"Texto" de Dmitry Glukhovsky
L’histoire : Novembre 2016. Ilya rentre à Moscou après sept années de détention dans la zone – une de ces régions de Sibérie peu peuplées où la Russie installe des camps pénitentiaires –, bien décidé à tourner la page et à reprendre une vie normale.
À peine arrivé, il est confronté à la mort de sa mère, à une fin de non-recevoir de la femme qu’il aimait et à un monde qu’il ne reconnaît plus. La nuit même de son retour, l’esprit embrumé par l’alcool et la rage chevillée au corps, il tue l’officier de la brigade des stups véreux qui, sept ans plus tôt, l’avait piégé par simple mesquinerie. Ce faisant, il récupère son téléphone portable dont il a mémorisé le code de déverrouillage.
Le lendemain, prenant conscience de la portée de son acte, et ne se donnant que quelques jours à vivre, il n’a qu’une idée en tête : rassembler assez d’argent pour offrir une sépulture décente à sa mère. Une seule solution pour repousser l’échéance de sa mort : piocher dans le téléphone volé les bribes de la vie du policier pour faire croire à tous ses contacts qu’il est toujours en vie.
Commence alors pour Ilya une partie d’échecs simultanée : il n’a pas le droit à l’erreur contre chacun de ses "adversaires", en plus de jouer contre la montre.
Commence aussi une plongée dans les tréfonds de l’âme de celui qu’il hait, mais dont il doit assumer l’identité tant bien que mal, et avec qui il finit par se confondre.
La critique de Mr K : Chronique d’un beau cadeau de Noël offert par ma chère et tendre et que j’ai enfin lu malgré mon impatience au moment de sa réception. Il faut dire que j’adore Dmitry Glukhovsky, un écrivain russe au talent incroyable et à l’engagement sans ambiguïté contre le tyran qui dirige son pays. Il est surtout connu pour sa trilogie Metro qui est excellente mais je dois avouer que ma préférence va vers le sublime FUTUR.E et l’étrange et sinueux Sumerski. C’est d’ailleurs vers ce dernier que lorgne Texto, le dernier roman de l’auteur que je n’avais pas lu.
Je dirais tout d’abord que cet ouvrage est à part dans la bibliographie de l’auteur. Moins branché anticipation et fantastique, on rentre ici dans un récit intimiste complètement branque où Ilya le héros récupère le smartphone de sa victime et va se faire passer pour lui. À priori basique, l’intrigue n’est en fait qu’un prétexte pour disséquer la personnalité d’Ilya, explorer son passé et sa psyché pour le moins torturée. On pense immédiatement à Dostoïevski et notamment le fabuleux Crime et Châtiment qui m’avait laissé sur les genoux. Il ne se passe finalement pas grand chose, l’action est resserrée sur quelques jours mais en explorant le passé du propriétaire de son smartphone, en essayant de se substituer à lui, Ilya va de découvertes en découvertes, la culpabilité peu à peu l’envahit et l’entraîne vers une fin logique et imparable. Brillant !
Glukhovski est un orfèvre en terme de caractérisation des personnages. Que ce soit pour Ilya ou sa victime mais aussi tous les protagonistes qui gravitent autour d’eux, il façonne des êtres complexes, ambivalents, profondément humains. Il nous installe dans un faux rythme lent qui peut exploser du jour au lendemain en faveur d’une révélation faite en bout de ligne ou de paragraphe. Il faut se garder des idées toutes faites, des hypothèses que l’on peut élaborer, l’auteur s’amuse à nous tromper, nous diriger vers de fausses certitudes qu’il renverse avec un plaisir certain au fil de cette lecture très dense.
C’est le mot pour décrire une lecture pas forcément évidente au premier abord. Il faut se donner les moyens de pénétrer l’univers d’Ilya, de goûter au charme de cette écriture pleine qui prend son temps. L’action ne démarre vraiment qu’en milieu de volume, Glukhovsky prenant le temps d’installer une ambiance, un personnage. Cela en a découragé plus d’un mais vu mon goût pour cet auteur, je savais que la suite me rendrait au centuple l’effort consenti. Car dès lors qu’on passe le cap, on est entraîné dans un parcours pour le moins chaotique et incertain. Vivant une vie par procuration , Ilya commence à perdre pied, mélangeant sa vie et celle de l’autre, définissant de moins en moins bien le réel du fantasmé avec en fond une culpabilité qui l’envahit peu à peu sans espoir de rédemption ou presque.
En filigrane, l’auteur nous offre un tableau peu reluisant de la Russie actuelle avec l’évocation de mœurs et de pratiques anti-démocratiques comme le musellement des gêneurs, une police aux ordres, des condamnations iniques, une vision parfois paranoïaque du monde qui se traduit si tragiquement en ce moment en Ukraine. Le regard est ici lucide et sans concession, donnant lieu à une lecture éclairante, passionnante et parfois choquante. C’est à l’image de toutes les émotions que ce roman procure entre lumière et obscurité avec une humanité qui se débat comme elle peut et au final des destinées effilochées et vouées à disparaître. Ce n’est donc pas le plus optimiste des livres...
Comme dit précédemment, on retrouve toute la maestria de l’auteur, sa langue unique, son sens du récit même si ici il se réduit souvent aux émotions ressenties d’Ilya et sa prise de connaissance du passé de sa victime via son smartphone. Le rythme est lent (trop diront certains), moi je l’ai trouvé parfait et idéal pour appréhender au mieux personnages et tenants et aboutissants de cette intrigue profondément intime et humaine à la fois. Une sacrée expérience donc, qui divisera sans doute davantage que les œuvres suscitées de l’auteur mais qui pour ma part, m’a ravi et enthousiasmé.
Déjà lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- Metro 2033
- Metro 2034
- Metro 2035
- Sumerki
- FUTU.RE
"Le Feu primordial" de Martha Wells
L'histoire : Le royaume d'Île-Rien vit sous la menace d'un dangereux sorcier, l'énigmatique Urbain Grandier. Dans sa capitale de Vienne, le jeune et faible roi Roland règne sous l'influence d'un entourage équivoque et ambitieux. Seule Ravenna, la reine douairière, garantit encore l'intégrité du royaume. Or voici que reparaît à la cour la soeur bâtarde de Roland, Kade la demi-fée, fille du vieux roi défunt et de la reine de l'air et des ténèbres. Vient-elle s'emparer du trône ? Est-elle de mèche avec Urbain Grandier?
Le capitaine Thomas Boniface, ex-amant de Ravenna, est peut-être le dernier rempart entre Île-Rien et le chaos. À lui de comprendre qui est l'ami, qui l'ennemi. Mais son intelligence et ses qualités de soldat suffiront-elles à préserver le trône, surtout si la magie du royaume des fées fait irruption dans Vienne?
La critique de Mr K : Retour à la fantasy aujourd'hui avec cet ouvrage lu durant la période des Utopiales. Dégoté pour presque rien lors du défrichage de la médiathèque de Lorient, Le Feu primordial de Martha Wells m'avait attiré par sa quatrième de couverture intrigante (notamment le goût de l'auteur pour l'Histoire de France) et la maison édition L'Atalante que j'aime beaucoup. Ce fut une lecture rapide et très plaisante, même si les surprises ont été rares (le genre est assez codifié), on se plaît à suivre les intrigues de palais et les combats à l'épée qui parsèment ce roman très efficace.
