"Les Artefacts du pouvoir" de Maggie Furey
L’histoire : À neuf ans, Aurian vit seule avec sa mère. L'arrivée inopinée de Forral, un vieil ami de son père, va bouleverser leur quotidien tranquille et déclencher une série d'événements qui conduiront la jeune fille à intégrer l'académie magique de Nexis, où elle devra apprendre à maîtriser les pouvoirs qu'elle ne possède encore qu'à l'état brut.
Quelques années plus tard, Aurian est devenue une Mage accomplie, mais son audace lui attire le courroux de l'Archimage Miathan. Pour lui échapper, elle doit redécouvrir l'histoire des Artefacts, ces quatre armes légendaires dont seuls quelques élus connaissaient jadis le secret. Débute alors pour Aurian un formidable périple, où elle ne pourra compter que sur elle-même et sur Forral, le protecteur de toujours...
La critique de Mr K : Un très bon cycle de fantasy aujourd'hui, une acquisition faite à notre cher Emmaüs il y a déjà quelques mois et que je m’étais réservé pour cet été, période propice par excellence pour la lecture de bons gros pavés emplis d’aventures ! La tétralogie des Artefacts du pouvoir de Maggie Furey est donc un très bon crû proposant une trame haletante, des personnages attachants, le tout dans un univers bien caractérisé, avec une once d’humour bienvenue et une plume aiguisée et maligne.
Les débuts sont classiques avec une jeune orpheline de père qui vit isolée dans la forêt avec sa mage de mère qui depuis la disparition de son aimé s’est repliée sur elle-même et se consacre entièrement à ses recherches magiques. La jeune Aurian au caractère bien trempé s’occupe comme elle peut et s’exerce à des rudiments de magie sans filet et clairement ne progresse pas (c’est le moins que l’on puisse dire). Un jour, un vieil ami de la famille, le combattant d’élite Forral débarque à l’improviste et de fil en aiguille va convaincre la mère d’Aurian de la placer à l’académie magique de Nexis pour qu’elle apprenne à maîtriser son potentiel qui semble très important.
Une ellipse temporelle plus tard, on la retrouve jeune adulte, mage en devenir et escrimeuse hors pair. Préférant la compagnie des mortels à celle des mages dont elle est pourtant issue, elle s’attire vite la désapprobation puis la disgrâce de certains membres éminents du conseil des sages. Tout va déraper un soir où un mystérieux artefact découvert par Miathan l’archimage va déchaîner les enfers sur Nexis et forcer Aurian à fuir avec certains compagnons qu’elle s’est faite entre temps. C’est le début d’une fuite éperdue, le commencement d’une quête de trois artefacts qui pourraient retourner la situation et empêcher Miathan d’arriver à ses fins que vous imaginez funestes à raison.
Avec plus de 2500 pages en tout, cette saga se pose là et pourtant on ne sent pas le temps passer et l’on ne compte pas les pages tant on est pris dans le flot narratif que nous livre une auteure douée pour planter des décors et avancer ses pions avec minutie. Comme souvent, on retrouve la figure de l’exilé qui va devoir faire ses preuves en traversant moult épreuves et voyageant énormément entre mers déchaînées, déserts arides, montagnes enneigées impénétrables et fausses campagnes riantes. C’est classique, presque balisé mais on joue le jeu avec un plaisir non dissimulé avec des scènes particulièrement bien écrites, des descriptions incroyables et des scènes d’action parfois épiques.
La compagnie s’élargit au fil des volumes et l’on s’attache beaucoup à ces personnages en rupture de bans, venus d’horizons très divers mais qui vont apprendre à se connaître, à vivre ensemble et à assembler leurs forces dans un but commun. Attention cependant à ne pas tomber dans la routine, certains s’avéreront retors et certaines surprises font vraiment mal au cœur et m’ont diablement surpris. Un point en plus pour cette saga qui réserve donc de nombreux méandres scénaristiques ce qui est toujours une gageure de qualité dans un genre trop souvent codifié. À noter, la présence régulière d’humour, de réflexions décalées qui empêchent de se coltiner des personnages ampoulés et sans âmes. On partage vraiment le quotidien et ses tracasseries tout en menant une quête épique. Top !
Bastons endiablées, magie ésotérique en action, créatures étranges, des méchants absolument démoniaques, destins contrariés, romance cucul et massacres innommables, scènes d’auberge hautes en couleurs (un incontournable !), phases initiatiques tripantes, spiritualité et mythologie évocatrice... bref, le dépaysement est garanti et l’amateur de fantasy est vraiment servi. De plus, je découvrais cette auteure et je peux vous dire qu’elle n’a rien à envier à des écrivains majeurs du genre en terme de langue, de rythme et de cohérence. C’est foisonnant, dense et terriblement addictif avec en supplément d’âme la gente féminine mise à l’honneur et aux premières places en terme de protagonistes, ce qui est suffisamment rare pour être mentionné.
Vous l’avez compris voila un cycle de fantasy totalement réussi au charme envoûtant et au rythme qui ne se dément jamais. À lire absolument si on est amateur du genre !
