"La Meute" d'Adèle Tariel
L’histoire : Léa entre dans un lycée où elle ne connaît personne. Timide, elle noue des liens avec un garçon de sa classe grâce à qui elle espère être acceptée.
Lors du premier cours d’histoire, elle découvre Mr. Fauchon qui manque d’autorité et dont les élèves se moquent jusque sur les réseaux sociaux. Léa adore pourtant cette matière, mais défendre un prof contre tout le monde, c’est impossible. Jusqu’où est-elle prête à suivre ses "amis" ?
La critique de Mr K : Lors d’une sortie avec mes élèves pour découvrir le monde professionnel d’une libraire indépendante, cette dernière leur avait conseillé la lecture de cet ouvrage que notre documentaliste s’est empressée d’acheter à l’époque. Pour ma part, j’ai attendu les vacances d’été pour emprunter La Meute d’Adèle Tariel. Cette lecture s’est révélée être une grosse claque, un portrait saisissant et réaliste de notre jeunesse par le prisme du phénomène malheureusement grandissant du harcèlement notamment via les réseaux sociaux.
Léa change d’établissement, encore... Les mutations de sa mère l’obligent à déménager et Léa doit à chaque fois refaire son trou dans le nouveau bahut qu’elle fréquente. Sportive (elle adore et pratique le basket), elle est plutôt du genre réservée, bonne élève, elle aime l’Histoire-géo. Le pire pour elle ce serait d’être isolée, seule, une paria dans la communauté des élèves. C’est pour cela qu’elle va se rapprocher d’un groupe d’élèves de sa classe, mené par le charismatique Théo. Premiers contacts, plaisanteries, un shoot à trois point réussi dans la cour et la voila plus ou moins intégrée.
Malheureusement la bande va très vite s’avérer harceleuse envers M. Fauchon leur professeur d’Histoire-géographie, un homme effacé qui est réputé pour laisser tout faire à ses élèves et n’avoir aucune autorité. Brouhaha constant, triche organisée, portables en classe... les cours deviennent une zone de non droit où les élèves règnent en maître à leur manière. Les choses vont dégénérer quand Léa sous l’impulsion du moment, avec l’envie de plaire à ses nouveaux "amis" va créer un compte Instagram dédié au dénigrement de M. Fauchon. La machine va s’emballer : les followers se multiplient, les encouragements pleuvent et ils faut toujours aller plus loin, plus fort... La tension monte crescendo jusqu’au dénouement qui ne peut qu’être dramatique.
Ce petit roman de 96 pages possède une force d’impact incroyable et il est impossible de le lâcher avant de l’avoir terminé. Je l’ai lu d’une traite et je dois avouer qu’il m’a mis dans tous mes états, m’empêchant même de trouver le sommeil malgré l’heure avancée de la nuit lors de la fin de ma lecture. Racontée à la première personne, on assiste à la lente descente aux enfers de Léa qui sous couvert de développer ses relations sociales va définitivement basculer du côté obscur. Bien sûr, elle a des sursauts, elle sait qu’elle fait le mal mais malgré tout elle continue, ferme les yeux et laisse faire. Cette logique destructrice est très bien retranscrite, on comprend le processus qui s’opère en elle, la raison de ses actes immoraux. C’est profondément triste et pathétique d’en arriver là pour se faire intégrer.
La meute porte bien son nom et le groupe au départ accueillant se révèle être un carcan liberticide pour Léa. Dominés, contrôlés et manipulés par les dominants, la course à celui qui fera la plus grande action d’éclat, la cruauté et l’immoralité comme mode de fonctionnement, un rayonnement étendu et néfaste via les réseaux pseudo-sociaux, donnent à voir ce que l’humanité à de plus vil et de plus veule à travers ses pages chargées bien souvent du poison de la bêtise et de l’inconséquence. Le pauvre Monsieur Fauchon essuie nombre de vexations et d’humiliations, victime expiatoire d’une jeunesse perdue, sans repères et en roue libre. On devine derrière ce personnage de professeur harcelé, un homme doux et attentionné, aimant son travail et voulant partager sa passion. Tout est ici réduit à néant par une poignée de sauvages et une majorité silencieuse qui laisse faire, tout aussi coupable que les individus directement incriminés.
