jeudi 29 décembre 2022

Nouvelles de Noël chez Agullo

Depuis deux ans, à la période de Noël, les éditions Agullo font parvenir en sus de services presse un court recueil d’une quinzaine de pages constitué d’une "nouvelle de Noël" écrite par un des auteurs de leur catalogue. Cette année, je passai le pas en lisant celle de l’an dernier et celle reçue très récemment. Je n’ai pas été déçu avec deux textes aussi courts qu’incisifs mais très différents l’un de l’autre.

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Le Sapin de Yan Lespoux : "Même si tu crois en rien, t’as au moins un sapin". C’est le réveillon de noël, le narrateur vient de s’ouvrir une douzaine d’huîtres, une bonne boutanche et attend le traditionnel bêtisier que nous sert la télé pour ce type d’occasions. Mais voila que son petit programme est bouleversé par l’arrivée de trois copains célibataires bien allumés avec qui il va passer un réveillon pas tout à fait comme les autres. Ça discute sec, ça boit et ils finissent par partir à l’arrache à la quête d’un sapin de Noël à tronçonner en pleine nature. L’expédition sera dantesque ! On retrouve ici toutes les qualité de l’auteur qui m’avait tellement séduit avec son recueil de nouvelles Presqu’îles notamment son écriture fluide et universelle, son goût pour des personnages truculents. On rit beaucoup ici, on explore aussi les manques et mélancolies qui sont exacerbés par l’esprit des fêtes de fin d’année. Un très bon texte.

Comptes à rebours de Valerio Varesi : "On était le 1er décembre, je me sentais bien, j’étais content. J’avais mis la taule au rancart, les affronts et la galère du bloc 13 aux oubliettes. Bon.". Un ex taulard tombé pour braquage trouve un étrange paquet dans sa boîte aux lettres. Il s’agit d’un calendrier de l’avent et il commence à jouer le jeu d’ouvrir une petite fenêtre par jour. Pas de chocolats ou de mini-jouets à la clef mais des messages pour le moins étranges... puis des codes chiffrés... Nouvelle à suspens, on se prend au jeu immédiatement avec un narrateur dont les zones d’ombre se révèlent au fil du récit. C’est malin et bien amené, la fin est parfaite. Quoi de plus étonnant de la part d’un auteur à l’écriture subtile qui aime bichonner ses personnages pour mieux les malmener par la suite.

Deux belles lectures donc pour passer un bon Noël. Si vous souhaitez d'ailleurs lire "Le Sapin", la nouvelle a été mise à dispo sur le site de la maison d'édition. Faites-vous plaisir ! Ah, il savent y faire chez Agullo. Vivement l’année prochaine !

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mardi 27 décembre 2022

"L'enfant et la rivière" d'Henri Bosco

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L’histoire : Ce qui attire Pascalet plus que tout, dans ce pays de Provence où il vit, c'est la rivière. Il ne l'a encore jamais vue. Mais souvent il en rêve, surtout lorsque le braconnier Bargabot apporte à la maison les poissons qu'il y a pêchés. Un jour, pendant une absence de ses parents, Pascalet découvre la fascinante rivière et devient l'ami de Gatzo, un jeune garçon à l'histoire mystérieuse. Ensemble ils vont vivre sur l'eau des journées extraordinaires et sauvages et combler leur soif d'aventures.

La critique de Mr K : Superbe lecture que celle que je vais vous présenter aujourd’hui avec L’Enfant et la rivière d’Henri Bosco, un auteur qui me rappelle mes premières lectures, mes premiers émois face aux mots et notamment son roman L’âne culotte que j’avais dévoré très jeune (mon premier Folio dans ma bibliothèque perso d’ailleurs). Le charme opère toujours des décennies plus tard avec la découverte de ce roman dégoté lors de notre passage au Salon du livre jeunesse de Lorient où cet ouvrage me tendait ses petites pages. Roman initiatique véritablement magique, entre mots poétiques et illustrations évocatrices, on retourne véritablement en enfance et l’on est totalement transporté.

Pascalet est un jeune garçon qui vit dans le mas de ses parents en Lubéron. La nature environne la propriété éloignée de la ville et la rivière le fascine tout particulièrement. Cependant ses parents lui ont interdit de s’en approcher car elle est jugée dangereuse et il est encore bien jeune. Profitant de leur absence pendant quelques jours, seulement gardé par sa tante Martine qui est plus laxiste et l’adore, il part en exploration du côté de la rivière. Entre observations de la nature et rencontres déterminantes, le jeune Pascalet va quitter les rives de l’enfance...

Ce roman est avant tout une gigantesque métaphore du passage de l’enfance vers l’adolescence puis l’âge adulte. L’acte fondateur est la transgression de l’interdit parental, en désobéissant, il quitte quelque part le monde de l’enfance, s’affranchit de l’autorité des adultes pour acquérir une forme de liberté. Il découvre alors un monde (celui de la rivière) qui lui est étranger, une fenêtre sur tout un pan de son environnement proche qu’il ne connaît pas. C’est la fin de l’innocence.

