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Le Capharnaüm Éclairé
16 mars 2023

"Chroniques de Jérusalem" de Guy Delisle

jérusalem

L’histoire : Guy Delisle et sa famille s’installent pour une année à Jérusalem. Pas évident de se repérer dans cette ville aux multiples visages, animée par les passions et les conflits depuis près de 4000 ans. Au détour d’une ruelle, à la sortie d’un lieu saint, à la terrasse d’un café, le dessinateur laisse éclater des questions fondamentales et nous fait découvrir un Jérusalem comme on ne l’a jamais vu.

La critique de Mr K : En 2019, je découvrais Guy Delisle avec ses Chroniques Birmanes qui m’avaient beaucoup plu entre tranches de vie intimes, découvertes dépaysantes et contextualisation passionnante. Je remets donc le couvert avec ses Chronique de Jérusalem que j’ai aussi dévorées mais qui m’ont sérieusement calmé dans mon envie un jour d’aller sur place tant l’ambiance pesante, le ségrégationnisme institutionnel m’ont sautés au visage et m’ont mis mal à l’aise durant toute ma lecture...

L’auteur est marié avec une employée de Médecins sans frontière et la suit lors de ses affectations. Vous l’avez deviné, les voila parti pour le Moyen-Orient dans une des zones les plus chaudes du monde tant au sens propre qu’au sens figuré. Installé à Jérusalem Est, la partie arabe de la ville, l'auteur va découvrir peu à peu la réalité des choses sur place, une situation complexe et tendue où les codes sociaux et religieux prennent souvent le pas sur le naturel, provocant un sérieux décalage pour ce français de passage pendant un an qui nous livre un regard éclairant et plutôt neutre sur la situation.

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Divisé en grandes parties correspondant au mois de l’année qu’il a passé sur place, il propose des micro-récits plus ou moins longs (allant d’une planche à plusieurs successives) sur des sujets très variés. Dans le domaine plus léger, il y a sa vie de famille avec ses appréhensions et peurs pour sa femme parfois bloquée loin des siens (notamment quand elle doit aller à Gaza et que les événements s’enveniment), les devoirs du bon père avec les allers retours pour aller chercher ses enfants (et oui la famille s’est agrandie, en plus de Louis, il y a maintenant sa petite sœur Alice), l’aménagement dans l’appartement, les déboires en voiture entre embouteillages, pannes impromptues... On retrouve ici l’humour décalé d’un auteur qui sait croquer les instants avec justesse et une économie de mots, la situation suffit et provoque bien souvent un petit sourire en coin au lecteur conquis.

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Et puis, il y a le contexte. La plongée dans un monde interlope aux codes parfois ésotériques, dépaysants, étonnants parfois choquants. Nous sommes dans un pays en guerre perpétuelle avec un antagonisme qui semble inconciliable entre religion, souveraineté territoriale et disons-le tout de go racisme. L’auteur se fait le témoin ainsi de pratiques et de lois iniques, par exemple les routes interdites aux palestiniens qui doivent faire des détours énormes pour aller travailler leur champs car l’axe principal est réservé aux colons, les spoliations de terres et les colonies sauvages défendues par une armée israélienne toute puissante... On est clairement dans la provocation, l’avilissement par moment. On vit aussi dans la menace des roquettes du Hamas, des attentats terroristes islamistes, les fouilles à l’aéroport et les interrogatoires à rallonge. Compliqué vraiment. L’auteur arrive à nous faire ressentir tout cela sans pour autant tomber dans le cliché et surtout le côté partial.

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Pour autant, Guy Delisle semble se détacher quelque peu de ces tensions même s’il n’est pas de bois. On s’amuse à errer avec lui dans les ruelles de Jérusalem, à croiser d’étranges juifs orthodoxes, à tenter de visiter des lieux cultes qui ne sont jamais ouverts ou qui lui sont refusés sans raison valable. Le réveil violent de l’appel à la prière le matin, la nounou qui gave les gosses de télé, la religion encore et toujours omniprésente et qui saoule quelque peu notre athée convaincu, la chaleur, les soirées entre expats... Non vraiment, cette année n’est pas de tout repos et quand il commence un peu à s’habituer il est temps pour lui de repartir vers d’autres cieux.

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L’ouvrage fort instructif se double d’un bel ouvrage en terme esthétique. L’aspect dépouillé convient parfaitement au sujet et on se laisse guider avec un plaisir non feint, les pages se tournent toutes seules. Un très bon moment que cette lecture que je vous invite à entreprendre à votre tour.

Déjà lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- Chroniques birmanes par Nelfe et par Mr K,
- S'enfuir.

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