des ouvrages qu'elle avait repéré au fil du temps sur les réseaux et les sites d'actualité littéraire.

Et c'est parti pour une présentation en bonne et due forme de tous les petits nouveaux.

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(mes trouvailles !)

- Histoires écologiques, collectif. Un recueil de nouvelles de science-fiction consacré à l'écologie, thème majeur du genre et sujet ô combien central dans l'évolution de notre monde actuel. Il est bon de revenir vers des auteurs classiques pour nourrir sa réflexion : Poul Anderson, Brian Aldiss, Philip Jose Farmer entre autres se penchent sur les désastres mais aussi les solutions possibles dans cette anthologie qui promet beaucoup et qui appartient à une collection qui m'a toujours donné beaucoup de plaisir de lecture.

- Le Miroir de Satan de Graham Masterton. Un auteur chouchou dont je n'avais pas encore lu ce titre, variation horrifique très librement inspirée de Lewis Carroll et de son oeuvre culte. Graham Masterton avait déjà fait le coup avec le très bon Le Portrait du Mal en s'inspirant d'Oscar Wilde. Le héros acquiert un miroir ayant appartenu à un enfant-star d'Hollywood assassiné dans de mystérieuses circonstances en 1939. Il va s'avérer très vite qu'il s'agit d'une porte vers l'Enfer et que son ancien propriétaire décédé ne l'est pas tout à fait complètement... Cet ouvrage ne passera pas l'été, c'est typiquement le genre de lecture détente que j'aime pratiquer en vacances.

- Les Quatre vents du désir d'Ursula Le Guin. Un autre recueil de nouvelles avec 20 récits à la confluence des genres SF et fantastique d'une auteure atypique et géniale à la fois : Ursula Le Guin. Son écriture est accessible, précise, poétique et très addictive. Il me tarde de me plonger à nouveau dans un de ses ouvrages. Celui-ci, je voulais l'acheter depuis un certain temps, c'est donc un très bon cas de hasard heureux que cette trouvaille. Yes !

- Yeruldelgger d'Ian Manook. Belle pioche aussi avec cet ouvrage d'Ian Manook dont j'ai aimé mes deux précédentes lectures qui se déroulaient en Islande. Ce titre est le plus connu de lui et il m'avait échappé jusque là. L'action se déroule en Mongolie et met le héros éponyme aux prises avec des crimes particulièrement épouvantables. Vu les avis lus ici ou là, ça promet. Vive le chinage !

- 2084 de Boualem Sansal. Un roman dystopique qui a fait beaucoup parler de lui à sa sortie et qui a divisé ses lecteurs, beaucoup l'ayant comparé au 1984 de George Orwell soit en positif soit en négatif. N'ayant que peu lu les critiques ou alors de manière superficielle, j'aborderai cette lecture de manière neutre. Un homme va se révolter contre un système fondé sur l’amnésie et la soumission au Dieu unique où la moindre pensée personnelle est proscrite et où la surveillance est généralisée. Perso, ça me donne envie !

- Dîner de têtes de Kââ. Un ouvrage au charme particulier car écrit par mon ex professeur de philosophie de Terminale littéraire aujourd'hui disparu, l'inénarrable Kââ à la prose plus que particulière... Un serial killer de la France profonde, de jeunes femmes victimes innocentes dans un thriller bien sanglant sont promis sur la quatrième de couverture. Wait and read !

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(Les trouvailles de Nelfe !)

- Kinderzimmer de Valentine Goby. En 1944, le camp de concentration de Ravensbrück compte plus de quarante mille femmes. Sur ce lieu de destruction se trouve comme une anomalie, une impossibilité : la Kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de lumière dans les ténèbres. Un ouvrage fait pour Nelfe qui est passionnée par la seconde guerre mondiale et va découvrir par la même occasion l'écriture limpide et hautement séduisante de Valentine Goby qui m'avait bien plu lors de mes trois lectures de romans jeunesse sur l'immigration.

- Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu. Autre thématique appréciée par ma douce, l'adolescence et ses affres. Ici, l'auteur nous raconte l'histoire d'Anthony 14 ans qui le temps de quatre étés va expérimenter la vie dans un monde qui se meurt avec notamment un premier amour qui se révélera douloureux comme bien souvent. Un roman qui a beaucoup plu et dont on a beaucoup parlé à sa sortie. Au tour de Nelfe de se faire son propre avis...

- My absolute darling de Gabriel Tallent. Adolescence encore et mal de vivre social au programme de ce roman noir qui bascule lors d'une rencontre qui va changer la vie de Turtle, la jeune protagoniste principale asociale de ce roman prometteur. M'est avis que je le piquerai à Nelfe si un jour j'en ai le temps ! Et puis Gallmeister hein...

De bien belles acquisitions une fois de plus et dont nous vous parlerons ici même au fil de nos lectures. Pour le coup, je trouve qu'on a été raisonnables, du moins... jusqu'à la prochaine fois !

lundi 15 février 2021

"Ici" de Richard McGuire

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L’histoire : "Ici" raconte l'histoire d'un lieu, vu d'un même angle, et celle des êtres qui l'ont habité à travers les siècles. Dans cet espace délimité, les existences se croisent, s'entrechoquent et se font étrangement écho, avant d'être précipitées dans l'oubli.

La critique de Mr K : Quelle claque, mais quelle claque ! Sacrée découverte que cette œuvre prêtée par l’ami Franck et que l’on ne peut pas vraiment situer dans un genre bien particulier tant le sujet et la forme sont originaux. En effet, dans Ici de Richard McGuire, l’auteur nous convie à suivre l’histoire d’un lieu (le salon d’une maison plus précisément) à travers le temps et de manière non chronologique. Magnifique dans sa mise en forme, l’œuvre tient en haleine le lecteur captivé durant ses trois cents pages.

Richard McGuire est un touche à tout : graphiste, designer et musicien, il s’est fait d’abord connaître pour quelques couvertures du New Yorker mais aussi par son travail d’illustration pour des quotidiens du monde entier dont Le Monde. Il a aussi écrit des ouvrages pour enfants et réalisé des longs métrages d’animation ! C’est en 1989, qu’il publie les premières planches de Ici (Here en VO) dans le magazine d’Art Spiegelman et il est remarqué à cette occasion. C’est seulement 25 ans après qu’il révèle son concept dans toute son ampleur, les trois cents pages de l’ouvrage dont je vous parle aujourd’hui.

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Le procédé mis en œuvre est assez déroutant et enthousiasmant à la fois. À chaque page que l’on tourne, on se retrouve la plupart du temps face à un salon de particulier avec l’indication d’une date en haut à gauche de la double page. Insérées à l’intérieur, on retrouve des petites cases aux dimensions variables qui correspondent au même salon mais à une époque différente ! Les représentations se répondent parfois, se suivent ou n’ont aucun lien apparent entre elles. Même si l’essentiel des images se concentre sur les deux derniers siècles, l’auteur ne s’interdit pas de remonter aux origines de la planète ou à explorer les temps futurs les plus lointains ! L'intervalle temporelle est donc énorme et l’effet garanti ! Jeu sur les couleurs, la nature des lieux (le salon, la forêt primordiale, le chaos originel, la montée des eaux), les courts dialogues entre habitants ou personnes de passage alimentent une lecture foisonnante d’idées qui émerveille autant qu’elle fait réfléchir.