C’est aussi une belle rencontre avec Gatzo, alter ego négatif de Pascalet. Tout les oppose dans leur caractère, leur appréhension des choses, seuls leurs silences respectifs les rapprochent. Mais très vite, ces deux là vivent en communion, partagent l’expérience d’une cavale qui va les attacher l’un à l’autre de manière irrémédiable. Leur relation est subtile, douce et enrichissante tant pour l’un que pour l’autre. Le bouleversement final retourne littéralement le lecteur, lui faisant voir un lendemain qui chante, sans pathos, tout simplement humain et logique.

Cet ouvrage est aussi une ode à la nature, sa beauté, sa perfection, son aspect sauvage aussi et les dangers qu’elle peut receler. Les descriptions sont d’une beauté à couper le souffle : un brin de vent, le courant impétueux de la rivière, les vols d’insectes, les déplacements des poissons, l’obscurité mystérieuse et le grand soleil du sud nous accompagnent merveilleusement, faisant appel à nos cinq sens grâce à la science langagière d’un Henri Bosco orfèvre en la matière. C’est beau, puissant, enchanteur.

Ce voyage initiatique est donc un bonheur de lecture de tous les instants, une expérience assez unique au charme désuet mais tellement envoûtant surtout en cette période où le climat déréglé fait peser de lourdes menaces. Ici, on fait une pause, on découvre et on respecte la nature et l’on se plaît à oublier tout ça. Un livre magistral à lire absolument.

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vendredi 23 décembre 2022

"Bloodsilver" de Wayne Barrow

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L’histoire : 1691 : un bateau transportant de mystérieux passagers aborde la côte est du continent nord-américain. Les vampires viennent de débarquer de la vieille Europe. Ils forment bientôt le Convoi, longue colonne de chariots recouverts de plaques de plomb, et se lancent à la conquête de l'Ouest, anticipant le trajet du chemin de fer dans une lente et implacable progression...

1692 : à Salem, une poignée d'hommes impitoyables fonde la Confrérie des Chasseurs, bien décidés à stopper l'avancée du Convoi et à en découdre avec les créatures des ténèbres.

De Fort Alamo aux territoires sioux, de Wounded Knee à Silver City, les hommes du Nouveau Monde, Billy le Kid, les frères Dalton ou encore Doc Holliday mêlent le sang à l'argent, luttant sans merci contre les vampires, ou formant avec eux d'improbables alliances...

La critique de Mr K : Balade en terres d’uchronie historique aujourd’hui avec Bloodsilver de Wayne Barrow, un auteur derrière lequel se cachent Xavier Mauméjean (un des chouchous du Capharnaüm Éclairé) et Johan Heliot, ouvrage réédité par Mnémos en cette fin d’année. Le postulat de départ a de quoi séduire. Imaginez : réécrire le début de l’Histoire des États-Unis en y ajoutant un élément fantastique qui va bouleverser la donne. Une vraie et grande réussite pour une lecture-plaisir intense et passionnante.

70 ans après l’arrivée des premiers migrants européens sur le nouveau monde, un bateau s’échoue sur la côte est, libérant ses mystérieux occupants. Des êtres non morts, pourvus de canines pointues et de griffes acérées : des vampires ! Ils s’organisent en un convoi qui grossit de plus en plus et commence sa propre conquête de l’Ouest. Cette force nouvelle va compter dans la construction du nouvel État qui se libère des anglais en 1776 et l’Histoire va s’en voir changée à tout jamais.

Les auteurs nous proposent donc 18 bonds dans le temps, allant de 1691 à 1917, nous permettant de réécrire l’histoire si riche et parfois iconique des États-Unis. L’arrivée des premiers colons, la chasse aux sorcières (avec un passage à Salem des plus flippants), la bataille d’Adamo, le massacre de Wounded Knee, les avancées du rail, le recul des amérindiens, les attaques de banques des frères Dalton, le règlement de compte de OK Corral, les délires spirits de la veuve Winchester et beaucoup d’autres. Quand on connaît bien l’histoire américaine, c’est du bonheur en barre. La déconstruction / reconstruction est savamment orchestrée et multiplie les clins d’œil savoureux. À l’occasion, j’ai effectué quelques recherches sur le net pour me remettre en mémoire des événements ou des personnages ayant vraiment existés. On double alors le plaisir !

