mardi 30 novembre 2021

"Poule Rousse" d'Etienne Morel et Lida

Un album délicieusement vintage aujourd'hui pour les amoureux d'illustrations anciennes. Voici une édition restaurée d'un album classique best-seller que l'on a plaisir à feuilleter.

Poule rousse 1

L'histoire : Renard a bien envie de manger la Poule Rousse si grasouillette.
C'est sans compter l'astuce de Tourterelle, qui a plus d'un tour dans son sac...
Renard rentrera bredouille chez lui et les deux amies seront sauvées.
L'union fait la force !

La critique Nelfesque : "Poule Rousse" a la saveur des albums jeunesse d'antan. En le feuilletant, on revoit nos grand-mères qui nous racontaient des classiques autour de la table de la cuisine en écossant les petits pois. Ça sent bon la soupe qui frémit sur le feu et les longues soirées d'hiver. En parcourant ce livre, c'est toute mon enfance à la campagne qui réapparaît et c'est très appréciable !

"Près du bois, il y a un jardin. Dans ce jardin, il y a une maison : c'est la maison de Poulerousse."

L'histoire est classique. Un renard a des vues sur une poule de son voisinage. Il la verrait bien agrémenter son repas, cuisinée par sa femme, et pour cela échafaude des plans. Malheureusement pour lui, il n'arrivera jamais à ses fins car la poule et son amie la tourterelle ne sont pas nées de la dernière pluie. Avec pour fond la solidarité et des valeurs comme la non-violence ou le "bien mal acquis ne profite jamais", l'histoire va se retourner contre le renard. Pauvre renard qui ne faisait que répondre aux lois de la nature... Mais ça c'est un autre débat...

collage poule rousse

Paru pour la première fois en 1956, "Poule rousse" est un conte populaire qui se transmet de génération en génération et qui se voit ici réédité dans une édition restaurée avec de nouvelles gouaches au plus proche de la version originale, à l'occasion des 90 ans du Père Castor. Avec une belle couverture cartonnée et en grand format, c'est maintenant un ouvrage que l'on conserve soigneusement, qui prend sa place dans nos bibliothèques et que l'on a plaisir à feuilleter avec les enfants à partir de 4 ans.

Alors oui, comme évoqué brièvement plus haut, la morale de l'histoire est vieillotte et autre temps, autres mœurs. En 2021, les femmes ne sont plus cantonnées à leur cuisine depuis déjà de nombreuses années, si la maison n'est pas nickel personne ne s'en offusque et l'idée même d'être une "bonne ménagère" fait dresser les cheveux sur la tête des femmes d'aujourd'hui... Mais il n'en reste pas moins que l'histoire et la technique de dessin utilisée ici sont le reflet d'une époque et que l'on peut tout à fait en discuter avec nos enfants aujourd'hui. Pour qu'ils se délectent des gouaches d'Etienne Morel que je trouve délicieuses et qu'ils prennent toute la mesure de la chance qu'ils ont d'être nés post révolution sexuelle.

"Poule rousse" rappellera à certains leur jeunesse, sera un très bon support de discussions pour d'autres, émerveillera les enfants et nous fera retomber tendrement en enfance. Un conte à mettre sous le sapin !


vendredi 26 novembre 2021

"Oiseau" de Sigbjorn Skaden

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L’histoire : 2048. Heidrun s'adresse à sa fille : en tant que première enfant née sur Home, elle incarne l'avenir des hommes sur cette planète. C'est là que se sont installés les passagers de l'expédition UR après avoir quitté la Terre, à bout de ressources. Mais la vie n'a rien à voir avec celle qu'ils ont connue : le climat est rude, la temporalité différente et aucun son ne parvient à percer le lourd silence qui règne là. Heidrun confie à sa petite le rôle de l'oiseau, celle qui saura les guider tous vers la lumière.

2147. Un siècle plus tard, la poignée d'hommes qui survivent difficilement sur Home rendent tous les jours hommage à leurs ancêtres, les pionniers. Mais un jour, leur quotidien est bouleversé par l'arrivée d'un vaisseau à bord duquel se trouve une équipe venue de la Terre. Tout le monde ne voit pas d'un bon œil cette intrusion : ces étrangers apportent-ils un nouvel espoir ou leur venue signera-t-elle la fin de la petite communauté ?

La critique de Mr K : Chronique d’une très belle lecture aujourd’hui encore avec le dernier né de la collection court de chez Agullo sorti à l’occasion de la rentrée littéraire. Oiseau de Sigbjorn Skaden est un court ouvrage qui emporte littéralement son lecteur et propose une expérience SF différente où l’humain est au centre du récit malgré un background pour le moins futuriste. La nature humaine étant ce qu’elle est, il n’y a pas de raison que les logiques comportementales changent malgré un éloignement de plusieurs millions d’années lumière de notre planète berceau...