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C’est une façon assez unique de regarder la vie qui nous est donc présentée ici. Ces moments d’existences parcellaires mettent en avant l’évolution de l’être humain par petites touches savamment dosées. Notre rapport aux autres avec notamment la famille et les joies et drames qui composent nos existences, les rituels que nous suivons et qui révèlent notre nature et nos aspirations (j’ai adoré le passage sur les déguisement ou encore la naissance d’un enfant), les tourbillons de l’Histoire et leurs conséquences. À travers l’évolution du salon c’est aussi l’évolution de notre culture et des modes en vogue (la décoration intérieure, les objets que l’on peut y trouver) qui est abordée de manière indirecte mais saisissante. Les allers-retours incessants entre les époques mettent vraiment en exergue ces changements de modes de vie. De plus, tout est remis à sa place régulièrement grâce à des images fortes des lieux avant la construction, depuis les temps immémoriaux de la formation de la Terre à un futur esquissé avec brio et finesse. L’ensemble vous l’avez compris prend une ampleur impressionnante et interroge sur nous, nos ancêtres et surtout l’avenir vers lequel nous nous dirigeons tout droit. Finalement, ce qui ressort le plus, c’est l’aspect éphémère de la vie, la nécessité de profiter au maximum des instants qui nous sont donnés à vivre.

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La lecture est donc bouleversante et de toute beauté. Le parti pris esthétique est à l’image du sujet et le sert remarquablement bien. La répétition du lieu mais avec de légères modifications dans ce qui le compose et les ajouts de cases donnent une lecture particulièrement jouissive. On se perd, on se retrouve mais toujours avec un plaisir intact, les yeux émerveillé par le style unique de l’auteur, ses traits de graphiste, les couleurs utilisées très variées et certaines doubles pages qui se rapprochent d’un Gauguin notamment quand on sort du salon pour voir ce qu’il y avait là avant ou après la présence humaine. On en prend plein les mirettes, les légers textes tirés de la vie quotidienne recadrent l’ensemble à l’échelle de notre propre existence et au final, on ne peut que se dire qu’on a lu un véritable chef-d’œuvre. À lire et relire absolument, on touche ici à quelque chose de sublime et d’intemporel. Pas sûr que je m’en remette !

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jeudi 28 mai 2020

"Culottées - volume 1" de Pénélope Bagieu

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Le contenu : Quinze récits mettant en scène le combat de femmes d'origines et d'époques diverses, qui bravèrent les normes sociales de leur temps : Margaret, une actrice hollywoodienne, Agnodice, une gynécologue de l'Antiquité grecque qui se fit passer pour un homme afin d'exercer sa profession, Lozen, une guerrière et chamane apache, etc.

La critique de Mr K:  Chronique d’une lecture attendue vu l’engouement que Culottées de Pénélope Bagieu a suscité à travers la blogosphère notamment. Je l’ai emprunté au CDI de mon établissement juste avant le confinement, j’ai donc eu tout le temps pour le lire et le déguster. En fait, j’ai mis à peine deux heures tant j’ai été pris par ses destins de femmes pas comme les autres...

Au programme de ce premier volume (car il y en a deux !), quinze portraits de femmes qui à diverses époques ont décidé de vivre leur vie comme ça leur chantait. Faisant fi des codes, de la machocratie ou encore des préjugés, elles ont chacune à leur manière mené la vie qu’elles désiraient malgré les obstacles et parfois des fins tragiques. Femmes du peuple ou issues de nobles lignées, inconnues ou célébrités, elles ont en commun une abnégation sans faille.

Tour à tour, Pénélope Bagieu dresse le portrait de Clémentine Delait, Nzinga, Margaret Hamilton, Las Mariposas, Josephina Van Gorkum, Lozen, Annette Kellerman, Delia Akeley, Joséphine Baker, Tove Jansson, Agnodice, Leymah Gbowee, Giorgina Reid, Christine Jorgensen et Wu Zetian. Je connaissais à peu près la moitié de ces personnages parfois hauts en couleur ce qui ne m’a pas empêché d’apprécier l’ouvrage, de redécouvrir certaines d’entre elles et surtout d’en découvrir d’autres dont je creuserai sans doute plus tard la biographie tant elles m’ont interpellé.

