"L'Âme de l'Amérique" de Sylvie Brieu
L’histoire : Terre d’aventures et de liberté, l’Ouest américain fascine avec ses grands espaces, les traditions de ses tribus emblématiques, son mythe éternel du cow-boy. C’est le lieu où l’Amérique a forgé sa légende. Une légende ravivée par le cinéma, la télévision, la littérature, et dont le Montana offre la quintessence.
Des Rocheuses aux Grandes Plaines, des coulisses du parc de Yellowstone à celles du champ de bataille de Little Bighorn, Sylvie Brieu, grand reporter et écrivaine, nous entraîne dans un road-trip captivant à la rencontre d’Indiens, de champions de rodéo, d’auteurs, d’artistes et de spécialistes de la faune sauvage. Leur amour inconditionnel pour un environnement exceptionnel, aujourd’hui menacé, nourrit leur sens très profond de la communauté et leur résistance.
Loin des clichés d’une nation individualiste, de truculentes personnalités s'unissent dans des alliances redoutables pour dessiner un "Nouvel Âge environnemental". L’avenir des Etats-Unis se jouerait-il dans les marges ?
La critique de Mr K : Une lecture différente aujourd’hui avec un ouvrage documentaire écrit par une journaliste française que l’Amérique fascine depuis l’enfance. Dans L’âme de l’Amérique, Sylvie Brieu nous invite à plonger dans ce pays incontournable qui nourrit les fantasmes, les caricatures mais aussi les rêves les plus fous. À travers ses observations, ses rencontres et échanges, elle nous propose un voyage ébouriffant, d’une richesse inouïe et offre par là même une lecture riche de sens et de plaisir. Quel beau voyage !
C’est donc au Montana que nous posons nos valises pendant plus de 350 pages, un des États les plus vastes des États-Unis (le 4ème plus grand pour être exact) mais aussi un des moins peuplés. À nous les grands espaces avec les montagnes sauvages, les rivières fugueuses et les parcs naturels préservés dont le célèbre Yellowstone. Cela donne dans cet ouvrage de belles pages contemplatives, où l’on observe la faune et la flore au plus près, des descriptions qui procurent une évasion immédiate, une envie de décoller et de partir outre-atlantique pour suivre les pas de l’auteure. C’est d’ailleurs un de mes rêves de voyage et j’espère que ça pourra se réaliser. On retrouve cette aura majestueuse et fascinante qui m’avait tant marquée lors de mes visionnage de Jeremiah Johnson ou encore Et au milieu coule une rivière.
Cet ouvrage aborde aussi la question douloureuse des amérindiens, des cicatrices encore à vif du génocide dont ils ont été victimes par des blancs sans scrupules et sûrs de leur supériorité. Le Montana est chargé de cette Histoire et leurs descendants sont toujours à la marge, parqués dans des réserves, assommés par le chômage, la misère et les ravages de l’alcool et des drogues. Pour autant cet ouvrage ne nous livre pas une version pessimiste, il surfe plus sur les initiatives mises en place pour lutter contre cet état de fait, contre les magnats de l’énergie qui par leurs appétits capitalistes démesurés pourraient mettre en danger les hommes et les écosystèmes. On croise quelques unes de ses figures de résistance qui forcent le respect et représentent vraiment l’Amérique dans son combat pour la liberté.
On est donc bien loin des idées reçues et du miroir déformant que renvoient les médias sur les USA en 2022. Certes c’est un pays fracturé par l’expérience Trump, par les tensions raciales vieilles de plusieurs décennies mais c’est aussi une perle naturelle et une terre d’entraide et de combats nobles. L'Âme de l'Amérique résume tout cela à travers un road-trip passionnant, mêlant ressenti personnel et travail journalistique sans faille. Une belle expérience de lecture que je vous convie à tenter à votre tour.
"On est bien arrivés" de Renaud Epstein
L’histoire : Ces cartes postales, qu'on pouvait trouver dans les cafés, maisons de la presse ou épiceries des cités HLM racontent un monde disparu, dans lequel ces cités incarnaient la modernité urbaine et le progrès social.
La production en masse de ces cartes a accompagné la construction des grands ensembles durant les Trente Glorieuses, contribuant à forger et diffuser une image sociale valorisante de quartiers aujourd'hui stigmatisés.
Loin des représentations stéréotypées de quartiers-ghettos, mornes et criminogènes, ce livre montre la diversité du bâti, l'empreinte du paysage, et par le biais des quelques versos de cartes reproduits, un aperçu de la vie des habitants par eux-mêmes...
La critique de Mr K : J’ai débuté ma carrière de professeur en lycée professionnel dans le 93, le 9 cube comme on dit. Mes élèves venaient essentiellement des quartiers populaires, des grands ensembles entre tours et barres où l’on conjuguait solidarité forte mais aussi discrimination et mal de vivre. J’ai adoré cette expérience, forgé le professeur que je suis devenu et je n’ai jamais regretté ces cinq années intenses (avec au final la rencontre avec Nelfe comme cerise sur le gâteau !).
C’est donc avec grand plaisir que je débutai la lecture de On est bien arrivé de Renaud Epstein édité au Nouvel Attila, une maison que nous apprécions et offre toujours des ouvrages différents, à la haute valeur ajoutée entre engagement et quête artistique. Sociologue, spécialiste de la politique de la ville et des politiques urbaines, professeur à science po’ (niveau CV il se pose là), cet ouvrage est l’achèvement d’une aventure sur twitter entamée des années auparavant.
