Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Capharnaüm Éclairé
7 juillet 2021

"Mars" d'Asja Bakic

couv36224485

L’histoire : Avec ce premier recueil à la prose ironique, Asja Bakic crée une galerie de personnages uniques et tordus, qui évoluent dans des univers à la croisée du fantastique d'Edgar Poe et d'un futur à la Black Mirror : une femme n'échappera au purgatoire que quand elle aura composé son chef-d'oeuvre ; une autre réside dans un monde sans contact physique où elle écrit de la pornographie ; des enfants s'inventent des monstres au coeur d'un été idyllique ; une sociopathe trouve plus retorse qu'elle ; et dans la dernière nouvelle, la littérature a été déclarée nocive pour l'humanité et tous les auteurs exilés sur la planète Mars.

La critique de Mr K : C’est un recueil de nouvelles très particulier que je vais vous présenter aujourd’hui, il s’agit du deuxième titre d’Agullo court. Mars d’Asja Bakic comporte dix textes assez succincts (l’ouvrage compte 152 pages) au ton souvent décalé et ironique avec comme point commun un personnage féminin en protagoniste principal. À la lisière de plusieurs genre dont le fantastique et la science-fiction, on nage ici en eaux troubles et l’on peut vraiment parler littéralement d’une expérience de lecture. Loin d’être consensuel et convenu, voila un ouvrage hors norme qui m’a beaucoup plu mais qui risque sans doute d’en perdre quelques-uns.

Dix textes, dix femmes donc face à des situations diverses qui correspondent à des moments clefs, des choix qui changent une vie ou rendent compte d’une époque, d’un lieu qu’il soit contemporain, futuriste ou dystopique. Une femme se retrouve dans une espèce de purgatoire où on lui demande d’écrire son meilleur texte pour pouvoir redescendre sur Terre ; des enfants font une chasse au trésor ; une femme asociale va rencontrer une femme vivant dans la montagne ; une autre semble séquestrée chez elle par son homme ; une auteure découvre son clone ; un homme rencontre l’amante de sa femme ; on suit aussi la relation ambiguë entre deux femmes évoluant dans le milieu littéraire, une journaliste infiltrant une secte, l’émigration de deux petites filles et des écrivains exilés sur Mars car la littérature est interdite sur Terre. Voici tant de contextes différents nous permettant d'explorer les questionnements de l’auteure qui dissèque nos âmes via le prisme féminin se révélant évidemment universel et non genré. Cet ouvrage nous parle, nous dérange, nous fait réagir.

Il est beaucoup question du rapport à l’écriture, de son pouvoir et des craintes qu’elle peut faire naître (la nouvelle éponyme est assez bluffante dans son genre).  On y parle aussi des apparences trompeuses et des identités que l’on endosse parfois pour mener sa barque tant bien que mal dans nos existences respectives. Et puis, il y a le désir, l’attirance physique, le besoin de chaleur et d’amour qui émergent de façon très diverse dans beaucoup des nouvelles de ce recueil. Amours idéalisés ou terre à terre, troubles amoureux inexplicables, illusions de réalités amoureuses sont autant de relations complexes que l’auteure nous donne à voir avec étrangeté et un déséquilibre émotionnel des plus déroutants. Enfin en toile de fond de certains textes, le monde est devenu désespérant avec une technologie déshumanisante en terme de rapports humains ou des univers dystopiques ségrégationnistes qui mettent à mal les notions de liberté et de choix.

Vous l’avez compris, Mars est un ouvrage à part qui ne peut laisser indifférent. On navigue souvent à vue pendant la lecture. Non que la langue soit particulièrement ardue, elle est plutôt simple et accessible mais parce que l’auteure (et le traducteur par la même occasion) joue un peu avec les conventions narratives classiques ce qui déstabilise et désarçonne parfois. Je me suis surpris à relire certains passages plusieurs fois pour être sûr d’avoir saisi toutes les subtilités du sous-texte. Et même ainsi, je ne suis pas sûr d’avoir tout capté ! Mais c’est comme ça avec certains ouvrages, il faut savoir accepter de ne pas tout comprendre et de se laisser porter par ses intuitions mais aussi ses trous noirs.

Au final, voici un ouvrage qui m’a plu pour son ambiance crépusculaire, ses personnages forts et certaines chutes bien senties qui renversent toutes les certitudes établies. Une lecture à tenter pour les plus aventureux des amateurs d’ouvrages qui dépotent et se distinguent par leur originalité.

Publicité
Publicité
Commentaires
T
Ah, je crois que j'avais déjà dû entrevoir ailleurs sur la blogo le titre et le "pitch" de ce recueil de nouvelles "martiennes" (martiales?) lorsque je faisais des recherches pour le "Challenge de la planète Mars" lancé chez dasola (1er mars 2021 au 31 mars 2022). <br /> <br /> ... Challenge pour lequel vous pourriez tout à fait inscrire le présent billet au titre d'une participation!<br /> <br /> (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
Répondre
Publicité
Suivez-moi
Archives
Publicité