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Au rayon des découvertes, j’ai un faible pour Agnodice, la première gynécologue ou encore Josephina amoureuse de l’homme qu’il ne fallait pas dans une société hollandaise marquée alors par la ségrégation religieuse. Il est agréable aussi de redécouvrir la seule et unique Joséphine Baker ou encore Tove Jansson moins connue mais dont les ouvrages ont bercé mon enfance. De manière générale, on passe un très bon moment en lisant ses biographies un peu écourtées (trop diront certains), on rit des blagues, au style bien direct et féministe de l’auteure. On frémit aussi beaucoup face aux épreuves que doivent passer ces véritables héroïnes confrontées à un monde qui ne les comprend pas ou surtout, ne veut pas les comprendre ! La démarche est plus que louable, les récits s’apparentant à autant de portes que l’on ouvre et que l'on ne veut plus refermer en poursuivant soi-même la découverte en effectuant quelques recherches pour compléter les récits proposés. Mission réussie non ?

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Je dois avouer que je ne suis pas un fan absolu du trait de l’auteure mais cela ne m’a posé aucun souci ici, les dessins accompagnent bien le contenu. J’ai par contre été bluffé par les doubles pages d’illustrations pour chacune des femmes que l’on rencontre dans cet ouvrage. Je les ai trouvées magnifiques et très souvent bouleversantes. Chapeau bas à une auteure qui m’a surpris par ce talent que je ne soupçonnais pas, comme quoi il ne faut pas juger à l’emporte pièce et savoir revenir sur certaines œuvres ou artistes pour mieux les appréhender.

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Officiant dans un LP quasiment 100% masculin voila un ouvrage que je trouve essentiel à faire lire et à partager notamment aux garçons et jeunes hommes pour remettre les pendules à leur place et essayer de faire progresser la cause de l’égalité homme-femme. Cet ouvrage aussi brillant qu’intelligent est une petite pépite à lire, relire et faire partager.

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mardi 17 décembre 2019

"Matilda" de Roald Dahl

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L’histoire : A l'âge de cinq ans, Matilda sait lire et a dévoré tous les classiques de la littérature. Pourtant, son existence est loin d'être facile, entre une mère indifférente, abrutie par la télévision et un père d'une franche malhonnêteté. Sans oublier Mlle Legourdin, la directrice de l'école, personnage redoutable qui voue à tous les enfants une haine implacable. Sous la plume acerbe et tendre de Roald Dahl, les événements se précipitent, étranges, terribles, hilarants. Une vision décapante du monde des adultes !

La critique de Mr K : Aaaah Roald Dahl ! C’est toute mon enfance, mes premiers amours livresques et un doux parfum de nostalgie m’envahit quand je repense à lui. Je n’avais jamais lu Matilda par contre, j’ai juste vu l’adaptation ciné de De Vito à l’époque de sa sortie. C’est dans un vide grenier que je suis tombé sur le présent volume et par n’importe lequel : la collection 1000 soleils de chez Gallimard ! J’ai profité d’un gros coup de moins bien pour le sortir de ma PAL et le moins que je puisse dire c’est que j’ai bien fait !

Matilda est un petite fille précoce qui à cinq ans sait déjà lire, écrire et compter. Autodidacte, elle n’a pas eu le choix. En effet, les membres de sa famille sont d’une rare bêtise et ne se préoccupent pas d’elle : une mère obsédée par ses parties de loto et son feuilleton télévisuel, un père bourru, malhonnête et beauf au possible, et un grand frère qui suit la voie toute tracée par leurs parents. Heureusement, Matilda est débrouillarde et dès ses quatre ans, elle commence à fréquenter la bibliothèque du village où elle fait ses premières armes de lectrice. Et puis, c’est le début de l’école et la rencontre magique avec sa maîtresse, la si belle et gentille Mlle Candy. Mais une ombre plane, celle de la terrible directrice qui s’apparente à un véritable ogre qui déteste les enfants et qui aime plus que tout au monde les humilier et les faire souffrir. Matilda a plus d’un tour dans son sac, de nombreux amis et bientôt la guerre est déclarée !

