mercredi 19 janvier 2022

"Islande" de Feifei Cui Paoluzzo et Thierry Stegmüller

islande

Le contenu : Je suis arrivée par hasard ; Je m'y perds, je m'y retrouve ; Mais j'y reviens toujours ; Cette envie puissante de conserver ces moments magiques. Je les ai capturés avec mon objectif ; Pour vous, pour moi. Feifei Cui.

Islande. Ce mot est déjà une aventure en soi. Alors, lorsque ce mot est de surcroît mis en lumière par le regard pointu et sensible de Feifei Cui Paoluzzo, on est emporté dans un périple inédit. En effet, dans ses images, la photographe transpose et transmue la matière organique insulaire en lumière étincelante.

En plongeant dans ses images, l'on devient non plus seulement spectateur, mais témoin du lieu. Celui-ci prend vie et raconte alors une histoire. Forcément une histoire constellée de geysers, de roches volcaniques, de pluies diluviennes sur des montagnes ocre. Pour peu, on devine en arrière-plan les esprits vikings, les trolls figés dans le temps et les elfes qui rôdent, prêts à vous accueillir dans des abris de fortune.

Les scories, fragments de lave rouges ou noirs, hérissées d'arêtes et de pointes offrent un spectacle de début originel d'avant humanité. Les coulées de lave pétrifiée, mortifère, semblent porter tout le malheur du monde et pourtant elles invitent à la contemplation. Éboulis et aurores se marient et confondent ciel et terre.

Bienvenue en Islande, terre de feu et de glace !

Islande 1

La critique de Mr K: Chronique atypique aujourd’hui puisqu'il s’agit d’un ouvrage documentaire, un recueil photographique sur l’Islande, un pays qui me fascine depuis toujours et une destination rêvée qu’il faudra bien que je découvre un jour. Islande est donc un beau livre compilant des photos de la photographe Feifei Cui Paoluzzo avec en ajout des textes fort inspirés de Thierry Stegmüller. Le dépaysement est assuré. Quel bel objet que ce recueil qui se feuillette avec un plaisir renouvelé ! Moi le fan le Björk et Sigur Ros, je me suis retrouvé plongé dans ce pays de contraste d’une beauté éternelle, pure et puissante à la fois.

Islande 2

Les paysages défilent, décollent les mirettes et proposent un voyage instantané. Certes, c’est sans doute bien en deçà des impressions qu’on peut avoir en allant sur place mais cela donne tout de même un bel aperçu. Volcans, fjords, glaciers, rivières, végétations rases, faunes locales (phoques, macareux, chevaux sauvages, baleines à bosse), couleurs changeantes, temps chargé mais révélant des scènes absolument dantesques parfois, l’expérience est terrible. Terre préservée (pour le moment), peuplée de 330 000 islandais, on se plaît à s’imaginer perdu au milieu de nulle part, respirant un air pur et quêtant la présence des elfes auxquels croient plus de 50% des islandais.

Islande 3

On alterne aussi avec des clichés mettant en avant l’adaptation de l’homme à son milieu avec de très beaux clichés sur la côte, la pêche, les phares mais aussi les maisons, églises diverses, véhicules et les habitudes islandaises bien ancrées comme les spa en plein air, des scènes de la vie quotidienne d’enfants jouant ou encore de troupeaux d’ovins en quasi liberté. Les clichés sont superbes, le travail remarquable et là aussi on reste scotché face à ce que l’on voit.

Islande 4

Organisé autour des quatre points cardinaux et du centre du pays, Thierry Stegmüller plaque quelques textes où il parle du travail de la photographe, revient sur ses propres impressions sur l’Islande (un pays qu’il a parcouru à de multiples reprises), donne des conseils de voyage, nous en apprend plus sur les Islandais et leur île. Ces textes sont très bien écrits, volontiers poétiques par moment et totalement pétris d’admiration et d'amour pour l’Islande. Cela ne fait que renforcer mon attirance, mon envie de découvrir à mon tour cette terre sauvage où l’homme n’utilise que ce qu’il a besoin et semble éloigné des troubles / vices que nous pouvons connaître dans nos régions. À noter, le très joli poème en vers libres de Feifei Cui paoluzzo en introduction qui donne le ton et capte d’entrée le lecteur.

