"Traversée de l'été" de Jeong You-Jeong
L’histoire : Gwangju, 1980. Le dictateur qui dirige la Corée envoie l'armée écraser un soulèvement estudiantin pacifique. La répression est terrible, des milliers de jeunes sont tués, des milliers d'autres doivent se cacher ou fuir le pays.
C'est le cas de Juhwan, qui doit partir à l'étranger pour sauver sa vie. Mais comment lui faire parvenir de faux papiers et de l'argent alors que la famille est sous surveillance ? C'est son cadet, âgé de quinze ans, qui s'en chargera. Lui n'attirera pas l'attention de la police. Seulement, la veille du départ, il se blesse et ne peut partir.
C'est son meilleur copain, Junho qu'il charge de sa mission. Au moment de partir, dissimulé dans un camion, il verra le rejoindre : un copain, rejeton de richissimes industriels, en rupture familiale, une copine collégienne, surdouée mais maltraitée par son père, un vieux pêcheur évadé d'un hôpital psychiatrique et un chien, Roosevelt.
Ensemble ils vont traverser la Corée, accomplissant ainsi aussi un périple initiatique qui les verra tous se transformer au fil des embûches et des rencontres.
La critique de Mr K : Retour au pays du matin calme avec cet ouvrage estampillé young adult qui m’a fait forte impression. Traversée de l’été de Jeong You-Jeong est un roman particulièrement prenant où l’on suit un groupe de personnages dans une quête éperdue de soi et que nous apprenons à connaître au fil de leurs péripéties. Un démarrage tranquille pour bien caractériser les protagonistes puis s’enchaînent les événements et les révélations pour le plus grand bonheur du lecteur.
Junho, jeune adolescent coréen, se voit confier une mission périlleuse par son meilleur ami récemment accidenté et cloué à l’hôpital. Il va devoir traverser tout le pays pour remettre de l’argent et des papiers à Juhwan (le frère de son ami), un leader de la révolte estudiantine en cavale qui doit fuir le pays. C’est en pleine nuit qu’il se glisse dans un camion de transport de bière locale pour débuter son périple. Bien malgré lui, il se retrouve flanqué de quatre compagnons de voyage. La cohabitation s’avère difficile, parfois très tendue. Le temps passant, traversant les épreuves, se heurtant souvent, ils vont apprendre à mieux se connaître, chacun cachant un secret, un passé parfois douloureux.
La trame en elle-même est plutôt classique. Un objectif difficile à atteindre, de nombreux rebondissements qui freinent la progression voire la remettent en question, des rencontres incongrues qui vont s’avérer porteuses de sens et d’assistance... On navigue sur un récit balisé en terme de progression de l’intrigue. On se laisse bercer par le rythme et l’on se plaît à traverser la Corée en temps de dictature, plus vraie que nature à travers des moments de vie croqués parfaitement et des descriptions évocatrices à souhait. La nature indomptée, les éléments qui se déchaînent (l’orage de départ puis un typhon dévastateur en fin d'ouvrage), les villes de campagnes et leurs activités traditionnelles. Autant de scènes immersives dans une époque tendue et un pays si dépaysant pour nous occidentaux.
L’intérêt majeur du roman réside dans ses protagonistes. Ils sont tous très attachants même si leurs réactions peuvent parfois nous étonner voire nous choquer au départ. On ne sait pas grand-chose d’eux au départ : un vieil éleveur de chiens mal luné, une adolescente en fuite à fort caractère (ma préférée), un ado imposant aux motivations obscures, un chien (au sens propre) fou à l’attitude ambiguë et un héros fidèle à son ami et assez introverti. La mayonnaise est loin de prendre, les débuts sont chaotiques, rythmés d’engueulades et d’empoignades. Puis, peu à peu les armures se fendent. Chacun a ses blessures intimes, ses questionnements intérieurs. Ils ne peuvent pas se comprendre car ils ne se connaissent pas d’où des quiproquos et des réactions épidermiques qui mettent en péril l’équilibre de leur groupe. Mais la suite va les rapprocher, leur enseigner à chacun des choses sur eux et améliorera grandement les choses. Le roman se pare d’un aspect initiatique fin et brillant à la fois, l’auteur excellant pour avancer masquée tout en distillant de-ci de-là des détails qui prennent toute leur importance par la suite. Nos hypothèses de lecture sont mises à mal, notre opinion sur les personnages évolue beaucoup et la fin nous cueille littéralement. Loin d’être un happy end, elle se révèle réaliste et ancrée dans une logique implacable.
Une très belle lecture donc, qui ne prend pas ses lecteurs pour des buses et offre de multiples émotions contradictoires doublées d’un addiction féroce à ces pages qui se tournent toutes seules. Foncez !
"Le Styx coule à l'envers" de Dan Simmons
L’histoire : Une virée dans un Vietnam reconstitué, vaste parc d'attractions où de riches touristes jouent et rejouent à la guerre.
L'Enfer tel que l'a imaginé Dante débarque sur Terre, mais uniquement pour les télévangélistes et leurs ouailles.
Grâce aux Résurrectionnistes, la Mort est enfin vaincue : leur technologie de pointe ramène à la vie vos chers disparus... jusqu'à un certain point.
Le cancer vous fait peur ? Attendez de savoir à qui profitent les métastases pour avoir vraiment peur...
