L’histoire : Certains ont des amis imaginaires ; d’autres, des tyrans intérieurs. Celui de Thelma s’appelle l’Entraîneur. Il règne sur son quotidien, lui enjoint de compter les calories et lui impose une discipline de fer. Soumise à sa loi, la lycéenne épuise son entourage et flirte avec l’abîme. Mais avec l’appui de son amie Violette, une issue se dessine : du marathon ou de la séduction de son professeur de sport, quel projet déraisonnable saura la tirer des griffes de l’Entraîneur ?
Combative et lucide, fragile et ironique, Thelma tâche de s’inventer un chemin parmi des adultes aussi désorientés que leurs cadets.
La critique de Mr K : Gros coup de cœur que cet ouvrage sorti début janvier chez la toute jeune et prometteuse maison d’édition Fugue. Dans Thelma de Caroline Bouffault, on rentre dans l’intimité d’une adolescente atteinte d’anorexie mentale, une maladie terrible qui lui pourrit la vie et celle des ses proches. À la fois vif et juste, voila un récit initiatique que je ne suis pas prêt d’oublier.
L’adolescence est souvent une phase difficile, une période de métamorphose qui met à mal les certitudes de tous dans une famille. Pour Thelma et les siens, c’est l’enfer. La jeune fille refuse de s’alimenter depuis plusieurs mois, elle vit dans la hantise de prendre du poids. Un être imaginaire (le fameux entraîneur évoqué en quatrième de couverture) la sermonne dès qu’elle s’offre un petite plaisir (vraiment tout petit) et elle est suivie de près par son médecin et un psychologue. Elle n’est pas loin de l’hospitalisation et flirte constamment avec la limite.
Rien pourtant ne semble la prédisposer à cette pathologie terrible, elle a une vie plutôt posée et tranquillisante. Deux parents à la maison, une petite sœur pas trop pénible (si si, ça existe), une meilleure amie fidèle et à l’école, ça ne se passe pas trop mal, même si elle n’est pas la plus populaire. Elle est douée, apprend vite, est perfectionniste et l’avenir lui est tout ouvert. Mais la maladie est bien là, sapant ses forces, fragilisant ses relations sociales et familiales.
Mais c’est sans compter son amie Violette qui la rebooste régulièrement, l’écoute, la comprend. Puis Thelma n’est pas une petite chose fragile, elle est combative, lucide, solaire même et peu à peu un projet un peu fou fait corps dans son esprit : celui de séduire le prof de sport du lycée qui souhaite la faire participer à son premier marathon, elle qui court régulièrement jusqu’à l’épuisement pour fuir le monde et sa souffrance, se recentrer. La thérapie par le sport, tel est le credo du prof, il la prend pour une personne et non comme une malade, et ça change tout.
L’univers de l’adolescente est superbement décrit, décortiqué dans cet ouvrage qui fait la part belle au réalisme, sans en rajouter, avec le juste dosage entre pensées intimes et tranches de vie. On passe d’un personnage à l’autre, multipliant les points de vue ce qui enrichit considérablement le propos. Thelma et sa maladie qui impacte tout le monde, de différentes manières et dont tous les aspects se complètent, proposant un tableau familial et social crédible et saisissant. On s’attache immédiatement à tous ses personnages ballottés par la vie mais que des liens très profonds unissent : Thelma qui veut s’en sortir et retrouver ce qu’elle a été, les parents désarçonnés et parfois à bout de nerfs face à la situation, la jeune Billie qui voudrait que sa sœur aille mieux... Les repères classiques sont bousculés, des révélations pas anodines livrent leurs vérités en fin d’ouvrage.
C’est remarquablement écrit, le récit vous happe immédiatement et ne relâche jamais son étreinte. L’addiction est profonde, l’empathie fonctionne à plein et le coup de cœur est immédiat. Caroline Bouffault réussit à décrire avec maestria l’adolescence dans toute sa complexité entre espoirs, grâce et rage de vivre. Elle aborde aussi de façon intelligible une maladie trop méconnue et pourtant dévastatrice avec une écriture très sensuelle / sensorielle où les souffrances physiques et psychiques se conjuguent avec l’éveil du désir, la quête d’identité et la prise de conscience du rapport aux autres.
Thelma est à lire absolument et à faire découvrir au plus grand nombre car ce roman restera dans vos cœurs à tout jamais...