jeudi 2 juin 2022

"Mademoiselle Baudelaire" de Bernard Yslaire

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L’histoire : Deux cents ans après sa naissance, Baudelaire continue de marquer les générations et le poète plane sur l'œuvre d'Yslaire depuis les origines. C'est pourtant Jeanne Duval, celle que le poète a le plus aimée et le plus maudite, que le dessinateur a choisie pour revisiter dans ce chef-d'œuvre la matière sulfureuse et autobiographique des Fleurs du mal. De Jeanne, pourtant, on ne sait presque rien, ni son vrai nom, ni sa date de naissance, ni sa date de décès. Aucune lettre signée de sa main ne nous est parvenue. Restent quelques témoignages, des portraits dessinés par Baudelaire lui-même, une photo de Nadar non authentifiée, sans oublier les poèmes qu'elle lui a inspirés. Jeanne, "c'est l'invisible de toute une époque" qui réapparaît dans la résonance féministe de la nôtre. Elle qui était stigmatisée comme mulâtresse, créole et surnommée "Vénus noire" en référence à la "Vénus hottentote", aimante tous les préjugés d'un siècle misogyne et raciste.

La critique de Mr K : Baudelaire occupe vraiment une place particulière dans mon cœur de lecteur. Il est à l’origine avec Hugo de mon engouement pour le XIXème siècle et je me rappelle encore de ma lecture puis de l’étude de son recueil culte Les Fleurs du mal. C’est l’ami Franck une fois de plus qui m’a mis entre les pognes ce recueil graphique qui opte pour un point de vue très différent pour nous raconter le poète et les affres de sa vie. C’est sa maîtresse-muse Jeanne Duval qui va nous le raconter dans ce Mademoiselle Baudelaire d’Yslaire qui se révèle passionnant, magnifique et addictif à souhait. Un pur bonheur de lecture en somme !

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Cet ouvrage revient donc longuement sur la passion qui a uni ces deux êtres que tout semblait au départ séparer. Elle est noire et courtisane, il est fils d’aristocrates et écrit des poèmes entre deux trips. Mais le cœur a ses raisons que la raison ignore, Charles tombe profondément amoureux de Jeanne et la réciproque est vraie. Leur relation parfois fusionnelle, parfois déchirante mais toujours très sensuelle permet de mettre en lumière les mécanismes à l’œuvre dans le génie baudelairien et l’inspiration quasi divine que la belle lui a procuré. Ode à la féminité, à la liberté de choix, de posséder et de faire ce que l’on veut de son corps, Jeanne est un personnage très attachant entouré d’un souffle sulfureux et libérateur. Elle a notamment inspiré à Baudelaire ces quelques vers d’une beauté éternelle :

"Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme,
O beauté ? ton regard, infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l'on peut pour cela te comparer au vin ?"

Extrait tiré du poème : Hymne à la beauté

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L’ouvrage nous éclaire aussi sur d’autres aspects de sa vie. Il avait cette propension à vouloir vivre une vie voluptueuse, luxueuse, entouré d’œuvres d’arts. Malheureusement pour lui, il vivait largement au dessus de ses moyens, constamment endetté (et pourchassé par des huissiers de justice qui n’arrivent pas à lui mettre la main dessus) et ayant dépensé l’héritage de son père. Sans doute, Baudelaire estimait-il que le monde matériel ne méritait pas autant son attention que les chimères qu’il poursuivait. J’ai beaucoup aimé aussi les passages le mettant en scène avec ses relations artistiques, ses amitiés de débauche et leurs discussion à bâtons rompus. Elles rendent compte notamment de la phallocratie en œuvre au XIXème siècle, considérant la femme comme un meuble, une possession. Les dires reproduits ici à propos de Jeanne sont éloquents sur cet état d’esprit, cet injustice institutionnelle et sociale. D’autres détails de sa vie sont abordés et la fin de l’ouvrage réserve une biographie du maître qui permet de tout replacer dans son contexte. Cet ajout s’est révélé indispensable pour mieux saisir certaines allusions et autres éléments contextuels.