Islande 5

Difficile d’en dire plus, cet ouvrage est magnifique et comblera les amoureux de l’Islande, ouvrant une fenêtre sur une terre indomptée et séduisante. Les reproductions photographiques sont de toute beauté et on se laisse emporter sans s’en rendre compte. Un ouvrage que je vous conseille énormément et dans lequel je me replongerai régulièrement pour prendre ma dose de merveilles et de zénitude. Ça fait du bien par les temps qui courent !


vendredi 10 décembre 2021

"Famille nomade à vélo" de Céline et Xavier Pasche

Famille nomade à vélo 1

Le contenu : Jamais ils n'auraient imaginé que leur périple à vélo deviendrait leur nouveau mode de vie et qu'ils accueilleraient leurs enfants le long du chemin. Céline et Xavier sont des nomades à vélo, sur les routes du monde depuis 10 ans. Ils explorent avec leurs filles, Nayla et Fibie, les somptuosités des recoins sauvages de la planète, ils plongent dans des cultures aussi variées qu'intrigantes. Plus qu'une vie d'aventure, ils semblent appelés par les lieux, guidés par le mystère. Chaque jour, ils ouvrent la toile de leur tente pour un nouveau commencement et plongent dans l'inconnu à l'écoute de leurs intuitions et portés par leur indéfectible confiance en la vie. De magnifiques photographies illustrent ce récit qui nous emmènent à travers le désert de Gobi, le Grand Nord canadien et ses aurores boréales, les hauts cols du Tadjikistan ou encore, la densité humaine du Bangladesh et les spécialités culinaires de la chine.

La critique Nelfesque : J'ai toujours admiré les aventuriers, ceux qui sont capables de traverser des mers, de parcourir des kilomètres à vélo, à pied, qui se lancent vers l'inconnu, bravant leur peur et les éléments. Tout cela ne se fait pas sans préparation mais le lâcher-prise est indispensable ensuite pour appréhender les obstacles, vivre les expériences pleinement et vivre tout simplement l'instant. J'ai toujours admiré et envié cet état d'esprit. Parce que j'aimerais tant en être capable et vivre ce genre d'aventures. Nous l'avons fait à plus petite échelle lors de vacances, notamment en Thaïlande, où nous étions partis en sac à dos et avions avalé les kilomètres et les expériences pendant 4 semaines inoubliables. Le reste du temps, je me contente de vivre par procuration ces aventures en suivant des gens comme Matthieu Tordeur depuis le tout début de son parcours, ou en lisant des bouquins tels que "Dans les forêts de Sibérie" de Sylvain Tesson, qui m'a littéralement percuté. 

C'est ainsi que j'ai découvert Céline et Xavier Pasche, un couple suisse qui a décidé de partir sur les routes et explorer le monde à vélo depuis 2010. Une aventure qui s'est tout d'abord conjuguée à 2 et au fil des kilomètres, à 3, puis à 4. Céline a vécu plusieurs grossesses à l'étranger, encore sur sa selle de vélo à 7 mois, donnant naissance à ses enfants loin de chez elle et abordant la maternité avec des repères tout à fait différents de ceux que l'on peut avoir chez nous. Tous les deux, ils élèvent leurs filles au grand air, à l'école de la vie, des saisons, des éléments, du contact humain avec d'autres cultures, d'autres horizons. Une approche tellement belle et tellement sereine qu'elle donnerait envie de tout plaquer. Céline et Xavier ont une philosophie de vie bien éloignée du monde de la consommation, du capitalisme et de la performance. Les kilomètres, ils les font non pas pour battre un record ou briller en société mais par amour pour la beauté du monde, par amour pour la vie et pour tout ce que la Terre offre à qui la respecte.

Famille nomade à vélo 3

Nous suivons ainsi la famille Pasche à travers le monde. 78.000km à vélo et 10 ans de voyage nous sont ainsi livrés dans un très beau livre de 262 pages où Céline nous partage ses pensées et Xavier ses clichés. Ne vous attendez pas ici à avoir entre les mains le parfait manuel de la vie de famille en mode nomade, les points logistiques sont assez rares et seulement effleurés. La famille s'attache plus à partager des pensées, des sensations, une certaine spiritualité. Le cœur est leur moteur et la vie, le carburant qui les fait avancer.

Ainsi ils vont traverser des déserts, gravir des cols, pédaler par des températures extrêmes, se nourrir de la nature, épancher leur soif de vie et transformer chaque expérience en signes du destin. Un mode de vie apaisé, un mélange de stoïcisme et de carpe diem. Leur parcours est inspirant, même sans traverser les mers et monter sur un vélo. Nous pouvons ouvrir les yeux sur ce qui nous entoure et nous en contenter, nous en nourrir et avancer avec l'énergie du monde. Ce recueil illustré est un bon coup de pied aux fesses qui nous amène doucement mais sûrement vers une certaine sérénité. En ce moment, on en a tous bien besoin...

