Accueil des nouveaux venus !
Avec la pandémie, forcément on bouge moins et surtout on ne fréquente plus trop certains hauts lieux de craquages comme notre cher Emmaüs. Cependant, à l'occasion d'une promenade ou de courses, il nous arrive de tomber sur une boîte à livre ou sur un magasin de revente d'objets de seconde main. On revient souvent "brocouille" (comme on dit dans le bouchonnois) mais parfois, il arrive qu'on tombe sur une ou plusieurs pépites... Voici aujourd'hui la présentation des nouveaux venus dans nos PAL respectives, trouvailles effectuées lors des trois derniers mois de 2021.
Pas mal de titres prometteurs, non ? On retrouve comme d'habitude des auteurs qu'on apprécie et dont on a hâte de retrouver la plume. Mais il y a aussi des quatrièmes de couverture qui ont pu attirer notre regard et attiser notre curiosité. Suivez le guide avec la présentation qui suit, il y a en plus un petit bonus en fin de post.
(Premier lot pour ma PAL)
- Du domaine des murmures de Carole Martinez. C'est deux jours après que ma documentaliste en ait parlé de manière fort élogieuse que je tombai inopinément sur cet ouvrage d'une auteure qui m'avait drôlement séduit avec Le Coeur cousu lu en 2016. Carole Martinez nous plonge en plein Moyen-âge pour suivre le destin tragique d'Esclarmonde, une femme insoumise qui décide de se consacrer à Dieu en se faisant emmurée vivante ! Ça ne sent pas la joie de vivre mais j'en ai tellement entendu du bien que je pense que je vais passer un bon moment.
- Mon ami Frédéric de Hans Peter Richter. Ma Madeleine de Proust de ces acquisitions avec cet ouvrage lu en 6ème (de mémoire) et qui m'avait marqué. Deux enfants inséparables dont un de confession juive en Allemagne sous le régime nazi puis la Seconde Guerre mondiale, ces quelques mots suffisent pour donner la tonalité et les enjeux de cet ouvrage que je prendrai grand plaisir à relire avec mes yeux d'adulte. Je vais préparer mes mouchoirs, dans mes souvenirs c'était rude.
- Mémoires d'un jeune homme dérangé de Frédéric Beigbeder. Il s'agit du premier roman de l'auteur, personnage bien barré à lui tout seul et qui livre ici une fenêtre sur sa vie débridée de l'époque. Typiquement le genre de lecture que j'aime, qui détend et fait délirer à la fois. On peut faire confiance à Beigbeder pour user de sa verve sarcastique et nous emporter loin de la réalité !
- Le Déclin de l'empire Whiting de Richard Russo. C'est LE pavé de ces nouvelles acquisitions et c'est un coup de poker... J'espère que je ne me suis pas planté en l'adoptant ! Bon il s'agit tout de même du prix Pulitzer 2002, une fresque romanesque dans l'Amérique d'aujourd'hui entre petites misères et grande décadence, secrets de famille et lutte pour l'affirmation de soi. Ça sent quand-même très bon cette affaire !
(Et un deuxième lot pour ma pomme !)
- Seven dials d'Anne Perry. J'aime beaucoup cette auteure et quand l'occasion se présente j'aime ramener un de ses livres à la maison. On retrouve dans celui-ci l'enquêteur Thomas Pitt plongé en plein secret d'État avec un crime qui pourrait mettre à mal la couronne. Du policier classique comme je les aime en plein XIXème siècle, le combo qui tue !
- Riches, cruels et fardés d'Hervé Claude. Là encore une quatrième de couverture plus que convaincante et un auteur que je vais découvrir avec cette histoire se déroulant dans un hôtel quatre étoiles en Australie, coupé de tout et où les morts vont s'accumuler. Le postulat est classique mais c'est le genre de jeu de massacre littéraire que j'aime beaucoup (surtout quand ça dessoude chez les nantis). Wait and read !
- Le Langage de Pao de Jack Vance. Je ne dis jamais non à Jack Vance, un auteur prolifique, polymorphe et à la plume enivrante. Cet ouvrage a l'air bien étrange, le résumé à l'arrière est ésotérique. Il est question de modeler le comportement des humains en leur enseignant une langue nouvelle qui change de sens selon la catégorie de l'utilisateur. Bizarre, vous avez dit bizarre ? Je trouve aussi...
(Le lot de miss Nelfe ! Toujours plus raisonnable que moi, vous remarquerez...)
- La Couronne verte de Laura Kasischke. Nelfe et Laura Kasischke, c'est une belle histoire d'amour littéraire. Elle était donc aux anges quand nous avons mis la main sur ce titre qu'elle n'avait pas encore lu. Deux jeunes femmes américaines parties fêter la fin du lycée au Mexique vont visiter avec un inconnu le fameux Chichen Itza. A priori ce n'était pas une bonne idée... Plume magique et un don certain pour explorer la psychologie de chacun, ses failles et ses égarements, je pense que ma douce va passer un beau et grand moment de lecture.
- La Cage dorée de Camilla Läckberg. Encore une auteure que Nelfe adore, décidément elle en a de la chance dans nos errements de boîtes à livres à boîtes à livres. Il s'agit ici d'un one-shot (il n'appartient donc pas à la série de romans avec Erica Falck comme héroïne). Camilla Läckberg verse ici dans le noir avec un mélange de trahison, rédemption et vengeance d'une femme qui a tout sacrifié pour un mari qui va la tromper. Il faut se méfier d'une femme en colère et l'héroïne du roman va rendre coup pour coup. Clairement un ouvrage pour ma douce...
