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Le Capharnaüm Éclairé
12 mars 2022

"Départ de feu" d'Adrien Gygax

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L’histoire : Community manager chez Philip Morris à Lausanne, César a 30 ans et mène une vie artificielle de jeune urbain hyperconnecté. Un soir, un incendie ravage son immeuble. Dévasté, César part s'isoler durant deux jours dans un chalet à la montagne, sous l'impulsion de sa hiérarchie. A son retour, il part en quête de sens en se lançant dans des expériences extrêmes.

La critique de Mr K : Un nouvel ouvrage dans l’air du temps aujourd’hui avec Départ de feu d’Adrien Gygax. Entre quête initiatique virant au mystique et constat implacable sur les maux de notre époque, cet auteur que je découvrais avec ce titre procure un plaisir de lire terriblement addictif et propose une réflexion profonde et jubilatoire sur l’évolution de l’Homme.

César, néo-trentenaire vit dans sa bulle virtuelle et jouit d’un bonheur factice. Bossant dans le marketing pour une grande marque de cigarettier, il aime son boulot, mène son existence au gré des notifications de son smartphone et de fêtes avec ses collègues et amis. Novlangue, technologies et apparences pourraient être les maîtres de mot de son existence qui va basculer le jour où un incendie ravage son immeuble. Il découvre les faits en rentrant du travail et les pompiers lui font prendre conscience qu’il a une veille voisine à qui il n’a jamais parlé et dont il ne connaissait même pas l’existence.

C’est tout d’abord la stupéfaction. Comment en est-il arrivé là ? Nier l’existence d’un être humain censé résider juste à côté de chez lui ! S’amorce alors chez lui un grand changement. Il commence à deviner que son existence est très superficielle, basée sur les artifices et qu’il passe finalement à côté de sa vie, loin de la réalité, à commencer par sa déconnexion de la Nature au sens large. Sous les conseils de collègues de travail, il part deux jours dans un petit chalet pour se désintoxiquer du modernisme et du réseau. Il en revient changé, se brouille avec eux de manière très violente (faut dire qu’ils sont quand même très cons et impudents) et il va s’immerger dans la vie de paysan. Il finira même par partir en Polynésie à la quête du Paradis. Expériences, lectures et rencontres vont le nourrir et le transformer à jamais, le conduisant même aux confins de la folie. Gare au réveil !

Le personnage principal n’est vraiment pas des plus agréables au départ. On se situe aux antipodes lui et moi sur un certain nombre de sujets. Autocentré, individualiste, il se berce d’illusions avec ses amis, de jeunes loups qui pensent que le monde est à leur pied. J’ai beaucoup grincé des dents au départ même après l’incendie, je n’arrivais pas à le plaindre, ce pauvre jeune homme riche sur qui s’abat le monde. Et puis, peu à peu, la chrysalide se fend, les rencontres qu’il fait, les réflexions qui se bousculent dans son crâne donnent à voir un César qui semble se réveiller et qui bien qu’imparfait va peut-être se réaliser. L’évolution du protagoniste principal est très finement rendue, non dénuée d’aspérité et de retour en arrière. C’est plein de nuance et cela apporte un réel souffle novateur sur ce récit initiatique très profond.

La réflexion générale est passionnante et totalement ancrée dans notre époque. Le décalage entre l’être humain et son biotope, de la Nature et de son rythme. Au delà du métavers qui n’en est qu’à son balbutiement, Adrien Gygax nous interroge sur notre rapport aux autres, aux écrans et à la connectivité. Ainsi, de manière maligne, il incruste au fil du récit des captations de notifications que reçoit César et qui font écho ou contraste avec les faits rapportés. Il renvoie aussi dos à dos les intégristes de tout bord, des jeunes branchés totalement en apnée aux révolutionnaires écolos extrémistes prêts à tout pour "sauver" la planète. C’est incisif, noir mais aussi parfois très drôle. Sans compter les expériences de César qui virent à l’introspection la plus intime, dans des passages d’une rare poésie qui font décoller le récit, lui donne une touffeur particulière notamment lorsque l’action se déporte du côté de la Polynésie française.

Bien rythmé, équilibré dans sa construction, "Départ de feu" se lit très facilement, quasiment d’une traite tant on prit par l’histoire et son sous-texte. On est partagé constamment entre le sourire et la consternation : notre époque est malade et cela ne va décidément pas en s’arrangeant. Une lecture salutaire et fun que je vous invite à découvrir si le thème vous intéresse.

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