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Le Capharnaüm Éclairé
15 janvier 2022

"Murmurer le nom des disparus" de Rohan Wilson

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L’histoire : Launceston, 1874. Vétéran de la guerre qui a opposé les colons britanniques aux aborigènes de Tasmanie, Thomas Toosey est prêt à tout pour retrouver son fils William qu'il a abandonné quelques années plus tôt. Mais Thomas est recherché par deux Irlandais, Fitheal Flynn et son acolyte car il a une dette à payer et son fils est le seul à pouvoir lui permettre de racheter ses erreurs du passé.

La critique de Mr K : Sacrée claque que ce roman sorti en fin d’année chez Albin Michel. Deuxième roman d’un auteur australien très prometteur, Murmurer le nom des disparus (quel titre déjà !) de Rohan Wilson est d’un noir profond. Personnages et lecteurs ne sortent pas indemnes de ce récit enlevé, très touchant, baigné dans un contexte chaotique. J’ai adoré cette lecture qui s’est révélée aussi addictive que profonde et éprouvante. Suivez le guide !

Thomas Toosey n’est pas vraiment ce qu’on peut appeler une belle personne. Dès le départ, on sent bien que son passé, qu’il se plaît à écorner, transformer n’est pas folichon. L’action démarre alors qu’il part retrouver son fils qu’il a plus ou moins abandonné avec sa mère pour d’obscures raisons quelques années auparavant. On apprend vite que deux individus sont à ses trousses, un vieil irlandais un peu frappé, mu par un désir de vengeance impitoyable et son acolyte, un être masqué qui dégage une impression de mystère. Le roman commence dare dare, pas de temps d’exposition, nous sommes tout de suite plongés dans l’ambiance.

Murmurer le nom des disparus se caractérise en effet par une tension permanente qui prend à la gorge et nourrit un suspens de tous les instants. D’autres personnages rentrent ensuite dans cette sarabande de destins cassés par la vie, nourrissant le récit, le densifiant et accentuant un malaise qui va grandissant. L’auteur cultive les zones d’ombre, les fait s’entrechoquer, se compléter pour peu à peu révéler des vérités souvent dures mais logiques dans le contexte d’une époque difficile. Vie quotidienne rude, pauvreté extrême, vies contrariées ou gâchées font que les êtres présentés ici sont définitivement abîmés et tentent de s’en sortir par tous les moyens, ce qui les rend profondément humains et parfois bien flippants. Les frontières entre le Bien et le Mal sont ici très poreuses, le développement du récit le prouve à de nombreuses occasions et donne à côtoyer des personnages complexes, surprenants, déstabilisant le lecteur et remettant en cause bien des jugements et hypothèses.

L’Australie du XIXème siècle (plus précisément dans cet ouvrage, l’île méridionale de Tasmanie) est remarquablement évoquée. Terre de déportation, on y trouve beaucoup d’individus peu recommandables ou seulement égarés qui cherchent à refaire leur vie, à sortir d’un destin qui ne les a pas toujours épargnés. La tension est palpable notamment dans le rapport que les populations entretiennent avec l’autorité (les flics ne sont déjà pas commodes à l’époque), la couronne anglaise qui possède encore ces terres-ci à l’époque. Dans la deuxième partie, la colère et le ressentiment général envers l’impôt des chemins de fer notamment vont exploser et livrer la ville aux émeutiers dans un déluge de violence où les esprits vont se lâcher. C’est évidemment au milieu de ce maelström que l’étau semble se resserrer autour de Thomas qui à mesure qu’il se rapproche de son fils William va voir ses deux poursuivants se rapprocher, les ennuis s’accumuler, le tout menant à un dernier acte vraiment effroyable dans ce qu’il implique.

Superbement écrit, maîtrisé d’une main de maître de bout en bout, évoquant l’humanité avec nuance et beaucoup de talent, voici un ouvrage absolument génial que je vous invite à découvrir au plus vite. Pas sûr que je m’en remette de sitôt.

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