La critique de Mr K : Ça faisait un bail que je n’avais pas lu Dan Simmons (décembre 2017, la honte !), un auteur que j’apprécie tout particulièrement. C’est à l’occasion du défi Instagram Mai en nouvelles que j’exhumai le présent volume de ma PAL gargantuesque. Avec Le Styx coule à l’envers, j’explorai une nouvelle facette du maître : l’art de la nouvelle, un genre que j’aime beaucoup. Quand on connaît la propension de Dan Simmons à livrer de gros pavés, je me demandais bien ce que ça allait donner. Loin d’être une déception, ce recueil s’est révélé très plaisant.
Douze nouvelles, douze voyages bien barrés qui oscillent entre fantastique et science-fiction, douze pièces précédées d’une courte introduction de Dan Simmons pour présenter la genèse du texte, raconter une anecdote ou livrer une pensée ou un coup de gueule. J’ai aimé ce principe qui permet de recontextualiser l’histoire à venir et livre des éléments intéressants sur le procédé d’écriture et parfois sur la personnalité de cet écrivain décidément hors norme.
Les sujets traités sont très variés. Une société où l’on peut faire revenir les morts (la nouvelle éponyme) avec une mère de famille qui revient mais qui n’est pas tout à fait la même. On suit ce retour via la voix de son jeune fils partagé entre joie, incompréhension et peur sur fond de dilemme moral et de questionnement éthique sur la recherche scientifique. La nouvelle est assez effroyable et m’a cueilli d’entrée. Dans Vanni Fucci est bien vivant et il vit en Enfer, un esprit revient des enfers mettre le souk sur le plateau d’une télévision évangélique. C’est dark et jouissif à la fois, on sent bien que Simmons a ces moralisateurs dans le nez. On enchaîne ensuite avec Passeport pour Vietnamland où des touristes peuvent s’immerger et même participer à la guerre du Vietnam. Très vite les frontières entre virtuel et réel se brouillent. Cette nouvelle dérangeante et âpre fait partie des meilleures du lot avec une tension de plus en plus palpable et un lecteur totalement conquis.
Deux minutes et quarante cinq secondes voit des hommes discuter dans un train des montagnes russes d’un projet top secret. Pour le coup, il s'agit à mes yeux de la nouvelle la plus faible de cet opuscule, j’ai été très vite perdu et je n’ai pas saisi la portée du texte. Heureusement, suit la terrible nouvelle Métastases où un fils nous raconte l’agonie et la mort de sa mère des suites d’un cancer. Il commence à avoir des visions d’étranges créatures qui rodent autour des malades. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? On nage ici en plein fantastique mâtiné d’une réflexion très profonde sur le deuil et la manière de le surmonter. Un grand crû ! Dans Douce nuit, sainte nuit, l’auteur nous sert un récit de noël post-apocalyptique bien saisissant avec la venue d’un prédicateur dans une communauté éloignée de tout. Le monstre n’est pas forcément celui auquel on pense, la fin est renversante, j’ai adoré.
Dans Mémoires privées de la pandémie des stigmates de Hoffer, Dan Simmons nous fait lire la lettre d’un père à son fils alors qu’une terrible épidémie a défiguré l’humanité selon les pêchés de chacun. L’amateur de David Cronenberg que je suis a été comblé avec un luxe de détails peu ragoûtants et une réflexion intéressante sur le Bien et le Mal. Là encore la fin renverse tout et laisse le lecteur pantois. Les fosses d’Iverson m’a beaucoup moins plu, ce voyage dans des souvenirs de la guerre de sécession m’est apparu brouillon dans sa construction et sans réel intérêt en terme de trame. Un coup dans l’eau pour le coup. Le conseiller lorgne lui dans le thriller hardboiled où un conseiller d’éducation se révèle être un ange exterminateur qui règle les problèmes familiaux de ses élèves avec la manière forte. Jouissif et un pur shoot d’adrénaline, Simmons excelle dans l'exercice. Dans La photo de classe, une professeur passionnée par son métier continue à faire classe malgré un apocalypse zombie. Dur dur d’enseigner à des créatures non mortes mais elle a de la suite dans les idées. Ma nouvelle préférée et un texte d’intro où je me suis pleinement retrouvé dans la définition que donne Simmons du métier, l’auteur lui-même rappelons-le a été enseignant dans sa jeunesse. Le récit alterne moments branques et pensées intimistes très touchantes, on passe par toutes les émotions.
Dans Mes copsa mica, un homme part sur les trace des Dracula dans les pays de l’est et c’est le prétexte pour livrer des réflexions sur la mort, la pollution, l’humanité et la planète. Un récit précurseur dans son genre bien que peu digeste. Pas complètement réussi mais pas complètement raté non plus... Enfin, À la recherche de Kelly Dahl clôture le recueil avec une histoire de quête très poétique et remplie d’émotion. Différente des autres textes, elle offre un récit touchant et enivrant à la fois.
Malgré deux faux pas, on passe donc un très agréable moment en compagnie de Dan Simmons qui maîtrise parfaitement le genre et offre des textes surprenants et prenants à la fois. L’écriture est toujours aussi subtile et se fait ici maligne avec des chutes que bien souvent on ne voit pas venir. Personnages ciselés, contextes et background parfois incroyables, on se laisse porter avec plaisir et l’on ressort heureux de cette lecture pas tout à fait comme les autres. Avis aux amateurs !
Lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- Ilium
- Olympos
- Terreur
- L'Homme nu
- Les Chiens de l'hiver
- L'épée de Darwin
- Revanche
"La Terre des vampires" trilogie de David Munoz et Javi Montes
L’histoire : Un cataclysme a recouvert l’atmosphère de la terre d’une couche de poussières qui filtre les rayons UV : résultat, les vampires qui se cachaient le jour règnent à présent en maîtres et font de la planète leur terrain de chasse... La survie de l’espèce humaine est menacée. Seuls et dissimulés au milieu des décombres d’une ville ravagée, deux adultes et une poignée d’enfants tentent de s’en sortir. Affamés, ils n’ont pas d’autre issue qu’affronter les dangers de l’extérieur. Sous l’influence d’un mystérieux sauveur qui se joint à eux, ils font le pari désespéré de traverser l’Europe, à la recherche d’un refuge où les derniers hommes se seraient regroupés...
La critique de Mr K : C’est une fois de plus l’ami Franck qui m’a prêté ce triptyque qui fait la part belle aux vampires dans une version dépoussiérée et disons-le tout de go "à la mode". Dans La Terre des vampires, David Munoz et Javi Montes croisent le récit fantastique avec du post-apocalyptique bien senti. L’ensemble se lit tout seul avec un certain plaisir même s’il faut bien avouer qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil (-sic-)...
Quatre enfants et deux adultes se retrouvent sur les routes en quête d’un abri. Le monde a bien changé et il n’est pas sûr de se balader dehors dans cette nuit perpétuelle qui permet à certains chasseurs nocturnes amateurs de sang frais de se faire les crocs sur quelques gorges frémissantes. Transformés en proies, les humains ne sont plus au sommet de la chaîne alimentaire et chacun tente de survivre comme il peut. La petite expédition démarre très mal avec des pertes lourdes et lors d’une attaque, un mystérieux inconnu va venir à leur secours. Mais est-il vraiment ce qu’il prétend être ? Le refuge existe-t-il ? Il n’y aura pas trop de trois volumes pour régler ses questions et en ouvrir d’autres...
On est ici dans l’ultra-classique, le balisé. Il y a donc très peu de surprises dans le développement psychologique des personnages qui se rapprochent d’archétypes lus et vus de nombreuses fois. Cela ne les rend pas forcément inintéressants, il y a de bons passages qui mettent l’adrénaline en ébullition mais on est toujours dans le prévisible même si certains protagonistes importants vont disparaître (mon côté sadique a été comblé). Les épreuves vont faire évoluer les rapports de force, dénouer des nœuds psychologiques et révéler des secrets parfois bien sombres. On se laisse prendre au jeu malgré un manque d’originalité flagrant.
Le background est bien ficelé. On en apprend un peu plus au fil des volumes, par petites touches. Les origines du mal, l’état de dévastation du monde, le projet mis en place par les vampires sont autant d’éléments qui se complètent et donnent à voir un futur particulièrement funeste et inquiétant. Je dois avouer que certains aspects auraient mérité d’être davantage traités, des questions restent sans réponses mais dans l’ensemble là encore ça fonctionne.
L’aspect esthétique est soigné, certaines scènes d’exposition sont bluffantes et l’action bien décrite par des cases percutantes qui arrivent parfois à marquer les rétines durablement. À l’image de tout le reste, les auteurs font le job sans vraiment de génie ou de nouveauté. Bref une lecture sympa mais pas mémorable, le genre de petit plaisir coupable dont on ne retient pas grand chose mais qui sur le coups se révèle fort divertissant.
"Appelez-moi César" de Boris Marme
L’histoire : C’est l’histoire d’une bande de garçons partis marcher en montagne au cours de l’été 1994 et qui, de conneries en jeux de pouvoir, vont glisser peu à peu dans une spirale tragique. Pour comprendre leur groupe, il faut s’y immerger, sentir son souffle de liberté, partager sa bêtise joyeuse, se laisser happer par sa mécanique cruelle.
Vingt-cinq ans après les faits, Étienne, le narrateur, exprime le besoin absolu de dire la vérité, au-delà de la version officielle, sur ce qu’il s’est passé durant cette nuit terrible au cours de laquelle l’un des gars a disparu. Écrire devient alors pour lui un moyen d’exister à nouveau en dehors du mensonge et du secret. Il entend ainsi redonner à chacun la place qui lui revient, pour mieux reprendre la sienne. Il lui faut pour cela reconstituer chacune des journées qui ont précédé l’accident, car la vérité n’est pas si évidente, elle a plusieurs visages. Pour comprendre, il faut plonger dans le groupe, sentir son souffle de liberté, partager sa bêtise joyeuse, se laisser happer par sa mécanique cruelle.
La critique de Mr K : Attention grosse claque ! À mes yeux, ce roman est un des meilleurs que j’ai pu lire depuis le début de l’année, un uppercut bien senti dans l’estomac doublé d’une étude sensible et réaliste de l’adolescence. Appelez-moi César de Boris Marme est une œuvre au charme vénéneux, un livre qui rend accro immédiatement malgré une tension qui monte crescendo et une fin terrifiante à sa manière. Venez vous promener un peu avec moi à la montagne en compagnie d’une bande de jeunes fous qui flirtant constamment avec les limites vont finir par les franchir et changer à jamais leur existence !
Milieu des années 90, des garçons (et une fille) se retrouvent dans un camp randonnée encadré par deux prêtres rodés à l’exercice et une infirmière qui s’assure que tout se passe bien. La montagne a ses codes et ses risques induits. L’idée est de marcher tous les jours, de profiter des paysages et d’auto-gérer le soir le campement avec les tâches qui vont avec (préparation des repas, vaisselle, montage / démontages des tentes). Une expérience enrichissante en soi, les bienfaits de la vie de groupe avec une répartition des tâches égalitaire, formatrice et révélatrice de capacités parfois insoupçonnées de chacun.