(Et un dvd bonus !)
Ben oui, c'est suffisamment rare dans une boîte à livres pour être soulignée : un DVD ! On ne court pas après mais il nous manquait le troisième élément de la trilogie de Christopher Nolan consacré à Batman (chronique lors de sa sortie ciné ici). Un ton en dessous du précédent (aaaah ! ce joker anarchiste complètement jeté !), il reste une belle pièce d'action stylisée et profonde. M'est avis que je vais le revoir très vite !
Voila voila, un beau bilan je trouve, riche en promesses d'heures de plaisir. Chroniques à venir au fil de nos lectures respectives. Vive la seconde main !
"Les Temps ultramodernes" de Laurent Genefort
L’histoire : En 1895, d'énormes gisements de cavorite, un métal capable d'annuler la gravité, sont découverts. C'est le début d'une conquête massive des airs et de l'espace. Des paquebots volants relient les capitales ou voguent jusqu'à une Mars colonisée. Mais vingt-cinq ans plus tard, les réserves s'amenuisent et les empires occidentaux luttent pour récupérer les dernières miettes du précieux métal.
La critique de Mr K : Laurent Genefort frappe fort en ce début d’année 2022 avec sa dernière œuvre Les Temps ultramodernes. Cette uchronie se lit d’une traite et avec un plaisir de lire intense. Davantage engagé je trouve que les œuvres précédentes que j’ai pu lire de lui, on passe un excellent moment entre aventure, enquête et réflexion, l’uchronie n’étant finalement qu’un prétexte pour explorer les maux de l’humanité. Tout rapprochement avec notre époque ou un passé proche n’est évidemment pas fortuit...
L’œuvre débute sous la forme d’un roman chorale. On croise différents personnages que rien ne semble relier entre eux car ils ne se connaissent pas et évoluent dans des milieux totalement différents. Il y a Renée, une jeune institutrice montée sur la capitale pour obtenir une place et qui va faire une rencontre qui va changer sa vie : un martien en fuite ! Elle décide de s’en occuper malgré les risques qu’elle encoure. George est un jeune artiste à la vie bohème qui va s’acoquiner avec un groupe anarchiste sur le point de mener une opération cruciale pour la Cause. Maurice est un flic proche de la retraite qui enquête sur un mystérieux trafic dont les ramifications vont se révéler nombreuses et dangereuses. Marthe l’accompagne, c’est une scientifique-journaliste spécialiste de la cavorite qui va essayer de mettre à jour les tenants et aboutissants d’un projet aussi secret que délétère. Et puis, il y a René, médecin de formation qui a commis des atrocités par le passé et à qui on fait appel pour une tâche obscure sur la planète Mars...
L’auteur prend le temps de poser son intrigue et d’éclairer la nature et la personnalité de ses personnages. Les chapitres courts s’enchaînent tout seuls et les trames s’épaississent, les personnalités se dévoilent et des croisements s’opèrent. Les avancées des uns et des autres remuent des vérités parfois inavouables, des combines et des systèmes qui les dépassent et vont bientôt les menacer directement. Certains n’en sortiront pas indemnes, d’autres vont devoir jouer leur va-tout en prenant tous les risques. Le suspens devient assez vite insoutenable et l’on n'est pas déçu par le développement de la trame.
Dans ce monde des années 20, une découverte scientifique a bouleversé la donne. Ce métal aux propriétés extraordinaire a fait basculer la ligne temporelle classique (spéciale dédicace au docteur Emmett Brown -sic-). Voitures, trams et paquebots volent, les voyages interplanétaires sont possibles, Mars a été colonisée et certains événements n’ont pas eu lieu ou ont été modifiés. C’est jubilatoire de se laisser porter par l’auteur qui s’amuse énormément à transformer l’Histoire, la manipuler et en même temps rendre l’ensemble crédible. Il en faut du talent pour réaliser une bonne uchronie et Genefort fait partie de ces auteurs qui maîtrisent à a la fois la matière de base et propose un récit à suspens cousu de finesse et d’une imagination folle.
Et puis, cet ouvrage est aussi un livre profondément engagé qui assène des vérités et des réalités universelles et malheureusement encore pour certaines contemporaines. Œuvre féministe à sa manière, les deux héroïnes doivent se battre contre les préjugés et les interdits liés à leur sexe (prédominance du mari, déconsidération de leur travail...), elles sont les véritables héroïnes de ce roman et s’avèrent justement croquées sans tomber dans le cliché ou la surenchère. Marthe et Renée, chacune à leur manière portent un message, une espérance, un combat. À travers le personnage d’Ogloor (le martien blessé de la quatrième de couverture), c’est la dénonciation de la colonisation, de ses abus qu’aborde un Genefort inspiré et là encore efficace sans en faire trop. Mars, c’est l’Algérie française ou la conquête de l’ouest par les immigrants européens en Amérique. Cela réserve des pages parfois très rudes à lire mais qui font écho à l’inhumanité dont nous sommes encore parfois témoins. En fond, on devine aussi très vite une machination basée sur l’avidité, la quête de pouvoir et de domination qui mêlent des personnes influentes qui se croient tout permis et n’hésitent pas à aller loin dans les mesures qu’ils prennent pour asseoir leur volonté.