La Meute relate donc parfaitement les logiques en jeu dans le harcèlement : ses rouages, l’entraînement par le groupe pour rentrer dans le moule collectif et l’attraction qu’il suscite, la souffrance des victimes, la force d’impact des réseaux et l’emballement qui peut s’ensuivre. Très bien écrit, réaliste sans en faire trop, ce roman se lit d’une traite avec un effroi qui va grandissant et au final une réflexion juste qui s’impose au lecteur. Vers où va-t-on ? Que peut-on faire pour freiner le phénomène et tenter de l’endiguer ? Cet ouvrage est un bijou dans son genre, il est absolument à découvrir !
"Je ne suis pas un roman" de Nasim Vahabi
L’histoire : Une autrice et son éditeur se rendent au bureau de la censure pour tenter de comprendre l'interdit de publication dont ils sont victimes. Alors que l'éditeur repart bredouille, l'autrice se retrouve oubliée par l'agent lecteur dans la salle des manuscrits interdits. Elle commence à tourner les pages mises en quarantaine...
La critique de Mr K : Chronique d’un livre à part aujourd’hui avec Je ne suis pas un roman de Nassim Vahabi, une auteure iranienne résidant désormais en France (qui a traduit elle-même son roman du persan au français) et qui propose via ce court roman une plongée dans un monde où la liberté d’expression n’est qu’un mirage et où l’on contrôle ce qui est publié. Cette lecture fut étrange et percutante à la fois.
La quatrième de couverture résume bien la première partie du roman. Après une courte entrevue avec un responsable secondaire du bureau de censure (le grand manitou a un problème familial) pour essayer de comprendre pourquoi un manuscrit a été refusé par l’État à la publication, voila notre auteure, coincée dans la fameuse pièce aux manuscrits interdits, qui commence sa lecture. Puis, on passe à des échanges de SMS entre un homme et une femme qui s’aiment profondément et dont on suit l’histoire à rebours, remontant le temps de manière énigmatique. On rencontre une femme enceinte qui perd sa maman, on découvre que l’éditeur a une relation suivie avec une archiviste, un agent d’entretien d’un genre particulier... Bref, ça part dans tous le sens et on se demande bien où tout cela va nous mener.
Il faut se laisser le temps, il faut être patient. Petit à petit des liens apparaissent. D’abord ténus, ils se développent, des personnages se retrouvent dans des scènes différentes, se croisent et finissent par former un tout cohérent très bien construit. Amour, amitié, souffle de liberté mais aussi jeux de pouvoir, censure et cloisonnement social sont au cœur d’une intrigue multiforme qui se déploie et embarque littéralement le lecteur dans une langue volatile, changeante d’un chapitre à l’autre mais toujours évocatrice et finement amenée.
Je mettrai un petit bémol au niveau de mon attachement pour les personnages. Je n’ai pas éprouvé de grande empathie à leur endroit (sauf pour le couple d’amoureux qui se textotent régulièrement), je ne m’en désintéressais pas mais je n’ai pas éprouvé une forte attraction pour eux. C’est plus le sous-texte qui m’a touché et interrogé à la fois avec une réflexion vraiment passionnante sur la liberté d’écrire, de lire, de penser que l’on ne se pose pas forcément suffisamment dans nos société occidentales trop persuadées que ce sont des droits acquis définitivement. Rien n’est moins sûr malheureusement...
Je ne suis pas un roman est donc une lecture différente, qui se mérite, profonde et finalement très curieuse. Moi qui aime être surpris, j’ai été servi. À qui le tour ?
Lectures "Petite poche" chez Thierry Magnier
Focus aujourd’hui sur sept titres de la collection Petite poche des éditions Thierry Magnier, sept titres que j’ai emprunté au CDI de mon établissement pour ces vacances d’été afin de me faire une idée sur ces récits très courts, ces ouvrages pouvant se lire en un quart d’heure et faisant appel à des auteurs reconnus. Le principe est simple : 48 pages environ pour parler d’un sujet de société via le regard d’un enfant. Le postulat est bien sympa et le pari réussi quasiment à chaque fois !