Bon... ça ne va pas se passer comme prévu mais alors vraiment pas. Au départ, rien de bien méchant, on apprend à se connaître, on se jauge, on se vanne. Puis, ce sont les premiers heurts, défis innocents à priori mais au sous-texte vexatoire. Une figure charismatique (Jessy) émerge du groupe et par sa nonchalance, sa fausse modestie va les entraîner toujours plus loin dans la rébellion, la défiance des règles et l’aiguisage de leur cruauté. Tout cela ne peut amener qu’à un dénouement tragique qui va bouleverser la vie de chacun et pousse le narrateur à revenir sur leur expédition pour essayer de lever le voile de mystère qui enveloppe encore la disparition d’un des leurs lors d’une nuit sans fin. Peut-être aussi parce qu’une certaine culpabilité le mine...
Ce roman est un miroir sans fard de l’esprit adolescent. D’ailleurs à de nombreuses reprises, on s’y retrouve, on se remémore des moments de notre passé. En 1994, j’avais cet âge là, j’écoutais les mêmes musiques et je partageais les mêmes interrogations notamment sur les filles. J’aurai d’ailleurs été très malheureux dans cette bande de mecs qui mesurent leur virilité et leur image à leur propension à se la raconter, mythoner et parfois avilir les autres. Cela va crescendo, gare aux âmes sensibles car c’est crû parfois et l’esprit de groupe est terrifiant, ne laissant peu de place aux différences, à la sensibilité et l’empathie. La mécanique est redoutable, étouffante même au fil du récit qui se déroule sous nos yeux.
On sait dès le début qu’un garçon a disparu. Mais comment ? Pourquoi ? Dans quelles circonstances ? Le narrateur prend son temps, installe une ambiance, une communauté, pour mieux déstructurer l’ensemble dans un final haletant qui m’a particulièrement ému. On passe vraiment par tous les états durant cette lecture. Il faut dire que l’auteur s’y entend pour caractériser ses personnages, les rendre crédibles. Bien borderlines à leur manière (aaaah les ados !), tantôt on se prend d’affection pour eux, tantôt on peste, on rage et l’on se dit qu’on aimerait pas que nos propres enfants les croisent. Et encore, il n’y avait pas les smartphones à l’époque !
Très très bien écrit, subtil tout en étant frontal par moment, Appelez-moi César ensorcelle littéralement, accompagne le lecteur avec une force incroyable et des images resteront longtemps gravées dans ma mémoire. Gros coup de cœur donc, gros choc littéraire que je vous invite à découvrir à votre tour au plus vite.
Acquisitions printanières contemporain et jeunesse
Chose promise, chose due, voici enfin le post consacré à nos acquisitions printanières dans les catégories littérature générale contemporaine et d'albums jeunesses. Rappelons qu'il s'agit dans leur majorité d'ouvrages de seconde main (on adore ça aussi chez nous) dégotés la plupart du temps par le plus grand des hasards dans des boîtes à livres ou des brocantes. Viennent s'y ajouter quelques livres trouvés dans des magasins de déstockage qui parfois offrent de sacrées découvertes ! Regardez un peu...
Beau butin, non ? Il y en a pour tout le monde en plus. Que ce soit Little K, Nelfe ou moi, on a tous trouvé de quoi s'occuper. Je vais donc vous présenter à la suite les petits nouveaux qui rejoignent nos PAL respectives pour chacun d'entre nous. C'est parti !
(Trouvailles Mr K)
- Blessés de Percival Everett. On commence avec un coup de poker avec un ouvrage de chez Actes sud, une maison d'édition que j'aime beaucoup. On suit la destinée d'un homme qui, ayant perdu prématurément sa femme, s'est écarté des hommes en allant s'installer dans un ranch éloigné de la civilisation moderne. Tout est calme et communion avec la nature jusqu'à ce qu'un meurtre soit commis révélant les fractures existantes dans ce microcosme avec en toile de fond un racisme larvé et récurrent. L'histoire me parle et l'ouvrage a une excellente réputation. Il devrait bien me plaire.
- L'Immeuble Yacoubian d'Alaa El Aswany. Chronique d'un immeuble et de ses habitants à travers le temps, ce livre a lui aussi bonne presse et propose à priori un regard acéré et sans fard de la société égyptienne gangrenée par la corruption politique, la montée de l'islamisme, les inégalités sociales et l'absence de liberté sexuelle. En feuilletant le livre, j'ai accroché à la forme pure, lisant quelques paragraphes épars et qui m'ont séduit par un style précieux et fin. M'est avis que là aussi je vais passer un bon moment.
- Quand sort la recluse de Fred Vargas. Le hasard fait parfois très très bien les choses, c'est le cas avec ce Vargas que je n'ai toujours pas lu (après celui-ci il m'en restera uniquement un à lire). J'ai hâte de retrouver Adamsberg et toute son équipe pour une nouvelle enquête. Ça fait longtemps que je ne les ai pas pratiqués et ils m'ont manqué. Hâte d'y être !
- La Mort avec précision de Kôtarô Isaka. Direction la littérature nippone avec un ouvrage à la quatrième de couverture diablement séduisante. On suit le Dieu de la Mort et les fonctionnaires qui travaillent pour lui quand ils descendent sur Terre et enquêtent pour savoir si l'heure est venue pour tel ou tel humain de mourir. Je ne sais pas pour vous mais je trouve cela bien attirant et décalé. Il ne restera sans doute pas beaucoup de temps dans ma PAL celui-la.