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L’ouvrage se parcourt comme un catalogue de livre d’art. Les dessins sont tout bonnement sublimes. Les planches s’enchaînent avec excitation et admiration. Les choix de coloris, de forme, les cadrages rendent compte à merveille de la vie au parfum de scandale de Charles Baudelaire, de son état d’esprit torturé et des chemins de traverse qu’il a pu emprunter dans son existence tumultueuse et malheureusement courte. De nombreux passages sont consacrés aux ébats des deux amants, planches érotiques d’une beauté à couper le souffle, jamais vulgaires mais illustrant à merveille leur passion dévorante et leur quête d’absolu.

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Mademoiselle Baudelaire est un ouvrage à lire absolument si vous êtes amateur de l’époque et du génie du verbe qu’était Baudelaire.


samedi 17 avril 2021

"La Bête" de Zidrou et Frank Pé

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L’Histoire : Capturé en pleine Palombie par des Indiens Chahutas et vendu à des trafiquants d'animaux exotiques, un marsupilami débarque dans les années 50 au port d'Anvers. Réussissant à s'enfuir, il arrive dans la banlieue de Bruxelles et est recueilli par François, un jeune garçon fan d'animaux dont le quotidien est loin d'être facile. Le début d'une aventure passionnante, parfois sombre mais toujours porteuse d'espoir, et d'une belle amitié.

La critique de Mr K : Nouvelle chronique d’une bande dessinée prêtée par l’ami Franck aujourd’hui avec La Bête de Zidrou et Frank Pé, un ouvrage à la fois sombre, drôle et magnifiquement mis en image. Personnellement, je n’ai jamais été un grand amateur des BD du Marsupilami de Franklin (j’adorais par contre ses Idées noires). J’ai été très agréablement surpris par cette revisite du personnage avec cette œuvre à la fois viscérale et légère qui procure de multiples émotions contradictoires. On en redemande, ça tombe bien, ce n’est que le premier tome !

Tout débute par l’arrivée au port d’Anvers d’un navire sinistré par une avarie qui a mis à mal son programme commercial d’origine. En partie consacré à un trafic d’animaux exotiques, ceux-ci n’ont pas survécu sauf un étrange animal à la queue très très longue qui réussit à s’échapper dans cette Belgique d’après guerre qui se remet péniblement de ses blessures. En parallèle, nous suivons le quotidien de François et de sa mère avec toute la ménagerie loufoque que le jeune garçon ramène à la maison. Entre les tracasseries que vit le môme à l’école et la mauvaise image que l’on donne à la maman, la vie n’est pas facile. C’est alors que la rencontre improbable va avoir lieu et va transformer l’existence de chacun.

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Autant vous prévenir de suite, ce tome s’apparente plus à un volume d’exposition, d’introduction. Ne vous attendez pas à de multiples rebondissements (à part celui attendu en toute fin d’ouvrage), les auteurs prennent leur temps dans la présentation des divers personnages, des lieux, du contexte. J’ai personnellement adhéré au procédé (ce qui n’est pas le cas de tout le monde sur le web) car j’ai apprécié ces personnages croqués comme il faut, justes, humains, drôles et parfois même effrayants. Il y a beaucoup de nuances dans ce monde décrit, on quitte le confort un peu enfantin de l’œuvre originelle pour rentrer dans quelque chose de plus réaliste mais aussi de plus viscéral.

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Ce premier tome porte bien son nom, le Marsupilami est un animal sauvage. Dans son aspect musculeux et brut (j’ai adoré son apparence), ses réactions aussi entre méfiance et instincts de survie (le rapport à la nourriture notamment). Pour contrebalancer un climax lourd, on retrouve aussi des touches d’humour bien senties notamment dans la galerie d’animaux éclopés que le jeune garçon ramène à la maison. J’ai une tendresse toute particulière pour le couple de ragondins érotomanes, la chauve-souris diurne ou encore le dindon qui se prend pour un coq. C’est rafraîchissant et permet de faire passer la pilule face à l’incurie du genre humain avec notamment les commérages sur la mère du jeune héros qui est tombée amoureuse d’un soldat allemand pendant la guerre ou encore les petits cons qui harcèlent pour les mêmes raison François. Bien sympa aussi le personnage du professeur progressiste secrètement amoureux et engoncé dans sa timidité.