"L'Homme bouc" de Corbeyran et Aurélien Morinière
L’histoire : Lorsqu'on lui signale la disparition d'une adolescente au cœur de la forêt limousine, l'enquêtrice Gaëlle Demeter affronte une étrange réalité où se mêlent traditions et superstitions.
Face à l'inconnu, elle fait appel à son amie, Blanche.
Blanche est chamane. Elle connaît certains chemins qui mènent aux replis du monde...
La critique de Mr K : Chronique d’un ouvrage emprunté à la médiathèque du secteur aujourd’hui avec L’Homme bouc de Corbeyran et Aurélien Morinière. Je n’avais aucune idée préconçue sur ce titre, je l’ai juste sélectionné car la quatrième de couverture m’a diablement tenté -sic- et que je ne lis quasiment que des one shot, ne courant guère derrière les cycles interminables en bande-dessinée. Ce fut une lecture très agréable.
On entre de suite dans le vif du sujet dès les premières planches avec la visite de l’enquêtrice de gendarmerie Gaëlle Demeter auprès de la mère d’une jeune femme disparue en forêt limousine. Jeune fille sans reproches, interne en médecine, elle n’est jamais revenue de sa balade avec le chien de la maisonnée. Pas d’indices, une vague description d’un véhicule garé à proximité vu par le boucher du coin en tournée... l’enquête piétine et la gendarme fait appel à une amie chamane du cru (Blanche) suite à la découverte dans la chambre de la disparue d’une espèce de Dreamcatcher étrange.
Les choses vont se précipiter avec la découverte du cadavre décapité et éviscéré du chien cloué sur la porte d’une grange et des visions de Blanche qui laissent penser qu’il y a quelques maléfices à l’œuvre, que cette disparition s'inscrit dans un cycle de disparitions qui pourrait être le fait du Malin. Les inspecteurs vont devoir pour autant garder la tête froide et s’en tenir aux faits, la jeune disparue peut sans doute encore être sauvée.
L’histoire se déroule donc comme un bon roman policier. On reste collé aux basques de Gaëlle, de son coéquipier et de Blanche. Les auteurs ne cherchent donc pas à faire dans le spectaculaire et le hardboiled. Enquête de proximité, discussions à bâtons rompus, recherches d’indices souvent infructueuses, interrogatoires, fausses pistes et hypothèses à géométrie variable s’enchaînent avec plaisir. Le rythme est lent, les choses sont posées petit à petit sans précipitation et la pression monte donc très crescendo. On se prend au jeu et l’on joue à essayer de deviner le pourquoi du comment.
Avec le personnage de Blanche, les auteurs rajoutent une touche rock and roll (son look, les groupes qu’elle écoute, son caractère) et de fantastique. Férue de superstitions, de croyances païennes et en connexion avec des forces qui dépassent le commun des mortels, elle va aider Gaëlle dans son enquête grâce à ses découvertes et visions qui vont éclairer quelque peu cette affaire nébuleuse qui semble échapper à tout le monde. Qui est ce mystérieux homme bouc qui rode dans les parages, que seule Blanche peut voir et qui semble mêler à la disparition ?
Les personnages sont relativement bien croqués surtout d’ailleurs les personnages secondaires comme cette mère inconsolable qui a littéralement sombré, cette femme prostrée réapparue de nulle part qui ne communique que par le dessin. Les personnages principaux font le job même si on n’échappe pas à certains clichés et quelques artifices scénaristiques lus et relus. L’ensemble fonctionne quand-même très bien, l’alchimie est là, la lecture addictive.
De plus, l’œuvre est de toute beauté, les dessins en noir et blanc rajoutent à l’ambiance glauque et étrange qui se dégage de l’ensemble. Tantôt ultra-réaliste, parfois plus irréel comme les passages en forêt, l’esthétique sert très bien le propos et renforce l’accroche du lecteur. Le dénouement quoiqu’un peu abrupt tient ses promesses et l’on a nos réponses dont on avait deviné la teneur quelques temps auparavant cependant. Une bonne lecture donc, pas exceptionnelle mais très plaisante qui ravira les amateurs de récit policier et de fantastique léger.
"Les Filles bleues de l'été" de Mikella Nicol
L’histoire : Deux jeunes filles, Chloé et Clara, se réfugient dans la maison de leur enfance, au large de la ville. Elles ont un été, un seul, pour se reconstruire et se retrouver loin d’une civilisation qui les étouffe.
Rendues à l’innocence d'un monde, sans règles et sans limites, elles vont guérir leurs blessures à coups de forêt, de lac, de feuilles, de feu, d’étoiles. Une amitié démesurée, fusionnelle, comme il ne peut en exister à l’âge adulte.
La critique de Mr K : Superbe lecture que cet ouvrage de la rentrée littéraire au parfum et au style uniques. Les Filles bleues de l’été de Mikella Nicol nous offre une balade au cœur d’une amitié fusionnelle entre deux jeunes filles un peu perdues qui vont tenter de se réparer l’une l’autre au milieu de nulle part, dans un lieu chargé de souvenirs heureux de leur enfance. Mais peut-on guérir de tout malgré que l’on soit accompagné de son âme sœur ? Quand l’autre elle-même est à la dérive ?
