"Ordure" d'Eugene Marten
L’histoire : Sloper commence sa journée de travail au moment où s’arrêtent les faiseurs de richesses et redresseurs de torts. Agent d’entretien dans un immeuble, il passe d’étage en étage en poussant son chariot. Il aspire, vide les poubelles, récupère ce qu’il peut. Ni vu ni connu. Avant de rentrer chez sa mère, où il vit à la cave, épiant ses voisines par la fenêtre. Personnage sans histoire, sans ambition ni qualité, Sloper pourrait continuer à dilapider ainsi son temps dans l’indifférence la plus totale. Or un soir, sa routine est brutalement interrompue par une macabre découverte...
La critique de Mr K : Étrange expérience que la lecture d’Ordure d’Eugène Marten, un roman précédé d’une réputation de livre quasiment culte, qui a eu du mal à débarquer dans le monde de l’édition aux USA. Au moment d’écrire ces lignes, je suis bien incapable de vous dire si je l’ai aimé. Il interpelle, bouscule souvent mais peut aussi nous perdre et nous ennuyer à l’occasion. Je vais tenter d’expliquer mon ressenti mais ce n’est pas gagné...
Le protagoniste principal est donc un homme de ménage qui officie dans une tour de bureau. On suit son train-train quotidien rasoir avec les instructions propres à chaque étage, le descriptif de ses tâches, ses menues rencontres avec d’autres humains. Sloper, c’est son nom, n’est pas des plus causants sans être pour autant misanthrope. Il vit dans la cave chez sa marâtre, ce n’est pas un passionné, il fait juste bien son travail et n’hésite pas à se servir dans les déchets qu’il collecte. Rien de passionnant d’ailleurs, les débuts de la lecture sont d’un commun presque affligeant même si l’écriture par son parti pris interroge et pousse aux fesses pour ne pas lâcher l’ouvrage.
Survient l’événement indiqué en quatrième de couverture et la découverte d’un cadavre de femme dans le vide ordure. D’un coup, on vire dans le glauque profond, impression que l’on pouvait déjà pressentir sur certains mots, des situations parfois embarrassantes évoquées plus en amont dans le récit. Après tout, ce corps est un déchet et Sloper le récupère. On glisse alors dans une trame bien borderline où l’auteur se plaît à nous balader entre réalité, fantasmes, réactions et rencontres étranges dans un monde interlope, produit de notre société libérale, un monde dont nous détournons volontairement les yeux pour ne pas voir la réalité en face.
Ton banal, écriture sans fioriture (très oralisante quand on y réfléchit) qui pour autant se révèle riche en sous-entendu, l’ouvrage dérange, installe un climat malsain d’où d’ailleurs l’humour n’est pas absent si on l’aime noir et bien serré. Le sous-texte mériterait une analyse bien plus poussée que la mienne (je ne suis que moi malheureusement et certaines choses m’ont clairement échappées), clairement on peut y entendre une charge contre les inégalités, la dénonciation de l’exploitation, une vision sombre du rêve américain, le piège de la famille... On nage ici dans l’insignifiant, le désespoir mais aussi parfois dans le crû et l’abominable. Tout cela aurait du me plaire...
Mais voila, la mayonnaise n’a jamais vraiment pris avec moi et même si je reconnais beaucoup de qualité à cet ouvrage, son côté coup de poing et jusqu’au-boutiste notamment, je me suis ennuyé. Et je trouve qu’il n’y a rien de pire que cela quand on lit. L’écriture ne m’a pas happé, le personnage est difficilement identifiable (c’est sans doute voulu) et je n’ai jamais pu vraiment poser une image et un vrai regard sur lui. Heureusement pour moi, le livre est court, je tenais tout de même à le lire en entier avant d’en présenter la chronique.
Bref, Ordure est un ouvrage atypique qui divisera forcément ses lecteurs. Faites un tour sur le web, vous verrez. Je ne regrette pas d’avoir tenté l’aventure car même si ce fut une petite déception, je peux me targuer d’avoir lu un ouvrage d’un auteur considéré comme culte. À chacun de se faire son avis ou non.