vendredi 31 mars 2023

"La Ville de vapeur" de Carlos Ruiz Zafon

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L’histoire : Un architecte qui fuit Constantinople avec les plans d'une bibliothèque inexpugnable, un étrange cavalier qui arrive à convaincre un tout jeune écrivain (accessoirement nommé Miguel de Cervantes) d'écrire un roman inégalable... On retrouve dans ce recueil une atmosphère et des thématiques familières aux lecteurs de Zafón : des écrivains maudits, des bâtisseurs visionnaires, des identités usurpées, une Barcelone gothique et certains des personnages phares de la tétralogie du Cimetière des livres oubliés, tels Semperé, Andreas Corelli ou David Martin.

La critique de Mr K : Chronique d’un très beau cadeau d’anniversaire aujourd’hui avec un des derniers Carlos Ruiz Zafon qu’il me restait à découvrir, La Ville de vapeur, un recueil de nouvelles écrites au fil du temps et publiées l’année de sa mort prématurée. Ce fut une fois de plus un merveilleux voyage en compagnie de ce conteur hors pair qui se révèle très doué pour aborder ce genre exigeant et nous livre au passage quelques petites révélations sur des personnages clefs de sa tétralogie du Cimetière des livres oubliés.

11 nouvelles composent ce recueil allant de deux pages à plus de soixante, le format de chaque texte évolue donc beaucoup pour à chaque fois un vrai moment de bonheur de lecture. On voyage à travers le temps et l’espace même si bien sûr avec cet auteur, on navigue toujours autour de Barcelone baignant dans une atmosphère gothique et que l’on croise des personnages à fort charisme.

Tour à tour, un très jeune écrivain tombe sous le charme d’une jeune fille très riche tout les sépare sauf leurs sentiments, en pleine hiver une jeune fille enceinte trouve refuge dans une maison aristocratique pas des plus accueillantes, un photographe loue sa fille pour célébrer et faire renaître un enfant mort, on suit le destin tumultueux du créateur du labyrinthe des livres oubliés ou encore celui de Cervantès dans une version quelque peu remaniée – sic -, un richissime avocat défie à chaque Noël quiconque de le battre aux échecs en échange d’un pacte faustien, un jeune garçon passe une nuit peu commune auprès d’une jeune fille énigmatique, on suit un assassin en mission, un jeune homme loue une chambre sous les toits et fait la connaissance de la fille du proprio qui n’est pas forcément ce que l’on croit, on accompagne Gaudi à New York et on assiste même à l’apocalypse en deux minutes et deux pages !

Porté par l’imagination folle qu’on lui connaît, Zafon nous offre un sacré mélange des genres avec ces textes mêlant écrit picaresque, légende, histoire, récit d’apprentissage, thriller à l’occasion, fantastique, romance impossible... On plonge avec délice dans ces textes où nombre de rêves éveillés font écho à l’âme sombre des hommes, où la vengeance n’est pas un vain mot, mais où on s’aime aussi, où l’on partage le goût des livres, des histoires qui enrichissent et réchauffent les âmes.

C’est beau, très finement écrit, très profond malgré la brièveté parfois extrême de certains textes. Ce fut une lecture poétique et envoûtante bien souvent, une lecture qui nous touche en plein cœur et provoque l’évasion immédiate. Quel beau moment encore passé en compagnie du virtuose espagnol !

Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- L'Ombre du vent
- Le Jeu de l'ange
- Marina
- Le Prisonnier du ciel
- Le Prince de la brume
- Le Palais de minuit
- Les Lumières de septembre

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mercredi 29 mars 2023

"La véritable histoire du Lapin de Pâques" de Violaine Troffigué et Béatrice Rodriguez

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L'histoire : Certains racontent qu'un lapin distribue les œufs en chocolat de Pâques. Connaissez-vous son histoire ?

La critique Nelfesque : C'est bientôt Pâques et voici un album tout trouvé pour accompagner ce moment festif dans nos foyers ! "La véritable histoire du Lapin de Pâques" nous raconte celle d'un lapin qui, se promenant dans un jardin, tombe sur une brouette retournée. Pourquoi est-elle là ? Qu'y a-t-il en dessous ? Pourquoi ne pas aller voir ce qui s'y trouve ?

Une histoire de répétitions amusante et surprenante qui fait entrer en scène écureuils, hérissons, blaireaux, renards, cigognes et cerfs, tous curieux et prêts à donner un coup de main à ce jeune lapin. Malgré tous les efforts et ruses déployés, la brouette ne bouge pas d'un centimètre ! Vont-ils réussir à se glisser sous cette objet de malheur !? La solidarité et l'unité vont repousser les difficultés et le matin de Pâques, une interrogation va naître chez les enfants : "sont-ce les lapins qui distribuent les œufs de Pâques !?"

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Parce qu'il n'y a pas que les cloches et les poules qui déposent les œufs le jour J, les petits lapins nous dévoilent ici leur secret de fabrication pour le plus grand plaisir des petits émerveillés devant de telles révélations. Quiproquos et coups du sort jonchent ces pages de cet album drôle et dynamique.