Le concept de départ est super sympa. L’auteur s’est mis à collectionner toutes les cartes postales éditées à l’époque de l’édification des grands ensembles, une révolution architecturale et sociale débutée au début des Trente glorieuses. Il alimentait ensuite un fil twitter "Un jour, une ZUP, une carte" en postant régulièrement la dite carte. N’étant pas twittos, je n’en dirais pas plus, n’ayant jamais fait partie de cette communauté. Prolongé par des murs d’exposition, l’idée a mûri de faire un livre qui reprendrait l’expérience (en sélectionnant les cartes) et en la prolongeant avec un texte introductif revenant sur l’historique des grands ensembles en y rajoutant une analyse sociologique, politique et évidemment sociale. L’ensemble se révèle passionnant et a donné naissance à un livre de toute beauté qui se révèle captivant.
L’ouvrage s’ouvre donc sur une introduction fort instructive. Après avoir parlé de son projet et de sa "méthodologie", Renaud Epstein revient sur la logique d’aménagement des grands ensembles avec les chantiers d’après-guerre d’un pays ravagé où le besoin de logement est criant. À cette époque, les grands ensembles incarnaient un gigantesque pas en avant, un progrès social, la possibilité d’une vie meilleure pour de nombreux déshérités. Leur uniformité, la modernité de leur architecture avec de multiples styles, la planification étatique au service du plus grand nombre était source de grandes espérances. Des décennies plus tard, ils sont devenus les symboles d’un échec social total, d’une société devenue discriminatrice et des quartiers où l’État a reculé au nom du chiffre et de la rentabilité et où les bandes et l’économie parallèle ont pris le contrôle des lieux. L’auteur ne s’attarde pas sur ce dernier point (malgré des citations bien senties dans la partie suivante), ce qui l’intéresse c’est le lancement, la typologie, l’application du plan, la sociologie des lieux et l’histoire que les cartes postales retranscrivent de manière parfois bluffante.
Puis, s’ouvre le long défilé de cartes postales. C’est tout de même étonnant de penser qu’ils en ont tiré beaucoup sous cette forme. C’est comme si aujourd’hui on faisant la même chose avec des lotissements. Il se dégage une grande nostalgie, un côté désuet et même décalé par moment. Souvent cela donne des scènes sans vraiment de présence humaine, un côté presque rétrofuturiste. On voyage donc de région en région, de banlieue en banlieue, des lieux érigés bien souvent en pleine campagne avec dans le cadre du cliché tantôt une vache, tantôt un cheval, parfois des grands axes de communication. C’est la France de demain qui s’élève entre projets pharaoniques et déjà des vices de forme qui présagent des problèmes à venir.
Très bien formalisé, On est bien arrivés se consulte avec grand plaisir. Les citations accolées en face des clichés font mouche bien souvent. Je pense notamment à la fameuse phrase du Tsar Cozy sur le karcher ou la formulation introductive du film La haine de Kassovitz, sans compter d’autres phrases d’architectes et autres responsables. Le livre gagne en densité, on se prend à beaucoup réfléchir et l’on ressort vraiment enrichi de cette lecture. Une belle expérience qui ravira les amateurs et les curieux.
"Qui a tué Cloves ?" d'Axel Sénéquier
L’histoire : Sur sa dernière vidéo, Océane, sourit à l’objectif :"Docteur, je veux que tu montres ce film dans tes congrès !" La petite fille sautille sur place. Un an auparavant, elle se déplaçait en fauteuil roulant et vivait avec une sonde vésicale : elle souffre du syndrome de Cloves. Aujourd’hui, elle se rend à l’école à pied et court partout.
Mon frère, Guillaume Canaud, est néphrologue. Au sein de l’hôpital Necker-Enfants malades, en suivant une simple intuition, il a découvert le traitement contre le syndrome de Cloves, une maladie génétique rare qui provoque des excroissances sur tout le corps et entraîne souvent la mort des patients avant l’âge adulte.
Ce livre est le récit de cette découverte inespérée : on y lit les doutes et les espoirs des chercheurs et des familles, les portraits bouleversants des jeunes patients et les coulisses d’une première médicale qui peut sauver la vie à des milliers d’enfants à travers le monde. Une histoire hors norme, presque trop belle pour être vraie, et pourtant...
La critique de Mr K : Compte rendu de lecture un peu différent aujourd’hui avec cette chronique d’un livre se situant à la confluence du documentaire et du témoignage. Qui a tué Cloves ? d’Axel Sénéquier raconte les différentes étapes d’une découverte incroyable qui a sauvé la vie des personnes atteintes d’une maladie orpheline qui donne son nom au livre. C’est le propre frère de l’auteur qui est le découvreur du remède qui ressemble à un miracle, il est donc bien placé pour pouvoir raconter cette histoire qui par bien des aspects se révèle extraordinaire.
Après une préface de Line Renaud que je ne trouve pas d’un grand intérêt car courte, convenue et surtout étrange quand on connaît son inclinaison de vote pour un Président en marche qui a une vilaine tendance à déshabiller les hôpitaux publics, le récit commence et très vite on se rend compte qu’Axel Sénéquier va suivre deux voies. Il va nous raconter son frère, son parcours et les étapes de ses expérimentations et entre temps, il intercalera des portraits de malades et de leurs familles. Cela dynamise le récit et propose une lecture toute en nuances et en émotions.
Axel Sénéquier est issu d’une famille de médecin, il est d’ailleurs le seul membre de la famille à n’avoir pas fait médecine. À priori, ses proches ne lui en veulent pas, c’est déjà cela - sic - ! Son frère Guillaume a en tout point un parcours exemplaire et, comme leur père, est un bourreau de travail. Très engagé dans la recherche mais aussi auprès de ses patients, il va découvrir qu’un traitement est possible pour guérir du syndrome de Cloves, une maladie orpheline terrible qui déforme les corps et provoque bien souvent la mort avant la majorité du patient. Douloureuse, éprouvante, détruisant le lien social bien souvent (les gens sont cons...), elle fait souffrir les patients et leurs familles. Dans certains chapitres du début, l’auteur revient donc sur cette maladie, son origine, ses symptômes et ses effets à long terme. Effet garanti je vous l’assure, c’est affreux surtout qu’on a l’impression que rien n’est fait pour leur venir en aide entre incompréhension et parfois même indifférence.