On passe donc par tous les états durant cette lecture au gré d’une écriture limpide et puissante. L’addiction est immédiate, l’auteur nous mène par le bout du nez et propose au final un ouvrage assez génial dans son genre qui ravira les amateurs et mêmes les autres, tant cette uchronie se révèle accessible et parlante. A ne pas rater !
"Qui a tué Cloves ?" d'Axel Sénéquier
L’histoire : Sur sa dernière vidéo, Océane, sourit à l’objectif :"Docteur, je veux que tu montres ce film dans tes congrès !" La petite fille sautille sur place. Un an auparavant, elle se déplaçait en fauteuil roulant et vivait avec une sonde vésicale : elle souffre du syndrome de Cloves. Aujourd’hui, elle se rend à l’école à pied et court partout.
Mon frère, Guillaume Canaud, est néphrologue. Au sein de l’hôpital Necker-Enfants malades, en suivant une simple intuition, il a découvert le traitement contre le syndrome de Cloves, une maladie génétique rare qui provoque des excroissances sur tout le corps et entraîne souvent la mort des patients avant l’âge adulte.
Ce livre est le récit de cette découverte inespérée : on y lit les doutes et les espoirs des chercheurs et des familles, les portraits bouleversants des jeunes patients et les coulisses d’une première médicale qui peut sauver la vie à des milliers d’enfants à travers le monde. Une histoire hors norme, presque trop belle pour être vraie, et pourtant...
La critique de Mr K : Compte rendu de lecture un peu différent aujourd’hui avec cette chronique d’un livre se situant à la confluence du documentaire et du témoignage. Qui a tué Cloves ? d’Axel Sénéquier raconte les différentes étapes d’une découverte incroyable qui a sauvé la vie des personnes atteintes d’une maladie orpheline qui donne son nom au livre. C’est le propre frère de l’auteur qui est le découvreur du remède qui ressemble à un miracle, il est donc bien placé pour pouvoir raconter cette histoire qui par bien des aspects se révèle extraordinaire.
Après une préface de Line Renaud que je ne trouve pas d’un grand intérêt car courte, convenue et surtout étrange quand on connaît son inclinaison de vote pour un Président en marche qui a une vilaine tendance à déshabiller les hôpitaux publics, le récit commence et très vite on se rend compte qu’Axel Sénéquier va suivre deux voies. Il va nous raconter son frère, son parcours et les étapes de ses expérimentations et entre temps, il intercalera des portraits de malades et de leurs familles. Cela dynamise le récit et propose une lecture toute en nuances et en émotions.
Axel Sénéquier est issu d’une famille de médecin, il est d’ailleurs le seul membre de la famille à n’avoir pas fait médecine. À priori, ses proches ne lui en veulent pas, c’est déjà cela - sic - ! Son frère Guillaume a en tout point un parcours exemplaire et, comme leur père, est un bourreau de travail. Très engagé dans la recherche mais aussi auprès de ses patients, il va découvrir qu’un traitement est possible pour guérir du syndrome de Cloves, une maladie orpheline terrible qui déforme les corps et provoque bien souvent la mort avant la majorité du patient. Douloureuse, éprouvante, détruisant le lien social bien souvent (les gens sont cons...), elle fait souffrir les patients et leurs familles. Dans certains chapitres du début, l’auteur revient donc sur cette maladie, son origine, ses symptômes et ses effets à long terme. Effet garanti je vous l’assure, c’est affreux surtout qu’on a l’impression que rien n’est fait pour leur venir en aide entre incompréhension et parfois même indifférence.
Guillaume qui est pourtant néphrologue (spécialiste des reins) trouve donc une nouvelle application à une molécule qui permet au patient de se sentir mieux très rapidement et à la maladie de reculer (pour l’instant on ne peut pas encore parler de guérison complète, la découverte a été faite il y tout juste trois / quatre ans). Les grosseurs disparaissent, le poids fond et les patients peuvent de nouveau avoir une vie sociale, faire du sport et essayer de vivre normalement. Tout cela est remarquablement expliqué dans une langue simple qui ne désamorce aucun aspect de la question de la maladie, du médicament, des recherches mises en œuvre. C’est passionnant de bout en bout et l’on ressort profondément admiratif du travail effectué par un homme qui de plus a su rester simple et abordable. Ainsi, il reçoit encore et toujours des patients, leur répond par SMS alors que bien des pontes se contentent de rester dans leur tour d’ivoire.
Ce qui toucha aussi énormément et même plus, ce sont les échanges qu’Axel Sénéquier a eu avec les familles et malades. Les destins ici livrés sont très souvent bouleversants et nous émeuvent jusqu’aux larmes parfois. Mais quel courage ! Quelle abnégation de certains de ces enfants à qui la vie n’a vraiment pas fait de cadeau mais qui nous étonnent et forcent l’admiration par leur énergie et leur mentalité optimiste. Tout n’est pas rose, des cas sont autrement plus difficiles notamment des patients plus âgés mais ces portraits sont d’une solarité incroyable parfois. J’ai déjà décidé d’en étudier deux / trois avec une classe de cette année qui se caractérise par sa morgue et son apathie. Je pense que la petite Zoé réussira à percer leur carapace d’adolescents repliés derrière leur écran.