Proposé dès 4 ans, Little K l'aime déjà beaucoup à 3 ans et il convient également pour les plus grands. On rit, on s'interroge, on échafaude des issues possibles et on apprécie la mignonnerie des dessins plein de douceur et d'espièglerie qui illustrent à merveille cette histoire un peu folle et gaie.

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vendredi 24 mars 2023

"Tous les hommes..." d'Emmanuel Brault

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L’histoire : ... naissent et demeurent libres et égaux en droit.

À bord de leurs cargos aux soutes pleines d’hydrogène, les ulysses traversent les couloirs de navigation de l’espace connu pour le compte de la Fédération des quatre-vingt-quatre planètes sous l’égide de la France et de son patrimoine des Lumières.

Dans l’un d’eux, un capitaine, son apprenti et un chef mécanicien sillonnent l’ombre, visitant planètes arides, cités des plaisirs ou souks hauts en couleur, quand leur vie va être bouleversée par trois idées simples : Liberté, Égalité, Fraternité.

À travers le carnet de l’aspirant navigateur, vont se dessiner alors les amours et ambitions de chacun face à un pouvoir fédéral hypocrite.

La critique de Mr K : Nouvelle très belle lecture chez avec Tous les hommes... d’Emmanuel Brault, un auteur qui m’avait déjà beaucoup séduit avec Walter Kurtz était à pied, une dystopie cinglante et très bien menée. Changement de genre ici avec un livre de SF lorgnant vers le space opéra dans lequel on retrouve la verve engagée et critique d’un auteur décidément plus que doué !

Au cœur de l’intrigue, trois personnages cohabitent dans un vaisseau dont la principale mission est de livrer de l’hydrogène, principale source d’énergie du futur. Le capitaine Vangelis est un homme introverti, à la sagesse profonde et à la froideur de façade. Son jeune apprenti Astide découvre la vie et se forme à devenir un ulysse, une caste dont la fonction est de s’occuper des échanges commerciaux. Et il y a enfin Alfred, le mécano, différent par sa nature même (c’est un centaure), il rêve d’un monde plus juste où lui et ses congénères seraient traités comme des êtres humains.

Ces trois individus ont des liens puissants qui les unissent, vivant ensemble dans un espace réduit. Multipliant les missions, les voyages, ils se rapprochent forcément et cela accentue leurs ressentis, leur symbolique même. L’amour impossible entre le capitaine et son mécano, l’amitié pure et unique entre l’apprenti et le mécano, le lien unique entre le maître et son disciple. Cela donne à lire de magnifiques pages sur le rapport à l’autre, les émotions qui nous émeuvent, nous transportent mais aussi nous font souffrir. On passe par tous les états durant cette lecture. Emmanuel Brault nous offre des personnages complexes, profondément humains et mus par des motivations parfois antagonistes qui provoquent des situations dramatiques et vont les appeler à se déchirer malgré toute l’affection qu’ils ont les uns pour les autres.

En filigrane, ce roman est une dénonciation sans fard des injustices, de l’exploitation et surtout de l’hypocrisie de nos sociétés qui n’hésitent pas à arborer des valeurs sur les frontons de leurs édifices officiels qu’ils ne respectent même pas. La France dans ce roman est un empire fédéral composé de 84 planètes, elle a conservée sa fameuse devise mais à travers le sort réservé aux centaures, considérés comme des animaux, des êtres que l’on peut asservir sans complexe moral, elle trahit ses idéaux et se révèle être une puissance colonisatrice aliénante et sans éthique. On ne peut s’empêcher durant cette lecture de penser à notre Histoire récente comme le statut des algériens ou encore des kanaks qui n’étaient que des citoyens de seconde zone, aux droits limités au sein de l'Empire français. Alfred dans ce roman sonne la révolte, la possibilité d’une révolution, d’une libération. Ce personnage haut en couleur va peu à peu s’humaniser, prendre conscience de la nécessité de la lutte à commencer par la possibilité de représenter les centaures dans les instances politiques. Il brise par là même un certain conditionnement mental qui l’empêchait jusque là de voir les possibilités qui s’offrent à lui.

Tous le personnages vont donc évoluer chacun à leur manière mais chez Alfred c’est plus prégnant. Pour Vangelis, c’est plus intime, plus discret. Quant à Astide, c’est plus classique, c’est la maturité, la prise de conscience de la dualité des hommes et des révélations parfois dures à avaler. Le récit prend donc une dimension initiatique, universelle même car tout ici est transposable dans des choses vues ou constatées dans nos vies respectives. L’ensemble respire l’intelligence, la finesse et l’humanité.

Le background SF est aussi très bien rendu avec de très belles inspirations et des clins d’œils nombreux aux mythes grecs et romains, à la culture littéraire française (le nom des rues, des planètes, les dénominations des différentes castes...). L’ensemble est gouleyant servi par une langue inventive, virevoltante qui procure un plaisir de lecture total. Une super expérience entre aventure humaine, réflexion et philosophie qui se lit facilement et se révèle addictif dès le départ.

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mercredi 22 mars 2023

"Je vous dépose quelque part ?" de Cécile-Marie Hadrien

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L’histoire : Gabriel et Apolline sont-ils des anges de la route ? Les voix des deux narrateurs alternent et se croisent tandis qu'ils pratiquent le covoiturage. Aux passagers de quelques heures embarqués avec leurs problèmes, leurs humeurs et confidences parfois envahissantes, ils offrent davantage que leur conduite expérimentée et l'habitacle confortable de leurs voitures respectives. L'impromptu s'invite à bord et les protagonistes goûtent alors aux extras de l'ordinaire.

