Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Capharnaüm Éclairé
25 avril 2022

"Château de cartes" de Miguel Szymanski

couv21898851

L’histoire : Au Portugal, tout est négociable. Même une agression.

Marcelo Silva, ayant quitté le journalisme et l'Allemagne où il était correspondant, est de retour au Portugal.

Pour lutter contre la corruption de l'élite financière et politique qui a mené son pays au bord de la ruine, il a choisi "le glaive à la lame affûtée plutôt que la plume rouillée". Nommé à la tête d'une brigade spécialisée, le voilà aussitôt confronté à la disparition d'un millionnaire lié à un énorme scandale sur le point d'éclater. Pendant dix jours, il va parcourir Lisbonne inondée de touristes à la recherche du banquier déchu.

Naviguant entre filles de bonne famille et politiciens corrompus, hommes de main et réseaux de prostitution, Marcelo nous emmène dans un voyage au-delà des apparences et révèle ce qui se cache derrière la vitrine de la "ville aux mœurs douces".

La critique de Mr K: Balade littéraire portugaise aujourd’hui avec ce roman policier servi bien noir de chez Agullo. Dans Château de cartes de Miguel Szymanski, nous explorons les arcanes de la lutte contre la corruption et les crimes des cols blancs aux côté d’un enquêteur pas tout à fait comme les autres qui emporte l’adhésion dès ses premiers pas. Ce fut une belle lecture aussi plaisante que passionnante.

Journaliste d’investigation exilé professionnellement en Allemagne, Marcelo Silva revient au Portugal chargé d’une mission très importante. En effet, de par son passé, il est devenu un spécialiste des questions concernant la corruption des élites financières et politiques, le voila bombardé chef d’un nouveau service qui se concentrera sur le sujet. Dans le domaine, son pays est très concerné, l’appauvrissement préoccupant du Portugal étant pour une bonne partie lié aux malversations, mauvaises habitudes et trains de vie dispendieux du pouvoir sur les deniers publics. Le roman démarre le week-end avant sa prise de fonction.

Marcelo n’a pas le temps de prendre ses marques qu’un événement va précipiter les choses : l’enlèvement de Cardoma, un banquier au centre des affaires politiques. Il doit le retrouver avant les autres chiens lâchés après lui car le disparu connaît du monde, possède des fonds quasi inépuisables et peut surtout compromettre des gens très puissants qui voient d’un très mauvais œil la menace planée au dessus de leurs têtes. Passé les cinquante premières pages qui permettent de se familiariser avec chacun, les lieux emblématiques de l’histoire, l’action démarre vite et fort avec un enquêteur qui va tomber de Charybde en Scylla.

Tout bon roman policier se doit d’avoir un protagoniste principal charismatique et c’est le cas ici avec un Marcelo séduisant et complexe. Pas forcément très athlétique, il possède un sang froid à toute épreuve, un sens de l’humour caustique (avec une bonne dose d’autodérision). De bars en restaurants en passant par des lieux plus interlopes, il mène son enquête (non officielle) à son rythme et fait preuve d’une sagacité parfois confondante. Nouvelles rencontres, pressions de toutes sortes, vieux amis qui refont surface permettent de mettre en lumière un homme décidé, d’un certain standing (je pense à ses tenues, son rythme de vie de manière générale, ses poches remplies de biffetons), on aime traîner avec lui et sa désinvolture apparente. À noter aussi son charme certain sur la gente féminine, ni macho ni romantique, un style bien à lui, naturel, coulant avec des scènes d’approche et de tentation bien ficelées (oserais-je dire, bien troussées ?).

On navigue dans des milieux peu ragoûtants. Le crime organisé et la prostitution certes mais surtout les coulisses du pouvoir et de l’argent. Là où la vie humaine s’achète ou se vend sans aucun scrupule et où l’intérêt public n’est que des mots, une façade cachant des manigances et des manipulations à grande échelle. Les révélations finissent par pleuvoir et je peux vous dire que c’est loin d’être réjouissant surtout quand on sait que l’auteur lui-même est journaliste et bien renseigné sur certains faits réels. Loin de l’image d’Epinal d’un Portugal ensoleillé, à l’art de vivre et à la tranquillité souvent évoqués, on passe de l’autre côté du miroir et ce n’est pas joli joli. Le portrait est saisissant, inquiétant même. Pour autant, l’auteur ne livre pas que cela, il revient par des scénettes habilement disséminées ici ou là sur des choses du quotidien, des fraternités, des relations uniques, sur la beauté et l’âme noble authentique de son pays.

L’écriture elle aussi est accrocheuse. Exigeante et accessible à la fois, elle évoque à merveille lieux et personnages tout en maintenant un rythme soutenu au suspens incroyable. Les cinquante dernières pages sont un modèle du genre et la conclusion sans appel. Il semblerait que cet ouvrage soit le premier d’une série avec le même personnage principal, ça promet pour la suite !

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Suivez-moi
Archives
Publicité