Rien n’est moins sûr tant les difficultés peuvent s’accumuler dans une existence (même courtes, les héroïnes ont à peine dépassé la vingtaine) et au fil des chapitres qui s‘égrainent en alternant le point de vue de l’une et de l’autre. Le morcellement de la narration enrobe de mystère la personnalité et le passé des deux filles. On s’accroche tout d’abord à ce qu’on peut : une psyché abîmée pour l’une avec des difficultés sociales récurrentes, le désir d’enfant chez l’autre suite à une rencontre qui semblait être la bonne… On a au début de la lecture uniquement des fragments épars qui peu à peu vont s’agglutiner dans l’esprit du lecteur avant de vraiment faire sens entre eux et proposer un parcours de personnage profond.
Tout ici n’est que délicatesse et subtilité. L’auteure tel un peintre impressionniste décrit échanges verbaux et non verbaux, activités symbiotiques avec la nature qui les entourent (baignades, siestes incongrues, les étoiles la nuit, le vent et les bruits des animaux...) qui font bien souvent écho au vague à l’âme et autres émotions à fleur de mots qui nous sont contées ici. On contemple, on découvre, on vit ces deux héroïnes qui sont à un moment charnière de leur existence. Tout pourrait arriver et la fin ne me contredira pas. Surprenante et logique à la fois, je suis resté bouche bée et profondément ébranlé après avoir refermé cet ouvrage.
À l’image de la superbe couverture de l’ouvrage, le contenu est beau, poétique. La langue utilisée s’y renouvelle constamment, la virtuosité inventive se conjugue avec la profondeur des descriptions intimes, des aspirations de chacune et de ces deux destins contrariés. Ce roman intimiste est véritablement poignant et emporte tout avec lui. Véritable expérience de lecture, je ne saurais que trop vous le conseiller si vous êtes amateurs de récits différents, lyriques et profondément humains.
"Les Promises" de Jean-Christophe Grangé
L'histoire : Les Promises, ce sont ces grandes Dames du Reich, belles et insouciantes, qui se retrouvent chaque après-midi à l'hôtel Adlon de Berlin, pour bavarder et boire du Champagne, alors que l'Europe, à la veille de la Seconde Guerre Mondiale, est au bord d'imploser. Ce sont aussi les victimes d'un tueur mystérieux, qui les surprend sur les rives de la Sprée ou près des lacs, les soumettant à d'horribles mutilations...
Dans un Berlin incandescent, frémissant comme le cratère d'un volcan, trois êtres singuliers vont s'atteler à l'enquête. Simon Kraus, psychanalyste surdoué, gigolo sur les bords, toujours prêt à faire chanter ses patientes. Franz Beewen, colosse de la Gestapo, brutal et sans pitié, parti en guerre contre le monde. Mina von Hassel, riche héritière et psychiatre dévouée, s'efforçant de sauver les oubliés du Reich.
Ces enquêteurs que tout oppose vont suivre les traces du Monstre et découvrir une vérité stupéfiante. Le Mal n'est pas toujours là où on l'attend.
La critique Nelfesque : Grangé est un auteur que j'aime beaucoup. Je ne peux pas m'empêcher de sauter sur ses romans dès leurs sorties (je n'essaye même pas à vrai dire). Il y a du bon, du très bon, du très très bon et puis parfois des flops tellement gros qu'ils donnent envie de les mettre au feu. Avec "Les Promises", on renoue avec le talent du maître du thriller français. Rythme, rebondissement et maîtrise de l'histoire de bout en bout. Voilà un grand Grangé autant par la personnalité de ses personnages principaux, salauds enquêteurs, que par son travail de recherche ! Haletant !
La grande force de cet auteur réside dans le suspens qu'il maîtrise diablement bien et ses fins de chapitres qui nous donnent sans cesse envie de poursuivre notre lecture. C'est le genre de bouquin où l'on se dit "allez, encore un chapitre et j'éteins" et où on se retrouve à 3h du mat' les yeux grands ouverts et dépités devant le peu d'heures de sommeil qu'il nous reste avant que le réveil ne sonne... "Les Promises" est fait de ce bois là, celui des page-turner efficaces, prenants et addictifs. D'autant plus que pour écrire ce présent roman, Grangé a abattu un travail phénoménal de recherches sur la seconde guerre mondiale et le IIIème Reich. Plus de 650 pages, c'est une sacré brique qui s'avale en un temps record !
L'histoire se déroule avant la guerre. Le régime nazi se met en place, s'ancre auprès de la population allemande. La terreur est déjà un ingrédient majeur de sa force qui ne cesse de monter en puissance et de sa folie qui s'affichera à la face du monde quelques années plus tard. C'est une immersion dans le Berlin de cette époque que nous propose l'auteur, cotoyant les berlinois, les bourgeois, les membres de la Gestapo, les familles de soldats mais aussi les oubliés, les pauvres, les fous bientôt exterminés... Les descriptions sont nombreuses, on prend vraiment le temps de comprendre le fonctionnement, on s'installe dans une ambiance et on admire le talent de Grangé pour étendre sa toile et nous y piéger.