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On est finalement constamment dans l’entre deux avec un ton parfois grave qui invite à l’empathie forte, provoque des moments de tristesse et un humour à la Spirou qui fait du bien et vire parfois dans la grosse gaudriole dosée comme il faut. Le tout est emballé dans un écrin de toute beauté avec des dessins absolument fabuleux, on n'est pas loin de la perfection avec des planches qui s’apparentent quasiment à des œuvres d’art comme par exemple au départ l’arrivée du navire dans un port d’Anvers plus vrai que nature, noyé par la pluie battante. Les décors sont très réussis ainsi que les personnages qui se rapprochent un peu de la BD belge classique mais avec davantage de corps, de réalisme tout en gardant l’aspect fun et jeunesse. Le mélange fonctionne à plein et porte l’histoire en provoquant un plaisir durable.

Le seul défaut finalement c’est que l’ensemble se lit très vite, trop vite et que l’on aimerait poursuivre le voyage surtout que la fin abrupte nous cueille et laisse un suspens assez intenable en bouche. Bon, il ne reste plus qu’à attendre, domestiquer notre impatience pour suivre les aventures très réussies du Marsupilami version 2020. La Bête de Zidrou et Frank Pé est un petit chef d’œuvre que je vous conseille vraiment de découvrir.

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vendredi 26 février 2021

"Jolies ténèbres" de Fabien Vehlmann et Kerascoët

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L’histoire : Ce récit qui ressemble à un conte pour enfants met en scène le monde du petit peuple de la forêt. Mais derrière l’apparence d’un univers merveilleux se dissimulent parfois la peur et la méchanceté...

La critique de Mr K : Dur dur d’écrire une chronique sur cet ouvrage qui m’a été prêté par l’ami Franck. Non que je ne sache pas quoi en penser, vous allez voir je l’ai trouvé top, mais c’est difficile d’en parler sans vraiment déflorer le sujet et l’arc narratif. Jolies ténèbres de Fabien Vehlmann et Kerascoët ne laisse personne indifférent. Quand on parcourt le web, les avis sont tranchés. Tous reconnaissent les qualités esthétiques de cette BD hors norme, ce qui heurte est plutôt la teneur des propos. Certains adhèrent (et adorent souvent), d’autres n’ont même pas fini leur lecture, choqués par le parti-pris et l’aspect glauque de l’ouvrage.

En gros, l’action se déroule dans un petit coin de nature. On suit toute une série de petits personnages de la forêt (lilliputiens pour l’essentiel) qui se retrouvent lâchés à là suite d'un événement dramatique (je n’en dirai pas plus à son propos car il est au centre de tout le reste). Ils doivent donc se débrouiller pour se fabriquer des refuges et subvenir à leurs besoins. On suit tout particulièrement Aurore, jeune fille toujours souriante et aidante qui apporte son assistance à tout le monde. Le temps file et elle va peu à peu se rendre compte de la nature de chacun et leur propension à ne penser qu’à eux-même. Tout finira forcément mal...

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Cette œuvre est vraiment ambivalente car elle mélange à la fois le conte enfantin et le récit glauque dans un parcours initiatique. Comme justement annoncé en quatrième de couverture, il y a du Lewis Carroll et du Lynch dans cet ouvrage qui vire parfois dans le macabre le plus noir, le malsain même, tant on est déstabilisé par certaines cases où le glauque et le cynisme se mêlent joyeusement. Et pourtant, la plupart du temps, on a plus affaire à un conte de fée des plus classiques. Figures tutélaires, animaux de la forêt, actes héroïques sont au rendez-vous d’un survival touchant au merveilleux.