La critique de Mr K : Retour aux éditions Quadrature aujourd’hui avec la chronique d’un très chouette recueil de nouvelles qui a réussi à m’émouvoir parfois jusqu’aux larmes. Je vous dépose quelque part? de Cécile-Marie Hadrien allie à la fois puissance évocatrice, petits récits inventifs tout en restant toujours au niveau des personnages qu’elle met en scène, dans une réalité à hauteur humaine où chacun d’entre nous peut se retrouver.

Les quinze nouvelles qui composent l’ouvrage suivent le même principe d’écriture : Apolline et Gabriel, les deux narrateurs, alternent leurs souvenirs dans les nouvelles et nous racontent une expérience de covoiturage, une rencontre avec quelqu’un ou quelques-uns qu’ils ne connaissent pas du tout. Le hasard, le contexte extérieur, la météo, la prédisposition mentale des uns et des autres va provoquer un événement ou des échanges sur eux, la vie voire la nature de la condition humaine.

Cela donne lieu à de belles rencontres avec des échanges riches en émotion. C’est parfois surprenant mais il faut dire que l’habitacle d’une voiture force la proximité et à l’occasion peut délier les langues. On aborde nombre de sujets qui nous touchent en plein cœur à commencer par l’amour et le rapport à l’autre qu’il soit charnel, spirituel ou simplement empathique. On décortique les mécanismes de la famille avec des pages pleines de bons sens, des souffrances aussi parfois à vif... Chaque passager apporte avec lui ses soucis, un sourire, une histoire qui va faire écho avec celle du conducteur bien souvent. Un lien d’ailleurs se crée entre le lecteur et Apolline et Gabriel. La dernière nouvelle clôt l’ensemble de manière magistrale.

Construction et déconstruction de soi, de nos habitudes, de nos certitudes... au fil des rencontres, ce sont des vies humaines dans toute leur complexité qui nous sont exposées avec simplicité, sans artifices stylistiques inutiles. La langue est ici belle, accessible, sereine je dirais même. L’auteure nous enveloppe dans un cocon et nous invite à partager ses rencontres tantôt poignantes, tantôt drôles, toujours marquantes en tout cas et éclairantes.

Un bien beau recueil que je vous invite à découvrir au plus vite si vous êtes amateur de nouvelles contemporaines. Vous ne serez pas déçus.

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lundi 20 mars 2023

"Paradox Hotel" de Rob Hart

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L’histoire : 2072. Imaginez pouvoir vous extraire de la réalité, côtoyer Mozart, Cléopâtre ou des dinosaures du Jurassique pendant quelques heures. Grâce au Paradox Hotel, voyager dans le passé est possible. Mais, faute de rentabilité, le lieu est menacé. L’annonce d’enchères privées sème le trouble. Car beaucoup discernent dans ce rachat une menace bien plus grande : et si un milliardaire décidait de changer le cours de l’Histoire ?

Responsable de la sécurité de l’hôtel, January Cole sait que se balader dans le temps a un coût qui n’est pas que financier. À chaque passage, le cerveau se dégrade ; elle en a elle-même fait les frais. Et surtout, January est désormais capable de dériver vers l’avenir. Elle seule peut empêcher un crime de se produire...

Au Paradox Hotel, les dimensions temporelles s’entrechoquent pour le plaisir de touristes fortunés. Ici, le temps vaut beaucoup d’argent, et certains sont prêts à tout pour se l’approprier...

La critique de Mr K : Chronique placée sous le sceau de la SF aujourd’hui avec Paradox Hotel de Rob Hart, deuxième ouvrage d’un auteur qui a fait parler de lui avec MotherCloud son précédent roman que je n’ai pour l’instant pas lu. M’est avis que ça va changer vu la claque que j’ai reçue en lisant celui-ci. Accro dès le premier chapitre, j’ai lu l’ouvrage quasiment d’une traite avec un plaisir sans borne.

Dans un futur pas si lointain, on peut désormais organiser des voyages dans le temps, proposer des excursions touristiques d’un nouveau genre, totalement immersives et réservées à une élite très friquée. Le Paradox Hotel les accueille et les loge en amont et après l’expérience. Tout y est luxe, calme et confort, le service d’étage est impeccable et l’on vous entoure d’égards. Des bruits courent cependant que l’hôtel est hanté par des images, des spectres errants dans les couloirs. Les affaires marchent moins bien, l’État veut se dégager de l’entreprise et va bientôt la vendre au plus offrant. On attend dans quelques jours l’arrivée de quatre à cinq acheteurs potentiels, tous plus riches et puissants les uns que les autres et aux aspirations bien différentes.

January Cole, l’héroïne, est la responsable de la sécurité de l’hôtel. Auparavant, elle voyageait énormément dans le temps pour vérifier que les visiteurs n’agissent pas sur le passé, changeant par là même l’avenir. Mais ces voyages ont fini par altérer le cerveau et elle est "décollée" (sa conscience est capable de dériver dans le passé et l’avenir). Elle doit désormais, à cause de cette tare dégénérative, se cantonner à exercer au Paradox Hotel, sa maison et deuxième famille. Dur dur pour cette solitaire au caractère bien trempé et parfois très garce envers ses collègues, notamment le drone à l’IA très développée qui l’accompagne partout.