Qui dit fantasy, dit souvent grandes chevauchées à travers de vastes espaces, des quêtes mystiques aux relents initiatiques et souvent, des nuits improbables dans des tavernes isolées (mon côté breton apprécie à chaque fois). Oubliez cela pour ce titre qui se déroule quasiment en huis-clos dans le château royal de Vienne, capitale du royaume d'Ile-Rien. Une sourde menace semble peser sur les lieux, le roi-enfant faible et influençable pourrait bien perdre sa place au profit de comploteurs parfois à peine masqués : des nobles ambitieux et sans scrupules, un magicien échappé du royaume voisin qui convoiterait le pouvoir du monarque ou encore l'invasion possible depuis l'outre-monde où réside des fées bien loin de celles qu'on nous vante dans les contes du même nom. Bel imbroglio dans lequel se débattent les personnages principaux dont Thomas Boniface, capitaine de la garde de la reine, fidèle à son serment d'allégeance et grand bretteur.
L'unité de lieu s’accompagne d'une unité de temps. Il ne se passe pas une semaine entre le début et la fin du volume, cette action concentrée donne une densité bienvenue au récit qui du coup se concentre sur l'essentiel. Pas de délayage ici mais une succession de rencontres, d’interactions entre personnages forts, combats épiques mêlant magie, poudre et lames, éléments d'enquêtes digne d'un roman policier plus classique, révélations plus ou moins attendues et même amour filé entre deux êtres très différents. Pas le temps de s'ennuyer, on enquille les pages sans vraiment s'en rendre compte et c'est même parfois frustrant de devoir s'arrêter tant on est happé par l'histoire et le rythme trépidant qui nous est proposé.
Le héros en lui-même n'est pas le plus attachant des personnages, bien que souvent ironique et plein d'à propos, je l'ai trouvé plutôt monolithique. Cette fadeur ne lui enlève pourtant pas ses qualités et met en lumières les autres protagonistes. Au premier rang d'entre eux, j'ai adoré le personnage de Kade, la demi-sœur du roi, fruit d'une union hors du commun entre le roi et une fée. Appartenant à deux mondes, repoussée de toute part, cette fêlure nourrit le personnage et la porte toujours en avant, la dotant d'un caractère bien pourri comme je les aime. C'est bien simple, dès qu'elle fait partie d'une scène (c'est-à-dire quasiment sur la moitié du livre), elle rayonne et charme irrémédiablement le lecteur. Étant amateurs de complot et de trahisons à la Game of Thrones, j'ai aussi particulièrement apprécié les bad guys qui s'avèrent très réussis, entre félonie abjecte et frustration de leur condition sociale. L'ensemble se marie bien, baignant dans une ambiance crépusculaire qui habille le roman d'oripeaux très séduisants. De manière générale, les personnages bien que plutôt convenus sont bien traités, explorés en profondeur et enrichissent un récit finalement pas si développés que cela, l'action étant limité dans le temps comme dit précédemment.
La fantasy est ici virevoltante et sans concession (l'attaque de la Horde sur le château à mi-parcours est impressionnante, la description des arts magiques), séduisant l'amateur que je suis malgré un air parfois de déjà lu. J'ai aussi beaucoup apprécié la caractérisation, les descriptions liées au château et ses dépendances (belles cartes jointes au début du livre) qui donne un réalisme bien poussé au contexte. On aime faire l'aller retour entre les passages écrits et le document cartographié, on s'imagine complètement dans les scènes décrites et l'on s'amuse à suivre les héros au plus près. Je peux vous dire qu'on l'explore en long, en large et en travers ce château et qu'il réserve bien des surprises.
Bonne lecture donc, idéale pour passer un bon moment loin de la réalité et s'évader vers un monde onirique où l'héroïsme et le danger vont de pair. Les amateurs de fantasy devraient apprécier surtout s'ils veulent se lire un one-shot sans prétention et facile d'accès. Avis aux amateurs !
Puces de Doëlan 2017 (29)
Nous avons découvert les puces de Doëlan l'an dernier et depuis, nous nous sommes promis que si nous étions dans le coin fin juin, nous irions chaque année. Doëlan est un de mes lieux préférés près de chez nous mais nous ne connaissions pas du tout ses puces et chiner dans un tel cadre est absolument magique !
Pour ceux qui ne connaissent pas Doëlan, notez bien le nom de ce petit village pour une prochaine escale en Bretagne. C'est incontournable. Ici, point d'animations pour touristes ou de bals populaires tout l'été mais un petit port typique, de jolies maisons, une criée et la vie bretonne à l'état pur ! Eté comme hiver, je prends toujours beaucoup de plaisir à me promener le long de la Laita et du sentier côtier, sauvage et battu par les vents. A la limite Finistère Sud / Morbihan, sur la commune de Clohars-Carnoët, c'est ici qu'ont donc lieu chaque fin juin les puces du même nom.
Ici, les habitants ouvrent leur garage, sortent les tables de jardin, les parasols, et vendent ce qui ne les intéressent plus. Vous connaissez le principe des puces...
On trouve aussi quelques stands de professionnels mais de façon très marginale. Ici, c'est encore du vide-grenier pur jus, avec les bonnes affaires et la bonne ambiance qui va avec ! Il fait beau, vendeurs comme acheteurs ont le sourire !
Et puis, comme je le disais, on profite du cadre. On chemine le long de la Laita, on admire les bateaux. C'est l'été, les parterres sont fleuris, l'eau est bleue, la vie est belle !
Ici, il y a de tout et de rien sur les étals des brocanteurs d'un jour. De vieilles nappes, des objets que l'on retrouve également chez nos grands-parents, de jolies "vintageries" et du kitsch. Tout le monde y trouve son compte.
Place maintenant à nos petites trouvailles. Bon... Vous nous connaissez... On a un détecteur à bacs de bouquins au bout du nez alors forcément on a pas mal fureté de ce côté là. Mais pas que ! Voyez plutôt :
Côté bouquins :
- "L'Enjomineur 1792" de Pierre Bordage que Mr K est plus que ravi d'avoir trouvé dans son édition de chez L'Atalante. Bordage est un ses auteurs favoris et cette trilogie qui débute avec ce tome ci n'était pas encore dans sa PAL. C'est maintenant chose faite !
- "Le Gardien de phare" de Camilla Läckberg que je suis ravie d'avoir trouvé dans son édition Actes Sud / Noirs pour compléter ma collection ! J'ai commencé cette série littéraire il y a quelques années et tout cela est fort classieux dans une bibliothèque (huhu).
- "Impératrice" de Shan Sa. Mr K avait lu "La Joueuse de go" et l'avait adoré. Et hop, dans le panier !
- "Haka" de Caryl Férey parce que j'adore cet auteur tout simplement !
- "Les Justes" d'Albert Camus pour le plaisir de tomber sur cet ouvrage après en avoir justement parlé avec ses collègues la veille...
Côté thé :
Et oui parce que chez nous, nous sommes aussi de gros consommateurs de thé, nous sommes tombés en amour devant ce petit service en porcelaine anglaise. Petites subtilités de la chose, il sera détourné de sa fonction première. J'adore utiliser les théière en pot de fleurs sur ma terrasse (et oui !). Du coup, après une légère custumisation, la théière ira rejoindre ses copines dehors, le pot de lait et la tasse rejoindront quant à eux la cuisine. Je vous montrerai sans doute tout ça sur IG !