- Dans l'oeil du démon de Tanizaki Jun'ichiro. Retour au Japon avec cet ouvrage où un écrivain se voit proposer par un riche ami oisif de venir assister à un meurtre. Ils sont tous les deux animé par une passion pour le cinéma et les romans policiers. Plongée dans les bas-fonds de Tokyo avec en ligne de mire une réflexion sur les illusions et les apparence selon le résumé. Ça sent bon la lecture addictive entre nervosité et étrangeté.
(Trouvailles Nelfe)
- Un long silence de Mikal Gilmore. Un livre qui devait croiser la route de Nelfe tôt ou tard tant il semble avoir été écrit pour elle. Un garçon enquête sur sa famille ancrée dans la violence, la haine et la folie et où l'on multiplie les secrets qui empoisonnent une vie. À priori, c'est une plongée sans concession dans une certaine Amérique et une aventure littéraire bien furieuse. Un Sonatine en poche ça ne se refuse pas !
- Âpre cœur de Jenny Zhang. Deux jeunes filles d'origine japonaise s'installent à New York avec leurs parents. Elles nous parlent de leur enfance en marge, du racisme ordinaire, de l'amour inconditionnel de leurs parents qui peut parfois les étouffer, de leur soif de sortir de l'enfance aussi. Ce roman a de très bonnes critiques et fait à priori voler en éclat les codes du roman d'immigration. Nelfe devrait être comblée.
- Sans moi de Marie Desplechin. La narratrice voit débarquer chez elle une jeunes femmes avec toutes ses affaires sous prétexte qu'elle est sans domicile fixe et qu'elle s'entend bien avec les enfants. Cela va bousculer les habitudes, faire bouger les lignes entre faux-semblants, trahisons et petits accommodements. Prometteur, non ?
- Là où chantent les écrevisses de Delia Owens. Abandonnée par sa famille, une fille de dix ans trouve refuge dans les marais, devenu un refuge naturel et une protection contre la société des hommes. Pendant des années, les rumeurs les plus folles courent sur la "fille des marais", tout va peut-être changer avec la rencontre avec Tate, un jeune homme cultivé et doux qui va lui apprendre à lire et à écrire. Salué par les lecteurs, présenté comme un roman à la beauté tragique, cet ouvrage devrait ravir ma chère et tendre. je dois avouer qu'il me tente bien moi aussi...
- Loin du monde de David Bergen. Années 70, l'Ontario sauvage, deux adolescents se rencontrent le temps d'un été. Tout les sépare et pourtant ils éprouvent des sentiments très forts l'un envers l'autre. Roman sur les illusions de l'adolescence et son idéalisme, cet ouvrage est reconnu par son aspect bouleversant et son exploration réaliste et touchante de l'âge ingrat. Nelfe n'en fera sans doute qu'une bouchée !
- Ateliers Montessori de Chiara Piroddi. Un ouvrage pratique pour finir la sélection de Nelfe qui présente tout un tas d'activités pour accompagner et solliciter son enfant tout au long de ses apprentissages. Nouveaux gestes, ouverture aux sens, ressentir le monde qui l'entoure et partage de bons moments sont au programme de cette lecture que nous ferons sans doute tous les deux ensemble avec notre très chère Little K.
(Trouvailles pour Little K)
- Grosse colère de Mireille d'Allancé. Un petite histoire autour de ce sentiment si désarçonnant pour les tout petits, la colère. On suit ici Robert - sic - qui s'y trouve confronté et va devoir apprendre à la surmonter. C'est mignon et bien ficelé, on espère qu'il plaira à notre fille.
- On m'a volé mes couleurs de René Gouichoux et Muriel Kerba. Kéké, le plus beau des perroquets a perdu toutes ses couleurs. c'est le drame, va-t-on pouvoir les lui retrouver ? C'est ce qui arrive quand on met en rogne une fée. Mignon, bien illustré, cette histoire devrait plaire.
- Marguerite la fleur de Catherine Bénas. Très belle évocation de la vie et de la nature à travers les paroles simples et fraîches d'une petite Marguerite. Épuré et profond, parfait pour notre loupiotte !
- Plouf ! Un abécédaire aquatique de Thomas Baas. Un ouvrage qui se déplie avec une superbe illustration en lien avec la mer pour représenter chaque lettre. À manipuler avec précaution mais très utile pour les premiers apprentissages.
- Quatre points et demi de Yun Seok-Jung et Lee Young-Kyung. Le regard enchanté d'une petite fille sur le monde à travers un poème magnifiquement mis en image. Le temps qui passe, l'observation du monde sont au programme d'un très bel ouvrage qui trouvera sans doute un bel écho auprès de Little K.
- Les Fleurs de la ville de Jon Arno Lawson et Sydney Smith. Une BD sans parole pour terminer avec une jeune fille qui ramasse toutes les fleurs qu'elle croise sur son chemin et qui poussent en ville. Elle semble réenchanter le monde au fil du bouquet qu'elle compose, les couleurs finissent par se bousculer. À noter que l'ouvrage est sans dialogue ce qui lui donne un aspect encore plus poétique. Une vraie merveille !
Un printemps fructueux de notre côté en terme d'acquisitions, de très belles trouvailles comme vous pouvez le constater et que vous retrouverez sur nos comptes Instagram respectifs et dans les chroniques à venir au Capharnaüm éclairé.
"Opuscule de l’amour" de Shpëtim Selmani
L’histoire : Les petits pays se présentent comme des monstres sans pitié quand il s’agit du concept de la patrie. Plus le pays est petit, plus tu lui es redevable. Plus il est petit, plus tes jambes s’enfoncent dans sa fange vivante. Plus il est petit, plus tu as des obligations envers lui. Plus il est petit, plus tu es dans la merde. Pour être sincère, je ne veux plus appartenir à aucun pays. Je me sens fils de toutes les nations. Enfant de toutes les mères. De tous les pères. Partout dans le monde.