Vous n’êtes pas sans savoir pour la plupart d’entre vous que Nelfe et moi sommes les heureux parent d’une Little K pétillante et pleine de vie depuis maintenant deux ans. C’est un bonheur journalier, une extension formidable d’une vie déjà bien remplie. Nous avons cette chance incroyable qu’elle soit en bonne santé et que son développement physique et mental se déroule parfaitement pour le moment. Ce livre m’a évidemment beaucoup touché car le parcours du combattant de certains parents touche en plein cœur, agace et parfois provoque une colère légitime. La France, grande puissance mondiale, berceau des Droits (vous savez ces choses essentielles qu’on a tendance à restreindre voire supprimer depuis cinq ans) est bien souvent aveugle et sourde à la détresse de ses citoyens. Certaines situations décrites dans ce livre sont ubuesques et ne devraient pas exister.
Ce fut donc une très belle lecture que celle-ci. La plume d’Axel Sénéquier fait une fois de plus merveille (j’avais adoré son recueil Le bruit du rêve contre la vitre paru chez Quadrature en mai 2021). Son regard et son approche sont louables et soulignent l’importance de la science et du soutien indéfectible que les État devraient lui apporter. Sensible, complet, voila un ouvrage à lire et qui malgré un sujet difficile apporte beaucoup à son lecteur et provoque une poussée d’espoir non négligeable en ces temps détestables.
"Le Prince de la brume" de Carlos Ruiz Zafon
L’histoire : 1943, Angleterre. Pour fuir la guerre, la famille Carver s'installe dans un village perdu sur la côte. Mais, à peine franchie la porte de la maison, des événements étranges se produisent...
Avec leur nouvel ami Roland, Alicia et Max Carver vont peu à peu percer les secrets de la vieille demeure et apprendre l'existence d'un certain Caïn, surnommé le Prince de la Brume. Un personnage diabolique revenu s'acquitter d'une dette très ancienne...
Voilà les trois enfants lancés à la découverte d'épaves mystérieuses, de statuettes enchantées, de gamins ensorcelés... Une aventure extraordinaire qui changera leur vie à jamais.
La critique de Mr K : Chronique d’un beau cadeau d’anniversaire offert par ma douce aujourd’hui avec le premier tome de la trilogie jeunesse écrite par Carlos Ruiz Zafon, un de mes auteurs favoris. Le Prince de la brume est un beau conte noir qui oscille entre policier, fantastique et récit initiatique. Il ne m’a fallu guère plus qu’une journée pour le dévorer et l’apprécier.
L’action se déroule durant la seconde Guerre mondiale. La famille Carver, sous l’impulsion du père, déménage de la ville pour s’installer dans une cité de bord de mer pour échapper au conflit, les villes étant des cibles privilégiées. Du jour au lendemain, les voila partis. Ils emménagent dans une vieille maison donnant sur la mer, le père a déjà des pistes pour poursuivre son activité d’horloger. Les enfants découvrent les lieux. Très vite, un mystère semble planer sur cette maison dont l’Histoire a été marquée par un drame : la mort tragique par noyade du fils unique de la famille qui habitait précédemment là.
Max découvre ainsi à proximité un étrange jardin funéraire peuplé de statues de pierres qui changent de position au fil du temps qui passe. Un chat énigmatique s’attache dès leur arrivée à sa jeune sœur Alicia et Irina (l’aînée) traverse ce qui ressemble à une crise d’adolescence larvée. Ils font vite la connaissance de Roland, le petit-fils du gardien de phare de la localité qui cache un lourd secret qui serait lié à l’épave reposant dans la baie et qu’ils vont explorer lors de plongées dans les premiers après-midi qui suivent leur installation. Les choses vont s’accélérer suite à un accident plongeant Alicia dans le coma. Les parents restent à son chevet et les événements vont se précipiter.
Ce roman jeunesse s’attarde beaucoup sur les enfants et leur ressenti. On suit plus particulièrement Max, plutôt effacé et rêveur, il aime lire et observer. On s’attache très vite à lui et à sa petite famille. Il y a de la bienveillance et de la douceur dans ce foyer qui ne sera par épargné par les épreuves. Tous vont être confrontés à quelque chose qui les dépasse, quelque chose de terrifiant lié à une malédiction que le temps n’a pas fait disparaître. La tension monte vite, les esprits s’échauffent parfois, doivent se confronter à l’inconnu. Les liens vont se raffermir et l’enquête nécessaire va prendre de l’ampleur. Les révélations vont bientôt pleuvoir et mettre en lumière un pacte délétère dont les conséquences se font encore sentir.
La finesse psychologique donne lieu à une métaphore filée sur l’enfance, l’adolescence, la parentalité. La famille est au cœur d’un récit qui nous procure des émotions fortes, on est bien souvent touché en plein cœur et le roman remue bien les tripes. Zafon connaît son métier et une fois de plus distille une ambiance bien particulière, diffuse entre poésie et ambiance gothique qui marque le lecteur en profondeur. Les descriptions de la brume, des tempêtes successives qui s’abattent sur le village créent un climat idéal pour l’apparition du fantastique.
Cet aspect est très bien emmené d’ailleurs, plutôt diffus au départ, il explose à partir de la deuxième partie de l’histoire qui prend une toute autre dimension. Une fois le danger identifié, il se déchaîne et ne laissera personne indemne. Remarquablement écrit comme d’habitude avec cet auteur, l’histoire regorge de références, de zones d’ombres et favorise l’imagination du lecteur prisonnier de ces pages. On ressort heureux et comblé avec l’envie irrépressible de lire les deux tomes suivants dont je vous parlerai un peu plus tard... car Nelfe a bien fait les choses et les deux autres volumes faisaient aussi partie du cadeau !
Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé:
- L'Ombre du vent
- Le Jeu de l'ange
- Marina
- Le Prisonnier du ciel
"Rampants des villes" de Léo Betti
L’histoire : Bonjour,
Écriture juste. Juste l’écriture. Sèche. Brute. Logorrhée libre, tendue, inéluctable. Poignante. Sombre. Une poigne qui vous happe.
Juste dans l’observation sociale. Une dureté, une violence dans la description du monde et des gens qui fait du bien à lire. Un rythme, une musicalité qui coupent le souffle.
Écriture juste, dense. Juste dense. Écriture hypnotique. Pas d’artifice mais du feu. Pas de truc. Aride pour dire le mal-être. Une introspection sans fard. Pensées en boucle. On pourrait presque supprimer les points.
"Le dedans c’est à soi. Rien qu’à soi. Ça ne regarde personne le dedans. Dans les livres si peut-être, mais pas dans les toilettes."
L’émotion vient des mots jetés. Un déversoir à pensées. Ne pas s’arrêter pour ne pas penser qu’on n’a rien à penser. "Seulement un vide à raconter. Rien d’autre." L’emprise est là, poignante. Sans même être évoquée.
Voilà.
(Lettre à Léo Betti suite à l’envoi de son manuscrit)
La critique de Mr K : Je vais vous présenter aujourd’hui une lecture à part, un roman qui marque au fer rouge, une œuvre à la fois jubilatoire et effrayante, un ouvrage qu’on ne peut pas oublier et qui ne laissera personne indifférent si l'on tente l’aventure. Rampants des villes de Léo Betti est un brûlot incandescent qui met un sacré uppercut à la littérature proprette ou bien pensante en racontant l’introspection d’un antihéros pour le moins torturé.
Le narrateur n’est pas des plus attirants au premier abord. 21 ans et déjà aigri et cynique, il porte sur le monde un regard noir et plein de reproches. Tout y passe et rien ne semble trouver grâce à ses yeux : l’autorité qu’elle soit parentale, scolaire ou étatique, les mœurs de ses contemporains qu’ils trouvent pour la plupart inintéressants ou risibles. C’est un solitaire qui remet systématiquement en cause l’ordre établi et la morale élémentaire partagée par le plus grand nombre. On se doute bien que cela cache quelque chose, un mal-être, une mélancolie qui se mue en colère et haine viscérale.
Décidé à briser l’étreinte familiale qu’il trouve étouffante, il part dans une formation pour adulte à l’autre bout de la France : Bézier. Son cursus l’indiffère, il vit reclus dans le logement dédié aux apprenants, s’ennuyant ferme et buvant beaucoup (vraiment beaucoup). Tout bascule quand il rencontre X qui de suite le fascine et va l’entraîner dans son sillage. Autant X est beau, fort en gueule, grand séducteur (il est très fier de ses conquêtes, de ses plans culs et de son membre viril) autant le narrateur se ressent comme insignifiant : roux, blanc comme un cachet d’aspirine, d’un physique quelconque et totalement fauché. Rien ne semble au départ rapprocher ces deux là et pourtant l’alchimie semble fonctionner. X exerce un pouvoir de fascination déroutant et devient son ami, du moins le croit-il...
Car au fil du récit, des soirées arrosées et autres plaisir artificiels (de sacrées descriptions de virées bien barrées), les rapports se tendent : attirance / répulsion, communions spirituelles et violentes altercations se succèdent bientôt. Le narrateur poursuit son introspection mais les repères se brouillent, la métaphysique de soi ressort et l’acte final révélera bien des choses dans une explosion de violence assez foudroyante. J’en ai d’ailleurs été totalement retourné. Je ne suis pas une petite nature, j’ai l’habitude de lire et de voir des choses dérangeantes, borderlines (j’avoue j’adore ça) mais ici on touche au sublime dans la noirceur. On ne peut s’empêcher de penser à une chrysalide qui éveille un nouveau moi, une affirmation qui ne va pas sans nous entraîner dans les méandres de la folie.
Le glissement se fait petit à petit au gré d’une écriture incroyable et trop rarement mise en avant dans la littérature. Léo Betti navigue dans le milieu théâtral et ça se sent. On retrouve une vivacité dans le style, une immédiateté qui se joue des règles de grammaire, de la norme narrative et de la construction du récit. On est ici dans du but de décoffrage, des mots jetés à la suite, sans ordre apparent, du moins le pense-t-on au départ. Ça claque, ça s’entrechoque, ça touche juste et l’on sourit, on s’émeut, on est parfois dégoûté mais on reste toujours emprisonné dans les rets d’une écriture tout en subtilité et en sensation. Moi qui aime être surpris, dérangé dans mes certitudes, ça m’a drôlement plu et à l’heure de refermer l’ouvrage je me suis dit que j’avais lu tout simplement une grande œuvre.
Thrash, poétique, sensible, Rampants des villes c'est un peu tout ça à la fois et tellement plus... Un gros coup cœur que je vous invite à découvrir à votre tour tout en sachant qu’on en ressort fortement ébranlé et totalement conquis pour ma part.
"Islande" de Feifei Cui Paoluzzo et Thierry Stegmüller
Le contenu : Je suis arrivée par hasard ; Je m'y perds, je m'y retrouve ; Mais j'y reviens toujours ; Cette envie puissante de conserver ces moments magiques. Je les ai capturés avec mon objectif ; Pour vous, pour moi. Feifei Cui.