Tout ça pour 7€, franchement, on n'allait pas se priver... Autosatisfaction à son comble !
"L'Enfer du Troll" de Jean-Claude Dunyach
L’histoire : "– Nous sommes censés accompagner Sheldon et Brisène dans leur voyage de noces à l’autre bout du monde et jeter un coup d’œil à la situation d’une des mines locales, qui s’ouvre à flanc de volcan. Les rapports qui lui parviennent ne sont pas conformes au planning.
– Tu t’attends à quoi ?
– Une menace inconnue, terrifiante, du genre que les humains ne sont pas taillés pour affronter. Une apocalypse à l’échelle du monde, qui risque d’éradiquer toute vie intelligente sur Terre. Et ça pourrait même nous affecter, par ricochet..."
Pour venir à bout de leur quête, le Troll et ses complices vont devoir affronter les typhons des mers du sud, une armée de zombies et de consultants, et résister aux pièges des épouvantables souvenirs pour touristes. Mais ils disposent d’une arme secrète : leur mission est dotée d’un budget.
La critique de Mr K : Il y a deux ans environ, je vous parlais avec enthousiasme de ma découverte de Jean-Claude Dunyach avec le très réussi L’instinct du Troll qui mélangeait allégrement clichés de fantasy avec des notions et un vocabulaire moderne du type du pastiche Le Conseil corporate basé sur l’adaptation ciné du Seigneur des anneaux. J’ai depuis croisé l’auteur aux Utopiales et rencontré un homme heureux d’écrire, d’une bonté et d‘une gentillesse de tous les instants. C’est donc avec un plaisir immense que j’entamai cette nouvelle lecture qui s’inscrit complètement dans la lignée du précédent en reprenant certains personnages connus et en enfonçant à nouveau le clou de l’humour grinçant et des passages ubuesques. Amateurs de gaudriole et de références léchées, vous êtes les bienvenus !
On retrouve ici notre bon gros troll pour une nouvelle quête aux bordures du monde connu, son chef l’envoie sur une île lointaine, dans un volcan où se trament d’étranges événements qui pourraient rompre l’équilibre précaire du monde. Mais la route est longue, il va falloir survivre à la croisière organisée à laquelle il participe et supporter les impondérables qui vont en découler, sans compter la compagnie de zozos plus dingos les uns que les autres. C’est l’occasion pour l’auteur de continuer à asticoter le lecteur et notre monde à travers des moments de bravoures, des situations cocasses et de grands moments de solitudes. Délectable !
Avec L'Enfer du Troll, Dunyach nous montre le pendant féminin de notre troll de héros en la personne de sa compagne qui va prendre les commandes très tôt ; c'est une force de la nature romantique, cela donne de belles pages de romance et de tendresse version troll. Attendez un peu de lire les passages concernant leurs étreintes et vous comprendrez l’amour fou qui les unit. C’est à la fois touchant, drôle et décalé. Il faut dire qu’il ne sont pas trop de deux pour affronter la bêtise ambiante entre des nécromants vendeurs versés dans l’escroquerie organisée, les elfes foldingues aux motivations obscures, un stagiaire décidément très tarte et naïf (aaaaah ces humains !), une jeune mariée possessive et dictatoriale, des chevaliers peu toniques qui se révèlent être des incompétents notoires dans leur domaine, des fonctionnaires avides de réunions qui se transforment en brutes sanglantes si vous avez le malheur de ne pas porter de badge...
Je crois que vous pouvez vous faire une petite idée de l’esprit qui souffle sur ses pages entre quête du Graal assistée par GPS (Graal Position System), parcs d’attraction pour touristes avec des zombies asservis dedans, des machines à café où se tractent les pires complots, des boules à neige contenant de vraies âmes à l’intérieur, une fin du monde capitaliste à souhait et des personnages complètement largués qui ne peuvent compter que sur leur malice et un bon budget pour s’en sortir. C’est ultra-efficace, très bien ciblé et ça démoli aux passages les classiques évoqués au détour de quelques lignes bien senties (le passage sur l’aube rouge est un modèle du genre, Legolas retourne te coucher !). C’est irrévérencieux, très très drôle si on aime l’humour à la mode Pen of Chaos et qu’on aime la fantasy. Si ce n’est pas votre cas, vous feriez mieux de passer votre tour, les amateurs de fantasy pure à la mode Tolkien en seront pour leur frais. Pour ma part, j’ai été comblé par ce dépoussiérage rigolard qui ne se prend jamais au sérieux tout en garantissant une belle qualité littéraire au lecteur.
Le risque principal de ce genre d’ouvrage réside souvent dans le trop plein. Heureusement l’auteur nous sert ici un roman de deux cents pages donc court mais suffisant. Pas de lassitude donc, un style gouleyant à souhait et un rythme endiablé qui ne laisse que très peu de moments de pause au lecteur qui se retrouve englué dans un univers fantastico-comique assez impressionnant et complet. C’est avec un grand sourire que l’on repose l’ouvrage une fois fini et qu’on se dit qu’on en reprendrait bien une petite louche. Honnêtement, si vous êtes amateur de Pratchett, vous en avez ici un dérivé à la mode gestion-administration de très haut vol qui vous mènera vers des sommets de plaisir insoupçonné. Un must dans le genre !
"Sumerki" de Dmitry Glukhovsky
L’histoire : Quand Dmitry Alexeievitch, traducteur désargenté, insiste auprès de son agence pour obtenir un nouveau contrat, il ne se doute pas que sa vie en sera bouleversée. Le traducteur en charge du premier chapitre ne donnant plus de nouvelles, c'est un étrange texte qui lui échoit : le récit d'une expédition dans les forêts inexplorées du Yucatán au XVIe siècle, armée par le prêtre franciscain Diego de Landa. Et les chapitres lui en sont remis au compte-gouttes par un mystérieux commanditaire.
Aussi, quand l’employé de l'agence est sauvagement assassiné et que les périls relatés dans le document s'immiscent dans son quotidien, Dmitry Alexeievitch prend peur. Dans les ombres du passé, les dieux et les démons mayas se sont-ils acharnés à protéger un savoir interdit ? A moins, bien entendu, que le manuscrit espagnol ne lui ait fait perdre la raison. Alors que le monde autour de lui est ravagé par des ouragans, des séismes et des tsunamis, le temps est compté pour découvrir la vérité.
La critique de Mr K : Je ne me suis jamais vraiment remis de la claque que fut la lecture de FUTU.RE du même auteur, un roman de SF ambitieux et sans concession qui m’avait procuré un plaisir de lire rare et précieux. C’est donc avec une joie ineffable que je découvris le cadeau de Noël de belle-maman en décembre dernier. On ne le dis jamais assez, il faut toujours soigner ses relations avec sa belle-mère !
Dans Sumerki, roman de 380 pages, nous suivons la lente descente aux enfers de Dmitry Alexeïevitch, un traducteur moscovite confronté à un curieux texte écrit en espagnol il y a plusieurs siècles. Ce dernier relate une expédition de conquistadors dans la jungle du Yucatan à la recherche d’un mystérieux objet sacré aux yeux des mayas. Plus il avance dans sa traduction, plus Dmitry voit sa perception du réel se troubler, la réalité et l’imaginaire se mêlant inextricablement au fil des chapitres qui s’égrainent comme autant de coups de semonce avant la révélation finale. Rajoutez à cela des événements étranges et catastrophiques qui se produisent un peu partout dans le monde comme annonciateurs d’une apocalypse à venir et vous obtenez un texte prenant comme jamais qui fait la part belle à l’introspection du narrateur-héros et à l’installation d’une atmosphère inquiétant et glauque au possible !