Guillaume qui est pourtant néphrologue (spécialiste des reins) trouve donc une nouvelle application à une molécule qui permet au patient de se sentir mieux très rapidement et à la maladie de reculer (pour l’instant on ne peut pas encore parler de guérison complète, la découverte a été faite il y tout juste trois / quatre ans). Les grosseurs disparaissent, le poids fond et les patients peuvent de nouveau avoir une vie sociale, faire du sport et essayer de vivre normalement. Tout cela est remarquablement expliqué dans une langue simple qui ne désamorce aucun aspect de la question de la maladie, du médicament, des recherches mises en œuvre. C’est passionnant de bout en bout et l’on ressort profondément admiratif du travail effectué par un homme qui de plus a su rester simple et abordable. Ainsi, il reçoit encore et toujours des patients, leur répond par SMS alors que bien des pontes se contentent de rester dans leur tour d’ivoire.
Ce qui toucha aussi énormément et même plus, ce sont les échanges qu’Axel Sénéquier a eu avec les familles et malades. Les destins ici livrés sont très souvent bouleversants et nous émeuvent jusqu’aux larmes parfois. Mais quel courage ! Quelle abnégation de certains de ces enfants à qui la vie n’a vraiment pas fait de cadeau mais qui nous étonnent et forcent l’admiration par leur énergie et leur mentalité optimiste. Tout n’est pas rose, des cas sont autrement plus difficiles notamment des patients plus âgés mais ces portraits sont d’une solarité incroyable parfois. J’ai déjà décidé d’en étudier deux / trois avec une classe de cette année qui se caractérise par sa morgue et son apathie. Je pense que la petite Zoé réussira à percer leur carapace d’adolescents repliés derrière leur écran.
Vous n’êtes pas sans savoir pour la plupart d’entre vous que Nelfe et moi sommes les heureux parent d’une Little K pétillante et pleine de vie depuis maintenant deux ans. C’est un bonheur journalier, une extension formidable d’une vie déjà bien remplie. Nous avons cette chance incroyable qu’elle soit en bonne santé et que son développement physique et mental se déroule parfaitement pour le moment. Ce livre m’a évidemment beaucoup touché car le parcours du combattant de certains parents touche en plein cœur, agace et parfois provoque une colère légitime. La France, grande puissance mondiale, berceau des Droits (vous savez ces choses essentielles qu’on a tendance à restreindre voire supprimer depuis cinq ans) est bien souvent aveugle et sourde à la détresse de ses citoyens. Certaines situations décrites dans ce livre sont ubuesques et ne devraient pas exister.
Ce fut donc une très belle lecture que celle-ci. La plume d’Axel Sénéquier fait une fois de plus merveille (j’avais adoré son recueil Le bruit du rêve contre la vitre paru chez Quadrature en mai 2021). Son regard et son approche sont louables et soulignent l’importance de la science et du soutien indéfectible que les État devraient lui apporter. Sensible, complet, voila un ouvrage à lire et qui malgré un sujet difficile apporte beaucoup à son lecteur et provoque une poussée d’espoir non négligeable en ces temps détestables.
"Islande" de Feifei Cui Paoluzzo et Thierry Stegmüller
Le contenu : Je suis arrivée par hasard ; Je m'y perds, je m'y retrouve ; Mais j'y reviens toujours ; Cette envie puissante de conserver ces moments magiques. Je les ai capturés avec mon objectif ; Pour vous, pour moi. Feifei Cui.
Islande. Ce mot est déjà une aventure en soi. Alors, lorsque ce mot est de surcroît mis en lumière par le regard pointu et sensible de Feifei Cui Paoluzzo, on est emporté dans un périple inédit. En effet, dans ses images, la photographe transpose et transmue la matière organique insulaire en lumière étincelante.
En plongeant dans ses images, l'on devient non plus seulement spectateur, mais témoin du lieu. Celui-ci prend vie et raconte alors une histoire. Forcément une histoire constellée de geysers, de roches volcaniques, de pluies diluviennes sur des montagnes ocre. Pour peu, on devine en arrière-plan les esprits vikings, les trolls figés dans le temps et les elfes qui rôdent, prêts à vous accueillir dans des abris de fortune.
Les scories, fragments de lave rouges ou noirs, hérissées d'arêtes et de pointes offrent un spectacle de début originel d'avant humanité. Les coulées de lave pétrifiée, mortifère, semblent porter tout le malheur du monde et pourtant elles invitent à la contemplation. Éboulis et aurores se marient et confondent ciel et terre.
Bienvenue en Islande, terre de feu et de glace !
La critique de Mr K: Chronique atypique aujourd’hui puisqu'il s’agit d’un ouvrage documentaire, un recueil photographique sur l’Islande, un pays qui me fascine depuis toujours et une destination rêvée qu’il faudra bien que je découvre un jour. Islande est donc un beau livre compilant des photos de la photographe Feifei Cui Paoluzzo avec en ajout des textes fort inspirés de Thierry Stegmüller. Le dépaysement est assuré. Quel bel objet que ce recueil qui se feuillette avec un plaisir renouvelé ! Moi le fan le Björk et Sigur Ros, je me suis retrouvé plongé dans ce pays de contraste d’une beauté éternelle, pure et puissante à la fois.