On retrouve complètement l’ambiance western bien pesante avec ses personnages bruts de décoffrages, une ambiance poussiéreuse et une vie rude. Pas de doute, les auteurs maîtrisent leur sujet et proposent aussi une galerie de personnages tous plus marquants les uns que les autres. L’esprit de liberté est là ainsi que les horreurs commises au nom de la conquête de l’Ouest. Le sang et la fureur se sont donnés RDV et l’on n’est pas déçu. D’ailleurs dans le domaine, les passages mettant en scène les créatures ne sont pas à mettre entre toutes les griffes, ça écharpe sévère, ça dégouline d’hémoglobine et l’on en redemande. On alterne donc immersion documentaire précise et fantastique tantôt larvé tantôt complètement déjanté. Le mélange des genres fonctionne très bien et l’on prend vraiment son pied.

Malgré un contenu dense, tout un chacun trouvera son compte dans Bloodsilver, entre action, étude sociologique et descriptions évocatrices en diable. Si on se laisse porter par le fil, que l’on se laisse guider par la langue inventive et volontiers soutenue à l’occasion, on part pour un sacré voyage qui dépote, étonne et provoque une évasion totale. Perso, j’en aurais bien repris un peu !

mercredi 21 décembre 2022

"Les fins de moi sont difficiles" d'Hubert Ben Kemoun

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L’histoire : Mathilde est prête à tout pour s'intégrer dans son nouveau lycée. Á tout. Quitte à dépasser les limites. Un jour la rumeur se répand, l'accusant d'avoir trahi un de ses amis. Mathilde lutte mais seule, elle ne tiendra pas bien longtemps...

La critique de Mr K : Il y a d’abord cette couverture sublime à sa manière, qui attire irrémédiablement l’œil sur l’étagère des nouveautés du CDI de mon établissement, ce visage enfoui dans le néant, ce regard qui interpelle, qui interroge. Puis il y a un nom, Hubert Ben Kemoun, un auteur jeunesse reconnu et que j’ai déjà lu par deux fois avec un plaisir certain. Il n’en fallait pas moins pour que j’emporte Les fins de moi sont difficiles à la maison pour une lecture express et émouvante.

Mathilde vient d’arriver dans un nouveau lycée et comme tout le monde dans cette situation, il faut faire son trou. On choisit son masque, on se calque sur les autres pour pouvoir se sentir reconnu, intégré voire aimé. Très vite, elle s’est rapprochée de Camille et Selma, deux filles de sa classe fort en gueule, "populaires" et surtout qui n’ont pas froid aux yeux. Le roman débute par une scène de "fauche" dans un magasin de fringues, Mathilde fait diversion pendant que ses deux copines enlèvent des antivols et piquent tout ce qu’elles peuvent dans les cabines d’essayage. C’est l’hybris, le sentiment d’invulnérabilité, l’insouciance et le frisson qui les guident. Ce n’est pas un coup d’essai, cela dure déjà depuis un certain temps. Vous imaginez bien que tout cela va être bouleversé lorsqu’elles vont finir par se faire chopper, que certains camarades vont dépasser les bornes et qu’une rumeur d’abord insidieuse puis teintée de menaces et d’actes terribles va faire redescendre Mathilde sur terre et la voir affronter une véritable meute...

On s’attache immédiatement à Mathilde. Très bien croquée, j’ai aimé son franc parlé, son goût pour les bons mots, les beaux textes, sa relation particulière avec sa professeur de français, ses incertitudes et ses doutes. Elle glisse dans le n’importe quoi pour se sentir entourée, elle a bien conscience des limites entre le bien et le mal mais l’attirance est trop grande et son nouveau statut la presse d’imiter ses copines. Mais tout est éphémère, les illusions vont tomber, livrer des vérités sur la nature humaine qu’elle va prendre en pleine face. On a vraiment le ventre noué tout du long, l’évolution du récit laisse peu d’espoir et pourtant...

De manière générale, la reconstitution du microcosme scolaire et familial sont très réalistes. Pas d’effets de manche, de caricature trop poussée des personnages, de futilité stylistique, on va à l’essentiel, dans le vrai et ça touche en plein cœur. Les erreurs d’appréciations des adultes, les incompréhensions qui en résultent, l’adolescence et ses contradictions, le lien parent-enfant, la bêtise, le désespoir face à l’adversité sont décrits avec finesse, une justesse de tous les instants. C’est rude à encaisser par moments, la cruauté se dispute parfois à la stupidité mais à cet âge, la conscience paraît bien enfouie sous des couches d’apparat, de posture et de logiques binaires.

La lecture de cet ouvrage s’est donc révélée un plaisir de tous les instants, un one-shot efficace, édifiant et prenant que l’on relâche uniquement au mot fin. À mettre entre toutes mains, y compris celles de lecteurs moins aguerris, Mathilde devrait les toucher et les emporter avec elle.

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dimanche 18 décembre 2022

"Spirale" intégrale de Junji Ito

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L’histoire : De prime abord, Kurouzu ressemble à une banale petite ville de campagne. Mais, au-delà des apparences moroses, existe un mal profond, terrible et indicible qui plane au-dessus des habitants. Une pression hypnotique, un malaise poisseux qui corrompent les cœurs, les âmes et les esprits de victimes impuissantes.