Par bien des aspects, ce livre m’a tout d’abord fait penser à une superbe étude de caractère à la manière du Horla de Maupassant (malgré un style d’écriture très très différent). L’auteur s’évertue à nous décrire la moindre action, moindre pensée de son personnage principal dont on ne sait jamais vraiment s’il est sain d’esprit. Être plutôt ordinaire, quelconque, à la vie bancale, Dmitry va à travers ce nouveau travail aux conditions étranges (il reçoit les manuscrits au compte-gouttes) se révéler à lui-même. Il se retrouve confronté à l’extraordinaire entre croyances mayas qui semblent ressurgir dans le réel, un écrit mystérieux qui pose énormément de questions et n’apporte pas beaucoup de réponses dans un premier temps. On navigue donc à vue avec ce héros attachant mais néanmoins dérangé qui au fil de ses expériences, de ses rencontres interlopes (des voisins bizarres, un limier de la police qui ne lâche rien, une créature inquiétante stationnant devant sa porte...) et de ses recherches sur les mayas va toucher du doigt une vérité à la fois terrifiante et jubilatoire.
On explore Moscou avec lui, passant de l’appartement étouffant aux grands boulevards et aux ruelles sombres. On rentre avec Dmitry dans d’étranges musées poussiéreux se situant dans une rue qui n'apparaît sur aucune carte et les locaux des agences de traduction ont tendance à disparaître du jour au lendemain... Il n’y a donc pas seulement l’esprit du héros qui soit touché par un mal grandissant, ce dernier se reflète aussi dans la réalité qui l’entoure et l’accumulation de nouvelles graves des désordres du monde n’est pas fait pour rassurer. Il semblerait que la nature se réveille et prenne sa revanche sur les êtres humains. Cette fin du monde qui se profile est-elle prévue de longue date ? Est-elle inéluctable ? Que cache le mystérieux manuscrit à ce propos ? Tout autant de questions qui trouvent leur réponse dans un final halluciné et hallucinant qui m’a laissé totalement pantelant (et ravi) en fin de lecture.
Sumerki est un bijou d’écriture. On retrouve la splendide langue de l’auteur qui se fait ici encore plus intimiste pour mieux explorer les abysses de l’esprit humain et la théogonie maya. Ce mélange subtile entre un homme en perdition qui se raccroche à un travail qui le fascine et l’immersion dans un système de pensée totalement différent du notre : celui des mayas. Le rythme dans cet ouvrage est plus lent que dans FUTU.RE, les descriptions y sont plus nombreuses et les interactions entre personnages plutôt rares. Mais on retrouve la critique acerbe de nos sociétés qui apparaît au détour d’une réflexion ou d’une phrase, un sentiment de mélancolie, de désespoir qui prend à la gorge le lecteur hypnotisé par le passage régulier entre le récit d’exploration qui vire au voyage mystique et les retours à une réalité qui se transforme en cauchemar. C’est très dérangeant, exigeant de part la finesse d’écriture et du sous-texte mais incroyablement beau dans son aspect crépusculaire (ça tombe bien, Sumerki signifie crépuscule en russe).
Je n’en dirai pas beaucoup plus pour ne pas livrer de clefs de lecture mais ce livre est une sacrée expérience littéraire. Il confirme tout le bien que je pense de cet auteur décidément à suivre, ancré dans son époque mais néanmoins très inspiré d’auteurs comme Dostoïevski notamment dans le traitement des personnages. Sumerki est une petite bombe comme on en lit rarement, je ne saurai trop vous conseiller de tenter l’aventure à votre tour. Vous verrez, vous en reviendrez changé !
"Hier je vous donnerai de mes nouvelles" de Pierre Bordage
Le contenu : "J’inspecte les rayonnages de ma bibliothèque, je n’y trouve aucun livre d’Homère, pas la moindre trace du grand inspirateur. Qu’ai-je bien pu faire du vieux bouquin tant de fois corné qu’il avait fini par renoncer à sa forme livresque ? Comment ai-je pu le laisser s’exiler de chez moi ? Qui me l’a volé ?
Puis je souris. Quelle importance ? Ces œuvres qui m’ont vivifié, nourri, enchanté, ne sont-elles pas mieux dans des mains avides que sur des planches de bois grises de poussière ? Ne sont-elles pas mieux à voyager et à s’ouvrir à de nouvelles âmes ? Les livres (que dire des versions électroniques ?) se déplacent, se prêtent, jaunissent, se déchirent. Je les ai sans doute offerts de bon cœur, mû par le plaisir unique de partager un secret, un vertige… Les personnages que j’ai aimés, eux, ne meurent pas, à jamais admis dans l’olympe des archétypes.
Et moi, j’essaie de me faire une petite place, modeste laboureur des mots, dans le sillon éternel et fécond tracé par les grands faiseurs d’histoires."
Pierre Bordage pour ce troisième recueil nous offre quinze nouvelles et un préambule.
La critique de Mr K : Hier je vous donnerai de mes nouvelles est le dernier ouvrage paru à ce jour de Bordage. Il s'agit ici d'un recueil de nouvelles écrites entre le début du millénaire et l'année 2015, certains écrits étant restés inédits jusque là, d'autres ayant été insérés dans des ouvrages collectifs ou dans certains journaux dont Télérama ou le journal Libération. Après un prologue prenant où l'auteur nous explique son amour immodéré pour les œuvres imaginaires, le lecteur oscillera pendant quinze nouvelles entre anticipation, SF pure et fantasy. Beaucoup de variété donc pour une majorité de textes réussis, addictifs et sacrément bien menés. Mais qu'attendre d'autre d'un tel talent ? (je sais je me répète)
Tour à tour, l'auteur nous convie à remonter le temps en compagnie d'un voyageur recherchant ses origines et qui va rencontrer un certain nombre de ses aïeuls et constater malheureusement que l'Histoire se répète. On suit la révélation que va faire un grand-père à son petit-fils en sortant de leur confort habituel et en explorant le grand monde. Au détour d'un autre texte, on suit les pérégrinations existentielles d'un rescapé d'un crash spatial qui va se retrouver confronter à un choix cornélien puis juste après, l'auteur nous offre un petit "morceau" de son œuvre culte Les Guerriers du silence qu'il a ôté du substrat originel. L'occasion pour moi de renouer avec les terribles Scaythes d'Hyponéros ! Ceux qui n'ont pas lu cette trilogie doivent absolument se ruer dessus, je l'ai littéralement dévoré à l'époque et ceci bien avant le blog (d'où l'absence de chronique, je sens que je vais devoir le relire !).
Par la suite, on croise aussi un extra-terrestre qui observe l'humanité depuis très longtemps et en dresse un portrait peu flatteur, des migrants fuyant le réchauffement climatique se heurtant au protectionnisme nationaliste (ça ne vous rappelle rien ?) et d'autres fuyards luttant contre une invasion végétale des plus ragoûtantes ! Quelques pointes de fantasy font aussi leur apparition avec la quête d'une jeune reine à la recherche de son empathie perdue et un tueur à gage pris de remords quand il découvre la cible qui lui a été vendue... Et puis, du post-apocalyptique des familles avec une zone de quarantaine isolée du reste du monde, un barde en panne d’idées qui cherche l'inspiration auprès d'une sirène captive, le jugement d'un autocrate par d'anciennes victimes et pour finir un très beau texte faisant la part belle aux origines de toute vie à travers un voyage sans retour.