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Mais l’ouvrage n’est en fait qu’un gigantesque prétexte pour nous parler de nous les humains et plus particulièrement de nos jeunes années notamment dans notre tendance à l’individualisme et à la cruauté. On ne peut énumérer tous nos vices qui sont ici révélés par ces petits personnages d’apparence toute mignonne mais il est beaucoup question de discrimination, d’inégalité aussi avec certains personnages dont le pouvoir aveugle le bon sens et mène à des actes innommables, des réactions finalement très enfantines... Mais les enfants ne sont-ils pas cruels ? Récit très dur, il faut avoir le cœur bien accroché pour aller au bout de cette aventure qui ne ressemble à aucune autre et qui changera à jamais la douce Aurore.

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Le contraste est d’autant plus fort que le dessin et les couleurs font irrémédiablement penser à un livre pour enfants, ce qu’il n’est absolument pas. Faites gaffe donc, ne déconnez pas et gardez-le bien pour vous, adultes réfléchis ! Les âmes sensibles aussi peuvent passer leur chemin... Restent des dessins vraiment magnifiques avec des explosions de couleur, un naturalisme qui prend aux tripes et des personnages remarquablement caractérisés... et des cases plus dures qui m’ont marqué à jamais. On passe finalement très facilement du rêve, de l’onirisme au cauchemar le plus profond. Cet aspect dual est redoutable et m’a littéralement hypnotisé, conquis même si Jolies ténèbres ne plaira pas à tout le monde. À chacun de décider de tenter l’expérience ou non.

mardi 25 août 2020

"Le Cœur en Islande" de Pierre Makyo

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L’histoire : Comme chaque année, les marins partent pêcher la morue en Islande, terre lointaine et fantasmagorique pour les enfants qui restent au port. Parmi eux, Moïse, "le petit miracle" comme l'appelle affectueusement son père. Un sobriquet dont l'enfant ne va plus tarder à connaître l'origine : sa mère ne serait pas sa vraie mère. Elle l'aurait découvert au fond d'une barque rejetée par les flots. Sa mère naturelle serait une ancienne prostituée qui aurait accordé ses dernières faveurs à trois hommes... Mais alors, qui est son vrai père ? Séraphin, le poète qui, tel un ange gardien, est toujours là quand il en a besoin ? Monsieur Worris, le riche armateur qui voudrait tant l'envoyer étudier à Lille ? Ou bien Ernest, son père adoptif qui l'aime sans compter ? Entre les trois, Moïse devra choisir... ou partir.

La critique de Mr K : Je n’ai pas hésité une seule seconde à emprunter cet ouvrage au CDI de mon bahut avant la fermeture estivale, j’adore les récits de marins ou se déroulant dans le milieu de la pêche. Le Cœur en Islande (ici dans sa version intégrale) de Pierre Mako m’avait jusque là échappé et lors de la toute dernière journée au bahut, je suis tombé dessus par hasard sans jamais en avoir vraiment entendu parler. En le feuilletant rapidement, je constatais déjà que le trait des dessins me plaisait beaucoup, je l’empruntais dans la foulée et je peux d’ores et déjà vous dire que je ne regrette pas du tout ma lecture, bien au contraire !

L’histoire se déroule donc à Dunkerque à la fin du XIXème siècle, début XXème siècle. Moïse, un jeune garçon de treize ans ronge son frein. Il ne peut pas encore participer aux campagnes de pêche en tant que mousse, étant considéré comme trop jeune. Il passe donc son temps avec ses copains restés à terre et se cherche. Très vite au début du volume, il apprend en même temps que nous d’où vient son nom. Il a lui aussi été "sauvé des eaux" car trouvé encore nourrisson par sa mère adoptive sur le rivage dans une barque échouée. Cela l’ébranle forcément et il cherche à en savoir plus. Les événements se précipitent, il se retrouve avec trois pères putatifs et l’on essaie d’attenter à sa vie. Il va lui falloir découvrir le reste de la vérité et partir à son tour vers l’Islande pour lever le voile sur sa nature profonde.

