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Le Capharnaüm Éclairé
21 février 2023

"Le Fidèle Rouslan" de Gueorgui Vladimov

rouslan

L’histoire : Sommes-nous une nation de chuchoteurs, d'ordures et de mouchards, ou sommes-nous un grand peuple ? - Gueorgui Vladimov

À travers le portrait de Rouslan, chien de garde dans un goulag, Gueorgui Vladimov livrait un brûlot, description aussi fascinante que glaçante de l'enfer concentrationnaire et, au-delà, de l'atroce absurdité du système soviétique. Écrit au début des années 1960, publié clandestinement en Allemagne en 1973 par une maison d'édition fondée par des réfugiés russes, puis en France en 1978 au Seuil, Le Fidèle Rouslan ne paraîtra en URSS qu'après la perestroïka.

La critique de Mr K : Lecture d’une œuvre rééditée chez Belfond aujourd’hui dans leur collection Vintage. Attribué à tort pendant un moment à Soljenitsyne, Le Fidèle Rouslan est l’œuvre de Gueorgui Vladimov, un autre dissident soviétique, plus méconnu et que je découvrais par le présent ouvrage. Par le prisme de Rouslan, chien de garde du goulag, il nous offre un regard distancié et totalement novateur sur l’URSS de l’époque, dénonçant au passage son absurdité et l’aliénation de l’humain qui était monnaie courante dans l’appareil répressif du régime.

Le récit débute après la mort de Staline, dans un camp de travail de Sibérie qui vient d’être démantelé. L’auteur nous met dans la peau de Rouslan, un berger allemand chargé de garder, surveiller les prisonniers voire poursuivre les fugitifs, les mordre, les tuer. Il ne comprend rien à ce qui se passe, lui qui a toujours vécu dans ce lieu clos où il est né et où il a grandi. Quand un chien ne sert plus, son maître se doit de l’abattre... celui de Rouslan décide de l’abandonner et celui-ci ne comprend pas que l’être qu’il vénère le plus puisse faire cela. Totalement perdu, il se retrouve dans un univers qu’il ne connaît pas.

Le point fort de ce roman réside dans le fait que l’auteur ne prête aucun sentiment et réaction humaine à son protagoniste principal. Pas d’anthropomorphisme donc, seulement un chien fidèle, obéissant, programmé et conditionné pour être ce qu’il est. C’est très bien ficelé avec des flash-back bien pensés et une hauteur de vue toujours placée au niveau de l’animal. C’est un peu désarçonnant au départ mais on s’y fait très vite et l’effet est terrible quand on commence à se confronter aux horreurs perpétuées à l’époque au nom de la sainte cause.

Le point de vue adopté évite de tomber dans le déballage frontal, le listing d’horreur. Il se dégage un portrait bien sombre des hommes qui sont loin d'avoir la candeur naturelle de l’animal, trahissent et pervertissent les plus beaux idéaux. La critique est acide à commencer par le système communiste qui a condamné des centaine des milliers de personnes aux travaux forcés durant des décennies. Par petits bouts, quelques évocations, des scènes parfois froides et brutales, on replonge dans une réalité terrible qui malheureusement n’a pas totalement disparue...

Ce roman, bien qu’écrit il y a cinquante ans, n’a pas vieilli tant son écriture semble intemporelle, provoquant une empathie totale envers Rouslan et une immersion saisissante dans une URSS loin des clichés véhiculés en occident. L’expérience est belle quoique rude et source de malaise. Dans son genre, cet ouvrage est une référence et il serait vraiment dommage de passer à côté.

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