Les paysages défilent, décollent les mirettes et proposent un voyage instantané. Certes, c’est sans doute bien en deçà des impressions qu’on peut avoir en allant sur place mais cela donne tout de même un bel aperçu. Volcans, fjords, glaciers, rivières, végétations rases, faunes locales (phoques, macareux, chevaux sauvages, baleines à bosse), couleurs changeantes, temps chargé mais révélant des scènes absolument dantesques parfois, l’expérience est terrible. Terre préservée (pour le moment), peuplée de 330 000 islandais, on se plaît à s’imaginer perdu au milieu de nulle part, respirant un air pur et quêtant la présence des elfes auxquels croient plus de 50% des islandais.
On alterne aussi avec des clichés mettant en avant l’adaptation de l’homme à son milieu avec de très beaux clichés sur la côte, la pêche, les phares mais aussi les maisons, églises diverses, véhicules et les habitudes islandaises bien ancrées comme les spa en plein air, des scènes de la vie quotidienne d’enfants jouant ou encore de troupeaux d’ovins en quasi liberté. Les clichés sont superbes, le travail remarquable et là aussi on reste scotché face à ce que l’on voit.
Organisé autour des quatre points cardinaux et du centre du pays, Thierry Stegmüller plaque quelques textes où il parle du travail de la photographe, revient sur ses propres impressions sur l’Islande (un pays qu’il a parcouru à de multiples reprises), donne des conseils de voyage, nous en apprend plus sur les Islandais et leur île. Ces textes sont très bien écrits, volontiers poétiques par moment et totalement pétris d’admiration et d'amour pour l’Islande. Cela ne fait que renforcer mon attirance, mon envie de découvrir à mon tour cette terre sauvage où l’homme n’utilise que ce qu’il a besoin et semble éloigné des troubles / vices que nous pouvons connaître dans nos régions. À noter, le très joli poème en vers libres de Feifei Cui paoluzzo en introduction qui donne le ton et capte d’entrée le lecteur.
Difficile d’en dire plus, cet ouvrage est magnifique et comblera les amoureux de l’Islande, ouvrant une fenêtre sur une terre indomptée et séduisante. Les reproductions photographiques sont de toute beauté et on se laisse emporter sans s’en rendre compte. Un ouvrage que je vous conseille énormément et dans lequel je me replongerai régulièrement pour prendre ma dose de merveilles et de zénitude. Ça fait du bien par les temps qui courent !
"La Malédiction du pétrole" de Jean-Pierre Pécau et Fred Blanchard
L’histoire : Jusqu'à une date récente, autour de 2013, le chiffre d'affaires de l'industrie des pétroles était dix fois supérieure à celui de toute autre industrie. L'or noir, depuis un siècle et demi, a été le moteur de la croissance et la source des plus grands profits, il a aussi été la cause des plus grande malheurs pour les pays qui en ont trouvé dans leur sous-sol. Combien de temps cet état va-t-il durer ? Aucune idée.
Depuis dix ans, on repousse sans cesse le moment où on ne trouvera plus de pétrole sur Terre. Ce sera pour 2040 ? 2060 ? En tout cas, bien après que la catastrophe écologique du réchauffement climatique, dernière et ultime malédiction, nous ait obligés à nous en passer. C'est cette histoire à la fois longue et terriblement courte, cette histoire qui va de pair avec la révolution industrielle et qui se termine en ce moment même sous nos yeux, que nous allons vous raconter...
Il était une fois, le samedi 27 Août 1859, un faux colonel de l'armée américaine qui creusait un puits au bord d'une petite rivière de Pennsylvanie...
La critique de Mr K : Nouvelle lecture très enthousiasmante avec cette bande-dessinée documentaire empruntée pour l’été au CDI de mon bahut et qui s’est avérée aussi enrichissante que flippante. La Malédiction du pétrole de Jean-Pierre Pécau et Fred Blanchard, en plus d’être un bel objet talentueusement illustré, est une mine d’informations entre Histoire, Géopolitique, aventure humaine et lente destruction de notre belle planète bleue. Le grand mérite est de rassembler et relier nombre d’informations connues pour donner à l’ensemble une cohérence et une force incroyable.
Les deux auteurs nous proposent donc de remonter le temps et d’embrasser la thématique sous toutes ses formes. La découverte première, les problèmes d’extraction, de transport, de transformation, la capitalisation, les liens géopolitiques qui se créent et se délient. Bien sûr, on en apprend beaucoup sur l’or noir en lui-même, sa localisation et ses origines, les diverses utilisations que l’on va en faire et l’évolution de sa place / sa valeur dans le monde. Mais à travers ce prisme, il est aussi et surtout beaucoup question de l’humain et de sa propension à en vouloir toujours plus. À travers le phénomène des "sept sœurs", on assiste à la naissance du capitalisme moderne qui suit directement la révolution industrielle où dans le domaine pétrolier les frères Nobel (si si !) s’avèrent être des pionniers... Très vite, on se rend compte que l’Histoire du pétrole suit, accompagne et forge l’histoire humaine avec des focus très intéressants sur les deux conflits mondiaux et les derniers développements de l’actualité.
Le contenu est très dense et s’entremêle avec une logique implacable. Didactique sans être pesant, l’ouvrage détonne et permet une mise en relation des éléments de réflexion de manière fluide et gouleyante. Même si le propos est technique et bien souvent écœurant (les logiques en œuvre sont bien souvent épouvantables et défient toute morale élémentaire), l’ouvrage se lit tout seul et d’une seule traite. Très bien documenté, attisant la curiosité, on se plaît à poursuivre sa lecture par des recherches personnelles sur le web. L’éclairage est précieux et explique bien des choses que parfois l’on ne fait que percevoir. On est bien loin des portes ouvertes et clichés véhiculés bien trop souvent par nos responsables politiques ou les pseudos journalistes qui fonctionnent au buzz et / ou selon leur étiquette politique.