Le danger est palpable à chaque page. L'auteur joue avec nos nerfs grâce à des personnages que l'on peut détester viscéralement tout en louant leur travail d'enquête. Il n'y a pas ici véritablement de "gentils" qui aident et de "méchants" à abattre, contexte mis à part, chacun faisant avancer l'enquête avec ses propres techiques. Cela installe un certain malaise, ce n'est pas non plus sans passages gores mais c'est tellement bien vu qu'on ne peut que se lever et applaudir ! De mémoire, je n'ai jamais ressenti autant d'ambivalence à l'égard de personnages de roman ces 10 dernières années. Le contexte historique y est sans doute pour beaucoup. Les 3 personnages principaux de ce roman sont tous différents, avec des métiers, des valeurs, des façons de vivre diamétralement opposés. Le lecteur apprend à les connaître petit à petit et à aller au delà des apparences. C'est un des points forts ici. Simon Krauss est psychanaliste, spécialisé dans le suivi (plus ou moins rapproché) de Dames du Reich. Mina von Hassel est psychiatre dans un hôpital en décrépitude. Franz Beewen est à la Gestapo et enquête directement sur les disparitions. Vous entrevoyez un peu le topo quand je parlais d'ambivalence ? Rien n'est tout noir ou tout blanc, Grangé joue sur les nuances et l'empathie pour ses personnages, quel qu'ils soient et quoi qu'ils fassent. Chacun d'eux nous émeut autant qu'il nous révulse.
Quant à la fin, elle est magistrale. Autant je déplore parfois des fins de romans trop rapides chez cet auteur, autant là on en a pour son argent. De bout en bout, "Les Promises" est un grand Grangé ! A lire si vous êtes fan du mec mais aussi si vous aimez les romans historiques. Vous m'en direz des nouvelles !
Déjà lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- "La Dernière chasse"
- "La Terre des morts"
- "Congo Requiem"
- "Lontano"
- "Kaïken"
- "Le Passager"
- "La Forêt des Mânes"
- "Le Serment des limbes"
- "Miserere"
"Pax, le chemin du retour" de Sara Pennypacker
L’histoire : Un an a passé depuis que Peter et son renard Pax se sont séparés. Pax et sa compagne Hérissée ont désormais des renardeaux qu'ils doivent protéger d'un monde dangereux.
Peter, lui, a tout perdu : ses parents, son renard, son foyer... Plus question pour lui de se lier à qui que ce soit, car l'amour mène toujours à la souffrance. De retour dans sa région natale ravagée par la guerre et la pollution, il intègre les Soldats de l'eau et s'efforce avec eux de décontaminer les rivières.
Tandis que chacun tente de se reconstruire, les deux amis vont se croiser à nouveau... et tout faire pour se guérir l'un l'autre du mal qui les empoisonne.
La critique de Mr K : Je vous ai dit tout le bien que je pensais du précédent volume consacré à Pax et à Peter il y a quelques semaines. Sara Pennypacker nous livrait un ouvrage d’une grande sensibilité qui touche en plein cœur, un voyage initiatique où tout s’avérait symbole et sagesse dans une langue merveilleuse qui emportait le lecteur très loin. Ma collègue documentaliste m’avait aussi prêté le second tome et je me suis laissé un bon mois pour me remettre de ma précédente lecture et pouvoir me réserver un morceau de choix pour le mois d’août. Je vais lever le suspens de suite, Pax, le chemin du retour est tout aussi réussi que le premier volume qu’il complète idéalement et prolonge avec bonheur, pour un lecteur toujours sous le charme. Attention, cette chronique comporte quelques spoilers concernant le premier tome.
Les deux amis sont donc définitivement séparés. Pax est désormais rendu à la vie sauvage, a fondé un foyer avec Hérissée la renarde qu’il avait rencontré en fin de tome précédent et son frère Avorton. L’ouvrage débute par la naissance de trois renardeaux : voila Pax devenu chargé de famille. C’est le début de l’apprentissage de la paternité, le poids des responsabilités sur les épaules. Mais c’est son destin, il s’en accommode, et le bonheur de voir sa descendance évoluer est total.
Peter, lui, a tout perdu. Il vit désormais chez Vola. Orphelin déjà de mère depuis ses sept ans, la guerre désormais terminée lui a pris son père. Ne voulant pas vivre chez son grand-père qui n’y tient pas non plus beaucoup, il réside chez Vola, la vieille dame chez qui il avait passé quelques jours blessé un an auparavant. Il broie du noir, ne veut plus s’attacher à qui que ce soit tant il a été déçu, a souffert et souhaite vivre seul et isolé de tous. Le deuil semble impossible et quand l’occasion se présente de partir, d’intégrer une brigade des soldats de l’eau qui cherche à réparer les méfaits de la guerre sur la nature, il n’hésite pas. Sans le savoir, ses pas vont le mener vers Pax, le destin n’en a pas fini avec eux.