Sacré programme donc ! On retrouve les thématiques chères à Pierre Bordage notamment son goût pour l'humanisme à travers des luttes parfois vaines mais souvent portées par de magnifiques personnages allant du vieux sage au jeune en devenir. Rien n'est jamais gratuit ici, tout n'est que volupté de la langue, enrobé de messages sous-jacents. Mélange d'aventure, de scènes de partage et d'échange, de quêtes intérieures, on retrouve un souffle épique, universaliste qui fait que le récit le plus irréaliste peut nous parler et nous interroger sur nous et surtout sur le monde que nous construisons. C'est aussi une vision sans fard des destructions et exactions de l'homme sur ses congénères et sur son berceau, belle planète bleue sacrifiée au nom des raisons économiques et nationalistes. Certains passages font réellement froid dans le dos dans leur caractère prophétique mais les habitués de l'auteur ne seront pas surpris, les fans de SF encore moins...
On passe donc de bien bons moment avec des récits certes courts mais d'une densité de contenu important, des personnages charismatiques et un style d'écriture toujours aussi entraînant et facteur de rêve et d'évasion. Par forcément le meilleur Bordage (je lui préfère ses romans) mais de belles parenthèses enchantées (ou non) en attendant le prochain long récit du maître. À lire !
Autres ouvrages de Bordage chroniqués par mes soins au Capharnaüm éclairé :
- Chroniques des ombres
- Les Dames blanches
- Graine d'immortels
- Nouvelle vie et autres récits
- Dernières nouvelles de la Terre
- Griots célestes
- L'Evangile du Serpent
- Porteurs d'âmes
- Ceux qui sauront
- Les derniers hommes
- Orcheron
- Abzalon
- Wang
"Le Clin d'oeil du héron" de Jean-Claude Dunyach
L'histoire : J’ai souvent parlé de magie avec Ayerdhal. Pas la force extérieure manipulée par des thaumaturges, mais celle qui naît dans le cœur et la volonté des hommes et que j’ai voulu illustrer dans ce recueil. Il en a donné sa propre définition dans Parleur ou les chroniques d’un rêve enclavé : "Parleur parlait et nous suivions. Il y avait quelque chose de magique dans cette sujétion, quelque chose qui ne tenait pas seulement de ce charisme, dont Mescal me parla par la suite, et qui ne dépendait pas uniquement du parfait usage qu’il faisait de ces connaissances humaines. Aujourd’hui, je sais que cette magie s’appelle intégrité et qu’elle fonctionne par la conscience que nous en avons, car tous nous connaissons les limites de notre propre honnêteté. Nous ne savions pas au juste ce que Parleur pensait, mais nous n’avions jamais détecté le moindre décalage entre ses paroles et ses agissements."
La critique de Mr K : Ce volume est le huitième du genre à paraître chez l'Atalante pour l'auteur qui affectionne tout particulièrement le genre de la nouvelle. Pour ma part, je n'avais lu de lui jusqu'alors qu'un excellent pastiche de fantasy intitulé L'Instinct du troll qui compilait quatre nouvelles contant les mésaventure d'un troll qui se retrouvait du jour au lendemain responsable d'un stagiaire pas très doué... Ici point de tout ceci mais sept nouvelles ayant en fil rouge commun la magie (au sens large) et définitivement tournées vers la SF et l'anticipation.
Un couple amoureux fou voit leur affection mise à l'épreuve par les merveilles de la technologie moderne qui permet à chacun de prolonger sa vie et de littéralement fusionner avec l'être aimé, deux sœurs en séjour à Amsterdam vont être confrontées à un illusionniste qui va leur rendre service, une astrophysicienne enceinte découvre avec son équipe un nuage spectral étrange, serait-il possible que ce soit Dieu ? Un jeune homme un peu paumé va trouver dans une ruelle un mystérieux passage avec un gardien énigmatique, cette rencontre va changer à jamais sa perception de la vie. On retrouve aussi une histoire bizarre mélangeant magie et incarnation terrestre des anges, une compagnie capable de ressusciter les stars disparues mais aussi une traqueuse à qui l'on confie une enquête déjà résolue cachant une manipulation à grande échelle.
Comme vous pouvez le constater, on retrouve de grands thèmes de SF classique comme la course au progrès et ses conséquences entre déshumanisation des populations, consumérisme institutionnalisé et planète en péril. C'est aussi au détour de certaines nouvelles des réflexions sur la place de l'être humain dans l'univers et la quête de sens que nous poursuivons tous au milieu des multiples signaux "pseudo" enchanteurs que médias et société nous renvoient. Peu de place à l'optimisme donc mais de beaux portraits de personnages bien différents qui se débattent avec réussite ou non d'ailleurs avec leur existence et le monde qui les accueille. Il est aussi beaucoup question du réel et du virtuel, de la frontière de plus en plus ténue qui peut exister entre les deux et la confusion qui peut en découler. C'est très intéressant de se projeter avec l'auteur vers ces futurs plus si lointains que ça...
Avec Dunyach, on passe par toutes sortes d'émotions contradictoires avec par moment des sourires et de la légèreté puis quelques lignes après, les affres de l'existence humaine et son lot de doutes et d'échecs. C'est très particulier et même si toutes les nouvelles ne sont pas du même niveau, on passe un bon moment, pris dans des textes concis mais non dénués de nuances et de circonvolutions scénaristiques parfois déroutantes. Bien moins amusant que l'opus précédemment cité, on retrouve dans Le Clin d'oeil du héron la verve dans l'écriture, une accessibilité de toutes les lignes et des formulations qui claquent là où ça fait du bien.
Une bien belle lecture pour tous les amoureux de courts récits et du genre SF qui trouvent là un bel ambassadeur que j'approfondirai de mon côté en essayant de dégoter quelques autres recueils de ses nouvelles. À bon entendeur...
Chasse aux livres à Lorient !
Comme chaque année, la médiathèque de Lorient propose son "désherbage annuel", c'est l'occasion pour eux de faire le tri, de renouveler leur stock et de proposer à des prix défiant toute concurrence (à part l'abbé peut-être...) des ouvrages variés : 1€ le broché et 0.5€ le poche. Si ça fleure pas bon l'orgie livresque, je ne m'y connais pas ! Nous y sommes allés sur deux jours, Nelfe m'ayant précédé et m'incitant à y retourner avec elle le lendemain. Quelle tentatrice celle-ci ! Mamma mia, que va devenir ma PAL ?
Voila l'étendue des dégâts ! 12 ouvrages pour ma pomme et 5 pour ma diabolique moitié qui contribue grandement au maintien en grande forme de ma PAL. On est bien d'accord que tout est de sa faute ! Ne l'écoutez pas si elle vous dit le contraire.
La pêche lorientaise fut donc bonne et variée entre ouvrages contemporains, policiers, SF et littérature jeunesse. Suivez le guide, on commence par les nouveaux adoptés de Mr K :
(Yes, yes, yes, des ouvrages de l'Atalante pour pas cher !)
- Le Train du diable de Mark Sumner. À priori un mélange de western et fantastique très côté dans le milieu des amateurs de littérature de genre. Belle couverture pour un résumé faisant la part belle à l'aventure, le mystère, les grands espaces, les pouvoirs surnaturels et les complots meurtriers. Rien que d'y penser, j'en ai l'eau à la bouche.