L’humanité a essaimé le cosmos, notamment la planète HOME qui semble finalement n’avoir pas tenu ses promesses. La vie est rude et monotone, mais on fait bloc et on mène une existence pacifique autour de rituels et d’activités communes bien rodées. La narration du récit se partage entre deux dates que 100 ans séparent. L’action est lente, l’auteur se concentrant sur la description des rites et du quotidien, l’immersion est totale et l’on se plaît à découvrir les personnages principaux et les rapports qu’ils entretiennent. C’est fin, très touchant et l’on se laisse porter par le doux souffle de l’écriture qui explore parfaitement et tout en subtilité les foyers, les âmes et les rapports humains notamment ceux de la famille proche.

Et puis, tout semble basculer avec l’arrivée d’un vaisseau d’hommes venus de la Terre qui possèdent et semblent développer des technologies supérieures. Que veulent-ils ? Pourquoi sont-ils venus sur cette planète désolée ? C’est la rencontre et les échanges qui vont suivre que l’auteur nous offre d’observer avec détails et réalisme. Forcément l’équilibre décrit précédemment s’en voit bouleversé. Commence la valse des hésitations, des choix à faire, il en va de l’avenir de la colonie. Jusqu’à quel point doit-on se méfier ou faire confiance à de purs inconnus ? L’écrivain nous offre une histoire universelle qui, sous couvert de SF contemplative, incite à la réflexion. Le dénouement puissant est à couper le souffle et il reste longtemps gravé dans la mémoire du lecteur.

Très beau texte qui propose une science-fiction poétique et profondément humaine, cet ouvrage est une petite bombe qui touche en plein cœur et apporte une joie de lecture de tous les instants. Les amateurs ne doivent pas passer à côté !

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mercredi 24 novembre 2021

"Les Quatre vents du désir" d'Ursula Le Guin

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L’histoire:
— Mary Ann, combien avez-vous eu au dernier test ?
Drôle de question en pleine réunion du Gouvernement Mondial !
— 12, répondis-je.
— Merveilleux ! Deux points de moins ! Un jour, nous aurons des gens aptes à détenir le pouvoir. Des gens qui vaudront zéro.
— Mais, professeur, vous n'avez jamais fait moins de 3 !
Il me regarda sans me voir.
— Le traitement sera amélioré, dit-il. Un jour, personne n'aura plus un Ql supérieur à 50.
Je me mis à rire. C'est alors qu'il franchit le bureau d'un bond et tenta de me mordre à la veine jugulaire.
Il y a six mois de cela et je vais lui rendre visite chaque samedi. Dès qu'il me voit, il se met à hurler. Ce n'est pas grave : le traitement sera perfectionné et nous le guérirons. En attendant, je dirige le Gouvernement Mondial toute seule. J'y arrive bien.

La critique de Mr K : Courte chronique d’une grosse déception aujourd’hui avec ce recueil d’Ursula le Guin: Les Quatre vents du désir. Et pourtant, j’aime le genre de la nouvelle, l’auteur et la transfiction. Mais voila, parfois ça veut vraiment pas et c’est très difficile à expliquer... Dommage car à la base, j’étudie en cours la nouvelle contenue dans ce volume, Le Récit de sa femme, depuis que je suis devenu enseignant, un texte malicieux qui a le très grand avantage de prendre à rebrousse poil mes jeunes élèves. Malheureusement, le charme n’a pas opéré avec beaucoup d’autres textes de ce recueil.

Conçu comme une gigantesque rose des vents construite en de multiples chapitres, ce livre est constitué de textes qui se révèlent très différents les uns des autres, l’auteure passant allégrement du fantastique à la SF le tout parfois avec un ton humoristique, cynique et bien souvent un phrasé poétique. L’ensemble est donc varié, parfaitement chaotique et délirant parfois. Il y est question entre autres de destinées multiples, du temps, d’intelligence au sens propre et figuré, de langage, d’assise du pouvoir sur les masses.

On est bien loin de sa saga Terremer qui m’avait captivée, je dois avouer qu’Ursula Le Guin m’a perdu avec ce recueil bien trop ésotérique pour moi. Peut-être aussi n’était-ce pas le moment de le lire? J’avoue ne pas avoir compris la moitié de ce que j’ai pu lire, de n’avoir pas eu la moindre empathie pour les êtres et personnages présentés. Quant à la prose de l’auteure bien que poétique et riche, elle ne m’a pas happé comme lors de mes précédentes lecture de Le Guin.

Alors, c’est vrai. Certains textes amènent à des réflexions profondes, donnent à faire réfléchir mais le plaisir de lire n’a jamais été vraiment présent pour moi. Chacun y trouvera son compte ou pas... Pour ma part, ça a été un coup dans l’eau...

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dimanche 21 novembre 2021

"La Malédiction du pétrole" de Jean-Pierre Pécau et Fred Blanchard

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L’histoire : Jusqu'à une date récente, autour de 2013, le chiffre d'affaires de l'industrie des pétroles était dix fois supérieure à celui de toute autre industrie. L'or noir, depuis un siècle et demi, a été le moteur de la croissance et la source des plus grands profits, il a aussi été la cause des plus grande malheurs pour les pays qui en ont trouvé dans leur sous-sol. Combien de temps cet état va-t-il durer ? Aucune idée.