L’expulsion de Murielle Szac : Très belle évocation d’un drame familial et intime avec l’expulsion de tout un immeuble pour cause d’insalubrité. On rentre dans la tête de la jeune Bintou, de ses appréhensions, espoirs et craintes. Elle fait face à l’incurie des adultes face aux souffrances de l’enfance et au passage l'ouvrage balance un bon coup de projecteur sur la rapacité des journalistes et l’indifférence du plus grand nombre face à ces drames humains. Un très beau texte qui touche en plein cœur.
Le Train des barracas de Françoise Legendre : Là encore un beau texte nous mettant dans la peau d’un enfant cette fois-ci confronté au déracinement dans les années 60. La famille portugaise émigre en France pour le travail, l’héroïne doit laisser derrière elle son pays, son grand-père et le jardin qu’ils entretenaient ensemble. Juste et sensible, cette micro-storia fonctionne à plein et provoque immédiatement l’empathie.
Jour de colère de Caryl Férey : À la veille des vacances, les parents d’Adrien s’embrouillent, le séjour ne se déroulera pas comme prévu, le héros et sa petite sœur vont passer deux mois chez une amie de maman. La colère gronde chez Adrien. Où est papa ? Que se passe-t-il ? Très incisif, ce texte de Caryl Férey est une belle réussite avec un traitement de la séparation vu par l’enfant dans tout ce qu’elle a de surprenante et de douloureuse. Une flèche en plein cœur !
Tsunami de Mikaël Ollivier : Damien nous raconte son quotidien, et ses petits-déjeuners en particulier, alors que les parents écoutent les infos toutes plus terribles les unes que les autres. Peu à peu, on se rend compte de l’impact qu’elles ont sur lui. C’est fin, intelligent et brillamment amené.
Les invités de Charlotte Moundlic : Superbe parabole sur la colonisation avec ces invités qui peu à peu prennent de plus en plus de place dans la maisonnée de la narratrice et le pays où se passe le récit. On se prend au jeu et l’on sent la tension monter progressivement, le sujet est difficile mais tous les écueils évités pour en proposer une vision juste, simple et essentielle. Un incontournable !
Joyeuses Pâques et Bon Noël d’Hubert Ben Kemoun : Sans doute le plus émouvant des sept ouvrages avec cette histoire de grand-mère un peu fofolle qui reçoit durant quatre jours son petit-fils, plus réticent, chez elle. Petit à petit, un lien se crée, quelque chose de puissant et des souvenirs naissent. Superbe !
Écran total de Christophe Léon : Seule déception de ma sélection, cette histoire d’installation d’écran plat géant qui phagocyte la vie de famille tombe un peu à plat. Le môme est attachant mais la chute à fait pshiiit. Reste un rythme indéniable et quelques moment de grande drôlerie.
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Une belle collection donc que je conseille à tous les jeunes lecteurs et aux pédagogues. C’est riche, les auteurs proposent des textes courts, incisifs et bien menés. Franchement, j’en lirai d’autres et j’en utilise certains pour essayer de faire gagner en appétence de lecture mes jeunes pousses plutôt éloignées du monde merveilleux de la lecture. À découvrir et faire découvrir.
"Ça n'arrive qu'aux autres" de Bettina Wilpert
L’histoire : Anna déteste le foot, Jonas aussi. Jonas adore la littérature ukrainienne, Anna aussi. Elle termine tout juste ses études, lui poursuit sa thèse. Ils aiment débattre, s’agacent, se plaisent, s’intriguent, passent une nuit ensemble. Puis une deuxième. Mais cette fois, ce n’est pas consenti. Anna, du moins, l’affirme.
Des mois durant, elle se débat seule avec les conséquences : comment trouver les mots pour décrire et pour comprendre ? Que faire quand la colère se meut en rage ? Qu’attendre de la société et de son entourage ?
La critique de Mr K : Très belle découverte que cet ouvrage coup de poing qui se lit d’une traite et suscite énormément de questionnements et de réflexions. Ça n’arrive qu’aux autres de Bettina Wilpert est un livre passionnant et terrifiant à la fois. Il explore un sujet grave avec tact et intelligence sous forme d’une enquête où chacun va témoigner, essayer d’apporter sa contribution pour démêler le vrai du faux d’un viol présumé. Qui dit vrai ? Qui ment ? Comment réagit la société ?