On retrouve la même structure que dans le roman précédent. On alterne un chapitre sur deux entre Pax et Peter et l’on suit leurs parcours respectifs. On retrouve tout l’amour que l’auteure porte à ses personnages, l’attachement est de nouveau immédiat et notre cœur fond bien des fois face aux événements qui se succèdent et les épreuves que les deux amis doivent surpasser. Que ce soit pour le renard comme pour l’humain, la caractérisation est d’une finesse extraordinaire. L’écriture simple, naturaliste se révèle fascinante, réaliste et profondément touchante. Les pages se tournent toutes seules et l’on se plaît à se promener dans les bois, à chercher notre nourriture ou simplement un peu d’eau avec Pax et sa filoute de fille (trop trognonne la pépette), on partage les angoisses et les atermoiements de chacun. Peter ainsi est à la croisée de son existence et chaque choix, pensée exposée, permettent au lecteur de se rendre compte de sa situation ô combien délicate. Pas de pathos ici, pas d’exagération mais la vie et les questions qu’elle apporte forcément dans ce qu’elle a de brut et de révélateur bien souvent.
L’initiation n’est donc pas terminée et le récit se fait fort d’illustrer les affres et les joies de l’existence. Des rencontres, des expériences nouvelles mais aussi des choix terribles vont devoir être opérés et la fin m’a laissé totalement sur les genoux. On aurait voulu que cela continue mais peut-être l’auteure réfléchit-elle déjà à un autre tome ? Pour ma part, j’en reprendrai bien une louche tant ce diptyque m’a totalement conquis et séduit. Vous pouvez y aller les yeux fermés, c’est du tout bon, parole de Mr K !
"Alice, 15 ans, résistante" de Sophie Carquain
L’histoire : Une sirène retentit dans la nuit. Puis ce sont les cris, les aboiements, le martèlement des bottes sur la terre gelée...
En septembre 1939, quand la guerre éclate, Alice a 15 ans et des rêves plein la tête. Elle se confie dans son journal, écrit des lettres à sa grand-mère, au garçon qu’elle aime en secret, à sa meilleure amie de confession juive. Elle aimerait qu’Hitler disparaisse. Plus tard, face à l’occupant allemand, Alice ressent le besoin d’agir : avec ses parents, elle brave un à un les interdits, distribuant des tracts, hébergeant des aviateurs alliés... Mais un jour, tous les trois sont arrêtés. Alice est déportée au camp de Ravensbrück, où commence pour elle une nouvelle forme de résistance.
La critique de Mr K : Une sacrée claque que cette lecture jeunesse qui aborde une période terrible de notre Histoire commune avec tact, pédagogie et justesse avec ce récit à la première personne qui touche en plein cœur. Alice, 15 ans, résistante de Sophie Carquain évite les écueils du genre en ne tombant pas dans le pathos ni l’accumulation indigeste. On suit avec admiration puis appréhension le destin d’Alice dans la tourmente des années 40...
Alice est une adolescente comme les autres. Elle va au lycée, elle a ses copines, un amoureux secret à qui elle n’a jamais avoué son tendre attachement, un jeune frère un peu relou et des parents attentionnés. Elle aime rire, passer du temps avec ses amies, lire, écouter de la musique et l’école lui plaît bien. Elle a pour projet de devenir vulcanologue. Seule ombre au tableau, un contexte international de plus en plus tendu avec notamment les gesticulations d’un moustachu en colère ayant pris le pouvoir en Allemagne en 1933. La guerre se rapproche et chacun craint le pire quand le conflit éclate.
C’est alors l’invasion de la Pologne et l’entrée en guerre de la France. Alice nous raconte sa traversée de la guerre. L’étonnement face à la Drôle de guerre puis l’occupation. Sa famille rentre en résistance en distribuant des tracts, elle participe activement sans se poser de questions. Il faut défendre son pays et aider comme on peut. Puis d’autres besoins se font sentir pour la cause, ils cachent des aviateurs anglais dans la maison familiale et aident à la fabrication de faux papiers. Malheureusement trahis, ils vont être arrêtés et c’est le départ pour le camp de travail de Ravensbrück où Alice va désormais apprendre à survivre pour une fois de plus résister.
Écrit à la première personne, ce roman se lit d’une traite. Très accessible, réaliste au possible, on se prend d’emblée d’affection pour Alice dès les premiers chapitres. Elle nous raconte par le détail ce qu’elle traverse et l’on explore à hauteur d’ado un conflit qui la dépasse et qui va la forcer à mûrir avant l’âge. Le portrait est touchant, émotions et sentiments se mêlent dans ces pages hantées par une situation générale épouvantable qui a balayé toutes les certitudes et espoirs que les personnages nourrissaient. Alice doit traverser cela, sa famille aussi. Vous imaginez bien que le sort sera funeste pour un certain nombre de ses membres...
Le background est fidèlement retranscrit et aucun aspect du conflit n’est oublié : de l’attente insoutenable face aux incertitudes d'un conflit qu'on sent imminent, l’exode, l’occupation entre résistance mais aussi collaboration, les arrestations arbitraires, le sort réservé aux juifs (sa meilleure amie est de cette confession), la clandestinité, le rationnement, les rafles, la déportation en train dans les conditions que l’on connaît, la vie dans un camp de concentration, le retour au foyer et le déchirement intérieur qu’on ne réparera jamais. Ce roman respecte parfaitement l’Histoire, facilitera sans doute sa compréhension pour nos jeunes à qui cette matière peut faire peur (et à raison souvent...).
