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Le Capharnaüm Éclairé
26 décembre 2021

"Une fille de ...'' de Jo Witek

jowitek

L’histoire : Courir pour me sentir unique sur terre. Courir pour exister. Me forger un moral de championne, un corps solide, musclé, entraîné. Un corps qu'on ne piétine pas. Qu'on n'avilit pas. Courir pour que mon corps n'appartienne qu'à moi. Que mes désirs n'appartiennent qu'à moi. Courir pour marcher librement sans me souder du regard des autres, et surtout pas de celui des hommes. Tel était mon salut.

Le long de la ligne verte, Hanna avale les kilomètres de chemin quatre fois par semaine. Dans ces moments de solitude, elle se sent libre, forte, protégée du regard des autres. Hanna est la fille d'Olga, prostituée ukrainienne. Ailleurs, en ville comme en cours, c'est plus difficile. Par amour pour sa mère, elle décide un jour de ne plus avoir honte. De relever la tête et de raconter son histoire, au rythme de ses foulées.

La critique de Mr K : Dans le cadre du travail, avec la professeur documentaliste de l’établissement, nous allons instaurer des heures de lecture à voix haute pour travailler l’appétence envers les livres et développer l’empathie. En effet, la nouvelle génération peut parfois se révéler complètement apathique et zombifiée par les écrans... La collection D’une seule voix de chez Actes sud Junior propose une série de titres aux thématiques intéressantes qui s’adressent directement à nos adolescents et le CDI s’est porté acquéreur de toute la série. J’avais beaucoup aimé Un clandestin au Paradis de Vincent Karle chroniqué il y a quelques temps. J’ai emprunté quelques titres supplémentaires pour mon mois de décembre et Une fille de… de Jo Witek m’a littéralement embarqué et convaincu.

L’insulte éponyme est monnaie courante dans les classes, en dehors et même sur les réseaux sociaux. L’auteure s’intéresse ici à une jeune fille dont la mère ukrainienne est prostituée, l’idée est très intéressante et fera écho sans nul doute chez nos jeunes. Hanna dans un long monologue où se croisent des époques de sa vie (de quatre ans à seize ans) nous parle d’elle, de sa mère et des retentissements que cela peut avoir. De la première révélation sous forme de sensations diffuses lors d’une visite dans un magasin aux confrontations avec ses pairs, elle nous parle de sa prise de conscience, de ses souffrances et finalement de son acceptation.

Il y a beaucoup d’amour dans cet ouvrage, celui inconditionnel d’une mère envers sa fille et vice et versa. Les mots sont pudiques, plein de sous entendus et les scènes égrainées d’une force rare. La découverte se fait petit à petit avec des sensations, des sentiments contradictoires et un parcours intime disséqué avec tendresse et justesse. Les tourments de l’adolescence sont notamment décrits avec un réalisme et une authenticité vertigineux. Certains passages d’ailleurs nous renvoient à notre propre jeunesse. Jo Witek est fine psychologue et par son don pour l’écriture renvoie une image vraie et salvatrice de cet âge si difficile mais aussi plein de promesses.

Au fil des épreuves qu’elle traverse, Hanna va se construire, développer la personnalité d’adulte qui sera sienne. Pour ne pas sombrer, se reprendre et aller de l’avant, elle se met à courir. La métaphore filée est belle, pleine de sens et en s’amplifiant prend une dimension métaphysique. La vie n’est pas un long fleuve tranquille, le boulet qu’elle semble traîner et la perturbe va se transformer peu à peu en quelque chose d’autre. Le rapport à sa mère, aux autres, aux garçons changent, elle va apprendre le détachement et toucher du doigt l’épanouissement personnel.

L’ouvrage est beau, se lit d’une traite et s’adresse à tous dans un langage simple mais plein de nuances. Belle claque que cette lecture que je ne peux que vous conseiller et que je testerai donc auprès de mes jeunes pousses dans un avenir proche.

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