L’histoire débute avec un crime impossible qui fait penser à un mystère à la Conan Doyle. January est la seule à pouvoir voir un cadavre dans une chambre. En parallèle, la vente de l’hôtel approche, les voyages sont annulés pour de mystérieuses causes, on observe des chutes de tension électrique et le temps ne semble plus suivre son rythme naturel... L’héroïne va tenter de résoudre cette enquête malgré les nombreux obstacles qui vont se dresser devant sa route : son esprit qui déraille de plus en plus et ses visions qui se multiplient, son chagrin insurmontable d’avoir perdu la seule personne qu’elle ait vraiment aimé, l’incurie des puissants et son caractère bien pourri qui ne l’aide pas. L’intrigue est très créative et réserve nombre de surprises à January et au lecteur.

Personnellement, j’ai été totalement emporté par le récit qui se révèle être un parfait huis clos. Ici on ne voyage pas dans le temps, on essaie avant tout de résoudre un crime dans une écriture page turner. On est face à un véritable thriller d’anticipation avec son lot de rebondissements, de personnages bien tordus et des scènes d’action bien tendues (le lâché de dinosaures est un modèle du genre!). Le background SF rajoute une densité folle à l’histoire, donnant à voir des implications nombreuses et un sous-texte passionnant et bien engagé. À l’image de l’héroïne, le cynisme est de mise dans l’écriture avec quelques punchlines bien senties à l’endroit des milliardaires et autres personnages s’écoutant beaucoup parler, ne suivant que leurs intérêts au détriment des autres, à commencer par les employés de l’hôtel. C’est assez jubilatoire, mordant et ça flatte les causes qui me sont chères à commencer par ma détestation du capitalisme ultralibéral qui ici en prend un coup (il semblerait que la charge est encore plus importante dans MotherCloud qu’il faut décidément que je lise au plus vite).

J’ai beaucoup aimé January et son caractère difficile. Elle est relou, traite tout le monde n’importe comment mais on sent bien que cela cache une grande souffrance. On aborde avec elle des thèmes douloureux comme le deuil, la mémoire, la difficile reconstruction de soi après un événement traumatique. Les choses sont en plus rendues impossibles par ses défaillances corticales, la prise de plus en plus importante de médocs qui n’arrangent rien et une pression de plus en plus forte de ses supérieurs. La trajectoire de January ressemble à ces comètes en flammes qui traversent le ciel et semblent vouées à disparaître. Là encore, le récit nous réserve des surprises... Tous les personnages qui gravitent autour d’elle sont réussis, bien croqués et apportent leur pierre à l’édifice. L’intérêt est que malgré une apparence parfois caricaturale, ils se révéleront tous surprenants à un moment ou un autre. L’auteur ne nous prend vraiment pas pour des buses.

Que dire de plus ? Ce roman est un bijou, une expérience de lecture tripante qui ne sacrifie jamais le plaisir de lire en proposant une trame riche, une écriture subtile et rythmée, et un message politique puissant. Tout ici est parfait, enveloppant et totalement enthousiasmant. À lire au plus vite !

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jeudi 16 mars 2023

"Chroniques de Jérusalem" de Guy Delisle

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L’histoire : Guy Delisle et sa famille s’installent pour une année à Jérusalem. Pas évident de se repérer dans cette ville aux multiples visages, animée par les passions et les conflits depuis près de 4000 ans. Au détour d’une ruelle, à la sortie d’un lieu saint, à la terrasse d’un café, le dessinateur laisse éclater des questions fondamentales et nous fait découvrir un Jérusalem comme on ne l’a jamais vu.

La critique de Mr K : En 2019, je découvrais Guy Delisle avec ses Chroniques Birmanes qui m’avaient beaucoup plu entre tranches de vie intimes, découvertes dépaysantes et contextualisation passionnante. Je remets donc le couvert avec ses Chronique de Jérusalem que j’ai aussi dévorées mais qui m’ont sérieusement calmé dans mon envie un jour d’aller sur place tant l’ambiance pesante, le ségrégationnisme institutionnel m’ont sautés au visage et m’ont mis mal à l’aise durant toute ma lecture...

L’auteur est marié avec une employée de Médecins sans frontière et la suit lors de ses affectations. Vous l’avez deviné, les voila parti pour le Moyen-Orient dans une des zones les plus chaudes du monde tant au sens propre qu’au sens figuré. Installé à Jérusalem Est, la partie arabe de la ville, l'auteur va découvrir peu à peu la réalité des choses sur place, une situation complexe et tendue où les codes sociaux et religieux prennent souvent le pas sur le naturel, provocant un sérieux décalage pour ce français de passage pendant un an qui nous livre un regard éclairant et plutôt neutre sur la situation.