Depuis dix ans, on repousse sans cesse le moment où on ne trouvera plus de pétrole sur Terre. Ce sera pour 2040 ? 2060 ? En tout cas, bien après que la catastrophe écologique du réchauffement climatique, dernière et ultime malédiction, nous ait obligés à nous en passer. C'est cette histoire à la fois longue et terriblement courte, cette histoire qui va de pair avec la révolution industrielle et qui se termine en ce moment même sous nos yeux, que nous allons vous raconter...

Il était une fois, le samedi 27 Août 1859, un faux colonel de l'armée américaine qui creusait un puits au bord d'une petite rivière de Pennsylvanie...

La critique de Mr K : Nouvelle lecture très enthousiasmante avec cette bande-dessinée documentaire empruntée pour l’été au CDI de mon bahut et qui s’est avérée aussi enrichissante que flippante. La Malédiction du pétrole de Jean-Pierre Pécau et Fred Blanchard, en plus d’être un bel objet talentueusement illustré, est une mine d’informations entre Histoire, Géopolitique, aventure humaine et lente destruction de notre belle planète bleue. Le grand mérite est de rassembler et relier nombre d’informations connues pour donner à l’ensemble une cohérence et une force incroyable.

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Les deux auteurs nous proposent donc de remonter le temps et d’embrasser la thématique sous toutes ses formes. La découverte première, les problèmes d’extraction, de transport, de transformation, la capitalisation, les liens géopolitiques qui se créent et se délient. Bien sûr, on en apprend beaucoup sur l’or noir en lui-même, sa localisation et ses origines, les diverses utilisations que l’on va en faire et l’évolution de sa place / sa valeur dans le monde. Mais à travers ce prisme, il est aussi et surtout beaucoup question de l’humain et de sa propension à en vouloir toujours plus. À travers le phénomène des "sept sœurs", on assiste à la naissance du capitalisme moderne qui suit directement la révolution industrielle où dans le domaine pétrolier les frères Nobel (si si !) s’avèrent être des pionniers... Très vite, on se rend compte que l’Histoire du pétrole suit, accompagne et forge l’histoire humaine avec des focus très intéressants sur les deux conflits mondiaux et les derniers développements de l’actualité.

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Le contenu est très dense et s’entremêle avec une logique implacable. Didactique sans être pesant, l’ouvrage détonne et permet une mise en relation des éléments de réflexion de manière fluide et gouleyante. Même si le propos est technique et bien souvent écœurant (les logiques en œuvre sont bien souvent épouvantables et défient toute morale élémentaire), l’ouvrage se lit tout seul et d’une seule traite. Très bien documenté, attisant la curiosité, on se plaît à poursuivre sa lecture par des recherches personnelles sur le web. L’éclairage est précieux et explique bien des choses que parfois l’on ne fait que percevoir. On est bien loin des portes ouvertes et clichés véhiculés bien trop souvent par nos responsables politiques ou les pseudos journalistes qui fonctionnent au buzz et / ou selon leur étiquette politique.

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Pour tous les amateurs de quête de lucidité et de vérité, voila un ouvrage qui se pose là, magnifiquement illustré. Certaines planches sont de véritables tableaux. Le choix du noir et blanc est judicieux et renforce le charisme et l’aspect magnétique de cette lecture. Rajoutez une touche d’ésotérisme avec des représentations symboliques qui frappent là où ça fait mal avec des références bibliques de bon aloi et vous obtenez un ouvrage essentiel que je vous invite à découvrir au plus vite !

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jeudi 18 novembre 2021

"Grenailles errantes" de Bruno Marée

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L’histoire : Elles sont bringuebalées par les hasards de la vie, par des rencontres improbables, par des doutes salutaires, par le souffle d’un vent inattendu, redouté ou inespéré. Elles roulent sur leur chemin, se bousculent parfois, s’incrustent ou s’envolent ou se perdent dans les fossés des bas-côtés. Elles s’agitent souvent et laissent apparaître leurs hésitations, leurs forces et leurs faiblesses. Un jour ou l’autre, nous sommes tous des "grenailles errantes"...

La critique de Mr K : Des nouvelles en veux-tu ? En voila ! Paru chez Quadrature à l’occasion de la rentrée littéraire, Grenailles errantes de Bruno Marée est un petit bijou du genre. Ce recueil conjugue de nombreuses qualités qui le place haut la main en tête de liste de mes lectures de nouvelles de l’année. Douze nouvelles comme autant de récits percutants, émouvants et révélateurs de l’humain dans sa diversité et ses points communs. Suivez le guide !