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Très beau récit que celui-là qui prend racine chez les ancêtres de Makyo lui-même. Il explique dans un mini-dossier constitué en fin d'ouvrage qu'il s'est inspiré de ses aïeux eux-même pêcheurs à la morue en mer d’Islande. Il s’inspire de faits, de souvenirs de famille qu’il a largement romancés. Certains personnages sont d’ailleurs des avatars de membres de sa propre famille, redessinés pour l’occasion. La démarche est donc artistique mais aussi un peu mémorielle, l’idée étant de raconter et décrire une réalité, une époque, en étant le plus précis possible tout en procurant une lecture plaisir. Le pari est gagné sur les deux plans !

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À travers l’histoire de Moïse et de tous ceux qui l’entourent, Makyo réussit pleinement à nous décrire cette vie très dure, faite de sacrifice pour ces hommes qui partent six mois de l’année sur des bateaux inconfortables où maladies, vermine, froid, tensions et insécurité étaient leurs compagnons d’infortune. Il s’attarde aussi sur ceux qui restent à terre, à commencer par les femmes qui en attendant leur retour s’attelaient à différentes tâches contre menue rétribution pour pouvoir vivre convenablement. On explore aussi le monde plus luxueux des armateurs avec un personnage central dans l’histoire qui précipite la trame d'ensemble. Sans en faire trop et tomber dans le documentaire pur, cet ouvrage est une belle ouverture sur ce monde si particulier, on ressent les émotions multiples que peut ressentir un marin au long cours et l’on touche du doigt la réalité difficile qui fut la leur.

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Le récit en lui-même tourne beaucoup autour de la notion de l’identité que l’on a, que l’on se forge et la notion de paternité. On est loin des sentiers battus ici avec un auteur qui prend son temps, suit avec précision et sensibilité les atermoiements de Moïse, ses questionnements, ses doutes et ses espoirs. C'est très touchant et remarquablement construit au fil des pages. On y croise de nombreux personnages étranges voire inquiétants dont le très très méchant, Xas, homme tatoué peu recommandable... Comme dans un puzzle, petit à petit les pièce se rejoignent, Moïse n’est pas au bout de ses peines. Makyo creuse aussi en parallèle le portrait émouvant de trois hommes qui ont différentes raisons de vouloir être le père de Moïse. Tous sont assez ambigus dans leur genre, on ne tombe pas dans le manichéisme donc et on a affaire à des personnages bruts de décoffrage, très humains finalement. La dernière étape de cette intégrale se déroule pendant une campagne de pêche où l’on assiste à un véritable drame maritime, rythmé comme il faut et avec un final des plus impressionnants qui mettra la touche finale à la révélation de la destinée de Moïse.

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Le Cœur en Islande se lit très vite, pris que nous sommes par l’histoire de Moïse et le souffle social et historique qui s’étend sur ces pages. Très beau esthétiquement, la plongée est fabuleuse et l’on en ressort profondément heureux. Voilà un ouvrage à découvrir pour tous les amoureux de BD.

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mercredi 24 juin 2020

"Une mort pas très catholique" d'Agnès Dumont et Patrick Dupuis

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L’histoire : Enquête à Louvain-la-Neuve.
Un cadavre sur un lit derrière une porte fermée à clé de l’intérieur : classique. Dans la ville universitaire de Louvain-la-Neuve : plutôt inédit !
S’il y a meurtre, qui aurait tué ? Voleur dérangé ou tueur missionné ? Étudiant shooté ou sugar baby affolée ? Arpentant la ville piétonne, un flic retraité et un inspecteur débutant unissent leurs forces pour secouer les apparences...

La critique de Mr K : C'est un roman policier belge qui est au programme de la chronique du jour avec Une mort pas très catholique d’Agnès Dumont et Patrick Dupuis paru récemment aux éditions Weyrich que je découvre avec cet ouvrage. Lecture express pour un livre séduisant au possible combinant intrigue classique et personnages délectables à souhait.

