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Le Capharnaüm Éclairé
24 novembre 2020

"La Ligue des héros" de Xavier Mauméjean

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L’histoire : 1898 : Londres. L’Angleterre victorienne est en proie aux agressions de Peter Pan et des créatures du Pays de Nulle Part. Pour faire face à la menace, Sir Baycroft crée La Ligue des héros et recrute les meilleurs : Lord Kraven, English Bob, Lord Africa ou le Maître des détectives. Ils mènent ainsi une lutte sans fin contre les ennemis issus du peuple imaginaire.

1969 : banlieue de Londres. Un vieil homme est ramené dans sa famille par deux blouses blanches. D’où vient-il ? Qu’a-t-il fait ces dernières années ? Nul ne le sait. Jusqu’au jour où disques de rock et lectures de comics lui font redécouvrir l’aventure, l’héroïsme, l’honneur... et quelques souvenirs.

Entre merveilleux et réalité, entre steampunk et uchronie, les deux destins se rejoindront dans un tourbillon d’intrigues et de personnages savoureux.

La critique de Mr K : Chronique d’une superbe lecture aujourd’hui avec La Ligue des héros de Xavier Mauméjean, un auteur que j’adore et que je n’ai malheureusement pas pu voir cette année aux Utopiales à cause du contexte que l’on ne connaît que trop bien. Avant le reconfinement, nous sommes partis voir la grand-mère de Nelfe dans son havre de paix, perdu au milieu de la campagne périgourdine. Il me fallait emmener avec moi un ouvrage séduisant, propice à l’évasion et à la délectation littéraire. On peut dire que j’ai fait un choix fort judicieux avec un ouvrage virevoltant à souhait entre intrigues tortueuses, manipulations historiques délectables et langue toujours aussi érudite et jubilatoire.

Rien ne va plus sur Terre en cette fin du XIXème siècle depuis l’invasion venue du pays de Nulle part menée par Peter Pan. Les êtres imaginaires débarquent et font régner le chaos, poussés par un leader aussi juvénile que soupe au lait. Pour contrer cette menace plus que redoutable, un lord anglais haut placé décide de créer La Ligue des héros, sorte d’association d’êtres exceptionnels sensés nous protéger et apporter la paix à un monde qui en a bien besoin. En parallèle en 1968, on suit la destinée d’un vieillard anonyme qui semble un peu paumé et que l’on confie à sa famille. Rien ne semble le lier à l’univers fantastique précédemment décrit... et pourtant ! Plus la lecture avance, plus l’ensemble gagne en cohésion, les révélations surprenantes voire tétanisantes se succèdent pour mener à une conclusion renversante qui m’a totalement chamboulé.

Difficile d’en dire beaucoup plus, le spoiler ne serait jamais loin. Sachez simplement que le contenu est foisonnant et que l’on alterne l’aventure à l’état pur avec des passages bien prenants où le rythme se dispute aux péripéties les plus délirantes, des passages plus uchroniques où l’auteur s’amuse à faire dévier la trajectoire du temps bouleversée par l’arrivée d’êtres venus d’ailleurs, mais aussi des focus sur les tractations en jeu entre une impératrice qui a troqué son pouvoir contre une longévité accrue, des luttes d’influence entre factions rivales (on retrouve les traditionnels humains confrontés aux garçons perdus, les pirates et les peaux rouges). C’est très dense, parfois étourdissant même. Il faut accepter pour cela de se laisser balader un peu à l’aveugle mais rassurez-vous tout est savamment orchestré pour nous emmener vers une vérité qui éclaire tout et fait frissonner. Personnellement, je n'ai rien vu venir et j’aime tout particulièrement ça. Je ne m’y attendais pas du tout et cela devient rare de nos jours en matière de lecture donc bravo à l’auteur.

Il y a énormément de références dans cet ouvrage et elles font régulièrement le bonheur du lecteur. Xavier Mauméjean évoque et invoque tour à tour l’œuvre de James Matthew Barrie (l’auteur de Peter Pan) pour l’irruption de ses créatures, Sir Conan Doyle pour l’aspect policier / déduction avec un membre de la ligue qui se rapproche du locataire de Baker Street dans son esprit. Il y a aussi toute une filiation avec la culture des pulps, littérature populaire qui a fait les joies des amateurs à l’époque avec des personnages au premier abord caricaturaux qui se révèlent au final bien plus fins qu'il n’y paraissent de prime abord car comme le dit Mauméjean à la page 232 : "Savez-vous pourquoi l’équipe ne s’appelle pas "Compagnie des justiciers courtois" ou "Escadron des généreux gentlemen" ? Parce qu’il faut des héros. C’est-à-dire des hommes sans scrupule, capables de commettre des actes que tout le monde feint d’ignorer. Des missions indignes, qu’un écrivain romantique enjolivera plus tard pour en faire des actions d’éclat, nobles et chaleureuses. Il en a toujours été ainsi." Moi qui ne suis pas fan des films et productions Marvel (bien trop lisses et sans surprises à mes yeux quand on a dépassé 15 ans), j’ai donc été conquis par ces personnages hors norme qui s’avèrent complexes dans leur développement et parfois totalement surprenants. Là encore c’est un point de plus dans la balance d’une lecture vraiment épatante qui mêle de surcroît des références plus contemporaines comme Moorcock, Orwell et Christopher Moore. Oui, rien que ça !

Ce recueil qui regroupe deux romans, des nouvelles et des "ajouts temporels" de bon aloi est donc un joyeux bazar qui mêle différents genres avec une réussite de tous les instants. À la frontière du fantastique, de l’uchronie et de la rétro-SF, voila un livre qui ne se laisse jamais dépasser par ses ambitions, qui oscille entre le fun et l’humour mais passe aussi parfois par des abysses ténébreuses saisissantes à souhait. Derrière un aspect foutraque, on retrouve la plume si incisive et juste de l’auteur quand il s’agit d’explorer la psyché humaine. On dévore littéralement cette œuvre à moins que ce soit elle qui le fasse sans que l’on s’en rende compte... On retrouve le style si plaisant et renversant d’un auteur vraiment à part et qui se livre ici avec virtuosité à un exercice de style complètement barré et qui emporte tout avec lui. À lire absolument pour tous les amateurs des genres suscités, le voyage est incroyable et à nul autre pareil !

Lus, appréciés et chroniqués du même auteur au Capharnaüm Éclairé :
- La Société des faux visages
- La Vénus anatomique
- Kafka à Paris
Poids mort
Ganesha
American gothic
Lilliputia

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Commentaires
E
du coup je le note pour Peter Pan (une lecture terrible si on lit le vrai Peter Pan pas celui de Disney il est super méchant) et Christopher Moore !
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W
Encore une fois Xavier Mauméjean semble avoir écrit quelque chose de très bon. C'est étrange car je ne vais jamais spontanément vers ses oeuvres sans doute à cause de Ganesha qui m'avait fortement dérouté. J'ai lu aussi Rosée de feu que j'ai trouvé excellent et là ta chronique me donne bien envie.
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