mercredi 11 mai 2022

"Scarlett et Novak" d'Alain Damasio

Scarlett-et-Novak

L’histoire : Novak court. Il est poursuivi et fuit pour sauver sa peau. Heureusement, il a Scarlett avec lui. Scarlett, l’intelligence artificielle de son brightphone. Celle qui connaît toute sa vie, tous ses secrets, qui le guide dans la ville, collecte chaque donnée, chaque information qui le concerne. Celle qui répond autant à ses demandes qu’aux battements de son cœur. Scarlett seule peut le mettre en sécurité. A moins que... Et si c’était elle, précisément, que pourchassaient ses deux assaillants ?

La critique de Mr K : Une nouvelle d’anticipation pour faire prendre conscience de certaines choses à nos jeunes zombies qui peuplent les couloirs de nos établissements scolaires ? Tel est le pari d’Alain Damasio avec Scarlett et Novak, très courte nouvelle qui aborde finement le sujet de l’addiction au numérique et notamment au portable. La lecture est rapide et efficace, il lui manque cependant, je trouve, un supplément d’âme pour qu’elle rentre dans le panthéon des ouvrages jeunesse incontournables.

Amateur de jogging, Novak court tous les jours. Il suit ses progrès quotidiennement grâce à son brightphone et Scarlett son IA personnelle qui l’encourage, le renseigne, l’oriente dans tous les domaines de son quotidien via une conduction osseuse. On n’arrête pas le progrès, plus besoin d’écouteurs ! L’histoire débute sur une course poursuite, Novak est suivi par deux individus. Le jeune homme compte sur son IA pour l’aider à se tirer de ce mauvais pas mais sans succès, la vie a aussi ses lois physiques. Dépouillé de son brightphone, de tout ce qui fait son identité, comment va réagir Novak ?

L’ouvrage se lit en vingt minutes maximum, autant vous dire que le texte est court et se doit d’être incisif. C’est une belle réussite à ce niveau là, le niveau d’intensité ne baisse jamais, on est littéralement pris par l’histoire et on ne peut fermer l’ouvrage qu’arrivé à la fin. Damasio maîtrise très bien le genre de la nouvelle, lui l’écrivain aux pavés sait aussi rentrer dans la caractérisation par l’économie de mots et Novak est "saisi" avec simplicité et profondeur. Il est la prolongation de notre jeunesse actuelle qui passe tellement de temps devant les écrans, visitant le monde à travers eux, se créant des amitiés, des réseaux qui forgent leur identité. C’est flippant mais c’est ainsi. Dans l’époque légèrement futuriste que nous propose Damasio, on passe systématiquement par son brightphone pour tout et n’importe quoi, on vit notre existence à travers lui. Tout cela nous est révélé par petites touches, des détails anodins de prime abord mais qui s’accumulant les uns aux autres donnent une vision inquiétante du futur.

Quid de l’humanité, de son empathie envers les autres, envers notre planète ? Il ne semble pas en rester grand-chose et le dernier acte livrera bien des vérités à un Novak changé pour longtemps. L’auteur rajoute en postface un poème type slam ("Une vie à caresser une vitre") qui assène des vérités terribles sur l’évolution de notre espèce, notre addiction au numérique accentuant notre nombrilisme, narcissisme larvé, l’individualisme, le culte de l’apparence et l’apathie. Le changement se sent déjà depuis quelques années avec mes promotions successives de 3PM, le phénomène prend de plus en plus d’ampleur, une prise de conscience de tous me semble essentielle. Ce livre y contribuera à sa manière.

Je reste cependant mesuré dans mon enthousiasme car tout Dalmasio qu’il soit, l’auteur ne fait pas franchement preuve d’originalité. Au final, on n’est jamais surpris, tout est cousu de fil blanc et certains passages m’ont paru un peu moralisateur. Or, on sait comment réagi un rétif face à une leçon de ce type, il fait le contraire ou du moins s’y oppose. Bon, je ne boude pas pour autant mon plaisir, l’ouvrage est frais, bien fichu et reste important à faire partager. Je serai curieux d’avoir vos propres retours d’expériences.

Posté par Mr K à 15:20 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
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