La critique de Mr K: Je tiens à préciser qu’au départ je ne suis pas un grand amateur de mangas. Sorti de Ranma 1/2 (très fun), Dragon Ball (quand Sangoku est petit) et Akira (cultissime), je n’ai pas lu grand chose et souvent l’aspect esthétique des personnages me rebute, l’aspect trop théâtral aussi. Je découvrais, avec Spirale, l’auteur Junji Ito qui a une belle réputation dans le domaine de l’horreur et je dois avouer que j’ai été totalement conquis. Il propose un dessin dynamique et fouillé, pas caricatural et surtout un récit bien barré, complètement borderline même et une métaphore filée bien trouvée et jusqu’au-boutiste.

Il s’en passe des choses à Kurouzu, petite ville portuaire semblable à tant d’autres au Japon. À première vue, rien ne la distingue vraiment, la vie s’y écoule calmement, sans fioriture dans une banalité presque confondante. C’est sans compter l’apparition de phénomènes terrifiants. Tout commence par des disparitions, des coups de folie... Puis l’apparition d’êtres difformes, mutants, des phénomènes physiques et météorologiques inexpliqués. Une malédiction semble planer au dessus de la ville, une malédiction où le motif en spirale est omniprésent : vents tourbillonnants, drôles de courants apparaissant dans les caniveaux, un père mort dont le corps est transformé en spirale, des hommes se transformant en escargots, des cheveux se muant en spirales vivantes, des femmes enceintes en meurtrières, un couple d’amoureux transis qui va finir entrelacé au sens propre, une ville qui se transforme d’elle-même adoptant un plan spiralaire... Non vraiment quelque chose d’indicible se passe à Kurouzu et la vérité, quand elle éclatera, sera terrible.

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Divisé en nombreux courts chapitres (à l’origine ce manga est sorti en trois volumes), on suit les événements à travers les yeux de Kirie, une jeune étudiante qui assiste quasi impuissante à la métamorphose funeste de sa ville natale. Ingénue comme on peut l’être à son âge, elle va devoir affronter une réalité qui la dépasse et la touche elle et ses proches. Ainsi, le récit alterne son quotidien à l’école, dans ses relations amicales et familiales avec des moments de terreur / horreur purs. Shuichi, son petit ami, est un jeune homme bizarre qui croit en la malédiction de la spirale. Particulièrement barré, paranoïaque, il est le contre-pied de l’héroïne. Les deux se complètent parfaitement et leur rôle sera essentiel dans la résolution du mystère surtout qu’il semble impossible de quitter la ville qui devient de plus en plus folle.

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Les traits sont sombres, la noirceur tenace et poisseuse. Les tableaux sont saisissants, effrayants, la peur est vraiment palpable et il n’est pas rare d’être horrifié par ce qui nous est donné à voir et à lire. La fascination est totale, dérangeante par bien des aspects entre forme et fond, on vire même parfois dans le delirium le plus complet avec des passages vraiment allumés pour ne pas dire psychés. C’est très imaginatif, collé aux émotions les plus intimes des personnages et cela propose une Mythologie développée. Franchement, j’ai été emporté par le récit et ses réflexions sous-jacentes sur le Japon contemporain, la peur de l’Apocalypse (certaines cases font clairement penser à Hiroshima et Nagasaki), le harcèlement à l’école, le culte de l’apparence, la pauvreté galopante et la mainmise des puissants et du sacro-saint capitalisme (brillant essai reproduit en fin d’ouvrage) et d’autres références que je vous laisse découvrir.

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Vous l’avez compris cette intégrale "Spirale" est une petite perle de noirceur que je vous invite à découvrir au plus vite. C’est sans complexe, extrême et profond. Les amateurs ne doivent pas passer à côté !

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mercredi 14 décembre 2022

"T" d'Haruki Murakami

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L’histoire : Lequel de mes T-shirts a le plus de prix pour moi ? Je crois que c’est le jaune, celui qui porte l’inscription Tony Takitani. Je l’ai déniché sur l’île Maui, dans une boutique de vêtements d’occasion et je l’ai payé un dollar ; après quoi, j’ai laissé vagabonder mon imagination : quel genre d’homme pouvait bien être ce Tony Takitani ? Puis j’ai écrit une nouvelle dont il était le protagoniste, nouvelle qui ensuite a même été adaptée en film.

La critique de Mr K : Une lecture farfelue aujourd’hui avec une autobiographie d’un genre un peu particulier. Avec T, Haruki Murakami (qu’on ne présente plus et que j’adore) se propose de raconter sa vie à travers sa collection de T-shirts. Si si c’est possible et c’est franchement très réussi, fun, futile et à la fois profond.