On entre dans le vif du sujet de suite avec la découverte d’un cadavre dans un appartement fermé de l’intérieur. Le commissaire chargé de superviser les enquêtes du secteur conclut très vite à un arrêt cardiaque, la victime était diabétique après tout et puis, il y a le week-end qui se profile (sic). Ces conclusions hâtives ne satisfont pas le jeune policier Paul Ben Mimoun et Roger Staquet, un retraité de la police qui connaît très bien le proprio du dit appartement. Ces deux là ont tout pour s’opposer et pourtant, quelque chose les rapproche à travers cette affaire qu’ils vont mener sur quelques jours avant son classement définitif. Une enquête en roue libre, sans couverture de leur hiérarchie.

Le déroulé de l’enquête est un modèle du genre. Les auteurs s’amusent beaucoup visiblement à utiliser les poncifs du genre sans pour autant proposer un récit sentant le réchauffé. Le duo de flics par exemple, bien que lu et vu de nombreuses fois fonctionne à plein régime. On est ici dans l’ordre du passage de témoin symbolique. Le vieux de la vieille oscille entre agacement au départ puis admiration pour ce jeune collègue qui manque d’expérience mais pas d’envie. Les échanges de points de vue ou encore le partage d’informations plus personnelles s’avèrent bien souvent savoureux avec des dialogues bien sentis qui livrent des personnalités fortes qui se respectent mutuellement. Entre un jeune fougueux sous le coup d‘une rupture amoureuse brutale qui peut partir en vrille à n’importe quel moment et le retraité solitaire qui veut renouer avec son passé de fin limier, l’osmose se fait assez vite et ils apprennent à mieux se connaître.

L’enquête en elle-même avance bien et la fin, pleine de suspens, m’a bien tenu en haleine. Constatations, interrogatoires et recherches s’enchaînent avec un plaisir renouvelé pour le lecteur. On retrouve les fausses pistes, les erreurs d’appréciations aussi des deux protagonistes principaux qui doivent combattre le temps pour pouvoir prouver leur théorie d’un meurtre pas si évident que cela. Ils découvrent très vite que la victime n’est pas très nette, qu’elle menait en parallèle une vie délictueuse, épaississant un peu plus le mystère mais livrant en même temps de nouveaux éléments qui pourraient éclairer le chemin fort opaque qu’ont décidé de suivre Mimoun et Staquet. L’ensemble est très bien construit jouant notamment sur l’ellipse à l’occasion, procédé narratif bien efficace pour maintenir un suspens qui ne se dément jamais et permet des révélations bien fracassantes.

D’une lecture rapide et très agréable, ce roman est un petit bonheur de finesse et de souplesse dans le style. La collaboration entre les deux écrivains est une vraie réussite. On passe un très bon moment à Louvain-la-Neuve et l’on regrette juste que le livre soit si court (192 pages). Le temps s’écoule vite et les amateurs de romans policiers ne doivent pas passer à côté de cet ouvrage qui se dévore autant qu’il s’apprécie.

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samedi 26 novembre 2011

"Green Manor: 16 charmantes historiettes criminelles" de Bodart et Vehlmann

album-cover-large-11519Les histoires: Le meurtre n'est rien sans un peu d'élégance...

La critique de Mr K: C'est à l'amie Céline que je dois cette découverte enthousiasmante lors d'un échange de prêts fort réjouissant! Ce volume à l'allure ancienne (l'éditeur s'est amusé à reproduire l'aspect des livres d'autrefois) est composé de petits récits policiers qui ont pour point commun de tous commencer dans le salon principal du fameux Green Manor, lieu de villégiature d'un club sélect composé de ce que Londres compte comme bourgeoisie et aristocratie. Parmi les plaisirs de cet établissement, il en est un qui revient au début de chaque histoire: le goût pour les affaires insolubles et mystérieuses. Placez le tout dans une période historique que j'affectionne tout particulièrement (le XIXème siècle) et vous obtenez un croisement original entre Les aventures de Sherlock Holmes de Conan Doyle et des fins lorgnant vers les Tales from the Crypt (une autre de mes références préférées).