- Le Feu primordial de Martha Wells. Présenté en quatrième de couverture comme un mix entre Alexandre Dumas (que j'adore !) et de la fantasy pure, un royaume est ici menacé par un dangereux sorcier. On nous promet de l'Aventure avec un grand A dans la traditions des grands romans de cape et d'épée avec un soupçon de merveilleux à la mode US. Il semblerait que là encore ce soit une très bonne pioche. Wait and see.
(SF, en veux-tu ? En voilà !)
- Genèses, ouvrage collectif présenté par Ayerdhal. Voici un groupement de texte traitant de la naissance du monde et pour l'occasion le regretté Ayerdhal a recruté du beau monde dont Bordage, Dunyach, Werber et bien d'autres. 9 récits donc pour revenir aux origines, réfléchir, s'évader et s'amuser. J'ai RDV entre autres avec une danseuse cybernétique, Mozart devenu astronaute, une armée de clones, des oiseaux assassins... Tout un programme !
- Mars Blanche de Brian Aldiss (en collaboration avec Roger Penrose). Roman humaniste traitant de l'utopie et du moyen d'y parvenir, on suit des naufragés de l'espace qui tentent de tout recommencer à zéro pour ne pas réitérer les erreurs du passé. mais c'est plus facile à dire qu'à faire ! Ce livre est le fruit de la collaboration entre un grand écrivain de SF et d'un scientifique. C'est le genre de projet qui me plaît depuis mes lectures enthousiastes des trois volumes co-écrits par Terry Pratchett et Stephen Baxter. Hâte d'y être !
- La Murailles sainte d'Omal de Laurent Genefort. Encore un auteur que j'adore ! Ce volume appartient à la tétralogie d'Omale, un cycle que je n'ai toujours pas abordé et qui s'apparente à du space-opéra humaniste. L'occasion fait le larron, j'espère simplement pouvoir le lire indépendamment des autres. Des avis sur la question ?
(Pour quelques Actes Sud de plus...)
- La Surproductivité de Kim Sung'ok. En grand amateur de littérature asiatique que je suis, j'ai découvert assez récemment que la Corée fournissait de très bons auteurs en plus de films en général marquants et trippants (Old boy, I saw the devil entre autres). Ce livre parle de l'apprentissage de la vie et de l'amour par un jeune journaliste qui va être confronté au hasard, aux émotions, incidents ou simple concours de circonstances qui jalonnent une vie humaine. Ma curiosité a été piquée, la couverture est sexy, je fonce !
- La Soif de l'âme de Christine Falkenland. On reste dans les couvertures sexy avec cette histoire de passion qui tourne mal entre complicité, réminiscences névrotiques, domination et violence. M'est avis que ça va swinguer dans les chaumières ! J'aime les lectures décalées, hors-cadre, je pense qu'avec ce titre je vais être servi !
- Voix sans issue de Céline Curiol. L'auteure met en scène l'histoire d'une jeune femme confrontée à la solitude dans son travail et sa vie intime, et qui s'en sort par son humanité et son empathie envers les autres. À priori, le texte est d'une grande force et il s'agit d'un premier roman. En général cela donne de belles bouffées littéraires et des expériences de lecture intéressantes. C'est le coup de poker du jour!
(Un joyeux mix prometteur !)
- Les Roses d'Alacama de Luis Sepulveda. Un auteur culte à mes yeux, je n'ai même pas regardé le résumé au dos. Chaque lecture de Sepulveda, c'est l'assurance d'un voyage à nul autre pareil entre humanisme, poésie et engagement pour les générations futures. Il ne fera pas long feu dans ma PAL celui-là !
- Underground ou un héros de notre temps de Vladimir Makanine. Ma période russe est loin derrière moi mais que de bon temps passé en compagnie notamment de Dostoievski et Tostoï. Je renoue avec la littérature slave avec cette histoire mêlant le destin contrarié d'un écrivain devenu gardien d'immeuble et la grande Histoire notamment la chute de l'URSS. Absurde, tragi-comique et interrogation sur la condition humain sont au RDV selon l'éditeur. Ça sent très bon!
- Le Libraire de Régis De Sa Moreira. C'est le résumé de huit lignes qui m'a séduit, je ne connais rien d'autre du livre ou de l'auteur. Il est question de livres, de libraires et du pouvoir évocateur de la littérature. Gageons que ce saut dans l'inconnu soit une réussite... Je ne sais pas pourquoi mais je pense que j'ai fait un bon choix.
- La Mort à demi-mots de Kim Young-Ha. Le narrateur est un esthète du crime qui prend à coeur son métier et ce qu'il implique. Il confronte ses victimes à leur propre mort, les incite à y réfléchir et leur laisse finalement le dernier mot. Avec un tel pitch, je ne pouvais passé à côté de cet OVNI littéraire venu tout droit d'Asie. Hâte, hâte, hâte !
(Je cède la parole à Nelfe pour sa petite sélection bien aguicheuse !)
Avec seulement 5 romans de plus dans ma PAL, comme vous pouvez le constater, je suis bien plus raisonnable que Mr K... Hin hin... Il faut dire aussi qu'en plein Challenge Destockage de PAL avec faurelix, notre Challenge Sans Nom, je me devais de ne pas ruiner mes efforts passés (tu parles d'efforts...) tout en me faisant un peu plaisir. Parce que ça, ça ne se refuse JAMAIS !
- La Messe anniversaire d'Olivier Adam. Cela fait un moment que j'avais noté ce roman dans ma wishlist. Je ne l'avais pour l'instant jamais croisé lors de chinages, c'est maintenant chose faite et il est à moi ! Olivier Adam est un auteur que j'aime beaucoup et que j'ai surtout lu avant l'ouverture de notre blog (autant dire une éternité).
- Coney Island Kid d'Amram Ducovny (aucun lien avec Mulder). Coup de poker pour ce roman ci que je ne connaissais pas du tout, encore moins son auteur. Oui mais voilà, quand dans une 4ème de couv' se trouvent réunis les mots "truculente odyssée", "mondes interlopes", "adolescent fantasque" et tout cela à Brooklyn dans les années 40, je ne peux pas résister.
- Siegfried : une idylle noire de Harry Mulisch. Idem ici. Vous connaissez mon amour pour les ouvrages traitant de la seconde guerre mondiale. Il est question ici des Falk, domestiques au Berghof, le refuge bavarois de Hitler, qui font le récit non seulement de la vie quotidienne dans l'entourage de Hitler, mais surtout des circonstances dans lesquelles ils se sont attachés au petit Siegfried, son fils avec Eva Braun, jusqu'à ce qu'un ordre venu de Berlin leur demande l'inimaginable. Une histoire fortement romancée mais à laquelle je ne peux pas tourner le dos...
- L'Histoire de Bone de Dorothy Allison. Je me languis de découvrir cet ouvrage qui fleure bon l'Amerique. En Caroline du Sud, en plein été étouffant, ce roman met en scène une adolescente dans une famille "difficile" entre pauvreté, violence et alcoolisme. Une lecture qui risque de laisser des marques...
- Le Chien tchétchène de Michel Maisonneuve. Un Babel noir pour terminer et un roman où les mamies sont torturées dans des caves. Une belle brochette de personnages m'attendent dans ce polar d'après le résumé du bouquin !