Famille nomade à vélo 2

Au fil des pages, les paysages et les pays défilent. Entre les différentes destinations, des petites capsules tantôt philosophiques ou de sagesse, tantôt plus organisationnelles, balisent notre lecture. "Famille nomade à vélo" est un ouvrage positif et doux. Je regrette qu'il n'y ait pas plus de détails sur la vie de tous les jours, sur les épreuves rencontrées, sur les accouchements de Céline par exemple mais ce n'est pas la direction qu'ils voulaient donner à leur ouvrage et c'est aussi très bien comme cela. Nous imaginons aisément que tout n'est pas toujours rose...

Je retiendrai particulièrement ce passage qui fait tant écho en moi et que j'ai envie de partager avec vous pour terminer ce post :
"A chaque instant, nous choisissons de nous relier à la liberté, celle des espaces sauvages, celle des possibilités infinies, et surtout celle qui provient de la paix intérieure et de l'ouverture de conscience. Nous souhaitons alors offrir cet espace de liberté à nos filles. Nous sentons que nous n'avons pas à éduquer Nayla et Fibie, parce qu'elles ont déjà tout en elles. Nous les accompagnons et ensemble nous cheminons dans la vie. Nous les encourageons à être à l'écoute de leurs intuitions pour qu'elles révèlent et laissent rayonner leur vérité intérieure. Ainsi tour à tour, elles deviennent nos guides et nous leur enseignons qui nous sommes."

N'est-ce pas cela tout simplement être une famille ? Que l'on soit sur les routes ou au creux de notre nid...

Posté par Nelfe à 16:17 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
Tags : , , , ,
mercredi 20 janvier 2021

"Nous ne vivrons pas sur Mars, ni ailleurs" de Sylvia Ekström et Javier G. Nombela

ekströmnombelamars

L’histoire : Mars soulève d’invraisemblables projets de colonisation qui donnent, à grand renfort de jolis films d’animation et de nombreuses superproductions de science-fiction, l’impression d’être réalisables à court terme. Le grand public en est venu à considérer que vivre normalement ailleurs que sur Terre est très facile, alors que ce n’est pas le cas.

La réalité est beaucoup plus rude. Une analyse critique et sérieuse des immenses écueils qui se dressent entre nous et notre plus proche voisine montre que, sortis de la double protection terrestre (atmosphère et magnétosphère), nous sommes terriblement vulnérables dans un cosmos hostile et glacial. Faire amarsir une fusée contenant des êtres humains confinés dans quelques mètres cubes pendant six mois et épuisés par un si long voyage hors gravitation terrestre, relève de l’inconscience la plus totale. Sur Mars, les conditions extrêmes et le manque de ressources vitales rendraient la survie d’improbables martionautes bien plus difficile qu’en Antarctique : la plus minime erreur humaine, la moindre défaillance matérielle ou la plus légère déchirure d’une combinaison spatiale seraient fatales.

Il n’y a pas de planète B. Nous sommes les habitants naturels de la Terre et destinés à y vivre pour toujours, obligés d’en prendre le plus grand soin. Les rêves loufoques de colonisations lointaines sont des mirages inutiles et dangereux qui gagneraient beaucoup à vite se transformer en un projet bien plus urgent et nécessaire : rendre notre biosphère à nouveau viable à long terme.

La critique de Mr K : Chronique d’un essai fantastique aujourd’hui avec Nous ne vivrons pas sur Mars, ni ailleurs de Sylvia Ekström (astrophysicienne suisse) et Javier G. Nombela (graphiste pour les modèles et illustrations présentés dans le livre), ouvrage paru en début d’année aux éditions Favre. Il est beaucoup question de Mars depuis des décennies dans le domaine de l’aérospatiale. Différents programmes étatiques mais aussi depuis quelques temps certains milliardaires pour le moins excentriques se sont donnés pour objectif l’exploration puis la colonisation de Mars. Jusqu’à quel point s’agit-il de projets sérieux ou de lubies irréalistes ? A travers les 220 pages de cet ouvrage, on s’attache à réfléchir sur ces questions ô combien fascinantes et prouver sans l’ombre d’un doute que l’Homme ne vivra jamais ailleurs que sur notre chère planète Terre. L’idée n’est pas d’être péremptoire ou briseur de rêve mais de confronter ces rêves à la réalité des faits et de la science. Cela paraît essentiel dans cette époque où les fake news pullulent et où il est bon parfois de revenir sur Terre et de réfléchir à tête reposée.

