Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Capharnaüm Éclairé
21 février 2021

"Été, quelque part, des cadavres" de Park Yeon-Seon

Er8-CemXYAUpARF

L’histoire : L'ado qui se levait tard, sa Mémé et Apollon : Trio d'enquête pour quatre disparitions.

Ce matin-là, Musun – la narratrice – a été réveillée par le réfrigérateur. Parce qu'il n'y avait pas d'autres bruits dans la maison. À 11 heures ? Étrange. Elle s'est levée et a trouvé ce petit mot dans la cuisine, avec quelques billets : "Ma chérie, nous te laissons dormir. Occupe-toi bien de Mémé. On revient dans un mois. Ton Papa qui t'aime."

Toute la famille était rentrée à Séoul en l'abandonnant avec Mémé ! L'horreur ! Dans ce trou perdu où les smartphones ignoraient internet ! Avec cette grand-mère qui sarclait son champ dès cinq heures du matin... Un cauchemar...

La cohabitation avec Mémé débute mal. Jusqu'au troisième jour, quand Musun retrouve un dessin qu'elle a fait 15 ans plus tôt, quand elle avait cinq ans : une carte au trésor ! Et quand elle montre le dessin à Mémé, la vieille marmonne... "Ah... ça... Tu te souviens pas ?... C'était l'été... le jour où les quatre jeunes femmes ont disparu..."

C'est alors que l'enquête commence vraiment, avec dès le lendemain le renfort de l'héritier des Yu, quatorze ans, dont la fabuleuse beauté a immédiatement inspiré à Musun son surnom : Apollon.

La critique de Mr K : Retour en Corée du Sud aujourd’hui avec Été, quelque part, des cadavres de Park Yeon-Seon paru en janvier de cette année aux éditions Matin Calme. Il s’agit d’un premier roman fort réussi d’une scénariste écrivaine qui nous invite à suivre une enquête policière particulière à plus d’un titre sous le soleil plombant d’un petit coin de campagne où bien des secrets sont enfouis depuis quinze ans, depuis un jour dramatique qui a vu la disparition de quatre jeunes filles. C’est en compagnie d’un trio improbable de détectives amateurs qu’on va lever le voile sur cet événement tragique, libérer la parole et se faire surprendre à bien des reprises.

Tout débute par l’arrivée au village de Musun, la jeune narratrice de 20 ans que ses parents ont déposé chez sa grand-mère suite à son échec lors des examens d’entrée en fac. Cette paresseuse à la langue bien pendue et à l’inconséquence parfois agaçante doit donc cohabiter avec sa mémé, Mme Hong Gannan 80 ans, qui ne cesse de faire des reproches à sa petite-fille sur sa manière de vivre, elle, la campagnarde qui travaille durement aux champs depuis des décennies sans jamais se plaindre. Vous vous doutez bien que cette relation fait des étincelles durant tout l’ouvrage et l’on rit beaucoup des échanges vifs qui s’ensuivent mais aussi des réflexions intérieures de la jeune fille qui en bonne adolescente râleuse de la ville est d’une mauvaise foi parfois confondante face à l’aigreur de sa grand-mère qui, après tout, a son âge. Au fil de l’histoire, on se doute bien que leur relation est plus complexe que cela, le rire et les tensions accumulées se muent peu à peu en autre chose que chacune ne peut exprimer à cause de leur pudeur naturelle et de leur fierté. Ces deux là se ressemblent bien plus qu’elles ne veulent se l’avouer.

Après un ou deux chapitres de mise en place, la trame va un peu plus se densifier avec la découverte par la narratrice d’une time-capsule (boîte enfouie avec des objets qui doit être déterrée des années plus tard) dans laquelle se trouve une carte aux trésors qu’elle aurait dessiné à l’époque de la disparition des quatre jeunes filles. De fil en aiguille, elle va se retrouver à enquêter sur les faits Il faut dire que pour elle, il n’y a pas grand-chose à faire dans ce trou perdu qui la répugne ! Pensez-donc, il n’y a pas de WIFI... l’horreur ! Elle va rencontrer Apollon, le petit frère d’une des disparues, un jeune collégien beau comme un dieu (d’où le surnom qu’elle lui donne), au caractère bien trempé lui aussi et qui va se joindre à sa quête de vérité pour notamment essayer de savoir ce qui est arrivé à cette sœur qu’il n’a jamais connue et dont ses parents ne lui parlent jamais. Avec l’aide de Mémé et de sa connaissance encyclopédique des lieux et des habitants, ils vont aller de découvertes en découvertes avec des rebondissements bien sentis qui m’ont régulièrement désarçonné tant on ne s’attend pas à ces résolutions là.

Comme dit précédemment, les personnages sont remarquablement croqués. En plus de la relation assez unique qui lie la narratrice et sa mémé, c’est tout le microcosme du village qui est très bien rendu. Sans pour autant en faire trop, alourdir le récit, l’auteure réussit à créer une entité démographique avec ses codes, ses liens et ses secrets. Il y a une ambiance pesante par moment, surtout quand on évoque les disparues. Des gens se taisent, d’autres masquent la réalité derrière des faux-semblants. On navigue au rythme des travaux des champs, des journées qui s’écoulent lentement, des souvenirs et faits égrainés par Mémé entre deux reproches, des investigations des deux jeunes chez les familles concernées. On fait connaissance avec des personnages profondément meurtris par un passé qu’ils n’arrivent pas à accepter (je me souviendrais longtemps des cris poussés par une renarde inconsolable en haut de la montagne toutes les nuits) et l’émotion nous transperce parfois. Ils sont forts ces coréens ! On retrouve les qualités propres à beaucoup de leurs œuvres littéraires et cinématographiques avec une sensibilité poétique et une violence propre à l’homme qui peut exploser sans prévenir (ici on est plus confronté à la violence des aléas de la vie ou la violence sociale des conventions).

L’enquête en elle-même est tortueuse comme dans tout bon roman policier. On enchaîne pressentiments, indices et fausses pistes avec jubilation. Le fait qu’on ait affaire à des amateurs rajoute un charme indéniable à l’ensemble, un sentiment de décalage qui procure un plaisir de lire bien sympathique. En elle-même, l’écriture de Park Yeon-Seon n’est pas phénoménale mais l’important réside surtout dans l’agencement des éléments et la caractérisation des personnages. A ce petit jeu l’auteure fait carton plein. Été, quelque part, des cadavres est un roman très agréable qui conviendra aux fans de littérature asiatique et de romans policier bien troussés. Avis aux amateurs !

Publicité
Publicité
Commentaires
T
Ta chronique m'a donné envie je l'ai acheté aujourd'hui!
Répondre
Publicité
Suivez-moi
Archives
Publicité