Islande. Ce mot est déjà une aventure en soi. Alors, lorsque ce mot est de surcroît mis en lumière par le regard pointu et sensible de Feifei Cui Paoluzzo, on est emporté dans un périple inédit. En effet, dans ses images, la photographe transpose et transmue la matière organique insulaire en lumière étincelante.
En plongeant dans ses images, l'on devient non plus seulement spectateur, mais témoin du lieu. Celui-ci prend vie et raconte alors une histoire. Forcément une histoire constellée de geysers, de roches volcaniques, de pluies diluviennes sur des montagnes ocre. Pour peu, on devine en arrière-plan les esprits vikings, les trolls figés dans le temps et les elfes qui rôdent, prêts à vous accueillir dans des abris de fortune.
Les scories, fragments de lave rouges ou noirs, hérissées d'arêtes et de pointes offrent un spectacle de début originel d'avant humanité. Les coulées de lave pétrifiée, mortifère, semblent porter tout le malheur du monde et pourtant elles invitent à la contemplation. Éboulis et aurores se marient et confondent ciel et terre.
Bienvenue en Islande, terre de feu et de glace !
La critique de Mr K: Chronique atypique aujourd’hui puisqu'il s’agit d’un ouvrage documentaire, un recueil photographique sur l’Islande, un pays qui me fascine depuis toujours et une destination rêvée qu’il faudra bien que je découvre un jour. Islande est donc un beau livre compilant des photos de la photographe Feifei Cui Paoluzzo avec en ajout des textes fort inspirés de Thierry Stegmüller. Le dépaysement est assuré. Quel bel objet que ce recueil qui se feuillette avec un plaisir renouvelé ! Moi le fan le Björk et Sigur Ros, je me suis retrouvé plongé dans ce pays de contraste d’une beauté éternelle, pure et puissante à la fois.
Les paysages défilent, décollent les mirettes et proposent un voyage instantané. Certes, c’est sans doute bien en deçà des impressions qu’on peut avoir en allant sur place mais cela donne tout de même un bel aperçu. Volcans, fjords, glaciers, rivières, végétations rases, faunes locales (phoques, macareux, chevaux sauvages, baleines à bosse), couleurs changeantes, temps chargé mais révélant des scènes absolument dantesques parfois, l’expérience est terrible. Terre préservée (pour le moment), peuplée de 330 000 islandais, on se plaît à s’imaginer perdu au milieu de nulle part, respirant un air pur et quêtant la présence des elfes auxquels croient plus de 50% des islandais.
On alterne aussi avec des clichés mettant en avant l’adaptation de l’homme à son milieu avec de très beaux clichés sur la côte, la pêche, les phares mais aussi les maisons, églises diverses, véhicules et les habitudes islandaises bien ancrées comme les spa en plein air, des scènes de la vie quotidienne d’enfants jouant ou encore de troupeaux d’ovins en quasi liberté. Les clichés sont superbes, le travail remarquable et là aussi on reste scotché face à ce que l’on voit.
Organisé autour des quatre points cardinaux et du centre du pays, Thierry Stegmüller plaque quelques textes où il parle du travail de la photographe, revient sur ses propres impressions sur l’Islande (un pays qu’il a parcouru à de multiples reprises), donne des conseils de voyage, nous en apprend plus sur les Islandais et leur île. Ces textes sont très bien écrits, volontiers poétiques par moment et totalement pétris d’admiration et d'amour pour l’Islande. Cela ne fait que renforcer mon attirance, mon envie de découvrir à mon tour cette terre sauvage où l’homme n’utilise que ce qu’il a besoin et semble éloigné des troubles / vices que nous pouvons connaître dans nos régions. À noter, le très joli poème en vers libres de Feifei Cui paoluzzo en introduction qui donne le ton et capte d’entrée le lecteur.
Difficile d’en dire plus, cet ouvrage est magnifique et comblera les amoureux de l’Islande, ouvrant une fenêtre sur une terre indomptée et séduisante. Les reproductions photographiques sont de toute beauté et on se laisse emporter sans s’en rendre compte. Un ouvrage que je vous conseille énormément et dans lequel je me replongerai régulièrement pour prendre ma dose de merveilles et de zénitude. Ça fait du bien par les temps qui courent !
"Comme un homme" de Florence Hinckel
L’histoire: Il était parti dès qu'il avait su, mû par un instinct animal. Juste pour se protéger du froid, juste pour saisir la carabine de chasse au passage, et juste une pensée en tête : Je vais le tuer.
La critique de Mr K : Nouvelle lecture rapide empruntée au CDI avec Comme un homme de Florence Hinckel, un court texte de 62 pages immersif au possible et diablement bien tourné.
Ethan marche dans la neige en pleine forêt à la montagne. Armé de sa carabine, il monte vers un refuge où il va tuer un homme. Qui est-il ? Pourquoi cette soif de tuer ? Les souvenirs affluent durant l’ascension, des moments qui ressurgissent dans l’esprit à vif d’un jeune homme outré par une révélation que lui a fait sa mère. Un cheminement intérieur s’amorce, allant de sensations diffuses à de vraie révélations, la fin conclura de fort belle manière ce mini-parcours initiatique.