On arrive à la fin du livre sans vraiment s’en rendre compte même si la tension s’accumule et provoque un serrement de cœur terrible et durable. On referme alors Alice, 15 ans, résistante heureux de cette lecture brillante, forçant la réflexion et nourrissant la mémoire collective. Un indispensable.
"Le Sang des Parangons" de Pierre Grimbert
L’histoire : Le monde des hommes est en train de s’effondrer. Et toutes les prières, tous les sacrifices, semblent incapables d’y remédier. L’humanité assiste, impuissante, à son crépuscule. Une dernière chose doit cependant être tentée. Une folie, à la hauteur de cette situation désespérée.
Chaque nation, chaque territoire a ainsi désigné son champion. Certains sont des sages, des savants, ou des dévots. D’autres sont des mercenaires, des aventuriers ou des chevaliers. Il y a même des rois et des reines… Ils ne se connaissent pas, ils ont parfois des intérêts contraires, mais ils ont été réunis pour former le groupe des parangons. Une escouade d’exception dont la mission représente la dernière chance de survie de leurs peuples respectifs.
Ensemble, ils vont devoir pénétrer la montagne sacrée, siège du palais souterrain des dieux. Et s’ils parviennent jusqu’aux éternels, malgré les dangers légendaires que renferme cet endroit, ils devront les convaincre de sauver leur monde agonisant. En les suppliant… ou bien en les défiant, si nécessaire.
Mais combien de parangons verront leur sang versé sur le chemin, pour permettre aux autres de continuer ?
En restera-t-il un seul, qui pourra prouver que l’humanité mérite vraiment d’être sauvée ?
La critique de Mr K : Une escale en terre fantasy aujourd’hui avec Le Sang des Parangons, dernier ouvrage en date de Pierre Grimbert à qui l’on doit notamment Le Secret de Ji. Plus qu'un simple roman fantasy, cet ouvrage est une expérience de lecture totale, addictive et d'une profondeur abyssale. Une sacrée claque.
Le monde est en pleine déréliction, la fin des temps approche sans que les hommes semblent pouvoir y faire quoi que ce soit. Dans cette ambiance apocalyptique nul espoir n’est permis si ce n’est une tentative un peu folle de vouloir contacter les anciens Dieux au fin fond de la montagne sacrée dont personne n’est jamais revenu vivant. Les cadavres s’amoncellent autour de ce lieu qui provoque fascination et épouvante, seule une porte taillée dans la pierre indique que des êtres humains (ou des Dieux ?) y ont résidé il y a bien longtemps et qu’il y a donc une entrée...
Chaque peuplade, chaque nation a donc désigné une personne, un champion qui va les représenter dans une équipée à nulle autre pareille. On trouve de tout dans cette troupe disparate (les fameux Parangons qui donnent leur nom au livre) : guerriers, sages, voleurs, prêtres, mendiants, musiciens, princes et rois se mêlent, se jaugent, se jugent et parfois se rapprocheront. L’union n’a de sacrée que le nom car dès les préparatifs et l’entrée dans la montagne, les tensions sont palpables. Le voyage se prolongeant, les morts s’accumulant, les frictions vont se multiplier au gré de découvertes et d’expériences déconcertantes et surtout mortifères.
Chaque chapitre adopte le point de vue d’un Parangon différent. Ils sont plus de quarante et c’est de presque la moitié dont on partage les pensées, actes et atermoiements. Il faut se laisser porter au début car on a l’impression de sauter du coq à l’âne. Des liens et rapports finissent par apparaître donnant à découvrir des relations complexes et cohérentes. Le jeu devient jubilatoire et comme les personnages sont ciselés de manière fort à propos, on prend beaucoup de plaisir à suivre leur évolution malgré l’aspect dramatique que prend très rapidement l’expédition.
Comme dit précédemment, les morts s’accumulent jouant sur les nerfs des protagonistes et les plongeant peu à peu dans un désespoir grandissant. Les galeries et couloirs se ressemblent, regorgent de dangers tous plus étranges les uns que les autres, des créatures errent dans ces lieux et mêmes les lois physiques semblent modifiées. De quoi inquiéter ces aventuriers trop sûrs d’eux pour certains et mettant à jour les iniquités et les rivalités qui vont finir par ressurgir parfois au pire moment. Le jeu de massacre peut commencer avec en fil rouge cette question obsédante : les Dieux existent-ils ? Vont-ils accéder aux demandes formulées par les survivants ? Le monde va-t-il être sauvé ?
Solidement ancré dans un univers fantasy esquissé de manière discrète et délicate, le flou est très artistique ici, l’important réside ailleurs dans ce roman initiatique. À travers l’errance des Parangons, le ressenti de chacun des personnages que l’on croise, l’auteur propose un très beau diaporama des questions existentielles qui traversent une destinée humaine avec un questionnement constant sur le sens de l’existence. Il se dégage de l’ensemble une puissance évocatrice vraiment prenante voire bouleversante par moments et l’on se laisse littéralement emporter avec un plaisir sans borne.