Anna et Jonas ont toute la vie devant eux. Ils se rencontrent, se découvrent des passions communes, ils aiment parler, discuter jusqu’à pas d’heure. Ils ont aussi une bonne descente et un soir d’ivresse, ils franchissent le Rubicon et couchent ensemble. Rien de sérieux pour l’un et l’autre, un coup d’un soir, lui ne se remet pas vraiment de la rupture avec son ex et Anna virevolte et mène sa vie en toute liberté. S’ensuit une période où ils ne font que se croiser, rarement. Un soir, c’est l’anniversaire d’un ami, l’ambiance est à la fête endiablée, l’alcool coule à flot, ils vont finir par recoucher ensemble. Anna se réveille le matin et quitte l’appartement de Jonas perturbée. Pour elle ce qui s’est passé la veille n’était pas consenti, elle souffre dans sa chair, elle est convaincue d’avoir été violée.
Le roman se construit sur la parole, Bettina Wilpert convoque tous les personnages rencontrés / croisés comme des témoins. On a bien sûr les sentiments d’Anna et Jonas mais aussi ceux du meilleur ami, des connaissances de fac, des parents, des ex ou encore de l’épicier d’en bas qui a vendu des cigarettes à Anna le lendemain du drame. Au lecteur de démêler le vrai du faux dans ces paroles et ces témoignages qui soufflent le chaud et le froid entre subjectivité, parti pris sentimentaux , aveuglement mais aussi parfois discernement et réel effort pour percer la vérité. La forme adoptée convient parfaitement au sujet, se révèle captivante (quasi journalistique) et amène le lecteur a beaucoup de réflexions et de questionnements autour des violences sexuelles, leur nature et leur expression.
Au centre de tout, il y a la notion de consentement et la loi allemande de l’époque (2014) qui n’était pas adaptée à la notion de viol, trop souvent perçu comme uniquement quelque chose lié à de la violence pure. Ici, j’ai découvert grâce à la finesse psychologique déployée, la construction de l’ensemble et les liens qui se font peu à peu entre les différentes prises de parole, les hésitations, les zones de flou, les pressions internes et externes, tout ce qui constitue la fameuse zone grise dont on nous parle souvent. On en ressort profondément bouleversé surtout qu’on éprouve beaucoup d’ambivalence pour les deux principaux protagonistes, on est loin d’être dans un récit outrancier ou à charge. On passe vraiment par tous les états et l’on réfléchit longtemps après la lecture à propos des réactions des protagonistes, leurs sentiments mais aussi leur devenir car rien ne s’achève avec la dernière page...
Je suis ressorti profondément ébranlé de cette lecture. Personne n’en sort indemne. Ça n'arrive qu'aux autres est un livre à mettre entre toutes les mains, à dire, à lire, à faire lire, à partager, à discuter aussi et à prolonger par le débat et l’écoute. Une œuvre magistrale tout simplement, une de plus au catalogue des éditions du Nouvel Attila.
"Demain, le jour" de Salomon de Izarra
L’histoire : France, 1936. Le bruissement d'une nouvelle guerre se fait entendre. Un train traverse les Vosges mais n'arrivera jamais à destination. De la carcasse encore fumante, alors que la nuit tombe, trois survivants trouvent refuge dans un petit village abandonné, au creux de la forêt, au milieu de nulle part.
Accueillis par le Maire, harcelés par des créatures mystérieuses, ils sont pris pris au piège et devront plonger dans les souvenirs les plus sombres de leurs vies pour découvrir les raisons de leur présence en ces lieux.
La critique de Mr K : Aujourd’hui, je vous propose de vous parler d’un livre étrange, entre huis clos et fantastique sorti à l’occasion de cette rentrée littéraire. Demain, le jour de Salomon de Izarra paru chez Mu est un drôle d’objet livresque qui rompt avec ce qu’on peut avoir l’habitude de lire. Tortueux dans son contenu et sa narration, il propose un véritable voyage immersif et décalé qui cependant ne m’a pas convaincu à 100% malgré des qualités certaines. Voici pourquoi.