Une salle d’attente par temps orageux où se joue un théâtre d’ombre d’impatiences exacerbées, une femme qui s'offre une échappée belle loin de son quotidien morne, la théorie et l’exemple autour de la notion de souvenir, un vieux qui sort sans autorisation de son logement et ressasse ses récriminations, une femme qui se réfugie dans la nature quand elle n’en peut plus et qui va sauver quelqu’un d’une mort terrible, une femme rebelle partie acheter des chocolats au supermarché et qui s’y retrouve coincée pour la nuit, les souvenirs d’expéditions de montagne d’un alpiniste qui se rappelle de la personnalité hors du commun du premier de cordée, une partie de pêche qui tourne mal (mais alors vraiment mal), un couple de pharmaciens à la retraite qui s’achète la maison de campagne de leurs rêves, un magasin de souvenirs tenu par deux vieilles filles qui va accueillir un charmant nouveau vendeur, une infirmière saboteuse qui lutte pour la survie de la forêt ou encore le journal quotidien d’un gardien de musée qui observe ses contemporains... voila les différents sujets abordés dans des récits courts et incisifs dont aucun ne se révèle commun ou inférieur aux autres.

Je découvrais Bruno Marée avec cette lecture et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce fut une vraie révélation. Son style est vraiment à part, mélangeant finesse et saillies bien fun, mêlant ironie, auto-dérision et parfois passages plus poétiques. Impossible de lâcher sa lecture tant on est pris par ce style qui magnifie les histoires qui nous sont proposées. Celles-ci sont drôlement bien troussées avec des personnages croqués avec justesse et des destins tortueux qui bien souvent nous parlent. Dans les choix qui s’opèrent, les questionnements et incertitudes évoquées, Bruno Marée nous parle à cœur ouvert de ce qui fait une vie humaine. J’ai adoré cet écho qui a résonné plus d’une fois en moi et qui m'a touché. J’ai rarement été aussi ému avec certains textes que je me permettrai de partager avec mes jeunes pousses dans le cadre de lectures à voix haute voire d’études plus littéraires tant ils pourraient se révéler éclairants et inspirants pour développer l'empathie et l'ouverture.

Grenailles errantes est donc un excellent recueil de nouvelles contemporaines avec une écriture ciselée et pleine de facétie que j’ai pu lire et que je vous conseille très fortement. Les amateurs ne doivent pas passer à côté !


lundi 15 novembre 2021

"La Prophétie des abeilles" de Bernard Werber

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L’histoire: Depuis la nuit des temps, les abeilles détiennent le secret du destin de l'Humanité.

Ce secret est annoncé dans une prophétie écrite à Jérusalem il y 1000 ans par un chevalier Templier.

Mais sa trace est perdue, et pour la retrouver, il faudra remonter dans le temps, traverser époques et continents, affronter tous les dangers.

Êtes-vous prêts à payer ce prix pour sauver votre futur ?

La critique de Mr K: Retour sur une lecture sympathique à défaut d’être marquante aujourd’hui avec le dernier ouvrage de Bernard Werber sorti récemment: La Prophétie des abeilles. Je dois avouer que je suis amateur de cet auteur depuis ma lecture très jeune de la trilogie des Fourmis et surtout Les Thanatonautes qui reste mon ouvrage préféré de sa bibliographie. J’avais été quelque peu refroidi par son premier volume de la Trilogie des chats, arrêtant là cette série de romans. Sa dernière parution avec son pitch à la Dan Brown me tentait bien et bien qu’il soit imparfait, il m’a procuré un réel plaisir de lecture et je n’ai pas pu lâcher l’ouvrage avant le mot fin. C’est pas mal, non?

Au cœur de l’histoire, il y a une mystérieuse prophétie qui scelle le sort de l’humanité. Elle intéresse beaucoup de monde à travers le temps, les personnages principaux évoluant dans le milieu universitaire courent après une vérité qui pourrait bien changer notre vision du monde et de l’humanité. Le héros grâce à une technique de méditation poussée peut revivre des vies antérieures et par là même vivre pleinement l’Histoire! Ce don très utile pour son métier de professeur d’Histoire va s’avérer essentiel pour essayer de mettre la main sur la prophétie des abeilles, un livre qui se dérobe aux regards et attise les convoitises. Entre la France et Israël, le XXème siècle et le Moyen-Age, le voyage n'est pas de tout repos!

Dans cet ouvrage, il est donc beaucoup question d’Histoire, de science et de religion. Un triptyque magique à mes yeux qui est source de fascination et bien souvent de lectures trépidantes et enrichissantes. À ce niveau, ce livre ravira les amateurs d’Histoire. Certes, de mon côté, j’ai été peu surpris, tout cela s’apparentait à de la révision de cours de fac (sans vouloir me la raconter...) mais franchement tout est bien bouteillé, enchâssé et donne un tout dense et crédible (malgré quelques approximations et arrangements dans les liens crées entre différents éléments et événements). J’ai bien aimé les points historiques qui se glissent entre les chapitres narratifs purs et les références étymologiques qui occasionnent de réelles révélation (notamment le nom de Yahweh).