Très très belle expérience de lecture donc, avec un auteur à la plume aussi vive que passionnante, un univers clos aussi angoissant que source d’interrogations et une fin que j’ai trouvé pour ma part tout à fait réussie. Un must dans son genre que je vous invite à découvrir au plus vite.
"Petit Loup qui sait tout" de Gijs van der Hammen et Hanneke Siemensma
L'histoire : Petit Loup qui sait tout passe son temps à lire de gros livres et à étudier le ciel.
Alors, qu'on ne vienne pas le déranger !
Un jour, il est appelé au chevet du roi malade pour le guérir.
Mais le chemin s'avère long et difficile...
Tout seul, y parviendra-t-il ?
La critique Nelfesque : A la maison, on est très branché "loup" en ce moment. Qu'il fasse peur ou qu'on s'en amuse, il a sa place dans la Bibliothèque de Little K. Dans "Petit Loup qui sait tout", nous avons affaire à un spécimen savant qui passe son temps la truffe dans les livres (tiens, ça me rappelle quelqu'un ça !). Seulement voilà, quand on aime à ce point la lecture et que l'on est avide de connaissances, on peut parfois en perdre la notion du temps, des réalités et se renfermer sur soi-même.
Le jour où Petit-Loup-qui-sait-tout reçoit une lettre du Roi l'enjoignant de le rejoindre à son chevet pour le soigner, il va devoir laisser, non sans traîner la patte au départ, ses gros livres et sa passion pour partir en route vers le palais royal. Commence alors un long voyage où Petit-Loup-qui-sait-tout va s'apercevoir qu'il est loin de tout connaître et que tout ne s'apprend pas dans les livres. Sous forme de conte, Gijs van der Hammen fait vivre à son personnage un voyage initiatique qui lui révélera un des sels de la vie.
Amitié et solidarité sont au cœur de ce récit qui montre aux enfants, avec douceur et sans gros sabots, ce qu'est l'empathie. On a jamais fini d'apprendre dans une vie et il est important de s'ouvrir aux autres pour s'enrichir de leurs expériences et de nos échanges : c'est ce que va découvrir Petit-Loup dans cette sorte de Quête du Graal. Il va douter, il va se laisser porter, il va se questionner puis finalement accepter que la vie est plus belle et plus riche lorsque l'on est entouré.
Les illustrations de Hanneke Siemensma sont d'une douceur quasi évanescente et participent à la magie de l'ouvrage tant la forme et le fond se répondent et s'accompagnent merveilleusement. On est bercé ici par les mots et les dessins qui nous enveloppent dans une ambiance ouatée et délicate. Son travail est un savoureux mélange de peinture, de motifs, de vieilles photos et de gravures et cet ouvrage donne vraiment envie de se pencher sérieusement sur ses autres travaux. Si vous aimez être portés par de douces illustrations, sans couleurs criardes et en harmonie avec la nature, vous êtes au bon endroit.
Conseillé à partir de 3 ans, les plus jeunes apprécieront les illustrations quand des plus grands, autour de 5 ans, comprendront plus aisément la profondeur de la quête de ce Petit-Loup-qui-ne-sait-pas-toujours-tout. Un ouvrage comme une leçon de vie où chaque membre d'une communauté compte.
"Valse fauve" de Pénélope Rose
L’histoire : Rose a dix-neuf ans et refuse d'être une cocotte, de celles qui attendent qu'on les épouse. Son village est trop petit pour elle, qui rêve d'une ferme rien qu'à elle dans le Sud. Peu lui importe que la plupart des hommes soient partis faire la guerre contre les Salauds.
Un soir, Rose fait la rencontre d'un accordéoniste venu de la ville, un original qui semble avoir échappé à l'appel. Tandis qu'elle tombe amoureuse, l'ennemi s'empare de son pays. L'homme ne tarde pas rejoindre les Insurgés, laissant Rose avec une petite fille.
Comment se protéger, seule avec une gamine, quand l'ennemi est dans vos murs et que le danger frappe à la porte chaque matin ? Comment préserver ses rêves quand les mois défilent et que les repères s'effondrent ? Mais, surtout, quel combat mener ?
La critique de Mr K : Très bel ouvrage que celui que je vais vous présenter aujourd’hui. C’est un premier livre pour son auteure et un sacré coup de maître que cette Valse Fauve qui envoûte son lecteur, ne lui laissant aucune chance de s’échapper.
Rose a dix neuf ans et un caractère bien trempé. Non, elle ne fera pas comme les autres filles du village, elle compte bien atteindre ses rêves à commencer par posséder sa propre ferme dans le sud. Cependant la situation n’est pas simple, une guerre est déclarée, tous les hommes sont partis combattre et la rencontre avec André va tout bouleverser. Entre eux deux, c’est une évidence, un coup de foudre doublé d’une affection profonde. Plus âgé, il a déjà une petite fille dénommée Michèle avec qui le courant passe très vite avec Rose. La guerre perdue, la résistance s’organise et André va rejoindre le maquis laissant les deux amours de sa vie derrière lui. Commence alors pour Rose, une nouvelle phase d’apprentissage de soi qui va la faire diverger des plans qu’elle avait construit.