C’est l’été, entre Tirana et Pristina. Un homme en pleine introspection. Il va devenir père : concept qui expose tout son être face à la complexité et l’absurdité de la vie. Souvenirs de guerre, liens parentaux, rapports avec la littérature contemporaine et son pays, relations amoureuses, regard des autres, perte d’un être cher, liberté...
La critique de Mr K : Une lecture différente et assez bluffante au programme du jour avec cet ouvrage d’un auteur albanais qui livre avec Opuscule de l’amour une pièce de choix, un livre qu’on n’oublie pas après sa lecture. Shpëtim Slimani nous livre un récit introspectif d’une rare force d’évocation et nous offre une expérience littéraire unique et saisissante.
C’est par le biais de chapitres ultra-courts (de deux à cinq pages maximum) que l’on suit les pensées et souvenirs du narrateur, un homme qui s’apprête à devenir père. Comme s’il faisait un point sur son existence, il nous livre épars des pans de sa vie, des moments importants, des prises de conscience ou des réflexions qui ont orienté son parcours.
Il est beaucoup question d’amour ici. La rencontre amoureuse et la construction du couple avec les passages obligés, les premières expériences, les compromis, les agacements et la construction d’un foyer. La paternité à venir est évoquée avec un luxe de sensibilité sans tomber dans le pathos et m’a beaucoup parlé. On a beaucoup de points communs lui et moi concernant ce changement irrémédiable. Il nous parle aussi de la famille, de la relation parfois distendue voire interrompue avec nos proches, là encore il fait mouche avec pudeur et profondeur en même temps. Et puis, il y a l’amour avec un grand A, celui que l’on doit se vouer les uns aux autres, ce vers quoi l’humain doit tendre pour que le monde devienne vivable avec la possibilité d’avancer ensemble. Ce roman regorge donc d’ondes positives sans pour autant tomber dans le suranné ou le déjà lu car tout est complexe dans une vie humaine et longue parfois est la route vers un futur meilleur.
Venant d’une région fortement marqué par les tensions et les conflits, certains passages sont l’occasion d’évoquer la guerre et ses méfaits. Il renvoie dos à dos les va-t’en-guerre et les pacifistes, souligne la vacuité des positions défendues et offre une vision claire et profondément humaniste. On revient toujours plus ou moins au concept au sens large de liberté, de se libérer du prêt à penser et des influences individualistes qui s’exercent en continue dans nos sociétés modernes. Les scènes de la vie quotidienne, des déambulations dans la ville et les rencontres effectuées parachèvent un univers réaliste et porteur de sens. C’est beau, puissant et simple à la fois.
Opuscule de l’amour est une petite merveille formelle avec une écriture neuve qui s’apparente parfois à de la pure poésie en vers libre. L’auteur a une plume incroyable, libère la narration des carcans traditionnels, propose des images jamais lues, des associations d’images et d’idées originales qui marquent durablement le cœur du lecteur. C’est subtile et puissant à la fois, évocateur en diable avec une foultitude d’émotions qui pointent le bout de leur nez et ne vous lâchent plus. Une pure merveille.
"Sauve-toi Elie !" d'Elisabeth Brami et Bernard Jeunet
L’histoire : En échange d’une enveloppe, Élie est confié par ses parents à monsieur et madame François. Là-bas, à la ferme, tout est différent. Personne ne l’embrasse le soir en le couchant, la couverture pique, et surtout, Élie doit retenir une drôle de leçon : "À partir de maintenant tu t’appelles Émile, et monsieur et madame François seront ton oncle et ta tante".
La critique de Mr K : Lecture express et intense que Sauve-toi Elie ! d’Elisabeth Brami et Bernard Jeunet, un livre illustré à mettre entre les mains de tous et qui conjugue textes et images poétiques au service du souvenir. Un ouvrage brillant.
Tout débute par le départ précipité de la maison, la famille prend le train pour la province, les parents annoncent à Elie qu’il faut le cacher à la campagne. Une fois arrivés à la ferme, après un échange bref et la remise d’une enveloppe, les parents repartent en laissant leur fils seul avec ces inconnus qui vont jouer les oncles et tantes de substitution. Il devient Emile, un jeune garçon comme les autres ou presque. Il doit nier son identité juive.
Cet ouvrage court propose donc un récit à la première personne, le regard que porte un enfant sur l’Histoire, les événements qui égrainent cette période sombre. Les affres de la séparation avec le fol espoir d’un jour revoir ses parents le porte malgré son incompréhension face à cet état de fait. Les débuts sont difficiles avec cette famille d’accueil plutôt froide avec lui, un maître d’école dur et un manque d’amis qui se verra par la suite comblé avec une belle rencontre (éphémère malheureusement). Il est confronté à la méchanceté, l’antisémitisme de certaines personnes mais aussi parfois à des élans de solidarité. Les personnages qui gravitent autour de lui sont finalement une belle représentation de la France de l’époque partagée entre collabos, résistants et personnes qui ne prennent pas vraiment position.
Les illustrations sont tout bonnement magnifiques avec la technique employée ici du papier sculpté. Ce côté artisanal rend bien compte de la teneur de l'ouvrage, un côté intimiste et poétique qui porte un message universel d’une profondeur touchante. L’adéquation est totale entre la forme et le fond, les pages se tournent toutes seules et même si on finit cette lecture le cœur gros, on a conscience d’avoir fait une expérience essentielle et porteuse de sens notamment pour les plus jeunes. À lire et à faire découvrir absolument.