---------------------
Comme vous pouvez le constater, on n'a pas chômé et nous avons fait de sacrés trouvailles. Nos PAL s'étoffent une fois de plus (merci Nelfe pour le plan foireux !) mais ce n'est que du bonheur en perspective pour les lecteurs compulsifs que nous sommes. Reste maintenant à faire des choix et à prioriser nos prochaines lectures. Mais ça c'est encore une autre histoire !
"Métaquine" de François Rouiller
L'histoire : Régis, dernier de la classe ne veut pas prendre de Métaquine® le médicament qui transforme les cancres en écoliers modèles. Des millions d’enfants inadaptés bénéficient pourtant du traitement, au grand soulagements des profs et des parents. Mais Régis craint que la chimie dissolve le Duché, la contrée fabuleuse d’où son imagination tire châteaux, dinosaures et compagnons de jeu invisibles.
La mère du gamin s’est enfermée sous un casque de cybertox, son beau-père rumine des fantasme de tueur en feuilletant d’abjects magazines. Il n’y a guère qu’une voisine, neuropsy à la retraite, pour l’aider à défendre ses rêves. Ou peut-être, en ville,cette politicienne remuante qui milite contre la distribution de psychotropes à l’école.
Mais que peuvent deux idéalistes face à un géant pharmaceutique et aux milliards de son budget marketing, alors qu’on découvre à la Métaquine® des vertus toujours plus prometteuses et que la planète entière a déjà gobé la pilule ?
La critique de Mr K : Chronique d'un livre hors-norme aujourd'hui avec les deux volumes de Métaquine, premier roman de François Rouiller qui rentre d'entrée de jeu dans la cours des grands auteurs de SF en activité. Pharmacien de formation, grand amateur de SF, illustrateur, critique et désormais écrivain, il propose avec ce diptyque une plongée sans concession dans un futur proche inquiétant, reflet de nos propres errances contemporaines en matière de politique, d'économie et de rationalisation à tout crin. On ne ressort pas indemne d'une telle lecture et Métaquine marque un jalon essentiel de plus dans mes lectures SF. Quelle expérience!
Nous suivons essentiellement six personnages principaux. Un jeune garçon (Régis) qui refuse de prendre le fameux médicament miracle qui modifie le comportement et les capacités du patient. Pour l'aider il peut compter sur la vieille voisine (Sophie) ancienne neuropsychologue à la retraite qui suite aux révélations du garçon va réveiller son esprit critique. La mère de régis (Aurelia) est quant elle une cybertox totalement dépendante de son addiction au Simdom (réalité virtuelle à la Second life), elle cherche son nouveau moi dans cet univers virtuel qui l'a libérée de sa condition d'humaine. Son compagnon Henri veille sur son corps durant ses immersions de plus en plus prolongées, subvient au besoin de Régis aussi. Il commence depuis peu à psychoter de la cafetière, ses fantasmes étant peuplés de fusillades de masse, de meurtres à l'encontre des employés de la boîte où il travaille et de rêves de destruction. Nous suivons aussi une enseignante militante (Clotilde) candidate aux élections locales pour un parti marginal qui combat l'influence de la société Globantis sur les politiques d'éducation, pourvoyeuse de la Métaquine et qui en Curtis a trouvé le commercial idéal, charme et cynisme compris dans le paquetage. Chaque chapitre est l'occasion de changer de point de vue, faisant évoluer l'histoire à un rythme lent et implacable, accumulant indices, fausses pistes, divergences et convergences.
Intercalés entre certains chapitres, un mystérieux lanceur d'alerte Ferdinand A. Glapier intervient sous forme de cours textes tirés de son blog. Il livre alors des éléments de réponse sur les forces en jeu, sur la notion de mass-média, de mensonge, de manipulation, de répartition des pouvoirs. Flirtant avec le conspirationnisme (tendance Mulder dans X-Files, on est loin de Soral je vous rassure!), il révèle les rouages du monde, comment il a évolué et les mécanismes qui l'animent: collusion du pouvoir avec les grands groupes industriels, manipulation des masses par la publicité et les grands médias qui servent la messe en continue, la dictature de l'égalitarisme et même l'asservissement à un psychotrope puissant de nos chères têtes blondes. Dire que nous sommes à l'aulne de ce type de monde n'est pas exagéré pour tout spectateur attentif à la société du spectacle qui s'étale devant mes yeux écœurés ces derniers temps (en vrac: Hanouna, l'enterrement de la gauche par le grand tout mou, l'émergence des réactionnaires de tout bord et la dérision de mise pour parler de mouvement alternatifs citoyens -Nuit debout en première ligne-, la démission des parents face à l'éducation de leurs mômes qui poussent n'importe comment, le virtuel et la technologie à tout va qui remplace l'humain et l'écoute…). Oui, Guy Debord avait vu juste et même plus encore. Ce livre est un peu à sa manière un bel hommage à son titre majeur, La société du spectacle, un des meilleurs livres que j'ai jamais lu. Attendez vous à de la réflexion sans concession, en toute vérité, sans vernis ni adoucissant mais aussi sans exagération ni compromission. Homme, tu n'es qu'un homme et franchement ici, ce n'est pas rassurant!
L'aspect récit est lui aussi très réussi. L'histoire bien qu'avançant très lentement comme dit plus haut est d'une densité stupéfiante. Autour des six personnages principaux gravitent un certain nombre de personnages clefs qui provoquent des péripéties en pagaille et ne ménagent pas le lecteur. Le premier volume, Indications, prépare le terrain, installe la caractérisation des personnages et perce à jours des relations naissantes et anciennes. On s'attache directement à tous les protagonistes qui possède chacun leur part d'ombre et de mystère. Il faut savoir être patient car au départ, la dispersion des éléments peut se révéler troublante. J'ai pour ma part rajouté quelques micro-signets sur des passages clefs pour pouvoir y revenir plus tard. Surtout que l'on change vraiment d'optique dans la seconde partie (volume 2), Contre-indications, dans laquelle l'auteur opère un virage quasi mystique avec un monde en plein bouleversement, où les réalités se chevauchent et vont changer le monde connu à jamais. Bien barrée, cette partie flirte avec le mystique et le cyberpunk, ouvrant une fenêtre sur l'esprit humain, la communion des âmes et la règle inéluctable du changement. Je suis resté scotché par ce final totalement délirant mais néanmoins logique quand on remet en place les pistes ouvertes depuis plus de 800 pages.
Livre dense, livre somme, Métaquine est un bonheur renouvelé de lecture à chaque chapitre. L'écriture ambitieuse et exigeante n'en n'oublie pas le plaisir de lire car il reste accessible malgré tout, le lecteur navigue à vue, manipulé qu'il est par un auteur novateur d'une intelligence impressionnante dans la livraison des trames du récit et dans la profondeur des réflexions apportées (et que l'on peut poursuivre ensuite en compulsant le blog affilié à l'ouvrage).
Quelle claque mes amis! Ce ne sera que la deuxième de chez Atalante après le génialissime Futu.re! Pas de choix possible, pauvre lecteur! Tu aimes la SF? Tu trouves que quelque chose cloche dans l'évolution du monde actuel? Cours, va chercher bonheur dans ta meilleure librairie, lis Métaquine! Je vous garantis que vous me remercierez tant cette expérience est à la fois unique entre sensibilité et peinture visionnaire. Un must!
