L’histoire : 11 octobre 2009. Marcel Grob, un vieil homme de 83 ans, se retrouve devant un juge qui l'interroge sur sa vie. Et plus particulièrement sur le 28 juin 1944, jour où ce jeune Alsacien rejoint la Waffen SS et est intégré dans la 16e division Reichsführer, trois mois après le débarquement allié en Normandie. Marcel se rappelle avec émotion de ce jour fatidique où, comme 10 000 de ses camarades Alsaciens, il fût embrigadé de force dans la SS. Non, il n'était pas volontaire pour se battre mais il n'avait pas le choix, il était pris au piège.
Mais pour le juge qui instruit son affaire, il va falloir convaincre le tribunal qu'il n'a pas été un criminel nazi. Alors, Marcel Grob va devoir se replonger dans ses douloureux souvenirs, ceux d’un "malgré nous", kidnappé en 1944, forcé d'aller combattre en Italie, au sein d'une des plus sinistres division SS. Un voyage qui l'amènera à Marzabotto, au bout de l'enfer...
La critique de Mr K : Encore un bel emprunt au CDI de mon établissement que Le Voyage de Marcel Grob de Philippe Collin et Sébastien Goethals. Récit intime, récit historique, récit policier se confondent dans cette traque de la vérité qui s’écartent des chemins balisés pour livrer un être humain dans toute sa complexité et ses contradictions. Un voyage passionnant et terrifiant à la fois.
L’ouvrage revient donc sur un aspect méconnu de la Seconde Guerre mondiale, l’enrôlement quasi forcé de certains alsaciens dans la SS. Certes, un certain nombre d’entre eux se sont révélés volontaires et voyaient d’un bon œil l’occasion d’aller casser du communiste. Mais beaucoup, ont du céder au chantage et aux menaces. Voulant éviter le pire à leurs proches restés au pays, ils vont rejoindre les légions noires et assister à ou commettre des atrocités.
Marcel Grob fait parti de ces jeunes alsaciens que le destin a marqué. Le récit commence dans le bureau d’un juge d’instruction qui le questionne sur son passé. Il semble persuadé que Marcel a été un collaborateur zélé des nazis. Celui-ci s’indigne et va devoir convoquer tous ses souvenirs pour convaincre son interlocuteur de son innocence. Commence alors le déroulé des événements avec au départ la fuite du village puis l’incorporation subie et les premières expériences traumatisantes.
La lecture alterne donc présent et passé, entre scènes d’interrogatoires et souvenirs égrainés par Marcel. On passe aisément de l’un à l’autre dans une mécanique infernale, redoutable qui fait son effet. Peu à peu la lumière se fait malgré des zones d’ombres qui resteront et empêcheront le lecteur de se faire une opinion totalement sûre sur le personnage principal pétri de contradictions qu’il ne maîtrise d’ailleurs pas forcément.
Les dessins loin d’être révolutionnaires servent très bien le récit, ils s’effacent au profit du texte (assez dense d’ailleurs) et le mettent en valeur. Une belle expérience de lecture au service de l’Histoire que cette bande dessinée qui explore à merveille une époque difficile de notre pays. Les amateurs ne doivent pas passer à côté.