On s’attache immédiatement à Rose qui dès les premiers chapitres nous touche par son authenticité, sa volonté de vivre et sa volonté farouche. Pleine de vie, la gamine légèrement insouciante au départ va se retrouver responsable du jour au lendemain de la vie de Michèle. C’est l’apprentissage de la maternité avec ce qu’elle implique de merveilleux et de flippant à la fois. Elle rentre en résistance à sa manière, luttant pour leurs deux vies, pour l’espoir d’un jour retrouver André et peut-être enfin atteindre son rêve. Car les Salauds (nom des ennemis dont on ne connaît pas l’origine) sont là, envahissant son pays et ne laissant que des bribes de libertés à tout à chacun.
Elle va devoir quitter son cher village. Elle va faire de nombreuses rencontres et pas toujours heureuses. Flirtant avec le danger bien souvent, recevant parfois des mains tendues inespérées, elle résiste coûte que coûte par amour pour Michèle et pour André, mettant ses pensées parfois sur papier pour se rappeler et se donner du courage. Doué d’un instinct de survie peu commun et qui provoque l’admiration, on traverse avec elle les épreuves avec un plaisir (et des frissons) qui ne se dément jamais. La guerre dont on ne saura jamais le nom en background décuple les émotions et nous nous les prenons en pleine face comme si l’on vivait les événements, la sensation est grisante.
Raconté à la première personne, le récit touche en plein cœur. Nous partageons pleinement les pensées et émotions de Rose, la plume est délicate, très nuancée et tire parfois vers une poésie en vers libres qui nous étreint au plus profond de nous-même. C’est un très beau roman initiatique au personnage principal charismatique et très attachant. Ode à la féminité au sens large, à la résistance et fenêtre sur la puissance des liens que l'on crée, on passe un très beau moment avec une écriture toute en subtilité. À découvrir au plus vite.
"Requiem pour un joueur" d'Erwan Le Bihan
L’histoire : Un peu par hasard, Richard se met à parier sur Internet. Sur des matchs de football, un peu puis beaucoup d'argent. La spirale de l'addiction l'entraîne et le sol se dérobe sous ses pieds. Comme le capitaine Achab dans Moby Dick, il a aperçu sa baleine blanche et ira jusqu'au bout pour la retrouver.
La critique de Mr K : Une très belle lecture que cet ouvrage traitant du jeu et de l’addiction que j’ai décidé de lire toujours dans le cadre de la préparation d’un cours de Terminale BAC pro. Requiem pour un joueur d’Erwan Le Bihan est un livre qui vous happe et vous hante longtemps tant il s’avère addictif et d'un réalisme de tous les instants. Récit d’une véritable descente aux enfers, voila un ouvrage que je ne vais pas oublier de sitôt !
Richard a tout pour être heureux. Cadre dans une banque à la carrière ascendante, propriétaire, il est heureux en ménage et a des enfants. Non vraiment tout va bien pour lui, pas une ombre dans son ciel intime. Mais le démon du jeu va le gagner insidieusement. Tout commence par un banal pari sportif qui rapporte et Richard va se laisser entraîner dans une addiction terrible qui peu à peu va grignoter sa vie, détruire tout ce qu’il possède et lui faire perdre son âme.
D’une lecture très aisée, l’ouvrage colle aux basques du personnage au plus près de ce qu’il vit et ressent. Richard en lui-même n’a rien de vraiment remarquable, il est de ces personnes que l’on pourrait qualifier de passe-partout. Commun, ne faisant pas de vagues, on suit ses débuts sans réelle passion ni atome crochu. Il nous livre ses aspirations qui se limitent à un poste à l’étage au dessus, nous parle de ses copains de fac qu’il fréquente toujours mais qui n’appartiennent pas à son monde. On a aussi le droit à quelques scénettes familiales tout ce qui a de plus classique...
Et puis c’est le début de la déchéance. L’auteur frappe fort car au-delà des mensonges, des tromperies, des comptes bancaires qui fondent, des emprunts contractés en cachette, c’est l’altération psychique de Richard qui marque durablement le lecteur. On s’enfonce littéralement avec lui dans cette spirale infernale, cette addiction terrible qui l’empêche de réfléchir rationnellement et le pousse à faire vraiment n’importe quoi. Les mots, les phrases qui nous sont donnés à lire transpirent l’angoisse, le désir, les joies et déconvenues que Richard enchaînent et rien ne semble pouvoir arrêter cette mécanique infernale.
Tous les secteurs de vie auparavant réglée vont exploser les uns après les autres, phénomène classique de toute personne dont l’addiction l’emporte sur le reste de sa vie. La progression est foudroyante, tétanisante pour le lecteur qui assiste impuissant à l’avilissement du héros qui rechute régulièrement et n’arrive pas à redresser la barre. Dans une langue accessible, un style léger mais non dénué de nuances, Erwan Le Bihan nous offre une véritable expérience de lecture qu'il est impossible d’arrêter avant de l’avoir terminée.
Ce roman, adapté à tout type de lecteur qu’il soit confirmé ou novice (comme mes élèves), plaira par son ancrage dans la réalité, sa finesse de construction et l’évocation terrifiante de l’addiction au jeu. Un pur bonheur de lecture que je vous invite à découvrir à votre tour.