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Le Capharnaüm Éclairé
12 mai 2021

"Je ne suis pas encore morte" de Lacy M. Johnson

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L’histoire : Un cri de douleur. De révolte et de rage. Un uppercut. Comment décrire l'inconcevable ? Kidnappée, violée et menacée de mort, Lacy M. Johnson nous raconte comment elle a échappé à son bourreau. Qui n'est autre que son ex-compagnon, un homme violent et manipulateur, dont l'emprise, comme un étau, s'est peu à peu refermée sur sa vie.

La critique de Mr K : C’est une lecture à la fois éprouvante et magistrale que je vais vous présenter aujourd’hui avec Je ne suis pas encore morte de Lacy M. Johnson. Ce récit témoignage prend à la gorge par son sujet et sa forme mais pas seulement... C’est aussi un remarquable travail sur soi qui est présenté, une exploration sans fard sur le traumatisme qui dure des années après une expérience terrible qui va changer à jamais l’auteure. C’est bouleversant, révoltant parfois mais aussi très éclairant sur notre nature et le fonctionnement de notre psyché.

Lacy M. Johnson a vécu l’horreur. Son ancien compagnon, un chargé de cours d’espagnol sous l’ascendant duquel elle est restée prisonnière durant un petit bout de temps n’a jamais accepté leur rupture. Profitant d’une occasion, il kidnappe la jeune femme, la séquestre dans un appartement vide dans une pièce insonorisée, la viole et la menace de mort. Elle réussit à s’enfuir et l’homme quitte le territoire américain avant d’avoir pu être arrêté et se réfugie au Vénézuela grâce à sa double nationalité. Ces faits ne représentent même pas un vingtième du livre, l’auteure revient surtout sur sa relation avec cet homme, mais aussi sur sa jeunesse, ses parents, ses conneries d’adolescentes mais aussi sur la période d’après, l’immédiat lendemain, les semaines, mois et années qui suivent avec une psyché brisée qui a des répercussions sur sa vie quotidienne et qui fausse son jugement et sa vie sociale.

Il n’y a pas d’organisation chronologique des faits et réflexions livrées au lecteur. Tout se croise, se chevauche, se complète. La construction est un modèle du genre. D’apparence chaotique, par bribes et évocations variées, l’auteure se livre à nue, sans limite ni tabou avec une finesse, une justesse et une pudeur surprenante. Des passages sont horribles dans ce qu’ils relatent des faits subis mais finalement je retiendrai surtout les effets délétères sur l’esprit de l’auteure, femme sous emprise qui n’arrive pas à se détacher du trauma originel. Son rapport aux hommes, son déficit de confiance en elle, ses réactions parfois démesurées face à certains stimulis (les passages avec ses enfants aux deux-tiers de l'ouvrage sont très révélateurs de son mal-être et effrayants dans leur genre) sont autant de blessures à vifs qu’elle n’arrive pas à colmater, à maîtriser et finalement à guérir. Malgré de nombreuses heures de thérapie, le mal est toujours là et joue bien des tours à une femme au tempérament haut en couleur pourtant.

La jeune fille fêtarde, fort en gueule, rebelle issue d’une famille plutôt plan plan et croyante, la fan de littérature et surtout d’écriture (elle est désormais prof en écriture dans une fac américaine), pleine de vie est aussi décrite à travers des pages drôles et rafraîchissantes. Qu’est-ce qu’on est inconséquent quand on n’a pas 20 ans mais on vit sa vie, on brûle la chandelle par les deux bouts et dans une certaine insouciance. Quand elle rencontre son futur tortionnaire, elle tombe sous son charme et va vivre une relation intense avec lui, très charnelle, exclusive et enrichissante à sa manière (notamment beaucoup de voyages). Mais voila, cette homme (qui ne sera jamais nommé, la procédure est toujours en cours ) se révèle être un pervers narcissique de la pire espèce, qui l’avilit et se révèle toxique. La relation vire au cauchemar et malgré une tentative pour s’en séparer, elle se fera rattraper.

Ce récit intime est un véritable tour de force en soi, récit coup de poing, récit d’une introspection douloureuse, récit d’une reconstruction nécessaire mais semée d’embûches et sans doute pas encore aboutie. On prend claque sur claque dans un style direct, sans concession mais avec beaucoup de lucidité, d’acuité et de poésie à l’occasion de certains passages qui touchent en plein cœur et remuent les tripes. Je ne suis pas encore morte se lit vraiment d’une traite, hypnotisé par une personnalité, une plume hors du commun au service d’une cause qui devrait nous habiter toutes et tous : la cause des femmes. Brillant et vibrant, voila un livre que je n’oublierai pas de sitôt et que je vous invite à découvrir au plus vite.

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