Pour tous les amateurs de quête de lucidité et de vérité, voila un ouvrage qui se pose là, magnifiquement illustré. Certaines planches sont de véritables tableaux. Le choix du noir et blanc est judicieux et renforce le charisme et l’aspect magnétique de cette lecture. Rajoutez une touche d’ésotérisme avec des représentations symboliques qui frappent là où ça fait mal avec des références bibliques de bon aloi et vous obtenez un ouvrage essentiel que je vous invite à découvrir au plus vite !
"Si je reviens un jour" de Stéphanie Trouillard et Thibaut Lambert
L’histoire : En 2010, lors d'un déménagement au sein du Lycée Jean de la Fontaine, dans le 16e arrondissement de Paris, des lettres et des photographies ont été trouvées dans une vieille armoire. Enfouis là depuis des dizaines d'années, ces documents appartenaient à une ancienne élève, Louise Pikovsky. Plusieurs mois durant, cette jeune élève juive a correspondu avec sa professeure de lettre. Son dernier courrier date du 22 Janvier 1944, où elle est arrêtée avec sa famille.
La critique de Mr K : Chronique aujourd’hui d’un nouvel ouvrage emprunté cet été à mon CDI. Dans Si je reviens un jour, Stéphanie Trouillard et Thibaut Lambert mettent en images et en mots, des lettres et des photographies retrouvées dans un lycée parisien. Ils appartenaient à Louise Pikovsky, une lycéenne juive que l’Histoire a rattrapée et condamnée durant la Seconde Guerre mondiale. L’ouvrage met en lumière le parcours de la jeune fille et sa famille vers leur destin tragique en collant aux textes découverts et en s’appuyant sur le témoignage de Mme Malingrey, professeur de lettres avec qui Louise entretenait des rapports privilégiés. Le contenu est hautement poignant, édifiant aussi. Malheureusement mon enthousiasme a été quelque peu douché par un choix esthétique que j’ai trouvé en deçà du propos. Reste une lecture essentielle et un destin qui méritait d’être mis en lumière.
L’ouvrage débute avec une réunion de Mme Malingrey avec quelques anciennes élèves au cours de laquelle elle leur parle de Louise et de ses lettres. S’ensuit un hommage rendu au sein du lycée, la narration de la courte vie de Louise peut commencer. Rien ne la différencie vraiment de ses camarades. Excellente élève qui reçoit régulièrement des prix d’excellence, elle aime par dessus tout apprendre et aller en cours. Curieuse de tout, elle aime se cultiver et se révèle être une jeune fille altruiste. On fait très vite connaissance avec sa famille, une cellule familiale unie qui a connu une histoire tourmentée par le passé notamment à cause des persécutions antisémites dont furent victimes leurs aïeux. Comme pour beaucoup, la France était apparue comme un choix judicieux, patrie des libertés et des droits de l’homme nul ne pouvait croire un seul instant à ce qui allait se dérouler par la suite.
On partage donc le quotidien de la jeune fille avec des scènes de repas, de chamaillerie avec les autres éléments de la fratrie, les cours et les relations avec ses camarades de classe. Mais une ombre plane, la guerre est bel et bien là et bientôt la France se retrouve envahie, la démocratie supprimée et remplacée par le régime de Vichy, état autoritaire et collaborationniste. Le père de Louise est arrêté et aucune nouvelle ne leur parvient jusqu’à son retour à la maison. Des camarades de classe d’origine juive ne reviennent pas à la rentrée et des rumeurs font leur apparition. La tension monte crescendo, l’inquiétude gagne la communauté et Louise n’est pas épargnée par le doute et la peur du lendemain. Et pourtant, elle continue d’être assidue en cours, d’apprendre encore et toujours car c’est la clef de la réussite pour plus tard.
Tout cela va être interrompu par l’arrestation de toute la famille le 22 janvier 1944 qui va directement être envoyée à Auschwitz où ils seront gazés dès leur arrivée. Ne reste d’eux que les documents récupérés et exploités ici pour conserver la mémoire de leur vie. Autant vous dire que cette lecture s’est révélée émouvante comme jamais avec un destin cruel, des aller-retours présent-passé judicieusement amenés et un message universel qui touche juste.
Gros bémol par contre au niveau du dessin que j’ai trouvé quelconque. Décors, personnages, cela ne m’a pas accroché l’œil ni séduit. C’est dommage, cela diminue l’attrait de cette BD vraiment bien ficelée par ailleurs et ô combien essentielle pour le Devoir de mémoire. À lire donc pour le fond avant tout, on en ressort ébranlé et touché.
"Algues vertes : l'histoire interdite" d'Inès Léraud et Pierre Van Hove
Le contenu : Des échantillons qui disparaissent dans les laboratoires, des corps enterrés avant d'être autopsiés, des jeux d'influence, des pressions et un silence de plomb. L'intrigue a pour décor le littoral breton et elle se joue depuis des dizaines d'années. Inès Léraud et Pierre van Hove proposent une enquête sans précédent, faisant intervenir lanceurs d'alerte, scientifiques, agriculteurs et politiques.