100 clichés de T-shirts regroupés par chapitres et une double interview du maître par un journaliste japonais constituent cet ouvrage sorti en novembre aux éditions Belfond. T-shirts de surf, américains, animaliers, jazzy, musicaux, promotionnels, littéraires et autres se succèdent avec un Murakami qui égraine des souvenirs, des goûts, des confidences même sur lui-même et sa façon de voir la vie. Si on pratique l’auteur depuis longtemps, on retrouve des choses récurrentes lues dans ses ouvrages et d’autres qui font écho à ses autres vies (rappelons qu’il a été professeur à l’université aux USA ou encore tenancier d’une boîte de jazz). L’ouvrage est un beau révélateur et un vrai plaisir de lecture pour les fans de l’auteur qui se livre avec facétie à ce jeu de piste décalé.

De ces objets du quotidien accumulés au fil des décennies, pour certains même jamais portés, Murakami balaie donc son existence et surtout revient sur ses passions. Le surf dans les années 80 sur la plage de Kugenuma sur le duo Michael Jackson / Paul McCartney, la vie américaine et sa "gastronomie" (aaaah les burgers !), l’amour du bon whisky et les rituels qui vont avec, le goût pour la bière, le chinage de livres et de disques qui peuvent durer des heures, les animaux kawaïs mis en scène de façon incongrues, le rock et le jazz qui accompagnent l’homme depuis tellement longtemps, les t-shirt liés à l’amour de Murakami pour la course à pied (il a participé à pas mal de compétitions et d’événements), des t-shirts universitaires... Beaucoup de variété donc et au passage de bons mots, des anecdotes croustillantes et en filigrane la philosophie de vie de Murakami que l’on retrouvait déjà dans toutes ses œuvres de manière plus ou moins prégnantes.

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Ce livre est plus léger qu’à l’habitude. C’est surprenant, parfois très drôle, et l’on rentre dans l’intimité de Murakami. L’ouvrage est beau avec des clichés bien mis en page, un papier épais et des espaces pour respirer, passer du coq à l’âne le sourire aux lèvres en se demandant bien ce que l’on va découvrir au chapitre suivant. La lecture est douce, très douce, enveloppante, on est bien dans l’univers de Murakami qui se met remarquablement en scène lors des achats et acquisitions de t-shirt, les raisons qui le poussent à aimer tel modèle plutôt qu’un autre, les personnes qu’il a pu croiser à cet occasion avec son lot d’échanges de paroles, de silences... Il se permet même de nous interpeller, de nous questionner même sur tel ou tel motif ou flocage. L’effet est garanti.

Bel ouvrage donc qui séduira avant tous les amateurs de Murakami qui trouveront l’occasion de l’aborder autrement, de découvrir des facettes de ce génie de la littérature que je ne désespère pas un jour de voir décrocher le Nobel en la matière. Il le mérite amplement pour l’ensemble de son œuvre.

Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
"1Q84 : Livre I, Avril-Juin"
"1Q84 : Livre II, Juillet - Septembre"
"1Q84 : Livre III, Octobre - Décembre"
"Kafka sur le rivage"
"La Ballade de l'impossible"
"Sommeil"
"La Course au mouton sauvage"
"L'Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage"
"Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil"
"Le Passage de la nuit"
- "Après le tremblement de terre"
- "Danse, danse, danse"
- "Saules aveugles, femme endormie"
- "Abandonner un chat"

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lundi 12 décembre 2022

"Bones and all" de Camille Deangelis

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L’histoire: États-Unis.
Contrainte de fuir à cause de ce qu'elle est, Maren, seize ans, sillonne les routes américaines en quête de nouvelles attaches. Et lorsqu'elle rencontre l'énigmatique Lee, elle se prend à rêver d'une vie à ses côtés... Une vie de bohème et de liberté. Car Lee lui ressemble : comme elle, il ressent le besoin irrésistible de dévorer les êtres humains... Et si Maren n'était finalement pas aussi seule qu'elle le pensait ?

La critique de Mr K :  Bones and all de Camille Deangelis est un roman assez malin dont l’adaptation cinématographique (signé Luca Guadagnino tout de même !) est sortie fin novembre. Mélange de road-movie, de quête de soi et de ses origines, roman d’horreur aussi (mais vraiment à petites doses), voila un ouvrage qui m’a bien plu, totalement addictif et bien mené. Certes l’originalité n’est pas forcément au rendez-vous mais on passe vraiment un très bon moment.

Maren vit seule avec sa mère et change très souvent de domicile et de région. Il faut dire qu’elle a d’étranges pulsions cannibales qui la poussent à dévorer les personnes qui lui témoignent de l’affection. Avouez que c’est ballot et surtout difficile à gérer... La mère un jour n’en pouvant plus, l’abandonne à son sort et part loin de cette fille dont elle n’accepte plus la nature. Maren va devoir se débrouiller seule, se lancer sur les routes pour retrouver un père qu’elle n’a jamais connu. Peut-être lui, pourra-t-il lui fournir des explications sur ce qu’elle est ? Sur la route, elle fera des rencontres qui vont transformer le voyage en une ode initiatique qui va voir la jeune fille se confronter à sa nature et à ses racines.