Après, il y a quand même de grosses ficelles en jeu, j’ai rarement été pris au dépourvu et l’intrigue est cousue de fil blanc. Les ressorts de la narration sont usés de chez usés mais on reste captif tout de même par ce qu’on veut absolument savoir la fin (qui pour le coup est réussie je trouve!). Des personnages par contre sont maltraités, caricaturaux même. Je pense notamment à Mélissa, professeur d’Histoire à l’université qui pose parfois des questions d’une bêtise abyssale ce qui la rend pas du tout crédible voire neuneu (le coup de la capitale de Chypre par exemple…). On pourrait même y voir un tacle légèrement sexiste quand ses deux acolytes (dont son père, patron de la Sorbonne) sont des puits de science qui ne se trompent jamais… Dommage car en densifiant l’aspect psychologique sans tomber dans les clichés, on pouvait avoir affaire à un grand roman du genre.

Ma référence initiale à Dan Brown n’est pas anonyme tant le rythme imprimé et la course contre la montre scénaristique font irrémédiablement pensé à cet auteur. Mais là où l’américain a une tendance à fournir un catalogue de références historiques tirées de Wikipedia (Inferno est épouvantable à ce niveau là), Bernard Werber lui distille les éléments sans en rajouter ni exagération. Ils servent le récit et donne une matière, une profondeur à l’ensemble. La partie méditation et exploration des vies antérieures est plus branque, à la limite du ridicule parfois mais on passe dessus car on est vraiment pris par l’histoire et les objectifs poursuivis par les héros.

L’ouvrage est donc bien sympathique, efficace et niveau page-turner il se pose là. Alors certes, il y a des défauts, ce n’est pas ce que l’on pourrait appeler de la Grande littérature ni même un classique du genre mais on passe vraiment un bon moment. Avis aux amateurs!

Ouvrages de l'auteur déjà lus et chroniqués au Capharnaüm Éclairé:

- Demain les chats
- Le Sixième sommeil
- L'Arbre des possibles

vendredi 12 novembre 2021

14 ans ! Tout ça !

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Au Capharnaüm éclairé, on enfile les années comme des perles. Ou presque ! Nous voici aujourd'hui à fêter nos 14 ans de blog, Mr K et moi-même, en ayant en tête ce jour de 2007 où une review de festival a lancé notre aventure sur la toile. Les billets étaient beaucoup plus courts à l'époque.

On a progressé en vieillissant.

Avec les années, vous avez vu alterner lectures, chroniques cinéma, voyages, musique (de très bonne qualité !), la culture sous toutes ses formes, Tesfa... Aujourd'hui quasiment tous nos articles sont consacrés à la littérature, à la BD, aux albums jeunesse... laissant de côté ce qui nous est plus personnel et que l'on partage d'avantage spontanément sur IG.

On s'est spécialisé en vieillissant.

De temps en temps un petit article ciné par-ci par-là mais de moins en moins, crise sanitaire oblige (et un peu beaucoup bébé aussi).

On est devenu parents en vieillissant.

14 ans ! De vieux dinosaures de la blogo ! Nous ne sommes pas les seuls, j'ai quelques noms en tête d'accros de blogs qui sévissent encore sur le net comme nous. De moins en moins. Il y a aussi moins de commentaires ici mais ça discute sec sur les réseaux. On se retrouve un peu tous là-bas... L'échange est toujours présent et on adore ça. Mais on ne quittera jamais notre Capharnaüm éclairé tant on aime laisser une trace de nos avis, de notre passage, une petite bougie allumée ici. Un blog c'est quand-même autre chose qu'un compte sur un réseau. Ici, on peut retrouver plus facilement des articles, en cherchant sur Google on tombe sur nos chroniques. On peut aussi plus aisément aller au bout de notre raisonnement, développer notre pensée, approfondir... Et puis recevoir des messages de collégiens ou lycéens qui nous demandent de faire une fiche de lecture ça n'a pas de prix (va faire tes devoirs toi !).

Vous l'aurez compris, on n'a pas fini de trainer dans le coin. Malgré le côté old school. Pour le côté old school !

14 ans de blog au Capharnaüm éclairé c'est quoi ?
- 2843 articles,
- 13744 commentaires,
- 400 visiteurs quotidiens,
- une page FB, un compte twitter et 2 comptes IG ici et ici,
- des miliers d'échanges ici ou là,
- des rencontres formidables sur les salons et dans les librairies,
- de l'amour toujours !

Chaque année je vous dis la même chose. Chaque année je vous remercie d'être là, d'avoir ouvert la porte et d'être restés. Parce que c'est une chance d'avoir toujours autant de bienveillance et de confiance autour de nous. Lecteurs, maisons d'édition, auteurs, traducteurs, attachés de presse... Merci à tous de nous suivre, d'échanger, de rigoler et si j'ose dire, de nous aimer ! La réciproque est aussi vraie !