La critique de Mr K : Aujourd’hui, je vous propose de découvrir une BD documentaire comme on les classifie au CDI de mon lycée. Vous l’avez compris cet ouvrage fait partie du lot que j’avais emprunté pour ces vacances d’été et c’est une véritable claque. Algues vertes : l’histoire interdite de la journaliste d’investigation Inès Léraud et de l’illustrateur Pierre Van Hove est un bijou d’engagement et de rigueur journalistique. On tombe de Charybde en Scylla durant toute notre lecture qui lève le voile sur des pratiques honteuses et antidémocratiques qui ont toujours cours au moment où vous lisez ce texte. J’avais beau connaître quelque peu le dossier, cette lecture m’a beaucoup appris et enrichi, et j’ai beau adorer ma région, je ne peux qu’être écœuré...
Tout le monde où presque a entendu parler du phénomène des algues vertes qui touchent certaines côtes bretonnes. La journaliste revient d’abord sur les premières constatations qui à elles seules auraient mérité que la force publique s’empare dignement du dossier. Pensez donc ? Des animaux sauvages retrouvés morts, un cheval décédant sous son cavalier en moins de cinq minutes et bientôt, même des victimes humaines ! La situation est plus qu’alarmante et pourtant au fil de l’enquête de l’auteure, on se rend compte que le bien commun n’est pas la priorité des autorités. Des documents clefs disparaissent, des conclusions sont éludées et certains milieux d’affaires et politiques sont protégés grâce à un lobbying et l’accord tacite de hauts responsables. Dans ces conditions, le phénomène ne pouvait que prendre de l’ampleur...
Au fil du déroulé, les auteurs font des points bien précis et très documentés sur les forces en jeu. On se rend bien compte qu’un mort est bien peu de chose face à la puissance économique, financière et politique. Ainsi, on explore les montages des puissants avec des marques, des compagnies qui régissent à distance l’agriculture et pousse à la consommation de pesticides, directement responsables de la prolifération des algues vertes. Les syndicats majoritaires agricoles ont beau dire que c’est aussi la résultante des rejets des déchets ménagers, nous ne sommes pas dupes. Et pourtant, les responsables politiques de l’époque (dont certains sont aujourd’hui ministre de Micron Ier, vous savez cet homme qui dit avoir fait plus que tout autre pour l’écologie), le Baron de la Bretagne (aujourd’hui aux Affaires Étrangères) ont fermé les yeux ou fait les innocents, en jetant en pâture les militants écologistes bretons qualifiés d’empêcheurs de produire en rond voire de terroristes jetant l’anathème sur toute une profession.
Plus on avance dans notre lecture, plus l’effroi nous gagne. Le système est pourri jusqu’à la moelle, les hauts fonctionnaires sont aux ordres et suivent les directives d’en haut sans broncher, laissant le drame s’étendre. Bien sûr, une pseudo prise de conscience aura finalement lieu, un plan anti algues vertes mis en place avec un succès somme toute très relatif. Le mal est fait, les terres et eaux bretonnes souillées pour longtemps et au final en 2021, la crise écologique n’a jamais été aussi forte. L’ouvrage est un focus vraiment intéressant sur les rouages de l’ultra-libéralisme, du capitalisme sauvage dans le milieu agricole et agro-alimentaire qui ne lésine pas sur les moyens et les coups foireux pour pouvoir nourrir tout le monde. Triste monde tragique !
Pour lever le doute sur les données énumérée, éviter les procès en sorcellerie (rappelons que l’auteure a été intimidée plus d’une fois) et étayer les propos, un annexe présente des documents clefs reproduits, retranscrit la chronologie des affaires en lien et présente quelques clichés devenus pour certains emblématiques. Je pense au cheval mort sur l’estran des causes de l’inhalation d’hydrogène sulfurisé, gaz mortel émanant des dites algues. On retrouve donc une démarche journalistique rigoureuse de bout en bout avec une once d’ironie parfois vu la gravité des faits et les exactions de certains.
Voici une BD documentaire vraiment essentielle, à partager et discuter autour de soi pour espérer peut-être un jour mettre un terme à ce genre d’agissements aux conséquences critiques. Un must dans son genre que je vous recommande chaudement.
"Sur l'île noire" de Sonja Delzongle
L’histoire : Faut-il croire aux monstres ? Comment un mythe façonne-t-il une région ? Comment une légende fascine-t-elle le monde ? C’est la question que se pose Sonja Delzongle, auteure de polars, pour qui la différence, la solitude, la marginalité ont toujours été sources d'inspiration.
Autour de Nessie, créature des profondeurs, on trouve : des îles mystérieuses riches en légendes, des canulars, des présumées apparitions, mais aussi de sérieuses études scientifiques ayant abouti en 2018 à 600 prélèvements d’ADN et surtout, des doux dingues, aventuriers du lac, pour qui le fantastique est devenu le quotidien.
Sonja Delzongle est partie sur les noires terres écossaises pour saisir l'esprit des Highlands et apprécier le trouble de ses eaux. Elle est revenue avec un palpitant récit alternant entre enquête, rencontres improbables et voyage (intérieur comme extérieur).
La critique de Mr K : C’est à un très beau voyage à la fois fascinant et déroutant que je vous invite aujourd'hui avec Sur l’île noire de Sonja Delzongle, une auteure que je découvre avec cet ouvrage alors qu’elle est considérée avant tout comme une des figures féminines tutélaires du polar à la française. Ici, on est dans le domaine du carnet de voyage mais c'est bien plus encore avec l’évocation de souvenirs d’enfance et des réflexions très poussées sur notre nature profonde, notre rapport aux légendes, au fantastique, aux rêves et au désir. Ce petit ouvrage de 152 pages est grand par la portée et ses qualités littéraires. En voici un bref aperçu...