Ce roman, une fois débuté, ne peut être relâché. Sa grande force réside dans sa protagoniste principale et dans le rythme global que l’auteure a su imprimer à son récit. Écrit à la première personne, on s’immerge littéralement dans l’esprit perturbé de Maren qui au-delà de sa tare se révèle être une jeune fille comme toutes les autres, pétrie de doutes et d’interrogations sur elle-même et sur le monde. La dimension psychologique est très bien rendue, très crédible et donne à voir une trajectoire bien borderline pour une Maren attachante qui cherche avant tout à se comprendre mieux et à trouver quelqu’un qui pourrait l’accepter telle qu’elle est. Vous imaginez bien qu’elle va finir par croiser des créatures semblables avec quelques nuances qui m’ont surpris et apportent une valeur ajoutée au postulat de base.

De l’horreur, il y en a mais les scènes sont habilement conduites, quasiment en hors champs, évoquées mais jamais dévoilées totalement laissant le lecteur imaginer ces repas d’un genre particulier. L’horrible est indicible en soi et l’imagination fait le reste, l’effet est garanti, le morbide présent mais pas envahissant. Cette subtilité participe à l’instauration d’un climax ambigu tout au long du roman, l’impression qu’on ne peut vraiment s’appuyer sur quelque chose de solide, de durable, tout peut basculer d’une ligne à l’autre. La fin en la matière est un très bel exercice de style qui m’a cueilli et convaincu.

Tous les personnages sont merveilleusement ciselés, leurs interactions remarquablement mises en mots participent à une ambiance unique faite de contemplation, d’attirance et de répulsion. Le désir est au cœur du récit : le désir d’affection, d’amour, de mort aussi, Eros et Thanatos se donnent rendez-vous à la lumière d’une sortie d’adolescence compliquée si je puis m’exprimer ainsi. La langue accompagne bien le propos. Visant les adolescents, roman pour les jeunes lecteurs, ce n'est certes de la grande littérature mais ce n'est pas ce qu'on lui demande véritablement et ça fait le job ! Les pages s’enchaînent rapidement, sans lassitude et au final, on ressort content d‘une lecture parfois prévisible mais vraiment rafraîchissante et à la portée plus lointaine qu’on ne pouvait le penser au début.

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vendredi 9 décembre 2022

"Rendez-vous au Pôle Nord" de Polly Faber et Richard Jones

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L'histoire : Par une froide nuit d'hiver, une petite renarde s'enfonce dans la neige, à la recherche d'un endroit où se reposer. Qu'est-ce que cette lumière au loin ? Et qui est cet homme au ventre rond et à la barbe blanche ?

La critique Nelfesque : Il fait froid, il fait nuit, il neige et une jeune renarde cherche à se reposer. Elle creuse, se faufile... et se retrouve chez un vieux monsieur au ventre rond et à la barbe blanche. Celui-ci la recueille et le temps passe sans qu'ils ne se quittent. Petit à petit, l'homme devient très occupé : il dessine, coupe, mesure... et ses étagères se remplissent de drôles d'objets. Des lettres arrivent, il remplit un sac, et lorsqu'il lui propose de monter dans son traîneau, la petite renarde comprends enfin : cet homme ne serait-il pas le Père Noël ?

Voici un album jeunesse on ne peut plus de saison ! Original et réconfortant, il fait la part belle à l'amitié et met en avant les liens d'attachement avec subtilité et douceur. Cette petite renarde perdue va sans faire de bruit se faire une place dans le coeur de cet homme inconnu. Par la seule présence de la renarde discrète, l'homme va laisser entrer cet animal esseulé et partager avec lui son quotidien.

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Ici, le Père Noël est un homme ordinaire qui se repose une fois la tâche accomplie, partage des moments de simplicité avec sa nouvelle amie, s'organise et prépare sa prochaine échéance importante sereinement. Nous voyons à travers ses yeux et ceux de la renarde comment l'année se déroule et on se surprend à sourire de tant de naturel. Le Père Noël est presque un homme comme les autres !

Les illustrations sont le fruit d'un travail commençant de manière traditionnelle à la peinture puis passant par la retouche numérique afin d'obtenir des textures particulières. Richard Jones est un habitué du monde du design et de la publicité et ça se sent. Les dessins sont à la fois graphiques et lisibles.

RDV au Pole Nord

"Rendez-vous au Pôle Nord" est un album à découvrir à partir de 3 ans pour vivre des moments de partage avec ce personnage fantasmé depuis si longtemps et vivre l'expérience de la simplicité et de la découverte d'une amitié naissante. Un joli album dans tous les sens du terme qui véhicule douceur et émotion.

mercredi 7 décembre 2022

"Vernon Subutex" intégrale de Virginie Despentes

VernonL’histoire : QUI EST VERNON SUBUTEX ?
Une légende urbaine.
Un ange déchu.
Un disparu qui ne cesse de resurgir.
Le détenteur d’un secret.
Le dernier témoin d’un monde disparu.
L’ultime visage de notre comédie inhumaine.
Notre fantôme à tous.

