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Le Capharnaüm Éclairé
7 mars 2022

"Urban, intégrale" de Luc Brunschwig et Roberto Ricci

Urban

L’histoire : Zacchary Buzz quitte sa famille de fermiers pour se rendre à Monplaisir, une immense cité dédiée aux loisirs, aux jeux, aux plaisirs... Avec pour modèle Overtime, le plus grand justicier de tous les temps, il rêve d’intégrer la meilleure police du monde : les Urban Interceptor.

Monplaisir est une société hyper contrôlée, dirigée par l’omniprésent Springy Fool. A grands renforts de caméras et d’écrans géants, toute la ville peut suivre en direct les moindres faits et gestes de ses habitants. Monplaisir est également sous le contrôle d’A.L.I.C.E., un système automatisé composé de robots nettoyeurs qui font la chasse aux voleurs, avec des méthodes plutôt musclées...

La critique de Mr K : Nouveau cycle de BD de science-fiction au menu d'aujourd'hui avec les cinq tomes de Urban de Luc Brunschwig et Roberto Ricci, nouveau prêt de l’ami Franck qui décidément a bon goût ! On est ici dans le haut du panier avec une saga crépusculaire et jusqu’au-boutiste qui ne sacrifie jamais au politiquement correct et propose un récit complexe remarquablement mis en image. Une claque !

Zacchary, un grand gaillard de la campagne a décidé de quitter la ferme familiale pour devenir agent de police à Monplaisir, une cité dédiée aux loisirs où il n’y a pas de limite à l’épanouissement personnel. Dans ce monde en vase clos, ultra contrôlé, il va découvrir avec sa naïveté tout d’abord confondante (la suite va lui faire prendre conscience de bien des choses...) la dureté de ce monde idyllique, l’envers du décor, les machinations à l’œuvre, un lieu où il croisera des âmes perdues et des dirigeants omnipotents qui ne reculent derrière rien pour s’enrichir et contrôler cet univers factice et profondément inhumain.

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En cinq volumes, les auteurs ont bien le temps d’installer l’intrigue, de peaufiner leurs personnages. Le premier ouvrage est tout entier consacré à l’exposition, décrivant Monplaisir avec un luxe de détails fascinants où les écrans sont partout, la propagande du maître des lieux constante (on ne peut éteindre les messages et écrans par exemple) et où les vices de chacun s’expriment sans honte et à la lumière du jour. Cité ultratechnologique, où l’Intelligence Artificielle applique les instructions et algorithmes conçus par les têtes pensantes, la plongée donne le tournis, horrifie bien souvent et donne à voir un futur délétère où la morale élémentaire semble inexistante et où l’exploitation des êtres ne connaît pas de limite. L’ensemble s’affine d’ailleurs encore au fil des tomes qui s’avalent à une vitesse folle tant on est happé par le récit.

Zacchary fait un peu figure de Candide au départ, il est pétri de bons sentiments et possède une haute estime de la fonction qu’il va désormais exercer (il a grandi en regardant une série animée policière qui a construit son caractère et nourri ses aspirations). La rencontre avec une jeune femme travaillant dans l’hôtel où il réside va ouvrir la boite de Pandore et briser les rêves que promettent Monplaisir. Il prend conscience alors de la marge, de ces êtres condamnés à errer de secteur en secteur, nuit après nuit sous peine d’exécution sommaire et il va surtout se rendre compte que le squad qu’il a intégré (les fameux Urban interceptor) ne sont finalement qu’un leurre pour amuser les foules et entretenir un semblant de paix sociale maintenue en fait d’une main de fer par un système totalement automatisé.

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Mais il en faudra du temps pour que la lumière se fasse. Les auteurs poussent la contextualisation en s’intéressant à une foultitude de personnages pas si secondaires que ça entre un flic du nord venu enquêter sur de mystérieux attentats, un jeune garçon qui s’échappe de son appartement et à sa nounou robotisée, au génie frustré qui a construit A.L.I.C.E (la fameuse I.A) et qui derrière son déguisement de lapin rigolard cache un véritable monstre lui-même sous influence, et même A.L.I.C.E en elle-même. Les flashback s’enchaînent, les pièces du puzzle concordent et donnent au final un récit très dense, sans pitié (un certain nombre de personnages auxquels on s’est attaché disparaissent et ceci de manière totalement imprévisible, j’adore !) et la fin nous est assénée et, bien que pas des plus originales, fait son petit effet.

Bien que le curseur soit assez extrême, on ne peut s’empêcher de penser que cette vision profondément pessimiste est crédible, pourrait se réaliser tant elle fait référence aux vices et déviances de nos contemporains. La fascination pour la technologie, l’omniprésence des écrans, l’individualisme forcené, la quête du plaisir à tout prix et la fissuration des barrières entre le Bien et le Mal sont au cœur de ce récit qui est une belle illustration aussi du pouvoir et des moyens mis en œuvre pour l’imposer sans que les masses asservies ne s’en rendent vraiment compte. C’est assez effrayant mais d’une lucidité ô combien nécessaire par les temps qui courent.

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L’œuvre est magnifique avec des planches de toute beauté, des traits fins, dynamiques et des dialogues léchés. La narration est subtile, tortueuse et diablement prenante. Les pages se tournent toutes seules et l’on prend un pied monstrueux si on est amateur du genre. Une sacrée découverte.

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Commentaires
Z
Elle me fait bien envie celle-ci !
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