Après un accident ferroviaire d’une violence inouïe, trois survivants sortent quasiment indemnes du terrible événement. Paul, Suzanne et Armand ne se connaissent pas et vont devoir cohabiter face aux événements. Et quels événements ! Perdus au milieu de nulle part, ils cherchent un abri et pénètrent dans la touffue forêt des Vosges. Ils finissent par arriver dans un village interlope, accueilli par un maire devenu alcoolique qui leur raconte une terrible histoire. Des créatures rodent et sèment la terreur en ces lieux oubliés de Dieu...
Le pitch est assez énorme dans son genre et c’est ce qui m’avait attiré en premier lieu vers cette lecture. Attention, cette trame n’occupe cependant qu’à peine un quart de l’ouvrage. En fait, chaque chapitre alterne entre ces trois protagonistes (et un quatrième qui fait son apparition un peu plus tard et dont je ne vous parlerai pas pour ne rien gâcher de votre éventuelle découverte) qui sous forme de journal, de confession revient sur son passé. Les flashback occupent donc une place prépondérante dans le récit et permettent de lever le voile sur la personnalité et les motivations intimes de chacun. Allant du très peu recommandable Paul, un manipulateur sans foi ni loi, à Suzanne, une jeune journaliste qui essaie de se faire une place au soleil, en passant par un Armand marqué par un passé tragique, on côtoie des personnages complexes, attachants (oui oui même Paul), très bien ciselés et dont on finit par comprendre pourquoi ils sont là.
L’ambiance général est assez glauque, ténébreuse. On ne sait pas vraiment vers où on va, on navigue vraiment à vu et c’est plutôt agréable de se laisser porter. Le climax fantastique est très bien rendu avec à l’occasion des fulgurances d’horreur pure lorgnant vers Lovecraft que j’aime tellement. Les questionnements intimes des différents protagonistes, leurs passés, leur enfermement dans ce village et les monstruosités qui s’y trouvent font mouche et dérangent bien souvent. Beaucoup de thématiques sont donc abordées en filigrane, se mêlant, se répondant et interpellant bien souvent le lecteur : la famille, la construction de soi, l’ordre et la morale, le pouvoir... autant d’éléments qui font échos à des réalités expérimentées.
Mais voila, cela ne suffit pas pour faire de ce titre un incontournable. J’ai trouvé le rythme vraiment très lent, pas forcément justifié au regard du dénouement. Certes l’idée du puzzle à reconstituer est alléchante, tout se tient mais on se perd un peu en circonvolutions et le contenu ne correspondait vraiment pas à mes attentes. D’où une certaine frustration et même parfois la sensation que l’auteur s’écoutait écrire, dégageant une certaine forme de pédanterie qui m’a dérangé. Je n’ai pas totalement adhéré et j’ai ressenti aussi une certaine lassitude par moment avec la sensation qu’on n’avance pas.
Mon avis détone un peu dans la blogosphère, beaucoup de mes camarades ont porté aux nues cet ouvrage et je pense qu’il vaut le détour. Il mérite que chacun se fasse sa propre opinion car ce roman est vraiment à part et il ne vous laissera pas indifférent.
"Les Chants de Nüying" d'Émilie Querbalec
L’histoire : La planète Nüying, située à vingt-quatre années-lumière du Système solaire, partage de nombreux traits avec la Terre d’il y a trois milliards d’années. On y trouve de l’eau à l’état liquide. Son activité volcanique est importante. Ses fonds marins sont parcourus de failles et comportent quantités de sources hydrothermales. Elle possède une magnétosphère et une atmosphère dense, protectrice. Tout cela en fait une bonne candidate pour héberger la vie.
La sonde Mariner a transmis des enregistrements sonores de Nüying : des chants qui évoquent par analogie ceux des baleines.
Quand elle était enfant, Brume a entendu cet appel. Désormais adulte, spécialisée dans le domaine de la bioacoustique marine, elle s’apprête à participer à la plus grande aventure dans laquelle se soit jamais lancée l’Humanité : rejoindre Nüying au terme d’un voyage spatial de vingt-sept années.
Que va-t-elle découvrir là-bas ? Une civilisation extraterrestre ou une remise en cause totale de ses certitudes ?