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jeudi 11 novembre 2021

"Mahmoud ou la montée des eaux" d'Antoine Wauters

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L’histoire : Syrie. Un vieil homme rame à bord d'une barque, seul au milieu d'une immense étendue d'eau. En dessous de lui, sa maison d'enfance, engloutie par le lac el-Assad, né de la construction du barrage de Tabqa, en 1973. Fermant les yeux sur la guerre qui gronde, muni d'un masque et d'un tuba, il plonge - et c'est sa vie entière qu'il revoit, ses enfants au temps où ils n'étaient pas encore partis se battre, Sarah, sa femme folle amoureuse de poésie, la prison, son premier amour, sa soif de liberté.

La critique de Mr K : Superbe lecture que celle de Mahmoud ou la montée des eaux d’Antoine Wauters, un auteur qui confirme tout le bien que l’on pense de lui au Capharnaüm éclairé. Parti pris d’écriture audacieux, récit intimiste d’une force incroyable, évocation d’un ailleurs pas si lointain et le fil égrainé d’une existence sur le fil du rasoir sont au programme de cette parution de la rentrée littéraire 2021 qui s’avère être un petit bijou à côté duquel il ne faut passer.

Mahmoud se sait condamné, il mourra par la peau comme il dit. Isolé au milieu de nulle part dans son cher pays, la Syrie, il plonge dans un lac que la construction d’un barrage a créé de toute pièce, engloutissant son village natal. À la faveur des souvenirs qui ressurgissent, sous forme de poésie libre, il nous entraîne dans un tourbillon de sentiments et d’émotions, partageant bonheurs et fêlures, grands moments de joie et drames effroyables. Car derrière le portrait d’un homme, c’est aussi tout un pays qui est évoqué dans toute sa beauté et toute sa douleur.

L’ouvrage est divisé en plusieurs chapitres qui s’apparentent à des fulgurances, des résurgences de souvenirs. Au gré de ses plongées, des personnes qui viennent le voir, lui apporter leur aide, Mahmoud revient donc sur les moments clefs de sa vie. Ses souvenirs d’enfance dont le sourire de sa mère, les femmes qui ont compté dans sa vie, ses enfants, son art de versificateur, ses convictions et ses doutes. Personnalité complexe et vie bien remplie emplissent ces pages sous la forme de vers libres qui frappent juste et fort proposant un portrait d’une rare intensité qui touche en plein cœur. Il flotte souvent un doux parfum de nostalgie sur ces pages.

Et puis, c’est aussi la Syrie qui est évoquée entre magnificence d’un pays plein de promesses, des hommes ivres de liberté et la volonté que la Syrie progresse sous le régime du père de Bachar qui très vite va révéler sa vraie nature. Et c’est aussi l'horreur avec des passages qui font froid dans le dos quand Mahmoud aborde au détour de ses flashback la répression, la mort, la guerre qui brise les existences et le sang qui coule encore et encore. Le contraste est saisissant, des passages se révèlent proprement abjects mais réalistes, digne reflet d’un régime barbare qui n’accepte aucune opposition ni remise en cause. Mahmoud n’est pas épargné, il connaîtra la prison et même bien pire avec la perte terrible de ses proches. Lui le poète épris de son pays le voit se couvrir d’un voile noir et sanguinaire. Il met des mots sur l’inimaginable, il énonce l’indicible accompagné de son cortège de souffrances et d’espoirs perdus pour tout un peuple.

Cet auteur belge est formidablement doué, il donne vie à des personnages avec une force incroyable, il nous transporte littéralement en Syrie sans qu’aucun détail ne soit caricatural ou encore exagéré. Sublime ouvrage à l'écriture unique, poétique et diablement évocatrice, Mahmoud ou la montée des eaux est un livre à ne pas rater, une lecture différente et envoûtante qui vous emportera loin et que je place sans hésiter au rang des meilleures lectures de mon année 2021. À lire absolument et à partager, faire connaître.

Également lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm Éclairé :
- Pense aux pierres sous tes pas
- Moi, Marthe et les autres

mardi 9 novembre 2021

"Mourir peut attendre" de Cary Joji Fukunaga

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L'histoire : James Bond n'est plus en service et profite d'une vie tranquille en Jamaïque. Mais son répit est de courte durée car l'agent de la CIA Felix Leiter fait son retour pour lui demander son aide. Sa mission, qui est de secourir un scientifique kidnappé, va se révéler plus traître que prévu, et mener 007 sur la piste d'un méchant possédant une nouvelle technologie particulièrement dangereuse.

La critique de Mr K : 4/6. Un James Bond a toujours une saveur particulière à mes yeux, même si finalement on n’est jamais dans le film d’auteur. Cette saga de série B d’action a son charme et c’est toujours plaisant d’aller au cinéma voir la dernière version en cours. Mourir peut attendre est le dernier film de la franchise avec Daniel Craig dans le rôle titre, je le regrette déjà tant je l’ai trouvé impeccable dans le rôle, juste derrière Sean Connery qui reste mon préféré. Je suis partagé sur ce métrage qui alterne bon et moins bon, des choix scénaristiques m’ont aussi déplu et finalement l’icône m’a paru écornée. Tentative d’explication avec comme d’habitude zéro spoilers.