La critique de Mr K : Depuis 2015 et la lecture de Baise-moi, je n’avais plus remis le nez dans la bibliographie de Virginie Despentes, une auteure que j’affectionne pourtant tout particulièrement. Son écriture libre, thrash, le ton cynique, sa découpe au scalpel des travers de notre société, son engagement… autant de qualités qui m’ont manqué en sept ans. C’est Nelfe qui m’a permis de remettre le pied à l’étrier en m’offrant la trilogie Vernon Subutex cet été et quelle expérience ! La magie opère toujours autant avec de surcroît ici une dimension plus universelle, un aspect mystique poussé pour un conte urbain incandescent et sans concession qui ne peut laisser indifférent.

Dans la structure générale, on est face à un roman polyphonique où se croisent d’innombrables personnages qui nous livrent successivement leurs points de vue. Très différents les uns des autres, toujours extrêmement bien croqués, complexes (on ne compte plus les péripéties et états d’âmes qu’ils traversent) tout au long des 1200 pages qui constituent ce triptyque, on navigue dans différents milieux dans une immersion vraiment totale.

Il y a évidemment Vernon, un ancien disquaire, génie du mix qui se retrouve expulsé de son appartement et qui va squatter chez divers connaissances avant d’atterrir dans la rue. Le premier volume s’attarde beaucoup sur sa trajectoire qui s’apparente clairement à une descente en enfer même si Vernon reste flegmatique et traverse les épreuves sans vraiment réagir. Les gens l’aiment bien, on se sent bien en sa compagnie, il les impacte sans vraiment le vouloir, il est un être à part qui cristallise des sentiments divers et apporte une certaine paix. À partir du deuxième volume quelque chose se met en place auprès de lui.

Gravite autour de Vernon, une myriade de personnages plus ou moins liés donc : un producteur acharné et peu recommandable, un scénariste en panne d’inspiration, une actrice porno rangée des bagnoles, une détective privée lesbienne pas commode (déjà croisée dans Apocalypse baby de mémoire), une SDF haute en couleur, une serveuse-tatoueuse en quête de sens à sa vie, un trader cocaïnomane complètement perché (je sais c’est un euphémisme), une amie de jeunesse musicienne, des transsexuels assumés, une jeune femme musulmane pratiquante au parcours chaotique et bien d’autres que je vous laisse découvrir. Loin de noyer le propos, toutes ses âmes enrichissent une œuvre dense et profonde. Ils passent et repassent, disparaissent, renaissent à l’occasion d’un souvenir… Rien ne nous est épargné de leurs souffrances, atermoiements, doutes et espoirs, donnant vie à une comédie humaine que n’aurait pas renié un Balzac ou un Zola en leur temps. Ces ouvrages constituent une véritable toile d’araignée arrangée avec soin et dont on n’arrive pas à s’échapper. La preuve, j’ai lu les trois volumes à la suite, je n’ose pas imaginer le calvaire que ça aurait été d’attendre d’une année sur l’autre la sortie du suivant !

En soi, il ne se passe pas énormément de choses dans Vernon Subutex, chaque personnage apporte avec lui sa psyché, ses expériences, sa pierre à l’édifice de Virginie Despentes. Elle dresse le portrait de notre société abîmée, fracassée par ses tensions internes. On retrouve de grandes préoccupations despentiennes à commencer par le lien entre hommes et femmes, la sexualité, le rock, la dope. Elle élève ici le propos en livrant quelques saillies bien senties sur le capitalisme cannibale, l’exclusion des gens (le passage sur la rue est tout bonnement épatant, racontant par le menu comment cela vous transforme un homme et le rend invisible aux yeux de la société -si ce n’est comme un repoussoir pour dire aux autres, voila ce qui vous arrive si vous n’obéissez pas-), la dépendance technologique, le réchauffement climatique, le pouvoir et son aspect dévorant et avilissant... Brillant ! En fait, toutes les thématiques de notre monde moderne sont plus ou moins abordées, livrant un livre-somme, une expérience totale. Le constat est sombre, très sombre même. Je dois avouer que je m’y suis totalement retrouvé partageant nombre de ses observations et réflexions.

Virginie Despentes manie l’art de la punchline à merveille, envoyant directement au foie des coups ravageurs qui touchent justes et forts. Que j’aime son écriture, son franc parler, sa liberté de ton, son phrasé ! Au delà du langage familier qu’elle manie à merveille et qui est sa marque de fabrique, Despentes ne peut se résumer à cela. Elle est une orfèvre en terme de caractérisation de personnages qui sont bien éloignés des clichés que l’on véhicule ici ou là, les salauds sont magnifiques, les êtres innocents bien moins qu’on ne le pense, tout cela s’entrechoque dans l’esprit du lecteur et produit un effet bœuf. La construction du roman est parfaite, la dynamique générale ne se dément jamais et le tout se termine de manière apocalyptique, nous laissant sur les genoux.