La critique de Mr K : Un très bon roman de science-fiction au programme de la chronique du jour avec Les Chants de Nüying d’Émilie Querbalec, une auteure que je découvrais pour l’occasion et dont j’avais entendu parler sur la blogosphère et les réseaux sociaux. Force est de constater qu’elle est douée, qu’elle sait emballer un récit, construire du neuf à partir d’idées à priori basiques et propose un voyage littéraire à couper le souffle entre anticipation réaliste et voyages intérieurs source d’inspiration et de réflexion.
Ne vous laissez pas berner par la quatrième de couverture officielle, le roman ne se résume pas au parcours de Brume qui n’occupe finalement qu’un tiers du roman car en filigrane, on la suit elle certes mais aussi d’autres personnages qui vont participer à ce voyage à nul autre pareil, aux confins du cosmos, vers un monde source d’espoir. Il y a Brume et cette fascination qu’elle a depuis l’enfance pour les acoustiques marines et qui veut savoir quels sont les fameux sons qu’une sonde à réussi à capter sur Nüying. On suit aussi Jonathan le patron de Space O’ richissime homme d’affaire qui rêve d’immortalité grâce à un procédé révolutionnaire de transplantation de l’esprit dans un clône de lui-même, Dana et Williams des scientifiques qui embarquent pour justement le suivre sur cette expérimentation aussi lourde de promesses que de menaces... Et toute une série de personnages plus ou moins secondaires qui vont tous avoir leur importance à un moment ou un autre de l’aventure.
Divisé en trois grandes parties, les préparatifs, le voyage et l’arrivée sur Nüying, on navigue d’un personnage à un autre, explorant les ressorts de leurs psychés, leurs motivations intimes et les choix qu’ils doivent faire. C’est très poussé dans le domaine, l’auteur prend son temps pour poser ses bases avant de mieux les bousculer par la suite. On se prend au jeu et malgré le côté repoussoir de certains, on s’attache à tous car chacun apporte sa pierre à l’édifice abordant au passage des questions clefs de notre humanité : le poids de l’hérédité et notre rapport avec nos ascendants, le progrès avec ce qu’il apporte et retire, l’amour qui rompt la solitude mais apporte de grandes responsabilités parfois et modifie notre perception des choses, la question de notre mortalité aussi et du sens que l’on donne à notre existence, le fondamentalisme religieux, la foi et ce qu’elle implique... C’est très profond et très abordable à la fois. Côtoyer tous ces personnages a été un plaisir de chaque ligne, l’auteure d’ailleurs ne nous ménage pas et nombreuses sont les circonvolutions du récit.
L’aspect SF est lui aussi très réussi. Technique sans jamais perdre ou égarer, on est dans quelque chose de plutôt réaliste, qui essaie toujours de rendre l’équipée crédible. Que ce soit le vaisseau en lui-même, les équipements qui le composent, l’évolution des êtres humains avec leurs néo-connectiques directement implantées sur le corps (des post-humains en quelque sorte), l’IA que l’on croise à l’occasion, le fameux procédé qu’expérimente le grand patron... tout est remarquablement amené créant un ensemble assez bluffant, complet dans lequel on aime se perdre, fenêtre vers un futur que j’ai trouvé pour ma part plutôt inquiétant avec un recul du réel, de la nature au profit de l’artificiel et du virtuel. Cela donne lieu à de nombreuses réflexions, de celles que l’on mène déjà avec les dernières innovations qui ont fait irruption dans notre quotidien depuis déjà 20 ans et modifient clairement nos habitudes et nos comportements.
Le récit finit par prendre une trajectoire déroutante et quasi mystique dans le dernier quart lorsque l’on retrouve sur Nüying... Je n’en dirai pas plus mais quand on dit que le plus important est souvent la route plutôt que l’objectif final, c’est tout à fait cela ici. Non que la fin soit décevante, elle est très réussie même, mais tout a une logique et j’ai trouvé le dénouement en parfaite adéquation avec l’évolution de chacun des personnages. Quant à l’écriture c’est limpide, rythmé, exigeant, tout ce que j’aime dans le genre SF.
Cette lecture fut vraiment un grand moment, les amateurs ne doivent pas passer à côté.