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Divisé en grandes parties correspondant au mois de l’année qu’il a passé sur place, il propose des micro-récits plus ou moins longs (allant d’une planche à plusieurs successives) sur des sujets très variés. Dans le domaine plus léger, il y a sa vie de famille avec ses appréhensions et peurs pour sa femme parfois bloquée loin des siens (notamment quand elle doit aller à Gaza et que les événements s’enveniment), les devoirs du bon père avec les allers retours pour aller chercher ses enfants (et oui la famille s’est agrandie, en plus de Louis, il y a maintenant sa petite sœur Alice), l’aménagement dans l’appartement, les déboires en voiture entre embouteillages, pannes impromptues... On retrouve ici l’humour décalé d’un auteur qui sait croquer les instants avec justesse et une économie de mots, la situation suffit et provoque bien souvent un petit sourire en coin au lecteur conquis.

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Et puis, il y a le contexte. La plongée dans un monde interlope aux codes parfois ésotériques, dépaysants, étonnants parfois choquants. Nous sommes dans un pays en guerre perpétuelle avec un antagonisme qui semble inconciliable entre religion, souveraineté territoriale et disons-le tout de go racisme. L’auteur se fait le témoin ainsi de pratiques et de lois iniques, par exemple les routes interdites aux palestiniens qui doivent faire des détours énormes pour aller travailler leur champs car l’axe principal est réservé aux colons, les spoliations de terres et les colonies sauvages défendues par une armée israélienne toute puissante... On est clairement dans la provocation, l’avilissement par moment. On vit aussi dans la menace des roquettes du Hamas, des attentats terroristes islamistes, les fouilles à l’aéroport et les interrogatoires à rallonge. Compliqué vraiment. L’auteur arrive à nous faire ressentir tout cela sans pour autant tomber dans le cliché et surtout le côté partial.

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Pour autant, Guy Delisle semble se détacher quelque peu de ces tensions même s’il n’est pas de bois. On s’amuse à errer avec lui dans les ruelles de Jérusalem, à croiser d’étranges juifs orthodoxes, à tenter de visiter des lieux cultes qui ne sont jamais ouverts ou qui lui sont refusés sans raison valable. Le réveil violent de l’appel à la prière le matin, la nounou qui gave les gosses de télé, la religion encore et toujours omniprésente et qui saoule quelque peu notre athée convaincu, la chaleur, les soirées entre expats... Non vraiment, cette année n’est pas de tout repos et quand il commence un peu à s’habituer il est temps pour lui de repartir vers d’autres cieux.

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L’ouvrage fort instructif se double d’un bel ouvrage en terme esthétique. L’aspect dépouillé convient parfaitement au sujet et on se laisse guider avec un plaisir non feint, les pages se tournent toutes seules. Un très bon moment que cette lecture que je vous invite à entreprendre à votre tour.

Déjà lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- Chroniques birmanes par Nelfe et par Mr K,
- S'enfuir.

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dimanche 12 mars 2023

"Nous aurions pu être des princes" d'Anthony Veasna So

Nous aurions pu être des princes

L’histoire : À Stockton, Californie, les temples bouddhistes et les épiceries cambodgiennes ont fleuri depuis l'arrivée massive de familles ayant fui leur pays et le régime génocidaire des Khmers rouges. Dans cette ville entre Asie et Amérique, on croise ainsi des bonzes, de vieilles tantes intrusives et des adolescents mortifiés par l'ennui, tout un monde d'histoires passées sous silence, de désirs naissants, de tiraillements identitaires et sexuels, où l'avenir tente de se construire sur les fondations d'un traumatisme profond et en dépit du poids des traditions.

La critique de Mr K : Escale en Terres d’Amérique aujourd’hui avec ce recueil de nouvelles doux-amer proposant un focus sur la diaspora cambodgienne de la côte ouest US. Neuf récits composent Nous aurions pu être des princes d’Anthony Veasna So, neuf récits qui font la part belle à cette communauté méconnue, réfugiée aux USA suite aux méfaits des khmers rouges et qui tente de se faire sa place au soleil en courant à son tour après le rêve américain. L’ouvrage se lit très bien, avec un plaisir renouvelé et ne nous épargne pas dans son évocation des affres de l’existence.

Les neuf récits nous font donc partagé le quotidien à priori banal de cambos (nom donné aux membres de la communauté par les narrateurs) : une femme et ses deux filles tiennent un bar à donuts et voient un mystérieux homme venir commander sans le manger un donut aux pommes, on fait la connaissance de l’entraîneur d’une équipe de badminton ancienne gloire reconvertie dans le commerce de détail de produits cambodgiens, deux cousins en pleine adolescence qui glandent et fument tout en refaisant le monde, un fils surdiplômé qui bosse au garage de son paternel, un jeune homme qui fait une retraite d’une semaine au wat du secteur en hommage à son père décédé, un after de mariage complètement débridé où les langues se lâchent, une relation intense entre deux hommes que tout semble opposer, la fin de vie douloureuse d’une vieille dame que son infirmière de petite nièce tente d’accompagner au mieux ou encore le témoignage d’une mère à son fils sur son arrivée sur le sol américain.