Fascinée par le mythe du Loch Ness depuis l’enfance, l’auteure part donc sur les traces de Nessie en Écosse. Une fois arrivée, la voila confrontée à une nature quasi indomptée. Ainsi, au fil des pages, elle évoque avec nous un trajet en voiture au milieu de nulle part, partageant émotion et ressenti face à l’immensité. La lande puis bientôt les lochs qui ont nourri son imaginaire sont là. Par petites touches, sans en rajouter et multiplier les lignes, elle imprime le paysage et l’ambiance qui y règne dans l’esprit du lecteur. L’immersion est totale et donne envie d’aller plus loin.
Commence alors le temps des rencontres avec un logeur bien sympathique qui l’accueille pour son court séjour, un passionné de Nessie qui vit désormais reclus dans un navire devenu maison et qui va lui livrer de nombreux éléments dans sa quête de sens, et diverses personnes qui gravitent autour du mythe. Les rencontres sont très bien rendues, dans un style épuré, lourd de signification dans ce qu’implique des paroles simples mais souvent emplies de sagesse. Complétant admirablement les paysages décrits, on est toujours plus profondément plongé dans cette Écosse intemporelle qui aiguise mes envies depuis tellement longtemps.
Et puis, il y a aussi une dimension réflective très importante dans cet ouvrage qui s’interroge à l’occasion sur ce fameux monstre, sa réalité mais aussi sa signification. Quel besoin a-t-on de croire ? Qu’est-ce que cela nous apporte ? Autant de questions métaphysiques auxquelles Sonja Delzongle se heurte et tente d’apporter son éclairage à travers ce fameux voyage. L’écrit n’en devient que plus riche, lourd de signification et apporte sans prétention aucune des réponses mais aussi de nouvelles questions sur l’Homme et ses désirs.
Multipliant les références culturelles, croisant les données, cherchant à trouver une vérité qui se dérobe à elle (mais bon Dieu ! Nessie existe-t-elle vraiment ???), il y a presque un aspect initiatique dans ce voyage en Écosse qui se prolonge en quête intérieure avec une grâce et une intelligence qui ne se démentent jamais. Sur l'île noire est une très belle expérience de lecture que je vous invite fortement à tenter !
"L'Ere de l'égoïsme" de Daryl Cunningham
Le contenu : Après la science ("Fables Scientifiques") et la maladie mentale ("Fables Psychiatriques"), Darryl Cunningham se penche sur les relations entre la politique et l’économie, et plus précisément sur l’évolution des doctrines libérales et leur rôle dans le déclenchement de la crise de 2008, puis de la montée des extrêmes droites en Europe.
Dans un premier temps, Cunningham brosse le portrait d’Ayn Rand, auteure américaine, - notamment de "La Grève" - relativement peu connue en France mais qui a été extraordinairement influente aux États-Unis. Ayn Rand est à l’origine de la doctrine de l’objectivisme et a influencé de très nombreux hommes politiques américains, dont les libertariens, mais aussi des personnes clés de l’administration qui jouèrent un rôle prédominant au moment de la crise de 2008.
Cunningham décrit également dans le détail les mécanismes en cause dans cette crise et les ravages qu’elle a causés, parallèlement à un nouvel essor des politiques libérales et à la montée de l’individualisme dans nos sociétés. Son engagement est sans équivoque et il annonce clairement la couleur dans sa préface : "Dans des États démocratiques, où le droit de vote existe, nous sommes responsables d’avoir donné le pouvoir à ceux qui estiment vertueux de privilégier l’amoncellement d’argent au lieu de l’égalité de tous."
La critique de Mr K : Lecture différente aujourd’hui avec cette BD documentaire parlant de l’expansion des doctrines libérales et leur rôle clef dans la crise de 2008 qui a mis le monde à genoux et dont on mesure encore les effets. Dans L’Ere de l’égoïsme, Daryl Cunningham propose trois parties qui s’articulent autour d’une doctrine qui prône l’individualisme au détriment du bien commun. Avec pédagogie, humour mais aussi un très bon esprit d’analyse, l’auteur nous ouvre les portes d’une élite qui domine le monde et l’entraîne malheureusement vers sa perte.
Tout commence avec la biographie d’Ayn Rand, une auteure américaine à l’origine avec d’autres de la pensée ultra-libérale avec comme concept d’origine l’égoïsme élevé au statut de vertu cardinale. Daryl Cunningham revient sur sa personnalité complexe, son parcours mais aussi son influence grandissante dans certains milieux de pouvoir : d’abord les finances puis peu à peu la politique. Cette partie est très intéressante car malgré un parti pris certain (l’auteur est clairement un progressiste et non un conservateur), il nous donne à voir le parcours de cette femme dans ses moindres détails et au fil du déroulé, ses fêlures et ses contradictions. On rentre même dans le cercle des intimes (dont certains personnages auront un grand rôle à jouer par la suite) et l’on se rend compte que ses théorie individualistes se heurtent très vite à sa volonté de tout contrôler notamment son mouvement. Elle qui s’érige contre le collectivisme et prône le libre choix en tout se révèle avoir une personnalité bien autoritaire voire dictatoriale. Le glissement est fascinant et explique mieux la suite.
Le deuxième chapitre explique donc en détail la grave crise financière de 2008 qui nous a touché de plein fouet et dont nous subissons encore les effets. On commence avec des explications sur les mécanismes en jeu : banques financières et banque des dépôts, politiques fiscales successives du gouvernement, idéologie libérale en vogue, subprimes, évasion fiscale, risques partagés et risques individuels et bien d’autres concepts purement économiques... C’est assez technique, quelques points m’ont d’ailleurs égaré en chemin mais ce n’est pas bien grave, les différents éléments s’imbriquent bien pour lancer les hostilités quand l’effondrement devient inéluctable. La théorie des dominos en direct fait froid dans le dos et surtout, on se rend compte (mais on s’en doutait bien) que nous avons été les dindons de la farce. Les ultra-libéraux sont bien contents de trouver l’État Providence pour renflouer leurs caisses et continuer pour certains à distribuer les dividendes à leurs actionnaires. Le pire est qu’on aurait pu penser que cette catastrophe leur a servi de leçon, mais non tout va bien, le système se perpétue et malgré quelques têtes coupées, les bonnes vieilles habitudes sont revenues en force avec son cortège d’inégalités sociales et environnementales. À gerber !