Back to Emmaüs !
Petit post acquisitions aujourd'hui pour vous parler de nos belles prises effectuées à notre Emmaüs chéri tout début septembre. La tentation est au rendez-vous une fois de plus et nous n'avons réussi que très partiellement à être raisonnables. Jugez plutôt...
De très belles pioches, non ? Comme d'habitude, je vais vous faire le détail des nouveaux arrivants qui vont venir grossir nos PAL respectives. Comme vous allez le voir, c'est très varié une fois de plus avec des trouvailles parfois inespérées et d'autres qui s'apparentent davantage à un coup de poker. On commence avec mes craquages qui comme souvent sont bien plus conséquents que ceux de ma douce !
(Policiers, thrillers et compagnie)
- Les Mille et une vies de Billy Milligan de Daniel Keyes. Impossible de dire non à l'auteur du cultissime Des Fleurs pour Algernon et je ne connaissais pas du tout ce titre dont la quatrième de couverture est diablement attirante. Daniel Keyes s'essaie ici au thriller avec cette histoire d'un homme aux multiples personnalités dont on va explorer la vie et la psyché. Connaissant la finesse d'écriture de cet auteur et adorant les personnages torturés, je pense que je vais prendre mon pied.
- Comme un coq en plâtre de Sylvie Granotier. Amateur forcené de la série du Poulpe, j'avais découvert avec plaisir un volume consacré à sa shampooineuse chérie lors d'une lecture en septembre de l'année dernière. Je vais pouvoir récidiver avec cette histoire où l'on nous annonce qu'on va croiser un chien susceptible, un garagiste irascible, des SDF refroidis, des coiffeuses échaudées et un cyclope amoureux. Moi perso, ça me donne très envie !
- Messe noire d'Olivier Barde-Cabuçon. C'est la couverture qui m'a directement scotché, le titre aussi d'ailleurs. Un meurtre a été commis et des indices laissent à penser à une résurgence des messes noires. Détail qui a son importance, nous sommes en 1759 dans un Paris sous tension en plein règne de Louis XV le mal-aimé. Un page turner historique, voila un genre que j'affectionne particulièrement et dont ce titre parait être un bon représentant. Je vais découvrir l'auteur par la même occasion.
- Preuves d'amour de Lisa Gardner. Un livre de l'une de mes auteures chouchou dans le genre thriller. Ce titre m'avait échappé jusque là. Le hasard fait vraiment bien les choses parfois. Lisa Gardner nous plonge une nouvelle fois dans une histoire pleine de suspens avec cette femme officier de police qui abat froidement de trois balles son mari violent. Cependant les apparences pourraient être trompeuses et l'enquêtrice D.D. Warren va devoir démêler le vrai du faux. On peut compter sur le talent de l'auteure pour bien nous mener en bateau.
- Un peu plus loin sur la droite de Fred Vargas. Là encore, c'est un gros coup de pot que cette trouvaille, il s'agit du dernier ouvrage qu'il me restait à lire de l'elle dans son triptyque des évangélistes. Un petit bout d'os humain découvert par inadvertance au milieu d'excréments canins va commencer à obséder le héros de cette histoire qui part en quête d'un cadavre et d'un assassin. J'ai hâte de me replonger dans l'écriture de Fred Vargas qui n'a pas son pareil pour faire surgir l’inattendu du quotidien. Et quel plaisir de retrouver Kehlweiler et les autres !
(De la SF, en veux-tu ? En voila !)
- Les Masques du temps de Robert Silverberg. Un voyageur du futur, un simple touriste lambda, va mettre le souk dans notre époque de manière bien involontaire. J'aime beaucoup Robert Silverberg, sa plume, sa sensibilité, son sens de la dérision parfois. Je ne me pose donc pas trop de questions quand il croise ma route et comme je ne connaissais pas ce titre et que la quatrième de couverture est alléchante... je n'ai pas pu résister !
