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Le Capharnaüm Éclairé
16 août 2021

"La Tour" d'Hélène Bessette

L’histoire : Louise, mariée depuis un mois à Marcel, gagne une grosse somme d’argent à l’émission "Quitte ou double". Malgré l’érudition biscornue qui lui a permis de briller à l’émission, Louise n’a qu’une passion, qu’un but dans la vie : dépenser. On ne parle qu’argent, on ne pense qu’à lui. Il est comme le temps : passé, futur, jamais présent, et pourtant toujours là.

 

Opposée au dynamisme monétaire du couple Louise/Marcel, la pauvreté relative du couple Fernande/André. L’argent compte pour eux tout autant, on en parle avec la même constance, mais on n’a pas la même certitude d’en avoir de plus en plus. Fernande est amère quand elle accompagne son amie dans les grands magasins qui tournent la tête à Louise à tel point que son ménage va sombrer... Quel sera l’avenir de ces êtres après la déconvenue de la vie à crédit et de ses illusions ?

 

La critique de Mr K : Au programme de la chronique du jour, un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) datant de 1959 et qui n’a pas pris une ride si je puis m’exprimer ainsi. Dans La Tour, Hélène Bessette nous propose un court roman percutant qui dénonce les méfaits de l’argent et de la société de consommation avec un aspect prophétique assez bluffant. Pas forcément évident d’approche, voila un ouvrage que l’on peut qualifier d’expérience à lui tout seul.

 

Suite à sa participation à un jeu radiophonique, Louise touche le pactole. Commence alors une lente métamorphose avec en toile de fond la dépense et la consommation. Cela va créer des tensions dans son couple mais aussi avec un couple d’amis avec lesquels pourtant ils sont très proches au départ. Course effrénée au bonheur matérialiste et corruption des âmes vont de pair dans un ouvrage qui va très loin dans le décorticage du procédé avec en toile de fond la peur terrible du déclassement et du retour à la case départ.

 

Peu à peu, Louise perd son empathie, sa sensibilité, son humanité au profit du Dieu argent. C’est l’occasion d’une ascension sociale inespérée et très vite cette fortune l’hypnotise littéralement et lui fait perdre toute proportion et tout jugement. Perdant pied (sans s’en rendre compte), l’appât du gain et de la dépense remplace peu à peu le ciment amoureux de son mariage, le bonheur d’être deux, son mari devenant un élément quasi facultatif de sa vie. Quant à leurs amis (Fernande et André), ils ne semblent plus qu’inspirer jalousie et envie, les rapports amicaux se muant peu à peu en échanges artificiels. On tombe assez vite dans la désespérance et la vacuité.

 

L’écriture est bien strange, personnellement j’ai rarement lu ce type de prose, à la fois déstructurée, frontale et ensorcelante. Les mots sont jetés parfois pèle mêle à la figure du lecteur, de manière énumérative avec des suites de termes qui frappent à la porte de l’imagination et infligent bien souvent de bons chocs accompagnant merveilleusement bien les réactions, les humeurs et l’évolution des mœurs des personnages.

 

C’est un ouvrage qui ne laissera personne indifférent en tout cas et qui pour ma part m’a séduit par sa singularité formelle et l’intelligence du procédé pour dénoncer le cœur de tous nos problèmes actuels : la surconsommation. Brillant !

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Commentaires
E
je trouve ça étonnant 1959 car à l'époque la femme n'avait pas droit à son propre compte en banque, possédait donc rarement de chéquier, sauf accord du mari. A l'époque, ces derniers versaient une somme à l'épouse .. et la vie à crédit .. c'est juste cela qui me perturbe.
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