Enfin, la troisième partie est totalement différente avec pour commencer la mise en image d’une étude américaine sur le mode de fonctionnement des cerveaux et les habitudes quotidiennes de personnes conservatrices et progressistes. Loin de prendre parti, on s’intéresse ici à la psychologie intrinsèque de ces deux camps antagonistes mais qui peuvent à l’occasion se rejoindre. C’est passionnant car c’est assez juste quand on se l’applique à soi-même ou à des personnes de son entourage. Puis il revient sur les pratiques politiques actuelles avec notamment cette propension à couper systématiquement dans les budgets des services publics accusés de mille maux et que seuls des cures d’austérité pourraient rendre efficaces. L’auteur nous prouve une fois de plus l’illusion et la malhonnêteté qui règne derrière ces politiques plus mortifères qu’autre chose avec notamment l’exemple des allocations handicapées au Royaume-Uni avec les morts que cela a pu causer. Ce n’est pas très réjouissant je vous l’avoue et la conclusion est sans appel, soit le monde doit changer (et donc la nature humaine, vaste programme) soit nous courrons irrémédiablement vers notre fin et celle de la planète.
L'Ere de l'égoïsme est une vraie réussite car très pédagogique comme dit précédemment. L’auteur prend vraiment le temps d’expliquer, de comparer et d’illustrer ses propos. Les dessins sont très agréables, on tire ici vers le minimalisme, ce qui est impeccable pour faire passer efficacement des idées et pouvoir agrémenter les cases de la somme de connaissances à faire passer. L’ensemble est vraiment épatant et devrait être lu par tous. Même si on peut ne pas être d’accord avec certains propos, cette bande dessinée a le mérite de mettre les choses au clair. Au moins, on ne pourra pas dire qu’on n’était pas au courant. À lire absolument pour s’éveiller et peut-être un jour renverser l’argent roi et revenir à des sociétés plus soucieuses du collectif et de l’intérêt commun. On peut toujours rêver... ce n’est pas encore interdit !
"Mes 150 pourquoi : la Terre" de Anne-Claire Lévêque et Stephane Nicollet
Le contenu : Le monde qui nous entoure est d’une grande complexité !
Pourquoi Internet a-t-il été une révolution planétaire ?
Pourquoi parle-t-on d’un "Continent de plastique" ?
Pourquoi un être humain sur dix n’a-t-il pas accès à l’eau potable ?
Pourquoi les Japonais célèbrent-ils la déesse du Fuji-Yama ?
La critique de Mr K : Changement de registre aujourd'hui avec un ouvrage documentaire destiné aux plus jeunes à partir de sept ans. Mes 150 pourquoi : la Terre se propose, à travers de multiples interrogations, de titiller la curiosité et d’inciter à la découverte de notre chère planète bleue et de ses habitants. Plus jeune, je raffolais de ce types de livres et mes parents m’en avait offert un certain nombre. Il y a donc eu un doux parfum de madeleine de Proust lors de la lecture de cet ouvrage fort réussi.
Divisé en cinq grandes parties qui balaient toute une série de questions, il satisfera tout ceux qui s’intéressent au monde qui les entoure. La première partie se présente sous forme de cartes successives qui reviennent sur des fondamentaux comme la tectonique des plaques, les continents et océans, les climats ou les grandes nations du monde. Puis à travers une thématique "paysages", les auteurs reviennent sur les grands ensembles naturels de notre planète comme les fleuves, les lacs, les montagnes, les déserts ou les merveilles naturelles dont regorge le monde que l’on ne connaît jamais assez bien.
Ensuite, on s’intéresse à la population humaine (c’est la mode de la géographie humaine depuis maintenant plus de trente ans) avec la répartition démographique, les grandes mégalopoles du monde, les transports plus ou moins originaux qui existent ou encore la symbolique de certains drapeaux. On enchaîne de suite avec la question des ressources avec un focus sur l’eau, sur l’alimentation, les sources d’énergie, les dangers qui menacent la Terre et les solutions que l’on peut envisager. Enfin, on termine avec les cultures du monde avec des points sur les drôles d’habitats, les cultures gastronomiques, les jeux, jours de fêtes ou encore des architectures très particulières.
Comme vous pouvez le constater la liste est longue et à aucun moment l’ennui ne pointe le bout de son nez. Bien illustré, levant des questions parfois étonnantes, toujours enrichissantes, les pages se tournent toutes seules et sans efforts. Les plus jeunes en apprendront donc beaucoup tout en s’amusant. Je reste réservé sur certains textes que j’ai trouvé parfois orientés (je pense notamment au légendage sur le gaz vendu à un prix très accessible par la Russie, pas sûr que l’Ukraine et les pays de l’est soient de cet avis en cas de crise diplomatique) mais bon je chipote… Vous me connaissez, il faut que je râle tout de même. J’ai beaucoup apprécié par contre les éléments écologiques qui incitent nos chers têtes blondes à se saisir de ce sujet, à ne pas tomber dans le fatalisme et essayer de réagir. Greta Thunberg est passée par là et c’est salutaire.
Voilà donc un ouvrage frais, bien réalisé et qui permettra aux plus grands et aux plus petits d’amorcer des discussions intéressantes et de s’emparer de sujets hautement importants. Une chouette découverte que je vous invite à tenter à votre tour.