L’ouvrage met en lumière les relations intergénérationnelles avec en toile de fond, souvent évoqué, le génocide perpétré au pays par les khmers rouges. La plaie est encore béante, le chagrin immense et chacun baigne dedans entre les souvenirs des anciens, le devoir de mémoire, la transmission aux plus jeunes. C’est aussi durant ces pages de nombreuses références aux us et coutumes allant de la nourriture aux rites ancestraux que l’on continue à suivre, les croyances que l’on a transposées aux USA notamment en matière de vie après la mort avec la notion essentielle de réincarnation, le rôle central des moines, le devoir moral qui incombe aux vivants pour perpétuer le souvenir des défunts. Tout est abordé avec finesse, sans lourdeur par un auteur très moderne dans son approche de l’écriture de ses origines.

Gay et fêtard (il mourra d’ailleurs à 28 ans d’une overdose), Anthony Veasna So met beaucoup de lui dans ces nouvelles avec des personnages jeunes en roue libre. Ça jointe pas mal, ça glande, ça drague, ça couche beaucoup... mais aussi les protagonistes se questionnent sur leurs origines, la place que l’on doit se faire dans la famille, la société et le décalage parfois énorme entre les origines cambos et l’Amérique. L’homosexualité masculine est abordée frontalement avec des scènes explicites nombreuses, une quête des limites aussi dans son rapport à l’autre, à son corps, au bonheur… La mélancolie est prégnante globalement, on sent bien que la vie n’a pas été facile pour lui à travers ces pages. Je tablerais plus sur des difficultés à se définir, à s’engager plutôt que dans le fait de se faire accepter, il n’y a pas des traces d’homophobie dans ces textes, de rejet des proches. Il y a souvent un aspect initiatique dans ces nouvelles, des rites de passages plus ou moins forts qui vont amener le protagoniste principal à faire des choix, à s’engager d’une manière ou d’une autre sans que le résultat soit garanti.

Ces textes indépendants les uns des autres où l’on retrouve cependant certains personnages croisés ici ou là sont d’une sincérité à toute épreuve, cashs, sans concession. L’écriture très moderne, immersive à souhait nous offre une vision large d’une jeunesse qui se cherche entre traditions, identité et aspirations en devenir. Ce fut vraiment une très belle lecture que je conseille à tous les amateurs de nouvelles américaines magnifiées ici par un style vif et incisif.

jeudi 9 mars 2023

"Un grand bruit de catastrophe" de Nicolas Delisle-L'Heureux

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L’histoire : Voilà longtemps que Louise Fowley n’avait pas emprunté la route 385 pour rejoindre Val Grégoire, une petite ville au nord du nord de la forêt boréale. C’est là qu’elle a passé son enfance avec Marco Desfossés, le fils du despote local, et le clairvoyant Laurence Calvette. Ensemble, ils formaient un trio flamboyant. Jusqu’à l’événement. Aujourd’hui, vengeance en bandoulière, Louise est prête à relancer les dés, racheter ce qui peut l’être.

La critique de Mr K : C’est encore une superbe lecture que je vais vous présenter aujourd’hui avec Un grand bruit de catastrophe de Nicolas Delisle-L’Heureux, un ouvrage venu tout droit du Canada, paru aux éditions Les Avrils en ce début d’année. On est littéralement emporté par cette histoire d’amitié bouleversée par le destin dans un microcosme géographique frappé par un fatum implacable. Rajoutez là-dessus la langue si chantante qu’on ne trouve que de l’autre côté de l’Atlantique, une gestion parfaite des personnages et vous prenez une très belle claque littéraire.

Louise, Marco et Laurence se rencontrent à l’école de Val Grégoire. Entre eux c’est une évidence. Louise est la cheffe naturelle par son bagou et son charisme, Marco est le dernier né des caïds de la localité il est la force brute du groupe et Laurence est le plus discret, sans doute aussi le plus sensible. Chacun se débat avec sa vie à sa manière : l’une a des parents bigots extrêmement rigides, l’un veut sortir de sa condition et l’autre subit sa famille qui l’aliène. Une chose terrible va se dérouler et va les séparer définitivement. Louise va être éloignée de la ville et elle ne reviendra que bien plus tard. L’auteur nous invite à suivre successivement les trois protagonistes, croise les informations pour livrer un récit dense et marquant.

On s’attache immédiatement à ces trois personnages, trois jeunes un peu paumés dans une ville qui ne l’est pas moins. Nicolas Delisle-L'Heureux nous offre des portraits très justes, touchants et sans pathos des trois gamins (et que l’on va suivre aussi plus grands). La vie est rude là-bas. Pas que le climat, l’ambiance est pesante. Val Grégoire d’ailleurs est un personnage en soi avec ses coutumes, sa communauté reculée qui obéit parfois à ses propres règles pour le pire. La mairie s’hérite de père en fils, le magnat local règne un peu en despote, dépasse ses fonctions, il édifie littéralement la ville (dans les pas des pères fondateurs). Là dessus se greffe une population taciturne, encroûtée dans ses habitudes, avec en toile de fond un certain marasme culturel et économique. Et pourtant, c’est leur ville à ces trois jeunes, et ils l’aiment.