"Il faut beaucoup aimer les gens" de Solène Bakowski
L’histoire : À quoi tient la vie ? À nos liens invisibles. Nous, inconnus, sommes raccordés sans le savoir. Nos existences se percutent en silence.
Après un séjour en prison, Eddy Alune, 31 ans, est devenu veilleur de nuit, un métier qui lui permet d'échapper aux gens et aux ennuis. Il vient de perdre son père. En vidant l'appartement de son enfance, il retrouve des effets personnels qu'il a volés, vingt ans plus tôt, à proximité d'une SDF morte dans la rue. Poussé par la culpabilité, il décide de rendre à cette femme l'histoire qui lui a été confisquée. Une enquête commence, dans laquelle Eddy se lance magnétophone à la main, pour ne rien oublier. De rencontre en rencontre surgissent plus que des souvenirs. Des liens nouveaux se tissent et la mémoire, ravivée par Eddy, va bouleverser bien des vies.
La critique de Mr K : Chronique d’un livre qui fait du bien aujourd’hui au Capharnaüm éclairé avec Il faut beaucoup aimer les gens de Solène Bakowski, une jeune auteure qui s’était faite remarquer avec son précédent ouvrage que je n’ai pas lu mais qui à mon avis ne va pas me résister longtemps. Dans la lignée d’un Gavalda ou d’un Da Costa, ce livre profondément humain nous raconte une histoire de réparation, celle qu’on doit et celle qu’on mérite. Une fois l'ouvrage débuté, il est impossible de le refermer et l’on prend un sacré plaisir de lecture au passage.
Eddy contemple sa vie plutôt qu’il ne la vit. Récemment sorti de prison après un événement qui a mal tourné, il s’est engagé corps et âme dans le métier de veilleur de nuit, l’emploi idéal pour un gars comme lui qui veut éviter les embrouilles et se retrouver seul tant il n’est pas sociable et se sent mal à l’aise avec les autres. En débarrassant l’appartement de son père qui vient de décéder, il retombe sur des effets personnels qu’il avait dérobé près d’un cadavre de SDF, une femme sans identité qui aiguise désormais sa curiosité. Qui était-elle ? Pourquoi a-t-elle fini son existence de cette manière ? Eddy va remonter le fil des quelques indices qu’il a découverts et révéler à la fois la vie de l’intéressée mais aussi d’une bande d’amis, de tout un quartier et indirectement partager cela avec le plus grand nombre via des cassettes audio qu’il enregistre au fil de ses démarches.
Car en parallèle, on est dans le studio d’enregistrement de Luciole, une animatrice radio qui présente une émission de nuit où entre deux morceaux musicaux, elle répond aux appels des auditeurs qui cherchent un peu de réconfort, un conseil ou du moins une écoute. Tout va changer pour elle quand elle va recevoir par courrier des cassettes audio enregistrées d’un homme qui enquête sur une mystérieuse SDF trouvée morte 20 ans plus tôt, bandes son qui l’intriguent, la fascinent et cachent quelque chose. Faisant fi des attentes du patron de la station, même de certains de ses auditeurs, elle décide de passer les enregistrements en direct dans son émission ce qui va révéler bien des choses et provoquer quelques micro séismes.
L’entrecroisement des deux trames est très réussi, donnant corps à un jeu de pistes très stimulant pour le lecteur qui se demande bien vers quelle vérité tendent nos deux protagonistes principaux. Ces derniers ainsi que les personnages qui gravitent autour d’eux sont caractérisés de fort belle manière, chacun traînant des boulets de la vie, des angoisses et des habitudes qu’il faudrait casser. J’ai aimé cette complexité des esprits, ses trajectoires brisées au premier rang desquelles celle de la mystérieuse morte qui va retrouver une identité, une densité, une existence à travers le travail de recherche d’Eddy. On reste vivant tant que quelqu’un garde le souvenir de nous, Eddy va opérer une véritable résurrection et lever des secrets qui pourraient bien changer la vie de certaines personnes.
Très finement écrit, dans un style alerte et accessible, on se laisse prendre au jeu immédiatement et l’on se passionne pour cet enchevêtrement narratif entre rires et larmes. Les émotions se bousculent au fil des chapitres qui s’égrainent, des révélations successives qui donnent corps à un passé pas tout à fait révolu. Beau et limpide, véritable feel good reading qui ne tombe pas pour autant dans la facilité et le candide, voila un ouvrage qui devrait être remboursé par la Sécu tant il met du baume au cœur et propose une lecture solaire pleine de résilience.
"L'enfant, la taupe, le renard et le cheval" de Charlie Mackesy
L’histoire : Au fil des pages, l'enfant curieux, la taupe enthousiaste et gourmande, le renard blessé et méfiant et le sage cheval se rencontrent, s'adoptent et s'entraident. Les conversations sur le sens de la vie de ces quatre personnages, qui représentent les différentes facettes d'un être humain, sont rapportées et illustrées de dessins.
La critique de Mr K : Belle découverte que cet ouvrage emprunté au CDI de mon établissement. Dans L’enfant, la taupe, le renard et le cheval, l’anglais Charlie Mackezy nous offre un livre illustré tout à fait hors norme, à la beauté épurée et aux textes polysémiques d’une rare accessibilité et richesse. Une lecture à part, une expérience unique dans son genre à mes yeux.