Difficile de se détacher de ce volume tant on est pris immédiatement dans cet univers cohérent où les fêlures sont humaines et conduisent à des historiettes où l'on est souvent pris au dépourvu. Les auteurs sont très malins et nous emmènent là où ils veulent, juste avant de retourner la situation et le lecteur avec! Vous verrez, la dernière planche de chaque récit vaut son pesant d'or. L'action est d'autant plus efficace qu'elle se déroule pendant un siècle assez rigide en terme de conventions sociales. L'opposition est donc bien nette entre les apparences que veulent se donner les privilégiés et la réalité de leurs turpitudes. green-manor-assassins-gentlemenN'allez pas croire pour autant que vous allez vous retrouver face à une œuvre sombre et revendicative, il s'agit ici de pur divertissement mais un divertissement intelligent et fort bien documenté.

Au niveau technique, il n'y a rien à redire. Les dessins ne sont pas forcément exceptionnels mais le trait est précis et l'on suit avec plaisir les planches sans aucune gêne ni frustration. Les dialogues sont succulents et là encore en adéquation avec l'époque représentée. Les 16 scénarios sont diablement bien ficelés et la surprise est toujours au rendez-vous sans faute de goût ni artifice abracadabrantesque. Le tout baigne dans une ambiance très "british" et l'élégance est de mise d'un bout à l'autre parce que même si le sang est au centre du volume au moins faut-il qu'il soit verser avec style!

Une belle découverte que je vous incite fortement à tenter à votre tour surtout si vous êtes amateur de récits à suspens à la fois étranges et troublants. Merci copine!

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lundi 18 avril 2011

"Vampyres, sable noir" tome 1, collectif

Vampyres_tome_1L'histoire: le mythe des vampyres... recrée par trois écrivains et trois duos d'auteurs de bande dessinée.

La critique de Mr K: Une BD bien sympathique que celle là. 3 histoires illustrées de trois manières bien différentes traitant du même thème: le vampirisme. Dieu sait que c'est à la mode par les temps qui courent et qu'en indécrottable vieux con, je persiste et je signe, Dracula reste (et de loin) la pièce maîtresse en la matière en littérature, tant l'écriture de Bram Stocker est marquante pour tout amateur de fantastique (Anne Rice se défend pas mal non plus d'ailleurs). Pour moi, un vampire est avant tout un être compulsif et bestial bien plus proche de ceux présentés dans la BD 30 jours de nuit de Templesmith que leurs ersatz poudrés de la série Twilight et consorts. À noter que Vampyres Sable noir fait parti d'un projet assez vaste avec deux tomes BD, un livre et un DVD.

Ici, nous avons donc trois histoires courtes, genre que j'affectionne depuis longtemps notamment à travers Les Contes de la crypte. D'ailleurs, De sang frais, la première histoire, dans son traitement et son twist final s'en rapproche énormément. Frank Marvel, journaliste, et sa petite famille recommencent leur vie dans une nouvelle localité. Peu à peu des événements étranges vont amener le héros à enquêter sur le passé de l'endroit et il n'est pas au bout de ses surprises. Je vous l'accorde l'histoire est des plus classiques et j'ai même deviné la fin avant la dernière planche mais les dessins sont bien réussis et la narration est efficace. Une bonne entrée en matière en somme.

On change de style avec La maison sur la colline. Une jeune femme entame un suivi psychiatrique avec un spécialiste et déballe sa vie: une jeunesse passée de foyer en foyer, une mère célèbre et absente, un père qu'elle ne connaît pas... Puis un jour, sa génitrice vient la chercher à la sortie de l'école et c'est le début d'une nouvelle vie de famille, un grand espoir. Sauf que le père ressurgit et les ennuis avec... Le récit commence comme une banale biographie racontée de patient à médecin mais plus on s'enfonce dans les mémoires de cette jeune fille plus on sent que quelque chose cloche et franchement, la fin part en freestyle le plus complet. Le lecteur est bringuebalé, se perd, semble retrouver son chemin pour finalement aboutir à un final inattendu et franchement glaçant. Une bien belle réussite que ce morceau là avec des dessins simples et fortement poétiques rendant parfaitement compte de l'état d'esprit des personnages (certains portraits m'ont fait penser à Munch et son fameux Cri).