Les amateurs de l’implicite vont être servi. Le secret de famille qui est à la source de tout n’est jamais vraiment énoncé, on le devine. Par des réactions, des doutes, des silences aussi. Le fait qu’il soit caché ne lui donne que plus de poids et renforce l’empathie que l’on a pour Ethan et sa mère. Le gamin a de la ressource, du potentiel mais il est aussi impulsif et profondément remué au moment de monter vers son destin. C’est très bien rendu, plein de nuance voire poétique quand on met cela en parallèle avec les descriptions de la nature et l’étrange rencontre que le jeune homme fait à mi-chemin.
Les allers-retours passé / présent renforcent un climax tendu, éclaire peu à peu les zones d’ombre par de légères touches où chaque mot est pesé. Les chapitres sont parfois raccourcis au maximum (trois à quatre lignes par moment), imprimant un rythme irrégulier qui concourt à imprimer une instabilité durable dans l’esprit du lecteur. Enveloppé par des pages toutes plus attirantes et hypnotiques, les vingt minutes que nécessitent la lecture de cet ouvrage vont crescendo dans l’intensité et l’on referme l’ouvrage bouleversé.
Beau récit, âpre et pourtant plein d'espoir au final, Comme un homme est une petite merveille d’ingéniosité et d’humanité. À faire découvrir à de jeunes lecteurs que la lecture rebute mais les autres peuvent s'y coller aussi !
"Murmurer le nom des disparus" de Rohan Wilson
L’histoire : Launceston, 1874. Vétéran de la guerre qui a opposé les colons britanniques aux aborigènes de Tasmanie, Thomas Toosey est prêt à tout pour retrouver son fils William qu'il a abandonné quelques années plus tôt. Mais Thomas est recherché par deux Irlandais, Fitheal Flynn et son acolyte car il a une dette à payer et son fils est le seul à pouvoir lui permettre de racheter ses erreurs du passé.
La critique de Mr K : Sacrée claque que ce roman sorti en fin d’année chez Albin Michel. Deuxième roman d’un auteur australien très prometteur, Murmurer le nom des disparus (quel titre déjà !) de Rohan Wilson est d’un noir profond. Personnages et lecteurs ne sortent pas indemnes de ce récit enlevé, très touchant, baigné dans un contexte chaotique. J’ai adoré cette lecture qui s’est révélée aussi addictive que profonde et éprouvante. Suivez le guide !
Thomas Toosey n’est pas vraiment ce qu’on peut appeler une belle personne. Dès le départ, on sent bien que son passé, qu’il se plaît à écorner, transformer n’est pas folichon. L’action démarre alors qu’il part retrouver son fils qu’il a plus ou moins abandonné avec sa mère pour d’obscures raisons quelques années auparavant. On apprend vite que deux individus sont à ses trousses, un vieil irlandais un peu frappé, mu par un désir de vengeance impitoyable et son acolyte, un être masqué qui dégage une impression de mystère. Le roman commence dare dare, pas de temps d’exposition, nous sommes tout de suite plongés dans l’ambiance.
Murmurer le nom des disparus se caractérise en effet par une tension permanente qui prend à la gorge et nourrit un suspens de tous les instants. D’autres personnages rentrent ensuite dans cette sarabande de destins cassés par la vie, nourrissant le récit, le densifiant et accentuant un malaise qui va grandissant. L’auteur cultive les zones d’ombre, les fait s’entrechoquer, se compléter pour peu à peu révéler des vérités souvent dures mais logiques dans le contexte d’une époque difficile. Vie quotidienne rude, pauvreté extrême, vies contrariées ou gâchées font que les êtres présentés ici sont définitivement abîmés et tentent de s’en sortir par tous les moyens, ce qui les rend profondément humains et parfois bien flippants. Les frontières entre le Bien et le Mal sont ici très poreuses, le développement du récit le prouve à de nombreuses occasions et donne à côtoyer des personnages complexes, surprenants, déstabilisant le lecteur et remettant en cause bien des jugements et hypothèses.
L’Australie du XIXème siècle (plus précisément dans cet ouvrage, l’île méridionale de Tasmanie) est remarquablement évoquée. Terre de déportation, on y trouve beaucoup d’individus peu recommandables ou seulement égarés qui cherchent à refaire leur vie, à sortir d’un destin qui ne les a pas toujours épargnés. La tension est palpable notamment dans le rapport que les populations entretiennent avec l’autorité (les flics ne sont déjà pas commodes à l’époque), la couronne anglaise qui possède encore ces terres-ci à l’époque. Dans la deuxième partie, la colère et le ressentiment général envers l’impôt des chemins de fer notamment vont exploser et livrer la ville aux émeutiers dans un déluge de violence où les esprits vont se lâcher. C’est évidemment au milieu de ce maelström que l’étau semble se resserrer autour de Thomas qui à mesure qu’il se rapproche de son fils William va voir ses deux poursuivants se rapprocher, les ennuis s’accumuler, le tout menant à un dernier acte vraiment effroyable dans ce qu’il implique.
Superbement écrit, maîtrisé d’une main de maître de bout en bout, évoquant l’humanité avec nuance et beaucoup de talent, voici un ouvrage absolument génial que je vous invite à découvrir au plus vite. Pas sûr que je m’en remette de sitôt.
"Même pas mal" de Brice Gautier
L’histoire : Un mari toxique, une grossesse non désirée, l’amour qui s’en va, la perte d’êtres chers, un corps malade qui n’obéit plus, chaque personnage de ce recueil doit faire face à la souffrance. Certains l’apprivoiseront comme un animal sauvage, d’autres la retourneront à leur avantage, tous parviendront d’une manière ou d’une autre à l’empêcher d’envahir leur existence.