C’est drôle mais dès le premier chapitre, j’ai retrouvé toute la magie de Roald Dahl et en premier lieu sa manière toute particulière de raconter une histoire avec un point de vue distancié, volontiers ironique par moment. Cet homme là ne prend pas nos enfants pour des imbéciles et cela se ressent instantanément. Pas de niaiserie excessive, un humour qui fait mouche et des passages plus flippants qui garantissent un plaisir de lire de tous les instants. D’ailleurs, même les grands se régalent, l’écriture pleine de finesse, le vocabulaire enrichi et les situations dantesques s’alignent avec un bonheur certain.

Les personnages sont toujours aussi bien croqués avec une protagoniste principale craquante à souhait, qui ne prend jamais la grosse tête malgré ses facilités et s’avère d’une malice contagieuse. Cette petite fille a de l’énergie à revendre, une maturité incroyable et un don étrange qui prendra toute son importance par la suite. On aime aussi tout autant l’institutrice bienveillante qui cache un douloureux secret, les amis délurés de Matilda qui affrontent bravement la directrice en chef (cela donne des face-à-face dantesques et rigolos comme tout). Et puis, les méchants sont pas mal non plus avec une famille épouvantable dans tous les sens du terme et une Mlle Legourdin qui porte vraiment bien son nom. Bon, certes, c’est de la littérature jeunesse, tout cela est bien exagéré mais franchement on s’en paie une bonne tranche et l’ensemble se lit d’une traite.

Et puis, il y a un fond sérieux très intéressant avec la place d’une enfant mal-aimée dans sa famille qui touchera les plus sensibles d’entre vous. L’approche pédagogique différenciée pour aider Matilda à progresser et les discussions qu’elle a avec sa maîtresse peuvent être interprétées à différents degrés. Derrière ce qui pourrait s’apparenter à une petite histoire sans relief, se cache un récit profond et source de réflexion pour une jeune pousse en devenir. C’est diablement malin et rudement bien écrit, il serait dommage de ne pas le donner à lire aux jeunes qui vous entourent. Pour ma part, je pense que la future Little K n’y coupera pas !

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dimanche 8 décembre 2019

"Thésée, Ariane et le Minotaure" d'Évelyne Brisou-Pellen

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L’histoire : Quand il découvre que son père n'est autre qu'Egée, le roi d'Athènes, le jeune Thésée décide de le rejoindre. Menacée par cet intrus, Médée, la nouvelle épouse du roi, tente de l'empoisonner. Il en réchappe par miracle et devient prince d'Athènes. Mais la cité vit des jours difficiles. Tous les neuf ans, elle doit livrer à Minos, le roi de Crête, sept jeunes garçons et sept jeunes filles, destinés à être offerts en pâture au Minotaure qu'il garde enfermé dans un labyrinthe. Le jeune prince décide d'affronter le monstre et se mêle aux otages. Pour accomplir sa périlleuse mission, il se fait une alliée providentielle : Ariane, la propre fille de Minos, tombe éperdument amoureuse de lui...

La critique de Mr K : Retour en enfance rafraîchissant aujourd’hui avec Thésée, Ariane et le Minotaure d’Evelyne Brisou-Pellen. J’ai depuis mon plus jeune âge toujours adoré les récits mythologiques et j’ai eu l’occasion de découvrir cette auteure au collège dans un autre registre. Mes souvenirs concernant l’ouvrage en question sont confus (Le Mystère de la nuit des pierres si je me souviens bien...) mais je me rappelle l’avoir dévoré et avoir gagné mes galons de futur grand lecteur avide de nouvelles sensations. Quelle surprise donc de la retrouver aux manettes de la réécriture d’un mythe aussi connu que celui de Thésée ! Trouvé dans mon casier de prof dans une énième opération séduction d’un éditeur de livres para-scolaires, je dois avouer qu’il n’est pas resté longtemps dans ma PAL. Il ne m’a pas fallu plus de deux heures pour dévorer cet ouvrage qui mêle la trame légendaire et dossier d’étude appliqué aux niveaux 6ème et 5ème. Je m’attarderai ici uniquement sur la partie littéraire.