Le recueil se termine avec Alizarine qui pour moi est le segment le plus faible de ce triptyque vampirique. On y suit un boxeur et son meilleur ami dans un coup qui doit les rendre riches. Les auteurs s'attardent beaucoup sur le boxeur qui a un bon fond mais finalement se révèle manipulable notamment à travers les rapports qu'il entretient avec son vieux pote. Même si la fin est à la fois logique et sadique à souhait, j'ai trouvé cela léger et convenu. Même les dessins ne s'avèrent pas à la hauteur des deux premiers récits. Une petite déception donc...

Comme souvent dans les recueils de nouvelles ou les BD à sketch, on trouve à boire et à manger. Ici, le bilan est tout de même positif même si on ne trouvera pas d'originalité ou de singularité dans ce tome 1. Reste des histoires sympathiques et deux premiers récits qui valent largement le détour. Avis aux amateurs de sang frais non pré-pubères.

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Extrait du segment 1, De sang frais.

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vendredi 18 février 2011

"Héritages" de Hans et Gourdon

couvL'histoire:

Je m'appelle Nina.
Je suis une sorcière.
Mon pouvoir ne se voit pas.
Il m'accompagne depuis toujours.
J'en ai hérité.
Mes mains en sont les instruments...

La critique de Mr K: J'ai reçu cette BD en cadeau par notre cher voisin Tinmar (vous savez le papa de Speedou). Ce volume est une histoire complète qui fait partie d'une collection particulière appelée Sorcières: Des récits indépendants pour des destinées de femmes... singulières... Tout un programme! Justement les deux auteurs sont des femmes, chose suffisamment rare pour le signaler (même si elles percent de plus en plus depuis un certain temps notamment grâce à la toile).

Cette BD débute par quelques mots de Sigmund Freud: Au commencement des temps, les mots et la magie étaient une seule et même chose. Une ambiance mystérieuse s'installe et va distiller ses effets pendant tout le récit. Nous suivons Nina, jolie jeune fille indépendante, invitée avec son compagnon Nils à une soirée mondaine par sa meilleure amie Chloé. Dès la première planche, la narratrice nous parle d'un don qu'elle possède depuis toute petite sans nous en révéler la teneur. Sur le retour, le couple a un accident de voiture, Nils meurt. La vie de Nina bascule. L'accident en est-il vraiment un? Qui est cette homme qui la suit? Et cette mystérieuse blonde? Et puis, il y a ses deux grands-mères qu'elle a peu connu et dont personne ne parle dans sa famille... Peu à peu, on s'enfonce avec elle dans le passé familial et l'on sent l'étau se resserrer autour d'elle.

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Pour agrandir, cliquez sur l'image

Avec cette histoire, on se retrouve en plein polar mêlé de fantastique. Rythme plutôt lent au départ, plus on avance, plus les événements s'accélèrent, un peu à la manière d'un bon policier. On a le droit aux fausses pistes, aux révélations de secrets anciens, aux situations inextricables et aux passages de suspens, même si dans l'ensemble on baigne dans le déjà-vu. Je n'ai que rarement été surpris par les méandres d'un scénario finalement conventionnel, c'est le seul défaut de cette œuvre. En effet, les dessins ne ressemblent à rien d'autre que j'ai pu parcourir dans le 9ème art et sont réussis: mélange de dessins classiques avec une petite touche impressionniste pour marquer encore plus l'étrangeté régnante.

En résumé, une bonne BD qui se lit bien et qui mérite d'être découverte.

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