Mars, on en a tous rêvé un jour : aller dans un vaisseau spatial en quittant la belle bleue que l’on regarderait s’éloigner inexorablement à travers le hublot, explorer les déserts rouges et pourquoi pas s’y installer dans des villages futuristes après une terraformation qui aurait permis de reconstruire une atmosphère viable tout en créant artificiellement une pesanteur proche de la nôtre et en reproduisant notre mode de vie loin de chez nous (agriculture, industrie, fourniture d’énergie etc.). Je ne parlerai pas de mes velléités de rencontres du troisième type, il n’en est vraiment pas question dans ce livre ou presque... Je suis au regret de vous annoncer que rien de tout cela ne tient vraiment debout et qu’en l’état actuel des avancées technologiques et scientifiques, nous ne serions pas capable d’y parvenir et qu’à part de belles opérations de communication, rien ne repose sur du concret ou du moins du réalisable à court terme.

Nous ne vivrons pas sur Mars, ni ailleurs débute par un point sur notre espace temps immédiat. À partir des données recueillies ces dernières années, les auteurs reviennent sur des points importants à connaître avant d’aborder de front la question de l’envoi d’êtres humains sur Mars la Rouge. La taille du système solaire, son fonctionnement, sa place dans la voie lactée et le voisinage galactique permettent déjà de se faire une idée de notre vraie place dans l’univers et d’essayer d’appréhender la notion de distance galactique. Ensuite, elle nous parle du temps terrestre et notamment de l’âge réel de notre planète et le temps infiniment long qu’il lui a fallu pour devenir ce monde habitable que nous connaissons aujourd’hui (quoi qu’avec le réchauffement climatique, ça commence à se compliquer). Intéressant quand on compare cela avec les théories fumeuses de certains patrons d’industrie qui pensent recréer une atmosphère respirable grâce à l’envoi d’ogives nucléaires (Elon Musk est un grand marrant !). Ces premières bases posées, on sent déjà que la colonisation de Mars va poser souci.

La deuxième partie peut donc continuer à déconstruire beaucoup de fantasmes ou chimères qui circulent sur le thème de la colonisation de Mars. À commencer par le voyage lui-même qui s‘avérerait long mais possible suivant un trajet en courbe (le point A et B rappelons-le sont des planètes qui tournent autour du soleil à des vitesses différentes), un vaisseau à toute épreuve et l’épreuve terrible de l’atterrissage sur Mars qui serait complexe du fait de la gravité et du poids même du vaisseau (plusieurs dizaines de tonnes au bas mot). Mais le plus risqué et difficile à gérer est le facteur humain lui-même avec notamment la question de l’équipage (qui pour quel entraînement ?), le confinement terrible du voyage, les soucis de santé (quid des rayonnements cosmiques ? De la diminution de la masse osseuse ?), la protection des corps humains, le ravitaillement... Et puis une fois sur place, quel habitat ? En surface, dans les grottes ? L’obligation de porter des combinaisons en permanence, les écarts de météo... bref c’est pas gagné !

Dans la dernière partie, Sylvia Ekström et Javier G. Nombela reviennent plus en détail sur les programmes prévus par la NASA, certaines associations, Elon Musk (qui en prend pour son grade à raison) mais aussi sur l’évolution technologique planétaire qui gênera sans aucun doute les futures observations du ciel ou le départ de fusée / vaisseau. Ça commence à être embouteillé en haut avec la multiplication des satellites de toutes sortes et les déchets par milliers qui errent en orbite, rappelez vous le film Gravity, tout commence par un accrochage minime. Naturellement, les auteurs arrivent à la conclusion qu’on ferait bien de prendre davantage soin de notre Terre car à priori, il n’y a pas de plan B. Pour l’exploration de Mars, contentons nous de la littérature, des films ou des séries. Le rêve est toujours permis !

Nous ne vivrons pas sur Mars, ni ailleurs se lit d’une traite et avec une facilité déconcertante. Le sujet est passionnant, les enjeux énormes et malgré une approche scientifique rigoureuse, le littéraire que je suis a trouvé l’ensemble très digeste, pédagogique et même drôle par moment. Sylvia Ekström et Javier G. Nombela se permettent régulièrement quelques bons mots, des réflexions bien senties mais aussi quelques passages plus engagés sur la nécessité de vraiment réagir face aux risques pesant sur notre planète. Un ouvrage à lire absolument pour tous les passionnés du sujet.