Voici un ouvrage qui, sous ses aspects enfantins, s’adresse vraiment à tous. Il propose un voyage intérieur qui touchera chacun d’entre nous. Sacrément doué pour saisir l’essence de l’existence humaine avec son lot d’expériences, l’auteur nous propose une œuvre enveloppante, profondément bienfaisante, une fable universelle où l’important n’est pas le paraître mais la bienveillance et l’innocence sans pour autant tomber dans le moralisateur ou le cucul, l’exploit est de taille tout de même ! Je n’ai pas pu m’empêcher de penser au Petit Prince de Saint-Exupery, une œuvre unique en son genre elle aussi et qui par bien des aspects se retrouve dans cette lecture.
Un petit garçon part en quête de réponses. Sur sa route, il va rencontrer une taupe friande de gâteaux et maligne, un renard taiseux que la vie n’a pas épargné et un cheval empli de sagesse. À eux quatre, ils vont être plus forts, appréhender l’existence et le monde différemment, affronter les difficultés et dispenser des phrases / pensées éclairantes et constructives. On en ressort bouleversé, changé même à la manière du petit garçon.
Les illustrations réalisées au stylo à plume sont d’une beauté à couper le souffle. Lorgnant vers le rêve et le naturalisme, elles accompagnent merveilleusement le chemin emprunté par les protagonistes. Images et mots se répondent parfaitement, il se dégage une paix, une délicatesse qui touche au plus profond de nous-même, nous invitant à réfléchir et à contempler nos vies et le monde qui nous entoure. Amitié, amour, s’apprécier pour ce que l’on est, profiter des choses de la vie, autant de valeurs que l’auteur met en avant avec un talent certain car puiser dans ces sources, le courage ne manquera jamais et une certaine idée du bonheur peut être atteinte.
On ne tombe pas pour autant dans le niaiseux, on se rapproche je trouve des philosophies orientales. Trouver l’accord avec notre monde et nous, prendre le temps, goûter à la poésie de la vie, s’accommoder des obstacles pour mieux les contourner, optimiste dans toutes ces pages, ce livre est un petit rayon de soleil, une respiration profonde dans un monde de dingue qui clairement bascule de plus en plus du côté obscur.
L'enfant, la taupe, le renard et le cheval est un petit bijou esthétique et philosophique à mettre entre toutes les mains, à lire, relire et partager auprès du plus grand nombre.
"La puissance des ombres" de Sylvie Germain
L’histoire : Pour fêter les vingt ans de leur rencontre au bas des marches du métro Saint-Paul, Daphné et Hadrien ont organisé une soirée à thème : chacun de leurs amis doit porter un déguisement évoquant une station de métro. Mais la fête tourne au drame. L’un des invités tombe mystérieusement du balcon et se tue. Et quelques mois plus tard, c’est au tour d’un autre convive de se rompre le cou en dégringolant des escaliers. Qui sera le suivant ? Quel est le lien entre la fête, les convives, les serveurs qui officiaient, et notre intense désir de réparation ?
La critique de Mr K : Bonne lecture que celle du dernier roman de Sylvie Germain : La puissance des ombres. À la confluence des genres avec un net attrait pour le noir profond, l’auteure avec le talent d’écriture qu’on lui connaît nous projette sur les traces du désespoir et de la folie avec talent malgré quelques menus défauts qui empêchent cet ouvrage d’être considéré comme un de ses meilleurs.
Imaginez, une fête costumée en plein cœur de Paris, dans un appartement d’un quartier cossu. L’heure est à la joie entre vielles connaissances, amis d’amis et une soirée plutôt réussie. Et puis, c’est le drame. L’un des invités tombe du balcon et meurt de sa chute. La police enquête et conclut à un accident. Tout pourrait s’arrêter là mais voila... deux autres invités de la fêtes meurent à leur tour dans des circonstances suspectes. Tout cela est bien louche et arrivé à la moitié du roman, le point de vue change, on passe dans l’esprit de l’assassin (car ce sont bien des meurtres !) et nous explorons sa psyché dévastée et essayons de comprendre quelle vérité cachée se trouve derrière ses actes innommables.
La première partie du roman s’apparente un peu à un jeu de piste. L’auteure s’attarde sur les invités et leurs costumes (tous en lien avec des stations de métro de Paris), les deux serveurs engagés pour la soirée et sur le déroulé des festivités. Je dois avouer que cette partie a un peu freiné mon enthousiasme car finalement son utilité est toute relative concernant la suite du récit. Peut-être n’ai-je pas tout saisi mais j’ai trouvé ces passages finalement longuets et n’apportant pas grand chose à la suite.
Car le vrai sujet n’est pas là. Il surgit dans la deuxième partie du roman avec les chapitres consacrés au tueur, une des personnes présentes à la fête. Passée la surprise de son identité, l’auteure revient sur ses errances entre les meurtres et surtout assène des flashback bien sentis qui expliquent sa psychologie pour le moins perturbée et ses actes désaxés. Ce personnage est vraiment réussi, tout en complexité. On en vient à le plaindre, à comprendre ses pulsions, gestes maladroits et déréliction mentale même si on ne peut accepter et excuser ce qu’il a commis. Ces moments sont vraiment les plus beaux du roman, une beauté sombre, inavouable parfois mais remarquablement mis en mot par l’auteure pour le coup très inspirée.
Sylvie Germain possède vraiment une belle plume, cisèle son propos, embarque alors le lecteur dans un voyage intérieur rude et vient nous cueillir avec une fin terrible bien que prévisible. On passe donc un bon moment même s’il faut s’accrocher au départ.