On rentre dans l’intimité familiale de Louise, Marco et Laurence avec son lot de révélations, de conditions de vie difficile, de conditionnement aussi. Nous ne sommes que le fruit de notre éducation, de nos gènes aussi (ici ou là dans le roman, la filiation est claire entre certains personnages), ces trois-là sont abîmés par la vie, marqués dans leur chair et leur esprit par la violence larvée qu’ils côtoient, l’isolement de Val Grégoire qui enferme les espoirs et les paysages froids et enclavés. Malgré les difficultés, chacun cherche cependant à changer, à évoluer, à conquérir une forme de liberté, d’émancipation, d’apaisement aussi vis à vis des adultes qui sont tout sauf des modèles ou des référents bienveillants. À ce propos, des scènes chocs m’ont littéralement retourné, on se dit parfois qu’on est bien peu de chose face aux autres, aux événements, aux actes déviants qui peuvent changer à tout jamais une vie. Cependant l’ensemble reste solaire, lumineux, porteur d’espoir à sa manière malgré une rudesse de l’existence.

La construction de l’ensemble est très réussie, maligne. Tout n’est pas dévoilé d’un coup, c’est au fil des différentes trames que les événements s’entremêlent, que les pièces du puzzle s’assemblent laissant alors voir une toile d’ensemble complexe et très bien construite. L’écriture est très inventive à sa manière aussi, il y a le ton québecois bien sûr mais pas que... In supplément d’âme, un attachement profond aux personnages et un rythme qui ne se dément jamais. Tout cela concourt à une addiction profonde et durable jusqu’à un dénouement parfait qui cloue littéralement sur place le lecteur.

Une sacrée découverte et un nouveau nom à retenir sur la scène littéraire. Un grand bruit de catastrophe est à lire absolument!

lundi 6 mars 2023

"La Vallée des Lazhars" de Soufiane Khaloua

La Vallée des Lazhars

L’histoire : La Vallée des Lazhars est l'histoire d'une jeunesse qui se heurte à des frontières de toutes sortes et qui tente de s'en affranchir, par la verve, le panache, la désobéissance – par une solution qui lui est une seconde nature, l'exil.

Un grand camion blanc parcourt une piste qui serpente au creux d'une vallée, à la frontière Est du Maroc. À son bord, Amir et son père. Cet été, ils rendent visite à leur famille après six ans d'absence. Amir est né en France, mais son père, ici, dans la vallée des Lazhars. Ils sont membres du clan Ayami. Le jeune homme a tout l'été pour retrouver une identité qui lui est un droit de naissance et dont il a pourtant du mal à s'emparer.

Une Renault 18 gravit une pente et fait une arrivée tonitruante dans la nuit. À son bord, Haroun, "cousin préféré" d'Amir, revient d'un exil de trois ans. Il vient assister au mariage de sa sœur Farah, fiancée à un membre du clan d'en face, les Hokbani, qui vouent aux Ayami une haine réciproque et immémoriale. Haroun apporte avec lui les histoires haletantes de ses aventures dans tout le Maghreb. Mais petit à petit, derrière ses récits luxuriants, Amir découvre une autre version, une réalité différente, intimement liée à la vallée et à ses secrets.

La critique de Mr K : Gros coup de cœur que cette lecture de La Vallée des Lazhars de Soufiane Khaloua, sorti en librairie début février aux éditions Agullo. Il est de ces romans qu’on ne peut relâcher avant la fin tant on est happé par l’histoire et sous le charme des protagonistes qui hantent ses pages. C’est beau, puissant et profond à la fois, le tout enveloppé dans une langue subtile et envoûtante.

Tout débute par un grand-père qui s’adresse à sa petite fille à qui il va raconter un passage de sa jeunesse, un été dans la vallée des Lazhars où réside sa famille restée au pays. Amir (c’est son nom) est né en France, il est de la deuxième génération d’immigrés, son père étant venu s’installer sur place. C’est à l’occasion du mariage de sa cousine qu’il va passer quelques semaines au bled avec son père. Il a dix neuf ans et ça fait un petit temps qu’il n’est pas descendu. Il a notamment hâte de retrouver son cousin Haroun avec qui il a fait les 400 coups. Une fois sur place, il va se rendre compte que tout ce qu’il percevait, imaginait sur les lieux, les personnes, la famille, est biaisé y compris l’image qu’il s’est faite d’Haroun.

Le personnage principal est de suite attachant par son décalage. Il ne se sent pas à sa place dans cette vallée où certains le considère comme un étranger. Il vit en France et n’est pas du pays malgré le sang qui coule dans ses veines. J’ai forcément pensé à mes anciens élèves du 93 à qui je demandais régulièrement en septembre comment s’était passé leur séjour au bled. Souvent ils revenaient blessés, déçus de l’accueil, ils me parlaient aussi de décalage. Dans ce roman, cela prend la forme de difficultés d’échanges avec la langue, des coutumes méconnues (comment dire bonjour lors d’une cérémonie, dans quel sens salue-t-on...), des comportements et réactions à adopter... Amir se prend plus d’une fois les pieds dans le tapis, se sent mis à l’écart, pas à sa place. Et pourtant, il l’aime cet endroit, il aime cet oncle râleur et cyclothymique, les paysages grandioses, les discussions passionnées avec Haroun et ses aventures picaresques dans l’Algérie voisine. Il y trouve les fondements de son identité d’Ayumi, cette haine immémoriale avec leurs voisins du versant d’en face, les Hokbani. Et puis, il y a cette jeune fille dont il tombe profondément amoureux et qui semble lui échapper. Elle est du clan d’en face et feint de l’ignorer.

