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L’histoire : Léa entre dans un lycée où elle ne connaît personne. Timide, elle noue des liens avec un garçon de sa classe grâce à qui elle espère être acceptée.

Lors du premier cours d’histoire, elle découvre Mr. Fauchon qui manque d’autorité et dont les élèves se moquent jusque sur les réseaux sociaux. Léa adore pourtant cette matière, mais défendre un prof contre tout le monde, c’est impossible. Jusqu’où est-elle prête à suivre ses "amis" ?

La critique de Mr K : Lors d’une sortie avec mes élèves pour découvrir le monde professionnel d’une libraire indépendante, cette dernière leur avait conseillé la lecture de cet ouvrage que notre documentaliste s’est empressée d’acheter à l’époque. Pour ma part, j’ai attendu les vacances d’été pour emprunter La Meute d’Adèle Tariel. Cette lecture s’est révélée être une grosse claque, un portrait saisissant et réaliste de notre jeunesse par le prisme du phénomène malheureusement grandissant du harcèlement notamment via les réseaux sociaux.

Léa change d’établissement, encore... Les mutations de sa mère l’obligent à déménager et Léa doit à chaque fois refaire son trou dans le nouveau bahut qu’elle fréquente. Sportive (elle adore et pratique le basket), elle est plutôt du genre réservée, bonne élève, elle aime l’Histoire-géo. Le pire pour elle ce serait d’être isolée, seule, une paria dans la communauté des élèves. C’est pour cela qu’elle va se rapprocher d’un groupe d’élèves de sa classe, mené par le charismatique Théo. Premiers contacts, plaisanteries, un shoot à trois point réussi dans la cour et la voila plus ou moins intégrée.

Malheureusement la bande va très vite s’avérer harceleuse envers M. Fauchon leur professeur d’Histoire-géographie, un homme effacé qui est réputé pour laisser tout faire à ses élèves et n’avoir aucune autorité. Brouhaha constant, triche organisée, portables en classe... les cours deviennent une zone de non droit où les élèves règnent en maître à leur manière. Les choses vont dégénérer quand Léa sous l’impulsion du moment, avec l’envie de plaire à ses nouveaux "amis" va créer un compte Instagram dédié au dénigrement de M. Fauchon. La machine va s’emballer : les followers se multiplient, les encouragements pleuvent et ils faut toujours aller plus loin, plus fort... La tension monte crescendo jusqu’au dénouement qui ne peut qu’être dramatique.

Ce petit roman de 96 pages possède une force d’impact incroyable et il est impossible de le lâcher avant de l’avoir terminé. Je l’ai lu d’une traite et je dois avouer qu’il m’a mis dans tous mes états, m’empêchant même de trouver le sommeil malgré l’heure avancée de la nuit lors de la fin de ma lecture. Racontée à la première personne, on assiste à la lente descente aux enfers de Léa qui sous couvert de développer ses relations sociales va définitivement basculer du côté obscur. Bien sûr, elle a des sursauts, elle sait qu’elle fait le mal mais malgré tout elle continue, ferme les yeux et laisse faire. Cette logique destructrice est très bien retranscrite, on comprend le processus qui s’opère en elle, la raison de ses actes immoraux. C’est profondément triste et pathétique d’en arriver là pour se faire intégrer.

La meute porte bien son nom et le groupe au départ accueillant se révèle être un carcan liberticide pour Léa. Dominés, contrôlés et manipulés par les dominants, la course à celui qui fera la plus grande action d’éclat, la cruauté et l’immoralité comme mode de fonctionnement, un rayonnement étendu et néfaste via les réseaux pseudo-sociaux, donnent à voir ce que l’humanité à de plus vil et de plus veule à travers ses pages chargées bien souvent du poison de la bêtise et de l’inconséquence. Le pauvre Monsieur Fauchon essuie nombre de vexations et d’humiliations, victime expiatoire d’une jeunesse perdue, sans repères et en roue libre. On devine derrière ce personnage de professeur harcelé, un homme doux et attentionné, aimant son travail et voulant partager sa passion. Tout est ici réduit à néant par une poignée de sauvages et une majorité silencieuse qui laisse faire, tout aussi coupable que les individus directement incriminés.

La Meute relate donc parfaitement les logiques en jeu dans le harcèlement : ses rouages, l’entraînement par le groupe pour rentrer dans le moule collectif et l’attraction qu’il suscite, la souffrance des victimes, la force d’impact des réseaux et l’emballement qui peut s’ensuivre. Très bien écrit, réaliste sans en faire trop, ce roman se lit d’une traite avec un effroi qui va grandissant et au final une réflexion juste qui s’impose au lecteur. Vers où va-t-on ? Que peut-on faire pour freiner le phénomène et tenter de l’endiguer ? Cet ouvrage est un bijou dans son genre, il est absolument à découvrir !