Une lecture incontournable, assurément ! I still love you Virginie.

Lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm Éclairé :
- Les chiennes savantes
- Les jolies choses
- King Kong theorie
- Apocalypse bébé
- Bye-bye Blondie
- Baise-moi

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lundi 5 décembre 2022

"L'Âme du chien" d'Antoine Ducharme

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L’histoire : Croire les prophéties.

Celui qui étreint l’âme du désert, qui chevauche et détruit les mondes, n’a que peu de pitié pour ses ennemis et son peuple.

Du haut de Salabanka, la ville dorée, il s’enorgueillit du Destin que l’oracle lui a confié. Alors, quand la sibylle lui ordonne de trouver un bras droit, il s’exécute. Il lui faut un guerrier à l’âme de chien prêt à tout pour accomplir l’avenir glorieux de son maître.

La critique de Mr K : Chronique d’un gros coup de cœur aujourd’hui avec L’Âme du chien d’Antoine Ducharme, un roman de fantasy métaphysique absolument dément. Conte, mythe, récit initiatique se conjuguent dans une langue poétique et évocatrice au possible. Top de chez top !

Alandros aka le cavalier aux poings de colère est venu du désert, il est venu, il a vu et il a vaincu ou presque... Guidé par un oracle qui lui a prédit le plus grand des destins, il a terrassé nombre d’ennemis mais il n’arrive pas à porter le coup de grâce à l’empire de l’ancien monde qui continue de lui résister. La sibylle lui dit qu’il va devoir trouver un guerrier, le meilleur d’entre tous, celui qui deviendra son bras armé et finira d’asseoir sa domination. C’est alors qu’apparaît Klane, guerrier mystérieux qui va survivre aux terribles épreuves imposées par Alandros pour devenir son soldat à l’âme de chien. Mais ce n’est que le début d’un récit qui conjugue dès lors fantasy épique et récit initiatique.

On est avec cette œuvre loin de la figure du roman ou de la saga de fantasy classique. La taille tout d’abord interpelle. Là où le genre se traduit souvent par de belles briques bien pesantes, on se retrouve ici face à un livre de 120 pages à peine, une sorte de novella en quelques sorte, format apprécié notamment dans la SF. Clairement, je trouve qu’ici ou là (promotion officielle, articles de blogs ou revues spécialisées), on appuie trop sur le mot fantasy pour décrire cette œuvre qui m’a fait plus penser à du Homère ou encore davantage à Laurent Gaudé et son superbe La Mort du roi Tsongor entre fracas des batailles, esprits torturés et aspect épique mis en avant par une langue inventive et évocatrice à souhait.

Au cœur du récit donc, deux hommes, deux figures tutélaires qui se ressemblent, s’opposent, se complètent, se rejettent au fil du temps, au gré des événements, mus tous les deux par quelque chose qui semble les dépasser, une flamme qui les habite, les meut. Figures guerrières, la mort et la destruction hantent ces pages d’une rare virtuosité lyrique pour évoquer la brutalité, les combats, le sang répandu pour un idéal commun inspiré par des paroles divinatoires et autres légendes que l'on se transmet à toutes les échelles de la société. Le pouvoir puis le doute, l’accablement, la résignation et une certaine forme de rédemption sont au menu de cette quête de sens qui apparaît en filigrane du récit et finit par nous éclabousser par sa pureté et sa beauté dans des dernières pages inspirées et inspirantes.

Alternant fureur, pensées et moments plus intimistes, L'Âme du chien ne nous laisse aucune échappatoire. Le souffle épique nous capte irrémédiablement, le récit devient initiatique, philosophique avec des réflexions sur le destin, la volonté mais aussi le sens de la vie, de l’accomplissement. Qu’est-ce qu’un héros finalement ? Le reste-t-on ? Est-ce même un sort enviable ? A travers la dualité Alandros et Klane, l’auteur évoque tout cela et rappelle le douloureux choix proposé à Thétis la mère d’Achille à qui on proposait à son fils une vie courte et glorieuse ou une vie longue mais insignifiante. La dimension mythologique de l'âme du chien est prégnante, les références nombreuses et a comblé l’amateur que je suis de récits antiques.

Il n’y a pas à tortiller, il faut lire l’ouvrage d’Antoine Ducharme qui porte très bien son nom - sic -. Lecture hypnotique, merveilleuse et sombre à la fois, c’est davantage qu’un livre de fantasy, c’est une fenêtre sur l’humanité et les histoires qui la fondent dans ses croyances et ses actes. C’est beau, profond, cryptique et clair à la fois, c’est un chef d’œuvre.

Posté par Mr K à 14:49 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
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