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Le Capharnaüm Éclairé
28 janvier 2022

"Les Temps ultramodernes" de Laurent Genefort

genefort

L’histoire : En 1895, d'énormes gisements de cavorite, un métal capable d'annuler la gravité, sont découverts. C'est le début d'une conquête massive des airs et de l'espace. Des paquebots volants relient les capitales ou voguent jusqu'à une Mars colonisée. Mais vingt-cinq ans plus tard, les réserves s'amenuisent et les empires occidentaux luttent pour récupérer les dernières miettes du précieux métal.

La critique de Mr K : Laurent Genefort frappe fort en ce début d’année 2022 avec sa dernière œuvre Les Temps ultramodernes. Cette uchronie se lit d’une traite et avec un plaisir de lire intense. Davantage engagé je trouve que les œuvres précédentes que j’ai pu lire de lui, on passe un excellent moment entre aventure, enquête et réflexion, l’uchronie n’étant finalement qu’un prétexte pour explorer les maux de l’humanité. Tout rapprochement avec notre époque ou un passé proche n’est évidemment pas fortuit...

L’œuvre débute sous la forme d’un roman chorale. On croise différents personnages que rien ne semble relier entre eux car ils ne se connaissent pas et évoluent dans des milieux totalement différents. Il y a Renée, une jeune institutrice montée sur la capitale pour obtenir une place et qui va faire une rencontre qui va changer sa vie : un martien en fuite ! Elle décide de s’en occuper malgré les risques qu’elle encoure. George est un jeune artiste à la vie bohème qui va s’acoquiner avec un groupe anarchiste sur le point de mener une opération cruciale pour la Cause. Maurice est un flic proche de la retraite qui enquête sur un mystérieux trafic dont les ramifications vont se révéler nombreuses et dangereuses. Marthe l’accompagne, c’est une scientifique-journaliste spécialiste de la cavorite qui va essayer de mettre à jour les tenants et aboutissants d’un projet aussi secret que délétère. Et puis, il y a René, médecin de formation qui a commis des atrocités par le passé et à qui on fait appel pour une tâche obscure sur la planète Mars...

L’auteur prend le temps de poser son intrigue et d’éclairer la nature et la personnalité de ses personnages. Les chapitres courts s’enchaînent tout seuls et les trames s’épaississent, les personnalités se dévoilent et des croisements s’opèrent. Les avancées des uns et des autres remuent des vérités parfois inavouables, des combines et des systèmes qui les dépassent et vont bientôt les menacer directement. Certains n’en sortiront pas indemnes, d’autres vont devoir jouer leur va-tout en prenant tous les risques. Le suspens devient assez vite insoutenable et l’on n'est pas déçu par le développement de la trame.

Dans ce monde des années 20, une découverte scientifique a bouleversé la donne. Ce métal aux propriétés extraordinaire a fait basculer la ligne temporelle classique (spéciale dédicace au docteur Emmett Brown -sic-). Voitures, trams et paquebots volent, les voyages interplanétaires sont possibles, Mars a été colonisée et certains événements n’ont pas eu lieu ou ont été modifiés. C’est jubilatoire de se laisser porter par l’auteur qui s’amuse énormément à transformer l’Histoire, la manipuler et en même temps rendre l’ensemble crédible. Il en faut du talent pour réaliser une bonne uchronie et Genefort fait partie de ces auteurs qui maîtrisent à a la fois la matière de base et propose un récit à suspens cousu de finesse et d’une imagination folle.

Et puis, cet ouvrage est aussi un livre profondément engagé qui assène des vérités et des réalités universelles et malheureusement encore pour certaines contemporaines. Œuvre féministe à sa manière, les deux héroïnes doivent se battre contre les préjugés et les interdits liés à leur sexe (prédominance du mari, déconsidération de leur travail...), elles sont les véritables héroïnes de ce roman et s’avèrent justement croquées sans tomber dans le cliché ou la surenchère. Marthe et Renée, chacune à leur manière portent un message, une espérance, un combat. À travers le personnage d’Ogloor (le martien blessé de la quatrième de couverture), c’est la dénonciation de la colonisation, de ses abus qu’aborde un Genefort inspiré et là encore efficace sans en faire trop. Mars, c’est l’Algérie française ou la conquête de l’ouest par les immigrants européens en Amérique. Cela réserve des pages parfois très rudes à lire mais qui font écho à l’inhumanité dont nous sommes encore parfois témoins. En fond, on devine aussi très vite une machination basée sur l’avidité, la quête de pouvoir et de domination qui mêlent des personnes influentes qui se croient tout permis et n’hésitent pas à aller loin dans les mesures qu’ils prennent pour asseoir leur volonté.

On passe donc par tous les états durant cette lecture au gré d’une écriture limpide et puissante. L’addiction est immédiate, l’auteur nous mène par le bout du nez et propose au final un ouvrage assez génial dans son genre qui ravira les amateurs et mêmes les autres, tant cette uchronie se révèle accessible et parlante. A ne pas rater !

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