- Le Berceau du chat de Kurt Vonnegut Jr. J'avais été enthousiasmé par ma lecture du roman culte Abattoir 5, une ouvre à part, engagée et superbement écrite. L'occasion se présente donc de lire autre chose de Kurt Vonnegut Jr et franchement à la lecture du résumé au dos du livre, c'est bien barré ! Disparition mystérieuse dans le milieu des "pères" de la bombe atomique, une île perdue au milieu des Caraïbes tenue d'une main de fer par un dictateur sadique, un prophète hors-la-loi, une femme fatale qui cache son jeu, un journaliste trop curieux et les enfants du disparu qui détiennent entre leurs mains le secret de la dernière invention de leur papa, une arme effroyable... Sacré cocktail en perspective !
- Killdozer, le viol cosmique de Théodore Sturgeon. Deux longs récits de Théodore Sturgeon réunis en un seul volume avec cet ouvrage mettant en scène deux luttes titanesques avec des créatures venues d'au-delà du néant. J'aime beaucoup cet auteur et cet opus manquait à ma bibliothèque. Le tort est désormais réparé, il ne me reste plus qu'à le lire !
- Dans le torrent des siècles de Clifford D. Simak. Un récit étrange d'homme du futur venu nous prévenir de l'imminence d'un désastre, le retour sur Terre d'un astronaute parti depuis 20 ans et dont on n'a plus de nouvelles. Il reviendrait avec un livre qui faudrait absolument empêcher d'être publié... Simak ne m'a jamais déçu, le pitch est très intrigant, allez hop dans ma PAL !
(Du contemporain et apparenté...)
- La Stratégie du choc de Naomi Klein. Voila un livre qui avait fait l'effet d'une bombe à sa sortie et que je voulais absolument lire. Le temps a passé et je l'avais oublié. Heureusement, notre excursion à Emmaüs m'a permis de mettre la main dessus. Essai polémique autour de la prise de contrôle de la planète par les tenants d'un ultralibéralisme tout-puissant, Naomi Klein revient sur 60 ans d'Histoire mondiale et l'éclaire à la lumière de données que beaucoup de médias / politiques écartent de leurs analyses. Il me tarde de le lire et de me faire ma propre idée.
- Barberousse de José Lenzini. Il s'agit d'un récit biographique qui part sur les traces de Barberousse, un héros de la Méditerranée que certains considèrent comme le premier fondateur de l'unité algérienne. Pirate, puis chef de flottille imposante et roi, il eut une vie riche et tumultueuse qui m'avait fasciné lorsqu'on l'avait abordé en fac d'Histoire. L'occasion m'est donnée de creuser un peu plus le sujet. Hâte d'y être !
- Le Valet de Sade de Nikolaj Frobenius. La vie et la mort du serviteur du marquis de Sade depuis sa naissance non désirée, la rencontre qui va changer sa vie et les actes dont il va se rendre complice quand il prendra son service. Une très belle couverture, un résumé plus que séduisant et l'atmosphère de souffre et de stupre autour de la figure de Sade m'ont convaincu d'adopter cet ouvrage. Qui lira, verra !
(Et enfin, la sélection de Nelfe !)
- Sankhara de Frédérique Deghelt. Une femme, jeune mère, avec un besoin viscéral de silence et de retraite pour se retrouver loin du tumulte d'un monde qui devient fou. On est en plein dans la problématique de maternité sur laquelle j'aime me pencher depuis quelques années maintenant. Je ne doute pas que l'écriture de Frédérique Deghelt fera mouche ici.
- Plateau de Franck Bouysse. Un roman aux accents de roman du terroir, en plein plateau de Millevaches, qui m'a surtout attiré par son auteur, Franck Bouysse, au talent immense. Hâte de découvrir celui-ci dont je n'avais jamais entendu parler auparavant.
- Damnés de Chuck Palahniuk. On attend forcément de Chuck Palahniuk une œuvre qui dépote ! Nous voici entre thriller et fantastique dans le voyage en enfer (au sens propre) d'une jeune fille de 13 ans à la recherche des raisons de sa propre mort. De quoi vivre de bonnes heures de lecture "endiablée" !
Si ça ce n'est pas une sélection riche en promesses, je ne m'y connais pas. Vous pouvez évidemment compter sur nous pour en reparler ici même au fil de nos lectures dans les semaines, mois et mêmes années à venir vu l'aspect gargantuesque de nos PAL respectives. Mais que voulez-vous ? Quand on aime on ne compte pas...