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Le Capharnaüm Éclairé
18 janvier 2021

"Friday black" de Nana Kwame Adjei-Brenyah

L’histoire : Le procès d’un Blanc accusé du meurtre effroyable de cinq enfants noirs (et qui sera acquitté), le parcours d’un jeune qui tente de faire diminuer son "degré de noirceur" pour décrocher un emploi, le quotidien d’un vendeur de centre commercial confronté à des clients devenus zombies, ou celui des employés d’un parc d’attractions faisant du racisme ordinaire une source de divertissement.

 

La critique de Mr K : Première chronique d’un recueil de nouvelles américaines cette année avec ce très bon ouvrage de Nana Kwame Adjei-Brenyah qui livre avec Friday black un premier livre prometteur. Puissant dans le contenu, gouleyant et frappant à la fois par la forme, on passe un très bon moment dans des univers étranges, dérangeants où le lecteur se raccroche à ce qu’il peut ! Autant vous le dire de suite : cet ouvrage est différent. Pas forcément évident à pénétrer, il faut pour cela s'autoriser un moment d’adaptation... mais quand on y arrive, qu’on se donne les moyens de rentrer dans les textes, je peux vous dire qu’on s’en souvient !

 

Ce recueil se compose de douze récits qui vont de quelques pages à des textes plus longs. Mêlant les genres entre dystopie, fantastique, contemporain parfois et un ton cynique bien souvent. À travers des situations parfois ubuesques, un parc d’attraction mettant en scène des massacres, un black friday bien trash où c’est chacun pour soi, l’acquittement d’un tueur d’enfants ou un jeune homme noir qui essaie sans succès de baisser sa négritude entre autres, l’auteur nous donne à lire des textes bien borderlines où la langue est au service de l’engagement et de la dénonciation.

 

Il ne faut pas s’y tromper, cet ouvrage est avant tout une critique bien sentie de l’Amérique contemporaine, à commencer par la logique raciale qui s’impose dans beaucoup de pans de la société. Ce n’est pas nouveau, l’Histoire US est jalonnée de références aux castes / groupes humains et au souvenir bien présent de l’esclavage puis des ségrégations sudistes ou encore celui du génocide des amérindiens. Les USA se sont construits sur ces antagonismes et l’arrivée de Trump au pouvoir a exacerbé de nouveau ces tensions souvent en dormance. Ces nouvelles, même si elles ne se situent pas vraiment à notre époque ou dans notre dimension parfois, ne sont qu’un miroir légèrement déformé de la société américaine. Qu’il est parfois dur de vivre sa vie quand on est noir, déshérité, en quête de travail ou tout simplement en quête d’égalité et de reconnaissance ! C’est aussi à l’occasion de la nouvelle éponyme de dénoncer la folie rampante qui nous guette dans notre société de consommation, ce texte est vraiment fort et emporte largement la palme de la nouvelle la plus glaçante et jubilatoire à la fois du recueil.

 

C’est avec une grande finesse et une langue acérée et poétique que Nana Kwame Adjei-Brenyah partage ces situations qui prennent tout leur sens au fil de la lecture. Il faut creuser, s’attarder parfois sur des passages pour les goûter, s’en imprégner et finalement en découvrir toute la portée. Cela demande de l’attention, du calme, une volonté de se jeter intégralement dans le texte. C’est parfois âpre je vous l’avoue, certains textes ont du m’échapper (cela demanderait presque une deuxième lecture) mais on peut dire que l’on se trouve vraiment devant quelque chose de neuf et de brillant. Difficile donc d’en dire plus sans déflorer le mystère et les qualités de ce recueil à part et qui comblera les amateurs de nouvelles qui dérangent et font réfléchir. L’année 2021 débute vraiment bien !

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Commentaires
C
Je l'ai terminé il y a peut et quelle lecture ! certaines nouvelles mériteraient de devenir des romans à part entière, une formidable découverte que cet auteur.
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