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Le Capharnaüm Éclairé
10 mars 2022

"Éteindre le Soleil" d'Ariane Bois

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L’histoire : Depuis toujours, ils forment un bloc. Un père à la Montand, aventurier à ses heures, solaire et flamboyant, engagé à gauche. Une fille, admirative, amoureuse des mots. Ensemble, ils ont traversé les paysages riants de l’enfance mais aussi les pires épreuves : la perte d’un fils et d’un frère, puis celle d’une épouse et d’une mère, disparue à l’autre bout du monde. D’une famille de quatre, ils sont devenus deux, fragiles, blessés, mais obstinés à rétablir leur équilibre. Et puis survient une femme, éprise du père, qui l’apaise.

Pourtant, très vite, l’attitude d’Édith déroute. D’où viennent ces malentendus, ces piques, cette agressivité ? Lors d’un séjour en Provence, tout bascule et la folie s’invite. Jusqu’au vertige.

La critique de Mr K : Cette lecture est mon premier contact avec Ariane Bois, une auteure que beaucoup de copinautes aiment tout particulièrement par ses écrits intimes, touchants et une langue qui a toujours su les captiver. À l’occasion de la sortie de son dernier récit, Éteindre le soleil donc, je me laissai tenter. Je ne regrette pas une seconde. Une fois le livre ouvert, il est vraiment impossible de le relâcher. L’ensemble se lit facilement, avec un plaisir renouvelé. J’émettrai vous verrez en fin de chronique une réserve mais cela tient à la nature intimiste de l’ouvrage et à ma vision des choses.

Ariane Bois revient donc sur la relation privilégiée et intense qu’elle possédait avec son père aujourd’hui disparu. Ces deux là ont vécu l’horreur avec le suicide du frère de l’auteure que personne n’avait vu venir (le paternel est à l’origine pédiatre, vous imaginez le sentiment de culpabilité que cela peut faire naître) et la disparition tragique de la maman lors d’un accident d’hélicoptère au cours d’un reportage à l’étranger. De quatre, ils passent à deux, cela renforce forcément les liens déjà puissants au départ. Le père et la fille s’aiment profondément, partagent tout et malgré les difficultés se serrent les coudes. Il est son héros, son repère et elle est sa raison de vivre, sa fille adorée.

Cet équilibre et ce bonheur vont vaciller puis sérieusement se compromettre avec l’irruption d’Edith dans la vie du père. Dès le départ le courant ne passe pas entre elle et sa belle-fille putative. Jalousie ? Possessivité excessive ? Les remarques désobligeantes se multiplient, froideur et cynisme se mêlent au jeu et un fossé commence à se creuser entre les deux femmes puis une distance se crée entre le père et la fille. Le torchon brûle et la narratrice commence à sentir que sa relation privilégiée avec son géniteur est abîmée, freinée par cette Edith qui semble manipuler son père tentant de reconstruire sa vie après la perte de sa femme. On suit alors l’évolution de la situation, la folie galopante de cette belle-mère particulière jusqu’à la dramatique conclusion avec la disparition du père suite à une maladie douloureuse et longue.

On est immédiatement pris par le tourbillon de sentiments que nous offre une auteure à la plume délicate, enveloppante et à la fois précise. On plonge littéralement dans cette relation si spéciale entre la fille et le père. Petits instantanés multiples, dissection des réactions, des pensées, tout est mis en place pour provoquer l’empathie, le sourire et l’évocation du bonheur familial. Cela rend l’évolution des choses plus tendue, l’appréhension gagne vite le lecteur et l’on sombre avec elle dans l’incompréhension, l’inquiétude et la douleur. Pudique mais cependant expressive, l’auteure nous livre sa souffrance avec justesse, une certaine retenue mais aussi avec profondeur et vérité.

Après tout est une question de perception. On comprend sa douleur, sa peur, Edith semble vraiment épouvantable. Mais je ne peux m’empêcher de penser que le père reste avec elle malgré tout, qu’il ne la quitte pas pour conserver ce lien si fort avec sa fille. Pourquoi Edith agit-elle ainsi ? N’est-elle pas le fruit elle-même de souffrances ou de manquements passés qui pourraient expliquer ses réactions et ses attitudes ? En quoi fascine-t-elle autant le père et réussi-t-elle à le conserver sous sa coupe ? L’auteure parle d’homme sous influence mais il est médecin, semble avoir toute sa tête au départ... Rien ne sera vraiment dévoilé sur elle et c’est normal au final, l’auteure nous parle d’elle-même avant tout et de sa relation avec son père. Il m’a donc fallu accepter que récit intime rime forcément avec une certaine subjectivité mue par les émotions à fleur de peau et de mots ressentis par Ariane Bois. Ce léger "défaut" ne m’a pas pour autant empêché d’apprécier cet ouvrage vif, puissant et profondément humain.

Je vous conseille donc chaudement Éteindre le Soleil. Il vous fera passer un très bon moment malgré des passages parfois difficiles par ce qu’ils induisent sur la fragilité de toute relation humaine.

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Commentaires
F
Oh je suis ravie qu'il t'ait plu ! Et maintenant, il te faut continuer la découverte de cette magnifique auteure : le gardien de nos frères, dakota song, l'ile des enfants... beaucoup de régalade en perspective !
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