Le scénario comme d’habitude a l’épaisseur d’un papier à cigarette : James coule des jours heureux en retraite avec sa belle. Fini le tombeur, il est Amoureux ! Oui oui, vous avez bien lu, Léa Seydoux a réussi là où nombre de femmes ont échoué. Mais voila, quand on est espion, on n’est jamais vraiment à la retraite, le revoilà poursuivi par Spectre et il doit se séparer de sa douce, persuadée qu’elle l’a trahi. Des années plus tard, une nouvelle menace surgit (un virus très très retors a été volé par un fou furieux) et James s‘impose à nouveau comme l’homme de la situation (bien malgré ses ex supérieurs).

Ce James Bond en désarçonnera plus d’un à commencer par moi. James se fait ici beaucoup plus fragile car pour la première fois il a vraiment quelque chose à perdre et des projets d’avenir. Les scénaristes prennent clairement des risques et deux écoles s’affrontent: ceux qui apprécient que l’on malmène l’icône blanche, macho et sans faille et ceux qui auraient préféré que l’on reste sur les fondamentaux. Je suis un peu le cul entre deux chaises car je trouve que les idées étaient là mais que la réalisation et le jeu d’acteur n’arrivent pas à faire vraiment décoller le sujet. Et puis, j’ai un petit côté vieux jeu qui regrette la direction prise par le personnage. Le pire à mon avis est à venir, j’ai déjà quelques idées sur la personne qui reprendrait le rôle, les puristes seront je pense choqués. À moins que mon pronostic soit totalement à côté de la plaque. Pour éviter le moindre spoiler, je n’en dirai pas plus.

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Mais revenons au film et tout d’abord à Daniel Craig qui signe avec ce métrage sa dernière apparition en tant que 007. Pour moi, c’est le meilleur acteur de la franchise après l’inatteignable Sean Connery. Bestial, regard de tueur et à la fois rassurant et ici touchant, j’ai adoré sa prestation, il porte littéralement le film. Le personnage a un sacré coup dans l’aile et il lui donne une finesse et une nuance bienvenue dans un film très paresseux à ce niveau là par ailleurs. La grosse déception vient du méchant que j’ai trouvé caricatural, pas assez exploité. Les raisons de sa vendetta sont simplistes et j’auraiS aimé que Rami Malek puisse totalement exprimer son talent. On le voit presque pas, sa fin est rapide et sans artifice, bref grosse déception. Même chose pour le personnage de l’agent qui a remplacé James, une black qui se la joue badass et que j’ai trouvé tout bonnement insupportable. Par contre Lea Seydoux (que je n’apprécie guère) tire pleinement son épingle du jeu et renvoie bien la balle à Daniel Craig. Niveau dialogue, c’est reposant, on est dans du niveau gamin de 12 ans, ce qui parfois crée un côté comique bien involontaire...

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Niveau action, on est bien servi avec quelques séances d’anthologie et un suspens qui prend parfois aux tripes. La photo est magnifique, on traverse des paysages dantesques et des villes sublimes. Clairement, le contrat est rempli de ce côté là. Gros souci je trouve au niveau de la violence bien soft représentée à l’écran, des scènes qui auraient du être insoutenables par ce qu’elles sous-entendent passent clairement comme secondaires par un défaut de taille : pas une seule goutte de sang durant tout le métrage ! Ce qui au départ m’a amusé m’a paru au final ridicule, aseptisé et enlève le côté hardboiled de l’histoire qui verse pourtant dans le noir profond. Du coup, on ressort du film avec l’impression d’avoir vu un spectacle certes bien rodé et bien maîtrisé mais sans âme. Quand on connaît la fin du film, on se dit que James aurait mérité mieux.

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Petite déception donc que ce Mourir peut attendre mais j’ai passé tout de même un moment sympathique qui perdra beaucoup lors de son passage sur petit écran. Les amateurs de 007 y trouveront donc quand même pour leur goût même si le destin réservé à 007 pourra en fâcher plus d’un.

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samedi 6 novembre 2021

"Berlin requiem" de Xavier-Marie Bonnot

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L’histoire : Juin 1954, l'opéra royal du Danemark cherche un nouveau chef d'orchestre pour remplacer le grand Wilhelm Furtwängler, parvenu au terme de sa vie. Un jeune musicien est choisi : Rodolphe Meister, le fils d'une célèbre cantatrice. Tous trois sont nés à Berlin, se sont connus et fréquentés. Mais, en 1933, tandis que les nazis font de Furtwängler un trésor national, le destin de Rodolphe et de sa mère va basculer. L'enfant n'a que huit ans, et comme beaucoup le nazisme le fascine... Jusqu'au jour où la Gestapo découvre à sa mère une ascendance juive.

En 1954, lorsque Rodolphe retrouve Furtwängler, mourant, leurs histoires s'entrechoquent. Des questions surgissent entre un exilé, fils d'une mère déportée à Birkenau, et le chef qui a eu les honneurs de Hitler en personne... Comment Furtwängler a-t-il pu accepter la reconnaissance d'un régime barbare ? Dans un tel contexte, est-il encore possible de placer l'art au-dessus de la morale ?