La critique de Mr K : Chronique de ma dernière lecture de nouvelles en 2021 avec un autre recueil de chez Quadrature, Même pas mal de Brice Gautier. Douze textes, pour douze destins liés à la notion de souffrance qu’elle soit physique et mentale. Malgré un fil directeur qui n’inspire pas la joie, cette lecture est loin d’être plombante. Au contraire, elle recèle beaucoup de morceaux d’espoir et se révèle être source d’émotions multiples.
Les protagonistes de chacune des nouvelles ont donc en commun que la vie ne leur fait pas de cadeaux, qu’à un moment donné ou sur le long terme, l’existence s’est révélée être une garce et qu’il a fallu qu’ils composent avec. Le champ couvert est immense et aborde nombre de difficultés que chacun d’entre nous peut ou pourra rencontrer lui-même : le deuil d’un proche, le divorce et la nécessité de s’en remettre par quelque moyen que ce soit, la tromperie et le jeu de dupe qui peut en découler, le handicap et le changement de perception, des vérités anciennes qui ressurgissent et bouleversent le présent et les certitudes établies, la maladie qui corrompt le corps et l’esprit, les violences conjugales et leur impact psychologique, le désir d’enfant et ses contradictions ou encore le machisme ambiant qui castre un homme plus sensible que ce que les codes sociaux conçoivent.
Chacune de ces nouvelles est un enchantement, une évocation fine et juste de l’humanité dans sa fragilité, sa souffrance mais aussi ses capacités à rebondir, à se créer une parenthèse dorée lorsque le quotidien peut devenir insupportable. L’auteur excelle à détourner les attendus du lecteur qui s’imagine bien des choses, semble suivre des pistes toutes tracées mais nous nous trompons à chaque hypothèse car Brice Gautier déborde d’imagination et propose des chutes surprenantes à souhait. À noter que l’auteur a un don certain dans la caractérisation des personnages, notamment des femmes, ce qui donne lieu à de magnifiques portraits de personnes en déroute ou déboussolées mais qui à chaque fois réussiront à s’en sortir d’une façon ou d’une autre. Et pas toujours de façon très académique ou morale...
L’écriture subtile et exigeante reste accessible à chaque texte, propose des vies décrites avec sensibilité, délicatesse mais avec parfois un soupçon de dérision, d’humour qui relève l’ensemble. On prend donc un grand plaisir dans cette lecture qui propose à la fois des histoires d’une banalité confondante mais à la teneur profonde qui éclairent nos vies et nos possibles réactions. Un recueil à ne pas louper si vous êtes amateur du genre.
"La Piscine était vide" de Gilles Abier
L’histoire : J’ai envie de crier, de crier et de pleurer. De pleurer de joie. Mais je ne peux pas. Entre mes larmes, je vais sourire. Et sa mère est là qui me regarde. Ses yeux ne m’ont pas quittée de tout le procès. (…) J’ai seize ans et j’étais accusée d’avoir tué Alex. Son fils. Mon mec.
Le bonheur et la honte après l'annonce de l'acquittement. Mais pour Célia, c'est de sa vie qu'il s'agit. Une vie sans Alex, et pourtant une vie à vivre.
La critique de Mr K : Petite lecture sympathique à défaut d’être transcendante aujourd’hui au programme de la chronique du jour au Capharnaüm éclairé. La Piscine était vide de Gilles Abier fait partie de la collection D’une seule voix de chez Actes sud junior, une série de livres que je découvre depuis plusieurs semaines via mes emprunts au CDI de mon établissement. D’une lecture aisée et rapide (25 min à peine pour moi), dans ce titre, on suit le long monologue d’une jeune fille qui vient d’être acquittée du meurtre de son copain. Partagée entre soulagement et tristesse, elle se livre sans filtre sur une soixantaine de pages.
Très vite, elle revient sur leur rencontre improbable, le coup de foudre qui s’ensuit et le début de leur relation. Classique et efficace, la partie romance fait sourire l’adulte que je suis. À travers ces mots bruts, lâchés tels quels sur ces pages, on entrevoit cette passion soudaine et la puissance qui l’accompagne. Au passage, la jeune fille dessine un portrait cru d’elle-même, fashion victime qui souhaiterait plus tard travailler dans la mode. Cela ne plaît pas à tout le monde, notamment la maman de son mec qui la voit comme une coquille vide indigne d’intérêt.
La narratrice-héroïne revient aussi plus précisément sur la fameuse journée où son copain meurt stupidement en tombant dans la piscine qui donne son nom à l’ouvrage. Par petites touches, au fil du livre, elle apporte des éclairages différents, des détails qui permettent au lecteur de se faire une idée plus précise des faits et la chute (sans mauvais jeu de mot -sic-) viendra cueillir les moins expérimentés des lecteurs, beaucoup moins les autres... Pistes et fausses pistes sont employées de manière conventionnelles mais efficace, sans plus je dirais...
Les personnages par contre sont bien caractérisés, en peu de mots et de pages, on a tout de même affaire à des êtres de chair et de sang qui poursuivent leurs buts respectifs et se révèlent crédibles (mention spéciale à la mère éplorée). Certes ce n’est pas original mais c’est relativement fin et l’ensemble est assez dense. Reste qu’au final, quand on a refermé ce livre, on a l’impression d‘avoir lu un récit certes vif mais un peu creux, commun. À voix haute devant un auditoire, il prendra sans doute plus de densité...