Evelyne Brisou-Pellen se propose donc de nous raconter en détail l’existence de Thésée depuis ses mystérieuses origines jusqu’à son fameux morceau de bravoure au fin fond du labyrinthe enfoui sous le palais de Minos à Knossos. Très jeune, comme toujours avec les héros antiques, Thésée révèle de belles habiletés physiques, morales et même de commandement (il faut le voir jouer avec ses camarades avec la peau du lion de Némée). Courage et fidélité le caractérisent et au fil de sa croissance, il s’épaissit et gagne en confiance. Vient le temps de la révélation sur le mystère entourant sa naissance : il est fils de roi et par n’importe lequel, Égée, le souverain d’Athènes, rien de moins que la cité grecque la plus puissante de l’époque !

Il part donc pour cette cité pour se révéler à son père, connaît moult péripéties sur le chemin, affronte de multiples adversaires plus retors et extraordinaires les uns que les autres et finit par arriver au palais de son géniteur naturel. C’est le choc pour ce dernier, Thésée doit affronter sa belle-mère Médée (l’archétype de la vieille peau relou soit dit au passage...) et finir par apprendre le triste et dramatique tribut que doit verser la cité au roi Minos de Crête. Athènes doit envoyer douze filles et garçons en sacrifice au minotaure, créature monstrueuse résidant dans une demeure dont nul n’est jamais revenu ! N’écoutant que sa témérité (et sa folie diront certains), Thésée s’impose pour le voyage et va devoir affronter cet être cauchemar tout en conquérant au passage le cœur de la belle Ariane...

La plupart d’entre nous connaissons cette histoire par cœur, il n’y a donc pas de réelle surprise lors de cette lecture quand on est adulte. On se remémore de beaux moments d’anthologie (l’histoire des voiles et le drame qui s’ensuit notamment), et l’on se plait à suivre ce jeune impétueux qui ne doute de rien. Le tour de force de l’auteure réside dans le fait qu’elle réussit à dépoussiérer le mythe sans pour autant le trahir. Thésée est ici fait de chair et de sang, il doute parfois, s’emporte, se prépare le matin, succombe au charme d’Ariane et tout cela en mettant en avant son humanité. Le héros est dont palpable, on pourrait le toucher du doigt et je pense que cet aspect des choses est loin d’être anecdotique, permettant même aux plus jeunes de s’identifier à cet être d’exception qui a tout de même ses propres défauts.

Cette aventure est aussi le prétexte pour donner de belles leçons de vie, sur la nécessaire abnégation dont nous devons tous faire preuve pour réaliser nos rêves, c’est aussi apprendre parfois à renoncer comme dans le dernier chapitre de ce livre finalement bien cruel en premier lieu pour Égée mais aussi Thésée et Ariane. Belle histoire que celle-ci, très bien mise en mots par Evelyne Brisou-Pellen qui conserve une forme classique (surannée diront certains) pour garder l’aspect mythique du récit. En cela, le texte pourra paraître un peu ésotérique aux lecteurs les plus fragiles, heureusement de nombreuses notes de bas de page ont été glissées pour faciliter la compréhension. Le livre se prête aussi très bien à la lecture à voix haute lors d’une soirée de conte et de réflexion.

Très bel ouvrage vraiment que je ne peux que vous conseiller pour appréhender une matière essentielle à la formation de l’individu, à la compréhension de l’humain, de ses désirs et du sens que l’on peut donner à la vie en général.

Posté par Mr K à 17:55 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
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