À travers ce passé douloureux, les deux hommes vont découvrir que la musique n'est peut-être pas la seule chose qui les unit...

La critique de Mr K : J’avais bien hâte de retrouvé Xavier-Marie Bonnot après ma lecture enthousiasmante de son précédent ouvrage paru en 2018 : Le Tombeau d’Apollinaire. Mêlant habilement fiction et grande Histoire, il m’avait proposé un récit enlevé et passionnant dont je me souviens encore très bien malgré mes nombreuses autres lectures effectuées depuis. Si ça ce n’est pas le signe de grands ouvrages ! L’auteur revient à la faveur de cette rentrée littéraire 2021 avec Berlin Requiem, un récit faisant une fois de plus la part belle aux grandes destinées humaines et à l'Histoire avec comme point d’ancrage l’Allemagne des années 30. Une fois de plus, le romancier fait preuve de brio en partageant une histoire prenante et une contextualisation dense et rigoureuse. L’amateur que je suis a été comblé !

On évolue ici dans le milieu de la musique, la grande musique même, avec le classique, ses orchestres et les hommes qui la composent. On alterne deux points vue principaux. Celui de Wilhelm Furtwänger tout d’abord, le plus grand chef d’orchestre de son époque, fier et intransigeant qui ne vit que par et pour la musique. Habité par elle, il la place bien au dessus de toutes les réalités terrestres et c’est ce que beaucoup lui reprocheront plus tard quand il ne se sera pas clairement engagé contre les nazis après leur accession au pouvoir en 1933. Pourtant le bonhomme est antiraciste, il protégera nombre de musiciens juifs mais il ne cessera jamais son activité, plaçant son art bien au-delà de la politique alors que justement, il va devenir malgré lui, un instrument de propagande, la musique étant partie intégrante du système idéologique nazi, un vecteur utile et nécessaire selon Goebbels et Hitler lui-même.

En parallèle, on suit le destin du jeune Rodolphe Meister, un surdoué du piano, fils d’une cantatrice hyper connue de l’époque et qui va rencontrer Furtwänger dans sa prime jeunesse, lui donnant par la même occasion une idée qui finira par germer : devenir chef d’orchestre, un des meilleurs au monde. Jeune et influençable (il a une fascination pour les SA, leur uniforme, leur force), il va vivre des épreuves terribles avec sa mère et va devoir se construire bon gré mal gré au fil des aléas de l’Histoire. Ce destin finira, vous vous en doutez, par croiser à nouveau celui de son mentor et révélera à l’occasion un secret bien gardé.

La lecture se fait de manière instinctive et sans effort tant Xavier-Marie Bonnot s’y entend pour caractériser ses personnages avec amour et nuance, et sait mener un récit en distillant passion pour son sujet et un suspens bienvenu. On se prend vite d’affection pour les personnages principaux, attirants par leur complexité et leur vie exposée à nue. Roman d’apprentissage pour le jeune Rodolphe, chronique d’une descente en Enfer pour sa maman, retour sur une existence complexe pour Furtwänger, les allers-retours entre ces trois lignes de vie sont savoureuses, décrivant à merveille les méandres parfois tortueux que peut emprunter une existence humaine. L’amour et la passion, le devoir et la morale, la résistance ou la passivité sont autant d’aspects remarquablement bien traités dans une langue abordable et toujours soucieuse d’emporter avec elle le lecteur littéralement prisonnier de ces pages.

L’aspect plus documentaire est aussi une vraie réussite avec une immersion à la fois géniale et poignante dans l’univers de la conduite d’orchestre. L’auteur retranscrit encore une fois très bien les sentiments et volontés en jeu lors d’une session d’enregistrement ou d’un concert. On vit l’instant, le choc violent des émotions et la naissance de la musique. Il en va de même avec l’évocation de l’époque, les changements de mentalités et la marche en avant de la dictature. Sans surcharger le propos mais avec précision, en amenant les éléments essentiels pour bien appréhender les personnages, on se retrouve vraiment en Allemagne pendant vingt décennies épouvantables qui changèrent à jamais le monde. Le carcan de la dictature, les coulisses du pouvoir et les moyens pour le maintenir en place, la propagande et son action sur les esprits sans oublier les camps de la mort sont intégrés parfaitement dans le récit et donnent à l’ensemble une densité poignante.

Non vraiment, il n’y a quasiment rien à reprocher à ce livre si ce n’est peut-être le secret annoncé en quatrième de couverture que j’ai deviné dès les premiers chapitres. Mais là encore, ce n’est qu’une légère scorie, tant l’intérêt est autre avec des personnages attachants et un récit de vie passionnant de bout en bout. On aime à croiser au fil de la lecture les informations révélées avec une bonne recherche internet pour vérifier des détails, compléter la lecture. Typiquement le genre d’expérience que j’adore et que je vous conseille grandement de tenter à votre tour. Les amateurs du genre ne doivent pas passer à côté !