L’immersion est totale, on accompagne Amir dans cette quête de soi. Véritable récit initiatique, le roman se fixe autour des notions de filiation, de la transmission des valeurs, des choses essentielles de l’existence. Loin d‘être parfait malgré une certaine naïveté, Amir en fera à plusieurs reprises l’amère expérience, lui qui n’appréhende que partiellement les réalités auxquelles il est confronté. Il est beaucoup question de frontières que l’on franchit ou pas, à commencer par la figure d’Haroun qualifié à de nombreuses reprises de démon. Né dans des conditions terribles, il porte sur ses épaules un poids, il représente aussi la jeunesse et sa fougue, une rupture avec les traditions. Après un exil de trois ans suite à une brouille dont on nous livrera les secrets en cours de roman, quand il revient les cartes sont rebattues, les certitudes fragiles s’écroulent et mettent en lumière l’animosité entre les deux clans malgré un mariage d’amour devant sceller leur rapprochement. Amir et Haroun entre confidences, expéditions et balades, jalousies nous invitent à découvrir les ressorts en jeu dans les relations familiales et à suivre leur propre construction. Chacun repartira en fin de roman irrémédiablement changé.

La Vallée des Lazhars nous embarque immédiatement, étendant son emprise au fil des pages qui se tournent toutes seules. On fait véritablement partie de la famille, on partage les conditions de vie difficiles dans la vallée, on ressent les tensions, les espoirs et l’on éprouve vraiment des sentiments mêlés au fil des révélations et péripéties contées par Amir. Et il s’en passe de belles durant cet été sous le soleil aride de l’est marocain : un mariage perturbé, un enterrement, une virée en roue libre en Algérie, des amours secrets, des pulsions incontrôlables et des écueils dans la tradition avec un conflit générationnel et des désobéissances qui vont changer à jamais certaines destinées. Le roman se termine avec le sentiment qu’on aurait bien continué encore un peu tant on se passionne pour ses trajectoires et qu’on s’attache à tous les personnages.

Porté par une écriture solaire, souple, accessible et enveloppante, on passe un vrai moment de lecture exceptionnel et magnétique. À découvrir absolument.

samedi 4 mars 2023

"Mon enfant chéri" de Nina Laden et Melissa Castrillon

En 2021, je vous avais déjà présenté "Si j'avais un petit rêve", album coup de coeur poétique et sincère. Nina Laden et Melissa Castrillon ont depuis collaboré de nouveau, accouchant de cette pépite que je vous fait découvrir aujourd'hui.

Mon enfant chéri 1

L'histoire : Mon enfant chéri, tu es au tout début de ta vie. Savoure les mélodies. Savoure les paysages. Savoure les parfums et le vent sur ton visage.

Mon enfant chéri 1(1)

La critique Nelfesque : Quelle beauté une fois de plus que cet album plein de poésie et superbement illustré mettant la nature et tout ceux qui la composent sur le devant de la scène. Du trésor des fleurs au mystère des insectes, il encourage les enfants à aller à la rencontre de ce qui les entoure, d'apprendre à connaître la nature, l'aimer et la respecter et d'être reconnaissants de ce qu'elle nous offre chaque jour.

C'est dès le plus jeune âge que nous devons sensibiliser nos enfants à la préservation de la nature et au respect du vivant. Dans les enjeux écologiques que nous connaissons aujourd'hui, il est d'autant plus crucial de leur inculquer les choses simples de la vie, les petits gestes naturels pour vivre en harmonie avec le monde qui nous entoure. C'est un cadeau de pouvoir entendre le chant des oiseaux chaque matin, de pouvoir s'émerveiller face à un beau paysage, de goûter les milles saveurs que la nature nous offre... Chérissons-le et faisons de nos enfants les futurs adultes de demain qui sauront que la course à la possession n'est qu'une fuite en avant et que l'essentiel est là, sous nos yeux. Il en va de l'avenir de notre planète.

Mon enfant chéri 2

Nous suivons ici une petite fille à la découverte du monde, la caresse du vent, les abeilles, les arbres fruitiers, les jeunes pousses, les marches en forêt, les animaux en liberté, la douceur du soleil sur la peau... Il y a une telle tendresse dans ces pages, un tel désir de vivre en harmonie, un tel besoin de transmettre, une telle confiance en l'autre ! C'est beau, tout simplement. Dans la plus simple définition du mot. Beauté et sincérité, c'est vraiment ce qui se dégage de ce présent album.

Mon enfant chéri 3

Les illustrations de Melissa Castrillon sont une nouvelle fois sublimes et en totale adéquation avec le propos. Avec des tons tirant ici davantage vers le violet et le vert, il ne ressemble à aucun autre. Il y a un vrai travail sur les couleurs, les dessins, tout en courbes, rajoutent de la douceur à l'ensemble et subliment les valeurs véhiculées par les mots.

"Mon enfant chéri" s'adresse tout autant aux adultes qui auraient tendance à oublier le monde qui les entoure qu'aux enfants qui le découvre. Merci à Nina Laden et Melissa Castrillon pour cette très belle piqûre de rappel et cette entrée en matière si douce et poétique.

Posté par Nelfe à 15:23 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
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