"FUTU.RE" de Dmitry Glukhovsky
L'histoire: Dans un avenir pas si lointain… l'humanité a su manipuler son génome pour stopper le processus de vieillissement et jouir ainsi d'une forme d'immortalité. L'Europe, devenue une gigapole hérissée de gratte-ciel où s'entasse l'ensemble de la population, fait figure d'utopie car la vie y est sacrée et la politique de contrôle démographique raisonnée. La loi du Choix prône que tout couple qui souhaite avoir un enfant doit déclarer la grossesse à l'État et désigner le parent qui devra accepter l'injection d'un accélérateur métabolique qui provoquera son décès à plus ou moins brève échéance.
Une mort pour une vie, c'est le prix de l'État providence européen.
Matricule 717 est un membre de la Phalange qui débusque les contrevenants. Il vit dans un cube miteux de deux mètres d'arête et se contente du boulot de bras droit d'un commandant de groupe d'intervention. Un jour, pourtant, le destin semble lui sourire quand un sénateur lui propose un travail en sous-main : éliminer un activiste du parti de la Vie, farouche opposant à la loi du Choix et au parti de l'Immortalité, qui menace de briser un statu quo séculaire.
La critique de Mr K: Attention chef d’œuvre! Sans doute la plus grande claque littéraire dans le domaine de la SF que je me sois pris par un auteur contemporain depuis ma découverte de la trilogie des Guerriers du silence de Pierre Bordage et du Vaisseau ardent de Jean-Claude Marguerite. Grand prix des Utopiales 2014 avec son ouvrage précédent (pas encore lu mais ça ne saurait tarder!), Glukhovsky prouve avec ce livre-somme de 736 pages que les comparaisons avec Huxley et Orwell circulant à son propos ne sont pas usurpées. J'en reviens toujours pas tant ce livre m'a procuré à la fois évasion, réflexion et tout un cortège d'émotions contradictoires.
Dans l'Europe de FUTU.RE, les hommes sont devenus des Dieux: ils ont vaincu la Mort. Mais à quel prix? À cause de la surpopulation (120 milliards d'individus rien que sur notre continent), il interdit d'avoir des enfants. Les contrevenants sont soumis à la loi du Choix où un des parents peut échanger sa vie contre celle de sa progéniture. Le héros n'est qu'un petit maillon de la chaîne en apparence. Enfant élevé par l'État suite à la défection (Disparition? Exécution?) de ses parents, le Matricule 717 est un membre de la Phalange, bras armé de l'ordre chargé de faire respecter la loi du Choix avec des pouvoirs étendus. Véritable milice fasciste, rien ne le prédispose à sortir du lot, il traverse sa vie d'immortel sans passion, bourré de tranquillisants comme l'ensemble de la population. Son destin va basculer lorsqu'un sénateur haut placé va lui confier une mission peu ordinaire. Il va devoir assassiner un opposant politique qui prône notamment la suppression de la loi du Choix. La mécanique s'installe et une rencontre fortuite va lui faire découvrir un sentiment qu'il n'avait jamais éprouvé jusque là: l'Amour. Perturbé, déphasé et perdu, 717 rentre alors dans l’œil du cyclone entre questionnements intérieurs, complot mondial et course contre la montre dans un monde devenu mortifère et aseptisé.
Ce livre est une merveille d'intelligence et de virtuosité narrative. Le lecteur est captivé dès le premier chapitre et je vous assure qu'il est tout bonnement impossible de ne pas penser à ce livre, à cette histoire quand on n'est plus en pleine lecture (au travail, durant les repas, même dans mes rêves, je vous jure!). C'est suffisamment rare pour être souligné, l'addiction est puissante tout comme le souffle qui règne sur l'ensemble de cet ouvrage.
La dystopie est ici d'une grande noirceur comme dans les livres des deux auteurs pré-cités. L'Utopie d'origine a engendré un monstre totalitaire cloisonnant les gens et leurs esprits. Dieu est mort, place à l'éternelle félicité programmée, standardisée et chimique car on assomme les populations sous les cachetons pour éviter les "pétages de plomb" qui plomberaient (sic) la belle perfection de cette Europe radieuse et puissante. Le pouvoir en place s'appuie sur les immortels (guerriers cachés sous le masque d'Apollon / Méduse, superbe couverture soit dit en passant!) qui distillent la peur et maintiennent l'ordre mou ambiant. C'est le règne de l'apparence et de la superficialité, tout être vieillissant (les fameux injectés punis pour avoir désobéi) est montré du doigt et mis à l'écart. Aux portes de l'Europe, les migrants s'amassent, attirés qu'ils sont par les promesses d'un continent prospère où chacun peut vivre éternellement. Mais comme dans notre monde réel, ils sont rejetés, ignorés et décriés. Toute ressemblance avec une actualité récente ne serait que fortuite bien évidemment! Le background fait vraiment froid dans le dos, l'humanité par son accession au savoir suprême semble avoir perdu toute empathie et morale (déjà qu'à la base ce n'était pas gagné!).
L'Europe n'est plus qu'une grande forêt de tours hautes de plusieurs kilomètres reliées entre elles par des tubes et des transports en commun. C'est le règne de la technologie qui a vaincu la Nature, disparue depuis longtemps au profit de la "Culture". Le roman nous transporte dans une vision du future d'une grande froideur et d'une précision chirurgicale. L'auteur nous propose des descriptions grandiose teintées d'amertume comme rarement j'ai pu en lire auparavant, le tout dans un style léger et très accessible. On voyage beaucoup entre les dortoirs glaçants où sont "éduqués" les futurs immortels, les cellules-blocs servant d'appartements aux plus modestes, les quartiers déshérités de Barcelone la rebelle, les bains-publics alvéolaires, les bureaux des puissants perchés à plus de 500 étages de hauteurs, des parcs artificiels recréant une illusion de nature, les usines automatisées où est fabriquée la nourriture.
Au milieu de tout cela, 717 se débat entre son éducation qui l'a transformé en être violent et primal et ses différentes rencontres notamment Annelie. Loin des poncifs, des attentes classiques, le personnage principal attise tour à tour la curiosité du lecteur, son agacement, son horreur parfois mais aussi le dégoût, la compassion et même la tristesse. A deux reprises, je n'étais pas loin de verser ma petite larme. La fin du livre est d'une intensité redoutable pour le personnage principal et le lecteur pris en otage. De manière générale, Glukhovski est un orfèvre, les personnages sont fouillés, complexes et leurs interactions ne laissent rien au hasard. Le scénario général fait place à des ramifications multiples et saisissantes, les révélations sont nombreuses (jusqu'à l'ultime page tout de même!). Il n'y a pas de trop plein avec ces plus de 700 pages, quand on referme le livre, on regretterait presque que ce soit fini!
FUTU.RE fut une lecture immersive et prenante comme jamais. On ressort avec l'impression d'avoir lu un texte clef, unique et marquant. Je n'oublierai pas de sitôt cette dystopie à la fois thrash (des passages sont bien rudes, âmes sensibles méfiez-vous), poignante (le passage dans la mission catholique est tout bonnement cristallin et magnifique) et prophétique (Mon Dieu, on fonce vers ce genre de société!). Un grand, un très grand, un énorme moment de littérature comme on en vit peu dans une vie. Il rentre directement dans mon panthéon des dix meilleurs romans que j'ai jamais lu. Alors franchement… Qu'attendez-vous? Foncez, le futur est à portée de page!